Tertulien, Apologétique 15

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CHAPITRE XV

1 Les autres inventions bouffonnes font même servir à vos divertissements le déshonneur des dieux. Voyez les élégantes bouffonneries des Lentulus et des Hostilius: est-ce des mimes ou de vos dieux que vous riez en entendant ces plaisanteries, en voyant les tours qu'on leur joue? C'est « Anubis adultère », et « La Lune homme », et « Diane battue de verges », et « L'ouverture du testament de feu Jupiter », et « Les trois Hercules affamés tournés en ridicule ». 2 Les pièces jouées par les pantomimes montrent aussi toutes les turpitudes de vos dieux. Le Soleil pleure son fils précipité du ciel, et cela vous divertit; Cybèle soupire pour un berger dédaigneux, et vous n'en rougissez pas; vous supportez qu'on chante les aventures de Jupiter et que Junon, Vénus et Minerve aient un berger pour juge. 3 Et quand l'image de votre dieu revêt une tête ignominieuse et infâme, quand c'est un corps impur et dressé à cet art par une vie efféminée qui représente une Minerve ou un Hercule, là majesté divine n'est-elle pas violée et la divinité n'est-elle pas outragée? Et vous applaudissez!
4 Vous êtes plus religieux, sans doute, dans l'amphithéâtre, où l'on voit également vos dieux danser dans le sang humain, sur les restes souillés des suppliciés, car ils fournissent aux criminels des thèmes et des sujets, à moins que les criminels n'y jouent même au naturelle personnage de vos dieux. 5 Nous avons vu naguère nous-même Attis mutilé ,ce dieu fameux de Pessinonte, et un autre, qui jouait Hercule, brûlé vif. Nous avons vu aussi, dans les intermèdes cruels de midi, de Mercure qui éprouvait les morts avec le fer rouge; nous avons vu encore le frère de Jupiter, armé d'un marteau, emmener les cadavres des gladiateurs. 6 Tous ces spectacles et ceux qu'aujourd'hui encore on pourrait trouver, s'ils jettent bas le faîte de la majesté divine, tirent leur origine du mépris de ceux qui les représentent et de ceux pour qui on les représente.
7 Mais, soit, ce ne sont là que des jeux! Si j'ajoutai. (ce que vos consciences ne désavoueront pas) que c'est dans les temples que se concertent les adultères, que c'est entre les autels que se traitent les marchés infâmes, que c'est le plus souvent dans les cellules mêmes des gardiens du temple et des prêtres, sous les bandelettes, les bonnets et la pourpre, que la passion s'assouvit, tandis que l'encens brûle; si j'ajoute tout cela, je me demande si vos dieux n'ont pas plus à se plaindre de vous que des chrétiens. Ce qui est sûr, c'est que, si l'on prend sur le fait des sacrilèges, ils sont des vôtres; car les chrétiens ne fréquentent pas vos temples, même le jour. Il est vrai que, s'ils honoraient ces temples, ils les dépouilleraient peut-être, eux aussi.
8 Qu'adorent-ils donc, ceux qui n'adorent pas de pareils dieux? Il est facile de comprendre qu'ils adorent la vérité, ceux qui n'adorent pas le mensonge, et qu'ils ne vivent plus dans l'erreur. Comprenez d'abord cela et puis écoutez toute l'ordonnance de notre religion; mais auparavant, je vais réfuter les opinions fausses que vous en avez.

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CHAPITRE XVI

1 Donc, avec certain de vos auteurs, vous avez rêvé qu'une tête d'âne était notre dieu. C'est Cornélius Tacite qui est l'auteur de ce soupçon. 2 En effet, dans le quatrième livre de ses Histoires, qui traite de la guerre des Juifs, il remonte à l'origine de cette nation et, sur l'origine même, sur le nom et la religion de ce peuple, il expose tout ce qu'il lui plait. Puis il raconte que les Juifs, délivrés du joug de l'Egypte ou, comme il le pense, exilés de ce pays, furent tourmentés par la soif dans les déserts de l'Arabie, tout à fait dépourvus d'eau. Prenant pour guides des ânes sauvages, qui, croyaient- ils, allaient chercher à boire, au sortir du pâturage, ils auraient trouvé des sources. Par reconnaissance pour ce service, ils auraient consacré la figure d'un animal semblable. 3 Et voilà, je pense, d'où l'on a conclu que, nous autres, étant apparentés à la religion juive, nous sommes initiés au culte de la même idole. Cependant ce même Tacite, si fertile en mensonges, rapporte encore, dans la même histoire, que Gnaeus Pompée, ayant pris Jérusalem, entra dans le temple pour surprendre les mystères de la religion juive, mais qu'il n'y trouva aucun simulacre. 4 Et pourtant, si l'objet du culte des Juifs avait été une image quelconque, c'est dans le sanctuaire qu'ils l'auraient exposée plutôt que partout ailleurs, d'autant que leur culte, tout vain qu'il pût être, n'avait pas à craindre les témoins étrangers. En effet, il n'était permis qu'aux prêtres d'entrer dans le sanctuaire, et un voile déployé en dérobait la vue aux autres. 5 Quant à vous, vous ne nierez pas que vous n'adoriez toutes les bêtes de somme et les chevaux tout entiers, avec leur Epone. Voici peut-être pourquoi on trouve à redire chez les chrétiens c'est que, parmi les adorateurs de bêtes de toute espèce, nous n'adorions que les ânes.
6 Quant à celui qui croit que nous rendons un culte à une croix, il sera, lui aussi, notre coreligionnaire. Quand un morceau de bois est adoré, peu importe, l'aspect qu'il nous présente, puisque la qualité de la matière est la même; peu importe la forme du bois, si le bois lui- même est censé le corps d'un dieu. Et d'ailleurs, quelle différence y a-t-il entre le montant d'une croix et Pallas d'Athènes et Cérès de Pharos, qui sont exposés aux regards du public, sans image, sous la figure d'un pieu grossier et d'un informe morceau de bois? 7 Tout morceau de bois, qui est fixé dans une position verticale, est une partie de la croix. Après tout, si nous adorons une croix, nous adorons le dieu entier. Nous avons dit plus haut qu'à leur origine vos dieux sont ébauchés par les modeleurs au moyen d'une croix, Mais vous adorez aussi les Victoires, bien que dans les trophées il y ait des croix, celles qui forment les entrailles des trophées. 8 Toute la religion militaire des Romains révère les enseignes ,j ure par les enseignes, met les enseignes au-dessus de tous les dieux. Toutes ces images dont vous ornez les enseignes, sont la parure des croix; les voiles de vos étendards et de vos bannières sont le vêtement des croix. Je loue votre goût vous n'avez pas voulu consacrer des croix nues et sans ornements.
9 D'autres, se faisant de nous une idée plus humaine et plus vraisemblable, croient que le soleil est notre dieu. Si cela est, on nous rangera parmi les Perses, bien que nous n'adorions pas le soleil peint sur une toile, ayant partout le soleil lui-même dans la voûte céleste. 10 Pour en finir, l'origine de ce soupçon, c'est le fait bien connu que nous nous tournons vers l'Orient pour prier. Mais beaucoup d'entre vous, affectant parfois d'adorer, eux aussi, les choses célestes, se tournent vers le soleil levant, en remuant les lèvres. 11 De même, si nous donnons à la joie le jour du soleil pour une tout autre raison que pour rendre un culte au soleil, nous ne faisons que suivre en cela ceux d'entre vous qui vouent le jour de Saturne à l'oisiveté et aux festins, et qui s'écartent d'ailleurs aussi de la coutume juive, qu'ils ignorent.
12 Mais récemment on a publié dans cette ville une représentation nouvelle de notre Dieu: un scélérat, qui se loue pour exciter les bêtes fauves, a exposé en public un tableau avec cette inscription s Le dieu des chrétiens, race d'âne. » Ce dieu avait des oreilles d'âne, un pied de corne, portait un livre à la main et était vêtu de la toge. Nous avons ri, et du nom et de la figure.13 Mais vraiment nos adversaires auraient dû à l'instant adorer ce dieu à double forme, puisqu'ils ont accueilli des divinités avec des têtes de chien et de lion, avec des cornes de chèvre et bélier, boucs depuis les reins, serpents depuis les cuisses, portant des ailes aux pieds et au dos. 14 J'ai dit tout cela sans qu'il en fût besoin, ne voulant pas sciemment négliger de réfuter un seul des reproches que nous fait la renommée. Nous allons maintenant nous tourner vers l'exposé de notre religion et nous achèverons de nous justifier de toutes ces calomnies.

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CHAPITRE XVII

1 Ce que nous adorons, c'est un Dieu unique, qui, par sa parole qui commande, par son intelligence qui dispose, par sa vertu qui peut tout, a tiré du néant toute cette masse gigantesque avec les éléments, les corps, les esprits qui la composent, pour servir d'ornement à sa majesté: c'est aussi pourquoi les Grecs ont donné au monde un nom qui signifie ornement ( kodmov ). 2 Dieu est invisible, bien qu'on le voie; il est insaisissable, bien que sa grâce nous le rende présent; incompréhensible, bien que nos facultés puissent le concevoir: c'est ce qui prouve sa vérité et sa grandeur. Les autres choses qu'on peut voir, saisir, comprendre à la manière ordinaire, sont inférieures aux yeux qui les voient, aux mains qui les touchent, aux sens qui les découvrent. 3 Mais ce qui est infini n'est parfaitement connu que de soi-même. Ce qui fait comprendre Dieu, c'est l'impossibilité de le comprendre l'immensité de sa grandeur le dévoile et le cache tout à la fois aux hommes. Et toute leur faute consiste à ne pas vouloir connaître celui qu'ils ne sauraient ignorer.
4 - 5 Voulez-vous que nous prouvions l'existence de Dieu par ses ouvrages, si nombreux et si beaux, qui nous conservent, qui nous soutiennent, qui nous réjouissent, par ceux-mêmes qui nous effraient, par le témoignage même de l'âme, qui, bien qu'à l'étroit dans la prison du corps, bien que pervertie par une éducation mauvaise, bien qu'énervée par les passions et la concupiscence, bien qu'asservie aux faux dieux, lorsqu'elle revient à elle-même, comme si elle sortait de l'ivresse ou du sommeil, ou de quelque maladie, et qu'elle recouvre la santé, invoque Dieu sous ce seul nom, parce que le vrai Dieu est unique. « Dieu est grand, Dieu est bon! » et « ce qu'il plaira à Dieu », voilà le cri universel. 6 Elle le reconnaît aussi pour juge « Dieu le voit » et « Je me repose sur Dieu » et « Dieu me le rendra ». O témoignage de l'âme naturellement chrétienne ! Et, en prononçant ces paroles, ce n'est pas vers le Capitole qu'elle tourne les yeux, mais vers le ciel. Elle connaît, en effet, le séjour du Dieu vivant c'est de Lui, c'est de là qu'elle est descendue.

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CHAPITRE XVIII

1 Pour que nous puissions acquérir une connaissance plus complète et plus profonde de lui-même, de ses commandements et de ses volontés, il nous a donné par surcroît des monuments écrits, où nous pouvons chercher Dieu, et après l'avoir cherché, le trouver, et après l'avoir trouvé, croire en lui, et après avoir cru en lui, le servir. 2 - 3 En effet, dès l'origine, il a envoyé dans le monde des hommes dignes, par leur justice et par leur innocence, de connaître Dieu et de le faire connaître, des hommes remplis de l'esprit divin, pour annoncer qu'il n'existe qu'un seul Dieu, qui a tout créé, qui a formé l'homme du limon, - car c'est là le vrai Prométhée, qui a distribué le temps en périodes, commençant et finissant suivant des lois invariables, - pour annoncer ensuite quels signes de la majesté de ses jugements il a donnés dans les pluies et les feux du ciel, quelles lois il a établies pour bien mériter de lui, quelles peines ou quelles récompenses il a fixées pour ceux qui les ignorent ou les désertent et pour ceux qui les observent; en effet, à la fin des temps, il viendra juger ses fidèles pour les récompenser de la vie éternelle, et les impies pour les punir par un feu également perpétuel et sans fin, après avoir ranimé, ressuscité et passé en revue tous les hommes, morts depuis le commencement, pour rémunérer chacun suivant son mérite. 4 Il fut un temps où nous riions, comme vous, de ces vérités. Car nous sortons de vos rangs. On ne naît pas chrétien, on le devient.
5 Les prédicateurs dont nous avons parlé sont appelés prophètes à cause de la mission qu'ils avaient de prédire. Leurs paroles et leurs oeuvres, par lesquelles ils prouvaient la divinité de leur mission, sont conservées dans les trésors des Livres Saints, et ceux-ci ne sont pas cachés. Ptolémée, surnommé Philadelphe, roi très savant et très fin connaisseur de tout genre de littérature, rivalisant avec Pisistrate, je pense, par le goût des bibliothèques, réunit beaucoup de livres d'histoire renommés par leur ancienneté ou curieux sous quelque rapport; sur le conseil de Démétrius de Phalère, le plus célèbre des grammairiens de ce temps- là, qu'il avait fait conservateur de sa bibliothèque, il fit aussi demander des livres aux Juifs, à savoir leurs écrits à eux, conçus dans leur langue, qu'ils étaient seuls à posséder. 6 En effet, c'est aux Juifs seuls que les prophètes, qui étaient Juifs eux-mêmes, avaient parlé, au peuple adoptif de Dieu, en vertu de la grâce accordée à leurs pères. On appelait autrefois Hébreux ceux qu'on appelle Juifs maintenant, et c'est pourquoi leur littérature et leur langue s'appellent hébraïques. 7 Mais les Juifs fournirent aussi à Ptolémée le moyen de comprendre ces livres ils lui donnèrent soixante-douze interprètes, que le philosophe Ménéd4me lui-même, rendant ainsi gloire à la Providence, a admirés à cause de l'uniformité de leurs versions. C'est une chose que vous affirme aussi Aristée. 8 C'est ainsi que ces monuments, traduits en langue grecque, sont visibles, aujourd'hui encore, au temple de Sérapis, dans la bibliothèque de Ptolémée, avec l'original hébreu. 9 Les Juifs aussi les lisent publiquement c'est une liberté pour laquelle ils paient un tribut. Partout on va les entendre le jour du sabbat. Quiconque 1es entendra, trouvera Dieu; quiconque s'efforcera de comprendre, sera forcé de croire.

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CHAPITRE XIX

1 L'autorité de ces documents repose donc tout d'abord sur leur haute antiquité. Chez vous aussi, on prouve la crédibilité d'une chose par son antiquité, aussi respectable que la religion. 2 Or, tous les éléments et tous les matériaux, les origines, les dates, le fond même de tous vos écrits les plus anciens, la plupart de vos nations aussi et de vos villes fameuses, les mystères de vos histoires et de vos mémoires, enfin jusqu'aux caractères de l'écriture, ces témoins et ces gardiens des faits, et (car c'est trop peu dire) vos dieux eux-mêmes, vos dieux, je le répète, et vos temples et vos oracles et vos cérémonies - tout cela, dis-je, est surpassé en antiquité par l'écrin qui renferme les livres d'un seul prophète, écrin où est gardé le trésor de la religion juive et par conséquent aussi de la nôtre. 3 Si vous avez entendu le nom d'un Moïse (ne parlons pour le moment que de lui), il est contemporain d'Inachus l'Argien; il est antérieur d'environ quatre cents ans (il n'en manque que sept) à Danaus, qui est, lui, le plus ancien de vos rois; il est antérieur d'environ quatre mille ans au désastre de Priam; je pourrais dire encore qu'il précéda Homère de cinq cents ans de plus, et les auteurs ne me feraient pas défaut. 4 Les autres prophètes sont postérieurs à Moïse, mais les plus récents d'entre eux sont-ils moins anciens que vos sages, vos législateurs et vos historiens ?
5 Nous pourrions prouver tout cela par des calculs chronologiques le travail ne serait pas difficile, mais démesuré, il ne serait pas ardu, mais trop long pour le moment. Il faut, en effet, mettre en oeuvre de nombreux documents et se livrer à de longs calculs sur le bout des doigts; il faut dépouiller les archives des nations les plus anciennes, des Égyptiens, des Chaldéens, des Phéniciens. 6 Il faut consulter ceux de leurs concitoyens qui nous ont fourni ces connaissances, non seulement Manéthon l'Égyptien et Bérose le Chaldéen, mais encore Hieromus le Phénicien, roi de Tyr; et puis aussi leurs successeurs, Ptolémée de Mendès, Ménandre d'Éphèse, Démétrius de Phalère, le roi Juba, Apion, Thallus, et enfin Josèphe le Juif, historien national, qui s'est fait le vengeur des antiquités juives, et tantôt approuve, tantôt réfute les précédents. 7 Il faut aussi conférer les livres sur l'origine des peuples grecs, établir la date des événements, pour expliquer l'enchaînement des temps, chose nécessaire pour éclairer la chronologie. Il faut enfin parcourir les histoires et les livres du monde entier. Et d'ailleurs, nous venons de fournir une partie de la preuve, en indiquant brièvement les moyens de la faire. 8 Mais il vaut mieux l'ajourner, de peur de ne pas l'approfondir en nous pressant, ou de nous écarter trop en voulant approfondir.

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CHAPITRE XX

1 Pour vous dédommager de cet ajournement, nous vous offrons maintenant quelque chose de plus important c'est la majesté des Ecritures. Elle prouvera leur divinité, si leur ancienneté ne la prouve pas, si leur antiquité est mise en doute. Et il ne faut pas chercher longtemps ni loin pour s'en convaincre; vous avez sous les yeux les choses qui vous en instruiront: le monde, le temps et les événements. 2 - 3 Tout ce qui se passe aujourd'hui, était prédit; tout ce que nous voyons, était annoncé. La terre engloutit des villes; les mers submergent des îles; les guerres étrangères et civiles déchirent les peuples; les royaumes heurtent les royaumes; la famine et la peste et tous les désastres locaux et les nombreux cas de mort désolent certains pays; les petits sont élevés et les grands sont abaisses la justice devient rare, l'iniquité devient fréquente, l'amour du bien s'engourdit; les saisons mêmes et les éléments se dérangent et ne remplissent plus leur office; l'ordre de la nature est troublé par des signes néfastes et des prodiges or, toutes ces calamités étaient annoncées d'avance dans les Ecritures. Pendant que nous les souffrons, nous les lisons; pendant que nous les lisons, elles se vérifient. La vérité d'une prophétie est, sans nul doute, une preuve solide de sa divinité. 4 Il en résulte que nous pouvons aussi avoir foi, en toute sûreté, dans les prédictions qui doivent encore se réaliser; car elles sont déjà vérifiées, parce qu'elles ont été faites avec celles qui se vérifient tous les jours. Ce sont les mêmes voix qui retentissent, les mêmes livres qui les notent, le même esprit qui inspire; il n'y a qu'un temps pour le prophète qui prédit l'avenir. 5 Aux yeux des hommes ordinaires, le temps est distingué, pendant qu'il s'écoule, et l'on oppose le présent au futur, et le passé au présent. Quel tort avons-nous, je vous le demande, de .croire à l'avenir, puisque nous avons appris à croire les prophètes en ce qui concerne le passé et le présent?

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CHAPITRE XXI

1 - 2 Mais comme nous venons de déclarer que notre religion est fondée sur les monuments écrits des Juifs qui sont si anciens, alors qu'on sait généralement (et nous en convenons nous-mêmes) qu'elle est elle- même assez récente, puisqu'elle date de l'époque de Tibére, peut-être voudra-t-on discuter, pour ce motif, sa situation et dira-t-on que, sous le couvert d'une religion très fameuse et autorisée par la loi, notre religion cache des idées nouvelles, qui lui sont propres, surtout qu'indépendamment de l'âge, nous ne sommes pas d'accord avec les Juifs pour l'abstinence de certains aliments, ni pour les jours de fête, ni pour le signe physique qui les distingue, ni pour la communauté du nom, -ce qui devrait être, à coup sûr, si nous étions serviteurs du même Dieu. 8 Mais il n'est pas jusqu'au peuple qui ne reconnaisse déjà dans le Christ un homme ordinaire, tel que les Juifs l'ont jugé, de sorte qu'on nous prendra plus facilement pour les adorateurs d'un homme. En vérité, nous ne rougissons pas du Christ, puisque nous sommes fiers de porter son nom et d'être condamnés pour son nom; et pourtant nous n'avons pas de Dieu une autre conception que les Juifs. Il est donc nécessaire que je m'explique en quelques mots sur la divinité du Christ.
4 Les Juifs avaient obtenu auprès de Dieu le privilège de la grâce, à cause de l'insigne justice et de la foi de leurs premiers pères de là, la grandeur de leur race et ha puissance de leur royaume. Ils eurent aussi le bonheur extraordinaire d'entendre la parole de Dieu, qui leur enseignait les moyens de se concilier la faveur de Dieu et les mettait en garde contre tout ce qui l'offense. 5 Mais, enorgueillis par la confiance de leurs pères, ils s'écartèrent de la loi divine d'une manière impie et commirent toutes sortes de prévarications. S'ils ne l'avouaient eux-mêmes, le malheur où ils sont piégés aujourd'hui le prouverait assez. Dispersés, vagabonds, bannis de leur pays, ils errent par toute la terre, n'ayant pour roi ni un homme ni un Dieu, et il ne leur est pas permis de mettre le pied sur le sol de la pairie et de le saluer, même à titre d'étrangers. 6 Les saints oracles, qui leur prédisaient ces malheurs, ne cessaient de leur annoncer en même temps que, dans les derniers temps, Dieu se choisirait, parmi toutes les nations et tous les peuples et dans tous les lieux, des adorateurs beaucoup plus fidèles, sur qui il transporterait sa grâce, et une grâce plus abondante, à cause de leur aptitude à recevoir une doctrine plus complète.
7 Il est donc venu Celui qui, suivant les prophéties, devait venir pour renouveler et mettre en lumière cette doctrine, le Christ, Fils de Dieu. L'auteur et le maître de cette grâce et de cette doctrine, la lumière et le guide du genre humain, était annoncé comme étant le Fils de Dieu; mais il ne fut pas engendré de telle façon qu'il eût a rougir de son nom de fils ou de son origine paternelle. 8 Il n'a pas, Lui, subi l'affront de devoir le jour à l'inceste d'une soeur, au déshonneur d'une fille ou d'une épouse étrangère, et il n'a pas eu pour père un dieu couvert d'écailles, encorné ou emplumé, un dieu changé en pluie d'or, comme l'amant de Danaë. Elles sont de Jupiter, ces infamies indignes d'un dieu et que vous commettez ! 9 D'autre part, le Fils de Dieu n'est pas même né d'un amour impudique; la mère que nous lui voyons n'était pas même mariée. Mais je vais d'abord expliquer sa nature et l'on comprendra le mystère de sa nativité.
10 Nous avons déjà dit que Dieu a créé cet univers que nous voyons, par sa parole, par sa raison et par sa puissance. Vos philosophes sont aussi d'accord pour dire que c'est le logos, c'est à dire « la parole et la raison », qui est l'auteur de l'univers. Zénon le désigne comme l'artisan qui a tout formé et tout disposé; il dit qu'on l'appelle aussi « destin, dieu, âme de Jupiter, nécessité de toutes choses ». Cléanthe réunit tout cela pour l'attribuer à l'« esprit », qui circule, dit-il, à travers tout l'univers. 11 Or, nous aussi, nous regardons la parole et la raison et la puissance, par lesquelles Dieu a tout créé, ainsi que nous l'avons dit, comme une substance propre que nous appelons esprit » la parole est dans cet esprit quand il commande, la raison l'assiste quand il dispose, la puissance y préside quand il réalise. Nous avons appris que Dieu a proféré cet esprit et qu'en le proférant il l'a engendré, et que pour cette raison il est appelé Fils de Dieu et Dieu même à cause de l'unité de la substance; car Dieu aussi est esprit. 12 Quand un rayon est lancé hors du soleil, c'est une partie qui part du tout; niais le soleil est dans le rayon, parce que c'est un rayon du soleil, et que la substance n'est pas divisée, mais étendue. Ainsi l'esprit vient de l'esprit et Dieu de Dieu, comme la lumière qui s'allume à la lumière. Le foyer de la lumière demeure entier et ne perd rien, même s'il communique sa nature par plusieurs canaux. 13 Ainsi, ce qui est sorti de Dieu est Dieu, Fils de Dieu, et les deux ne font qu'un; ainsi l'esprit vient de l'esprit et Dieu de Dieu; il est le second quant à la forme, le second quant au degré, non quant à la nature, et il est sorti de sa source sans s'en être détaché (1).

(1)On a soutenu qu'ici Tertullien se rapprochait du subordinationisme. Voyez Adhémar d'Aléa, p. 69; Tixeront, Histoire des Dogmes, 1, p. 337.

14 Donc ce rayon de Dieu, comme il avait été toujours prédit auparavant, descend dans une Vierge et s'étant incarné dans son sein, il naît homme uni à Dieu. La chair unie à l'esprit se nourrit, croit, parle, enseigne, opère, et voilà le Christ. Acceptez pour le moment cette doctrine, ne fût elle qu'une « fable », semblable aux vôtres, un attendant que je vous montre (v 17 et ch. XXIII, 12 ) comment le Christ est prouvé et quels sont ceux qui ont fait circuler parmi vous des fables comparables à celle-là, pour détruire la vérité. 15 Les Juifs savaient aussi que le Christ devait venir, car c'est à eux que parlaient les prophètes. Et, en effet, aujourd'hui encore ils attendent sa venue, et entre eux et nous il n'y a pas d'autre sujet de contestation plus grand que leur refus de croire qu'il est déjà venu. Car deux avènements du Christ étaient annoncés l'un, qui s'est accompli, dans l'humilité de la condition humaine; l'autre, qui est attendu pour la consommation du siècle, dans la sublime splendeur de la divinité clairement manifestée. Or, ne comprenant pas le premier, ils ont cru que le second était l'unique, et ils l'espèrent toujours, comme étant plus clairement prédit. 16 Par leur péché ils ont mérité, en effet, de ne pas comprendre le premier ils l'auraient cru, s'ils l'avaient compris et ils auraient obtenu le salut, s'ils l'avaient cru. Ils lisent eux-mêmes dans l'Ecriture qu'ils ont été privés, par châtiment, de la sagesse et de l'intelligence, de l'usage des yeux et des oreilles.
17 De son abaissement, ils avaient donc conclu que ce n'était qu'un homme; et naturellement, à cause de sa puissance, ils le prirent pour un magicien en effet, le voyaient, par sa parole, chasser les démons du corps des hommes, rendre la vue aux aveugles, purifier les lépreux, faire marcher les paralytiques, enfin faire revenir les morts à la vie, toujours par sa parole, se faire servir par les éléments, apaisant les tempêtes et marchant sur les eaux, montrant ainsi qu'il était le Verbe de Dieu, c'est-à-dire le Logos, le Verbe éternel, premier-né, accompagné de sa puissance et de son intelligence, soutenu par son esprit, qu'il était celui-là même qui, par sa parole, fait tout et a tout fait. 18 En entendant prêcher sa doctrine, qui confondait les docteurs et les notables des Juifs, ceux-ci étaient exaspérés, surtout qu'ils voyaient une multitude immense se détourner vers lui c'est au point que, finalement, ils le livrèrent à Ponce Pilate, qui gouvernait alors la Syrie au nom des Romains, et par la violence de leurs suffrages ils forcèrent le procurateur à le leur abandonner pour l'attacher à la croix. Lui-même avait prédit qu'ils agiraient ainsi; ce n'est pas assez, les prophètes l'avaient aussi prédit auparavant. 19 Et d'ailleurs, attaché à la croix, il a fait, en subissant cette mort, beaucoup de prodiges qui lui sont propres. En effet, il rendit l'âme de lui-même, en prononçant ses dernières paroles, et prévint l'office du bourreau. Au même instant, le jour fut privé de soleil, qui n'était arrivé qu'au milieu de su course. Ce prodige fut certainement pris pour une éclipse par ceux qui ne savaient pas qu'il avait aussi été prédit pour la mort du Christ. Et pourtant vous le trouvez consigné dans vos archives comme un accident mondial. 20 Alors, les Juifs, après avoir détaché le corps et après l'avoir déposé dans un sépulcre, le firent surveiller avec grand soin par une garde militaire comme il avait prédit qu'il ressusciterait d'entre les morts au troisième jour, ils avaient peur que ses disciples, emportant furtivement le cadavre, ne trompassent leurs soupçons. 21 Mais voici qu'au troisième jour, la terre tremble tout à coup, la pierre énorme placée sur le sépulcre s'écarte, la garde se disperse frappée de frayeur, les disciples ne se montrent pas, et dans le sépulcre on ne trouve rien d'autre que la dépouille d'un tombeau. 22 Néanmoins les notables, qui avaient intérêt à faire croire à un crime et à faire revenir de sa foi un peuple tributaire et placé sous leur dépendance, répandirent le bruit qu'il avait été dérobé par ses disciples. En effet, lui, de son côté, ne parut pas devant la multitude, pour ne pas arracher les impies à l'erreur et aussi pour que la foi, destinée à une si précieuse récompense, coûtât quelque peine aux hommes. 23 Mais il passa jusque quarante jours avec quelques disciples en Gaulée, province de Judée, leur enseignant ce qu'ils devaient enseigner eux-mêmes. Et puis, leur ayant confié la mission de prêcher par toute la terre, enveloppé d'un nuage, il monta au ciel: ascension beaucoup plus vraie que celle que chez vous des Proculus ont coutume d'attribuer aux Romulus.
24 Pilate, qui était lui-même déjà chrétien dans le coeur, annonça tous ces faits relatifs au Christ, à Tibère, alors César. Les Césars eux-mêmes auraient cru au Christ, si les Césars n'étaient pas nécessaires au siècle, ou si les Césars avaient pu être chrétiens en même temps que Césars. 25 Quant aux disciples, se répandant par le monde, ils obéirent au précepte de leur Maître divin; après avoir, eux aussi, beaucoup souffert des Juifs persécuteurs, confiants dans la vérité, ils finirent par semer avec joie le sang chrétien à Rome, pendant la cruelle persécution de Néron. 26 Mais nous vous montrerons que ceux-là mêmes que vous adorez sont des témoins irrécusables du Christ. C'est un grand point, que je puisse alléguer (ch. XXIII, 11 ), pour vous obliger de croire les chrétiens, ceux-là mêmes qui vous empêchent de croire les chrétiens. Pour le moment, voilà l'histoire chronologique de notre religion, voilà l'origine de son nom et de la secte expliquée par leur auteur.
27 Qu'on ne nous reproche plus aucune infamie, qu'on ne s'imagine pas qu'il y a autre chose, car il n'est possible à personne de mentir sur le fait de sa religion. En effet, en disant qu'on adore autre chose que ce qu'on adore, on nie ce qu'on adore et l'on transporte son culte et ses hommages à un autre, et en les transportant, on n'adore plus ce qu'on a renié. 28 Or, nous disons, et nous le disons publiquement, et nous crions, quand nous sommes déchirés par vos tortures et tout sanglants: « Nous adorons Dieu par le Christ. » Croyez-le un homme, si vous voulez c'est par lui et en lui que Dieu veut être connu et adoré. 29 Pour répondre aux Juifs, je dirai que c'est par un homme, par Moise, qu'eux aussi ont appris à adorer Dieu; aux Grecs, je dirai qu'Orphée dans la Piérie, Musée à Athènes, Mélampus à Argos, Trophonius en Béotie ont lié les hommes par des initiations; enfin, pour tourner aussi mes regards vers vous, les maîtres des nations, je vous dirai qu'il fut un homme, ce Numa Pompilius, qui chargea les Romains de si gênantes superstitions. 30 Qu'il soit donc permis au Christ aussi de révéler la divinité, qui lui appartient en propre, non pour rendre humains les hommes encore grossiers et sauvages, en les frappant d'étonnement devant une si grande multitude de dieux à servir, comme a fait Numa, mais pour donner aux hommes déjà polis et trompés par le raffinement même de leur civilisation, des yeux pour reconnaître la vérité. 31 Examinez donc si le Christ est vraiment Dieu. Si sa divinité est telle que sa connaissance ramène les hommes au bien, s'il s'ensuit qu'on renonce à la fausse divinité, surtout quand on a reconnu tout ce principe qui, se cachant sous les noms et les images de morts, ne donne d'autre garantie de sa divinité que certains signes, prodiges et oracles.

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CHAPITRE XXII

1 Et, en effet, nous affirmons qu'il existe certaines substances spirituelles. Et le nom n'est pas nouveau. Les « démons » sont connus des philosophes et Socrate lui-même attendait que son démon manifestât sa volonté. Quoi d'étonnant, puisqu'on dit que, dès son enfance, un démon s'était attaché à lui? C'était, à la vérité, un démon qui le détournait toujours du bien. 2 Ils sont connus de tous les poètes et le vulgaire ignorant lui-même les fait souvent intervenir dans ses imprécations. En effet, le nom de Satan, le prince de cette race perverse, ne le prononce-t-il pas, avec le sentiment naturel d'une intime conviction et avec les mêmes accents de la malédiction? Quant aux « anges », Platon a aussi reconnu leur existence. Les mages mêmes sont là pour attester l'existence des démons et des anges. 3 Mais comment, de quelques anges volontairement pervertis, est née la race plus perverse encore des démons, condamnée par Dieu avec ses auteurs et avec son chef, que nous venons de nommer? C'est ce qui est raconté en détail dans les Livres saints (1).

(1)Erreur de Tertullien et des autres écrivains de son temps (sauf Origène); elle repose sur une fausse interprétation de Gn 6,2.

4 Pour le moment, il suffira de parler de leurs opérations. Elles consistent à perdre l'homme; aussi bien, la malice spirituelle a-t-elle fait ses débuts, dés l'origine, pour la ruine de l'homme. Ainsi donc, ils infligent au corps des maladies et des accidents fâcheux; à l'âme des troubles imprévus et extraordinaires, en usant de violence. Ils ont, pour s'attaquer à l'une et à l'autre substance de l'homme, leur subtilité et leur ténuité. 5 A des puissances spirituelles, il est beaucoup permis aussi, invisibles et impalpables, elles apparaissent plutôt dans leurs effets que dans leur action, soit, par exemple, que je ne sais quel poison d'un souffle invisible détruise les fruits des arbres ou de la terre dans leur fleur, les frappe de mort dans leur germe, les blesse dans leur épanouissement, soit que l'air vicié d'une manière inexplicable répande des miasmes pestilentiels. 6 C'est de même, par une secrète contagion que l'inspiration des démons et des anges opère la corruption de l'esprit en le remplissant de fureurs et de folies affreuses, de passions terribles, d'illusions de tout genre, parmi lesquelles la principale consiste à recommander vos dieux aux esprits trompés et circonvenus, afin de procurer en même temps à eux- mêmes la nourriture qui leur est propre, à savoir la fumée et le sang des victimes offertes aux statues et aux images. 7 Et quelle pâture plus exquise pour eux que de détourner l'homme de la pensée du vrai Dieu par leurs faux prestiges? Et ces prestiges, je vais montrer comment ils les opèrent.
8 Tout esprit a des ailes; les anges et les démons en ont aussi. Donc, en un instant, ils sont partout. La terre entière n'est pour eux qu'un seul lieu; il leur est aussi facile de savoir ce qui se fait et où cela se fait que de l'annoncer. Leur agilité passe pour divinité, parce qu'on ignore leur nature. C'est ainsi que, de temps en temps, ils veulent paraître les auteurs de ce qu'ils annoncent. 9 Et, en réalité, ils sont parfois les auteurs du mal, naturellement, mais jamais du bien. Les décrets mêmes de Dieu, ils les ont appris jadis par les prédictions des prophètes et ils les recueillent aujourd'hui encore en écoutant les lectures qui se font à haute voix. Ils tirent donc de là certains pronostics relatifs à l'avenir et ils contrefont la divinité grâce à ce larcin de la divination. 10 Dans les oracles, avec quelle ingéniosité réussissent-ils à faire concorder leurs équivoques avec les événements? C'est ce que savent les Crésus et les Pyrrhus. D'autre part, si Apollon Pythien put annoncer que Crésus faisait cuire une tortue avec de la viande d'agneau, ce fut par le moyen que j'ai expliqué plus haut en un instant, il avait fait le voyage de Lydie. Habitant l'air, voisins des astres et en contact avec les nuages, les démons peuvent savoir les phénomènes qui se préparent dans le ciel et prédire, par exemple, les pluies, que déjà ils sentent. 11 Dira-t-on qu'ils sont bienfaisants, parce qu'ils s'occupent de guérir les maladies? Ils commencent par nuire, et puis ils prescrivent des remèdes et, pour qu'il y ait miracle, des remèdes extraordinaires ou contraires au mal; après cela, ils cessent simplement de nuire et l'on s'imagine qu'ils sont guéri. 12 A quoi bon disserter plus longtemps sur les autres inventions ingénieuses ou sur la puissance de ces esprits trompeurs? A quoi bon parier des apparitions de Castor et de Pollux, de l'eau portée dans un crible, du navire tiré avec une ceinture, de la barbe devenue rousse par le simple contact? Tous ces prodiges avaient pour but de faire prendre des pierres pour des divinités et d'empêcher la recherche du vrai Dieu.


Tertulien, Apologétique 15