1982 Baptême Eucharistie Ministère

Foi et Constitution Conseil oecuménique des Eglises Lima 1982

Baptême

Eucharistie

Ministère

Convergence de la foi

TEXTE FRANCAIS ETABLI PAR FR. MAX THURIAN


PREFACE

1
Le Conseil oecuménique des Eglises est "une communauté fraternelle d'Eglises qui confessent le Seigneur Jésus- Christ comme Dieu et Sauveur selon les Ecritures et s'efforcent de répondre ensemble à leur commune vocation pour la gloire du seul Dieu, Père, Fils et Saint- Esprit" (constitution). Le Conseil oecuménique est ici clairement défini. Il n'est pas une autorité universelle contrôlant ce que les chrétiens devraient croire et faire. Cependant, après trois décennies seulement, il est déjà devenu une remarquable communauté d'environ trois cents Eglises. Ces Eglises représentent une riche diversité de cultures, de traditions, de liturgies en de nombreuses langues, d'existence sous toutes sortes de systèmes politiques. Mais elles sont toutes engagées dans une étroite collaboration de témoignage chrétien et de service. En même temps, elles luttent ensemble pour atteindre le but de l'unité visible de l'Eglise. La Commission de Foi et Constitution du Conseil oecuménique assure un soutien théologique aux efforts des Eglises vers l'unité. En effet la Commission a été chargée par les membres du Conseil de leur rappeler toujours leur obligation consentie de travailler en vue de la manifestation du don par Dieu de l'unité de l'Eglise, de façon plus visible. C'est pourquoi le but clairement établi de la Commission est de "proclamer l'unité de l'Eglise de Jésus-Christ et d'appeler les Eglises à rendre visible cette unité en une seule foi et une seule communauté eucharistique, s'exprimant dans le culte et la vie commune en Christ, afin que le monde croie" (règlement).

2 Si les Eglises divisées doivent parvenir à l'unité visible qu'elles recherchent, un des préalables essentiels est qu'elles soient en accord fondamental sur le baptême, l'eucharistie et le ministère. Naturellement, donc, la Commission de Foi et Constitution a consacré beaucoup d'attention pour surmonter la division doctrinale sur ces trois thèmes. Durant les cinquante dernières années, la plupart de ses conférences ont eu l'un ou l'autre de ces sujets au centre de leurs discussions. Les trois textes sont le fruit d'un processus de recherche de cinquante ans qui remonte à la première Conférence de Foi et Constitution à Lausanne en 1927. Le matériel a été discuté et révisé par la Commission de Foi et Constitution à Accra (1974), à Bangalore (1978) et à Lima (1982). Entre les rencontres de la Commission plénière, la Commission permanente, et son Comité de travail sur baptême, eucharistie et ministère, sous la présidence de frère Max Thurian, de la Communauté de Taizé, ont poursuivi le travail et la rédaction. Ces textes oecuméniques reflètent également des consultations suivies et une collaboration continue avec les membres de la Commission (approuvés par les Eglises) et les Eglises particulières elles-mêmes. La 5e Assemblée du Conseil oecuménique (Nairobi 1975) a permis l'envoi aux Eglises pour étude d'un premier texte imprimé (série Faith and Order No. 73). Il est très significatif que plus de cent Eglises de toutes les régions et toutes les traditions aient envoyé des commentaires détaillés.
Ceux-ci ont été soigneusement analysés lors d'une consultation à Crêt- Bérard, en 1977 (série Faith and Order No. 84).

3 Conjointement, certains problèmes particulièrement difficiles furent également analysés lors de consultations oecuméniques spéciales tenues sur les thèmes suivants : "Baptême des enfants et des adultes", à Louisville, en 1978 (série Faith and Order No. 97), "Episcopè et épiscopat", à Genève, en 1979 (série Faith and Order No. 102). Le texte a été également revu par des représentants des Eglises orthodoxes, à Chambéry, en 1979. Enfin, la Commission de Foi et Constitution a été autorisée une nouvelle fois, par le Comité central du Conseil oecuménique à Dresden (1981) à transmettre le document révisé (le texte de Lima de 1982) aux Eglises, en leur demandant leur réponse officielle, comme une étape vitale dans le processus oecuménique de réception. Ce travail n'a pas été accompli seulement par Foi et Constitution. Les trois thèmes du baptême, de l'eucharistie et du ministère ont fait l'objet d'une recherche dans beaucoup de dialogues oecuméniques. Les deux principaux types de conversations entre Eglises, le type bilatéral et le type multilatéral, ont prouvé qu'ils étaient complémentaires et mutuellement bénéfiques.

4 Les trois rapports du Forum sur les conversations bilatérales le montrent clairement : "Conceptions de l'unité" (1978), "Consensus sur textes d'accord" (1979), "Autorité et réception" (1980) (série Faith and Order No. 107). En conséquence, la Commission de Foi et Constitution, dans sa propre recherche multilatérale concernant les trois thèmes a essayé de construire autant que possible sur les découvertes particulières des conversations bilatérales. En effet, l'une des tâches de la Commission est d'évaluer le résultat de tous ces efforts particuliers au profit du mouvement oecuménique dans son ensemble. Le témoignage d'Eglises locales qui ont déjà passé par le processus d'union par-delà les divisions confessionnelles a été également important pour le développement de ce texte. Il est important de reconnaître que la recherche de l'union des Eglises locales et la recherche d'un consensus universel sont intimement liées. Peut-être même plus influents que les études officielles sont les changements qui se produisent dans la vie des Eglises elles-mêmes. Nous vivons à un moment crucial dans l'histoire de l'humanité. Tandis que les Eglises progressent vers l'unité, elles se demandent comment leurs compréhensions et pratiques du baptême, de l'eucharistie et du ministère sont en rapport avec leur mission dans et pour le renouveau de la communauté humaine, alors qu'elles cherchent à promouvoir la justice, la paix et la réconciliation. Ce texte donc ne peut être dissocié de la mission rédemptrice et libératrice du Christ par le moyen des Eglises dans le monde moderne. Comme résultat des études bibliques et patristiques, du renouveau liturgique et de la nécessité d'un témoignage commun, une communion fraternelle oecuménique est apparue qui souvent transcende les frontières confessionnelles et dans laquelle les anciennes différences sont vues maintenant dans une lumière nouvelle. Ainsi, bien que le langage de ce texte soit encore très classique, dans l'effort de réconciliation des controverses historiques, il a une intention nettement contemporaine et reliée aux contextes modernes. Cet esprit stimulera certainement beaucoup de reformulations du texte dans les langages variés de notre temps. Jusqu'où ces efforts nous ont-ils conduits? Comme cela est manifeste dans le texte de Lima, nous avons déjà atteint un degré remarquable d'accord. Certainement, nous ne sommes pas encore parvenus complètement à un "consensus" (consentire), compris ici comme cette expérience de vie et d'expression de la foi nécessaire pour réaliser et maintenir l'unité visible de l'Eglise. Un tel consensus est enraciné dans la communion fondée sur le Christ et le témoignage des apôtres. En tant que don de l'Esprit, il se réalise comme une expérience partagée avant de pouvoir être exprimé par des paroles, dans un effort concerté. Un consensus complet ne peut être proclamé qu'après que les Eglises ont atteint le point où elles peuvent vivre et agir ensemble dans l'unité. Sur le chemin vers le but de leur unité visible, cependant, les Eglises auront à passer par diverses étapes. Elles ont été bénies à nouveau par l'écoute mutuelle et le retour, accompli ensemble, aux sources premières, c'est-à-dire à "la Tradition de l'Evangile attestée dans l'Ecriture, transmise dans et par l'Eglise, par la puissance du Saint- Esprit" (Conférence mondiale de Foi et Constitution, 1963). En abandonnant les oppositions du passé, les Eglises ont commencé à découvrir de nombreuses convergences pleines de promesses dans des convictions et des perspectives qu'elles partagent. Ces convergences donnent l'assurance que malgré beaucoup de diversité dans l'expression théologique, les Eglises ont beaucoup en commun dans leur compréhension de la foi. Le texte qui en résulte tend à devenir partie du reflet fidèle et suffisant de la Tradition chrétienne sur des éléments essentiels de la communion chrétienne. Dans le processus d'une croissance commune, avec une confiance mutuelle, les Eglises doivent développer ces convergences doctrinales, étape par étape, jusqu'à ce qu'elles soient capables finalement de déclarer ensemble qu'elles vivent en communion les unes avec les autres, dans la continuité avec les apôtres et avec les enseignements de l'Eglise universelle. Ce texte de Lima représente les convergences théologiques significatives que Foi et Constitution a discernées et formulées. Ceux qui savent combien les Eglises ont divergé dans la doctrine et la pratique du baptême, de l'eucharistie et du ministère, peuvent apprécier l'importance de la mesure d'accord enregistrée ici. Pratiquement toutes les confessions traditionnelles sont incluses dans la participation à la Commission. Que des théologiens de traditions aussi fortement différentes puissent être capables de parler avec une telle harmonie sur le baptême, l'eucharistie et le ministère est un fait sans précédent dans le mouvement oecuménique moderne. Il faut noter avec une attention particulière le fait que la Commission comprend également parmi ses membres de plein droit des théologiens de l'Eglise catholique romaine et d'autres Eglises qui n'appartiennent pas au Conseil oecuménique des Eglises lui-même. Au cours d'une évaluation critique, l'intention première de ce texte oecuménique doit être bien présente à l'Esprit. Le lecteur ne doit pas s'attendre à y trouver un exposé théologique complet sur le baptême, l'eucharistie et le ministère. Ce ne serait ni approprié, ni désirable. Le texte d'accord se concentre intentionnellement sur les aspects du thème qui sont directement ou indirectement en rapport avec les problèmes de la reconnaissance mutuelle conduisant à l'unité. Le texte principal montre les domaines de convergence théologique majeure; les commentaires qui s'y ajoutent indiquent soit des différences historiques surmontées, soit des points controversés qui exigent encore recherche et réconciliation.

5 A la lumière de tous ces développements, la Commission de Foi et Constitution présente maintenant ce texte de Lima 1982 aux Eglises. Nous faisons cela avec une conviction profonde, car nous sommes devenus de plus en plus conscients de notre unité dans le Corps du Christ. Nous avons trouvé une raison de nous réjouir en redécouvrant les richesses de notre héritage commun dans l'Evangile. Nous croyons que le Saint-Esprit nous a conduits jusqu'à ce temps, kairos du mouvement oecuménique, où les Eglises malheureusement divisées ont été rendues capables d'arriver à des accords théologiques substantiels. Nous croyons que de nombreux progrès significatifs sont possibles si, dans nos Eglises, nous avons suffisamment de courage et d'imagination pour accueillir le don de l'unité que Dieu nous accorde. Comme signe de leur engagement oecuménique, les Eglises sont invitées à rendre possible le plus large engagement du peuple de Dieu, à tous les niveaux de la vie de l'Eglise, dans le processus spirituel de réception de ce texte. Des suggestions particulières en relation avec l'usage de ce texte dans le culte, le témoignage et la réflexion des Eglises sont données en appendice. La Commission de Foi et Constitution invite maintenant respectueusement toutes les Eglises à préparer une réponse officielle à ce texte, à un niveau d'autorité approprié le plus élevé, soit un Conseil, soit un Synode, soit une Conférence, soit une Assemblée ou toute autre institution. Pour favoriser le processus de réception, la Commission voudrait connaître aussi précisément que possible : - jusqu'à quel point votre Eglise peut reconnaître dans ce texte la foi de l'Eglise à travers les siècles; - les conséquences que votre Eglise peut tirer de ce texte pour ses relations et dialogues avec d'autres Eglises, particulièrement avec les Eglises qui reconnaissent aussi le texte comme une expression de la foi apostolique; - les indications que votre Eglise peut recevoir de ce texte en ce qui concerne sa vie et son témoignage au plan du culte, de l'éducation, de l'éthique et de la spiritualité; - les suggestions que votre Eglise peut faire pour la suite du travail de Foi et Constitution, en ce qui concerne le rapport entre le matériel de ce texte sur le baptême, l'eucharistie et le ministère et son projet de recherche à long terme sur "L'expression commune de la foi apostolique aujourd'hui ".

6 Notre intention est de comparer toutes les réponses officielles reçues, de publier les résultats et d'analyser les implications oecuméniques pour les Eglises, lors d'une future Conférence mondiale de Foi et Constitution. Toute réponse à ces questions devrait être envoyée avant le 31 décembre 1984 au secrétariat de Foi et Constitution, Conseil oecuménique des Eglises, 150 route de Ferney, 1211 Genève 20, Suisse.

William H. Lazareth Nikos Nissiotis
Directeur du Secrétariat Modérateur de la
de Foi et Constitution Commission de Foi
et Constitution


N.B. On veillera à bien distinguer le texte principal réparti en paragraphes précédés d'un chiffre, et le commentaire, qui a pour but d'éclairer le texte principal, mais sur lequel les Eglises n'ont pas à se prononcer.

* veuillez noter que la numérotation des chapîtres suit la règle suivante le chiffre correspondant à la partie se trouve placée avant les numéros de chapîtres du document original exemple : 101 indique que vous êtes dans la chapitre 1 de la première partie du document. Le document comporte 3 volets constitués des éléments du titre du document à savoir : Baptême (partie 1), Eucharistie (partie 2) et Ministère (partie 3).

BAPTEME


I. L'INSTITUTION DU BAPTEME

101 Le baptême chrétien est fondé dans le ministère de Jésus de Nazareth, dans sa mort et sa résurrection. Il est incorporation en Christ, le Seigneur crucifié et ressuscité; il est entrée dans l'Alliance nouvelle entre Dieu et son peuple. Le baptême est un don de Dieu et il est conféré au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Saint Matthieu rapporte que le Seigneur ressuscité, en envoyant ses disciples dans le monde, leur ordonna de baptiser (Mt 28,18-20). La pratique universelle du baptême par l'Eglise apostolique, depuis les premiers jours, est attestée dans les lettres du Nouveau Testament, les Actes des apôtres et les écrits des Pères. Les Eglises aujourd'hui continuent cette pratique comme un rite d'engagement à l'égard du Seigneur, qui répand sa grâce sur son peuple.

II. LA SIGNIFICATION DU BAPTEME

102 Le baptême est le signe de la vie nouvelle en Jésus- Christ. Il unit le baptisé avec le Christ et son peuple. Les Ecritures du Nouveau Testament et la liturgie de l'Eglise développent la signification du baptême, en utilisant des images variées, exprimant les richesses du Christ et les dons de son salut. Ces images sont parfois en relation avec les usages symboliques de l'eau dans l'Ancien Testament. Le baptême est participation à la mort et à la résurrection du Christ (Rm 6,3-5 Col 2,12); purification du péché (1Co 6,11); nouvelle naissance (Jn 3,5); Illumination par le Christ (Ep 5,14); changement de vêtement en Christ (Ga 3,27); renouvellement par l'Esprit (Tt 3,5); expérience de délivrance à travers les flots de la destruction (1P 3,20-21); sortie de l'esclavage (1Co 10,1-2); libération en vue d'une nouvelle humanité dans laquelle sont dépassées les barrières entre les sexes, les races et les situations sociales (Ga 3,27-28 1Co 12,13). Les images sont nombreuses mais la réalité est une.

A - Participation à la mort et à la résurrection du Christ

103 Le baptême signifie une participation à la vie, à la mort et à la résurrection de Jésus-Christ. Jésus est descendu dans le Jourdain et a été baptisé, en solidarité avec les pécheurs, afin d'accomplir toute justice (Mt 3,15). Ce baptême a conduit Jésus sur le chemin du Serviteur souffrant, manifesté par sa passion, sa mort et sa résurrection (Mc 10,38-40 Mc 10,45). Par le baptême les chrétiens sont plongés dans la mort libératrice du Christ, où leurs péchés sont ensevelis, où le " vieil Adam " est crucifié avec le Christ et où le pouvoir du péché est brisé. Ainsi, les baptisés ne sont plus esclaves du péché, mais libres. Totalement assimilés à la mort du Christ, ils sont ensevelis avec lui et ressuscitent, ici et maintenant, à une vie nouvelle dans la puissance de la résurrection de Jésus- Christ, confiants d'être aussi un jour unis à lui dans une résurrection semblable à la sienne (Rm 6,3-11 Col 2,13 Col 3,1 Ep 2,5-6).

B - Conversion, pardon, purification

104 Le baptême, qui fait participer les chrétiens au mystère de la mort et de la résurrection du Christ, implique la confession du péché et la conversion du cour. Déjà le baptême donné par Jean était un baptême de conversion en vue du pardon des péchés (Mc 1,4). Le Nouveau Testament souligne les implications éthiques du baptême en le représentant comme une ablution qui lave le corps avec une eau pure, une purification du coeur de tout péché et un acte de justification (He 10,22 1P 3,21 Ac 22,16 1Co 6,11). Ainsi, les baptisés sont pardonnés, purifiés et sanctifiés par le Christ; ils reçoivent une nouvelle orientation éthique, sous la conduite du Saint-Esprit, qui fait partie de leur expérience baptismale.

C - Don de l'Esprit

105 Le Saint-Esprit est à l'oeuvre dans les vies avant, pendant et après le baptême. C'est le même Esprit qui a révélé Jésus comme le Fils (Mc 1,10-11) et qui a donné sa puissance aux disciples ainsi que l'unité, à Pentecôte (Ac 2). Dieu répand sur chaque baptisé l'onction du Saint Esprit promis, il les marque de son sceau et met dans leur coeur l'acompte de leur héritage comme enfants de Dieu. Le Saint Esprit nourrit la vie de la foi dans leur coeur, jusqu'à la délivrance finale où ils prendront possession de leur héritage, à la louange de la gloire de Dieu (2Co 1,21-22 Ep 1,13-14).

D - Incorporation dans le Corps du Christ

106 Célébré en obéissance à notre Seigneur, le baptême est un signe et un sceau de notre engagement commun de disciples.
A travers leur propre baptême, les chrétiens sont conduits à l'union avec le Christ, avec chacun des autres chrétiens et avec l'Eglise de tous les temps et de tous les lieux. Notre baptême commun, qui nous unit au Christ dans la foi, est ainsi un lien fondamental d'unité. Nous sommes un seul peuple et nous sommes appelés à confesser et à servir un seul Seigneur, en chaque lieu et dans le monde entier. L'union avec le Christ que nous partageons par le baptême a des implications importantes pour l'unité chrétienne : " Il y a... un seul baptême, un seul Dieu et Père de tous..." (
Ep 4,4-6). Quand l'unité baptismale est réalisée dans l'Eglise une, sainte, catholique et apostolique, un témoignage chrétien authentique peut être rendu à l'amour de Dieu qui guérit et réconcilie. C'est pourquoi notre unique baptême en Christ constitue un appel aux Eglises, pour qu'elles surmontent leurs divisions et manifestent visiblement leur communion.

COMMENTAIRE
Quand les Eglises sont incapables de reconnaître que leurs pratiques diverses du baptême sont une participation à l'unique baptême, et lorsqu'elles restent divisées malgré leur reconnaissance mutuelle du baptême, elles donnent l'image dramatique d'un témoignage divisé de l'Eglise. Lorsque les Eglises acceptent, en certains lieux et temps, que les différences de sexes, de races, de situations sociales, divisent le Corps du Christ, cela met en question l'authenticité de l'unité baptismale de la communauté chrétienne(Ga 3,27-28) et compromet sérieusement son témoignage. Le besoin de retrouver l'unité baptismale est au coeur du travail oecuménique; il est également central pour vivre une authentique communion au sein des communautés chrétiennes.

E - Signe du Royaume

107 Le baptême ouvre sur la réalité de la vie nouvelle donnée en ce monde. Il fait participer à la communauté du Saint-Esprit. Il est un signe du Royaume de Dieu et de la vie du monde à venir. Grâce aux dons de la foi, de l'espérance et de l'amour, le baptême possède une dynamique qui atteint toute la vie, s'étend à toutes les nations et anticipe le jour où toute langue confessera que Jésus-Christ est le Seigneur à la gloire de Dieu le Père.

III. LE BAPTEME ET LA FOI

108 Le baptême est à la fois le don de Dieu et notre réponse humaine à ce don. Il tend à une croissance vers l'état d'adulte, la taille du Christ dans sa plénitude (Ep 4,13). Toutes les Eglises reconnaissent la nécessité de la foi pour recevoir le salut impliqué et manifesté dans le baptême. L'engagement personnel est nécessaire pour être un membre responsable dans le Corps du Christ.

109 Le baptême ne consiste pas seulement en une expérience momentanée, mais il concerne la croissance de toute une vie dans la communion du Christ. Les baptisés sont appelés à refléter la gloire du Seigneur, à être transfigurés en cette même image, avec une gloire toujours plus grande, par la puissance du Saint-Esprit (Ep 2). La vie du chrétien est nécessairement un combat continuel, mais aussi une continuelle expérience de la grâce. Dans cette relation nouvelle, les baptisés vivent pour le Christ, pour son Eglise et le monde qu'il aime, tout en attendant dans l'espérance la manifestation de la nouvelle création de Dieu et le temps où Dieu sera tout en tous (Rm 8,18-24 1Co 15,22-28 1Co 15,49-57).

110 En croissant dans la vie de la foi, les croyants baptisés manifestent que l'humanité peut être régénérée et libérée. Ils ont la commune responsabilité, ici et maintenant, de rendre témoignage ensemble à l'Evangile du Christ, le libérateur de tous les êtres humains. Le contexte de ce témoignage commun c'est l'Eglise et le monde. Dans cette communion de témoignage et de service, les chrétiens découvrent la pleine signification de l'unique baptême comme don de Dieu à tout son peuple. De même, ils reconnaissent que le baptême en la mort du Christ a des implications éthiques, qui non seulement appellent à la sanctification personnelle, mais aussi engagent les chrétiens à lutter pour que se réalise la volonté de Dieu dans tous les secteurs de la vie (Rm 6,9-15 Ga 3,26-28 1P 2,21-4,6).

IV. LA PRATIQUE DU BAPTEME

A - Baptême des adultes et baptême des enfants

111 Il est possible que le baptême des enfants ait été pratiqué à l'âge apostolique, mais le baptême après une profession de foi personnelle est la forme la plus clairement attestée dans les documents du Nouveau Testament. Au cours de l'histoire, la pratique du baptême s'est développée selon des formes variées. Certaines Eglises baptisent des enfants présentés par des parents ou responsables disposés à les élever, dans et avec l'Eglise, selon la foi chrétienne. D'autres Eglises pratiquent exclusivement le baptême des croyants capables de faire une confession de foi personnelle. Certaines de ces Eglises recommandent que les nouveau-nés ou les enfants soient présentés et bénis au cours d'un service qui comprend habituellement une action de grâces pour le don de l'enfant et aussi l'engagement de la mère et du père à être des parents chrétiens. Toutes les Eglises baptisent des croyants qui, venant d'autres religions ou de l'incroyance, acceptent la foi chrétienne et participent à une instruction catéchétique.

112 Le baptême des adultes et le baptême des enfants ont lieu, l'un et l'autre, au sein de l'Eglise comme communauté de foi. Lorsqu'un croyant responsable est baptisé, une confession de foi personnelle fera partie intégrante du service baptismal. Lorsqu'un enfant est baptisé, la réponse personnelle sera présentée plus tard dans sa vie. Dans les deux cas, le baptisé aura à grandir dans la compréhension de la foi. Dans le cas des baptisés qui confessent personnellement la foi, il y a toujours l'exigence d'une croissance continue de la réponse personnelle dans la foi. Dans le cas des enfants, une confession personnelle est attendue pour plus tard; l'éducation chrétienne est orientée vers le développement de cette confession. Tout baptême est fondé dans la fidélité du Christ jusqu'à la mort et proclame cette fidélité. Il se situe au coeur de la vie et de la foi de l'Eglise, et révèle par le témoignage de toute l'Eglise la fidélité de Dieu, fondement de toute vie dans la foi. A chaque baptême, la communauté tout entière réaffirme sa foi en Dieu et s'engage à procurer au baptisé un environnement de témoignage et de service. Le baptême devrait donc toujours être célébré et développé dans le cadre de la communauté chrétienne.

COMMENTAIRE

Lorsqu'on utilise les expressions "baptême des enfants" et "baptême des adultes", il faut avoir à l'esprit que la réelle distinction est entre ceux qui baptisent à n'importe quel âge et ceux qui baptisent seulement les croyants capables de prononcer eux-mêmes la confession de foi. Il y a moins de différence entre le baptême des enfants et le baptême des adultes, si l'on reconnaît que les deux formes de baptême impliquent l'initiative de Dieu en Christ et expriment une réponse de la foi au sein de la communauté croyante. La pratique du baptême des enfants insiste sur la foi communautaire et la foi que l'enfant partage avec ses parents. L'enfant est né dans un monde brisé et partage cette rupture. Par le baptême, la promesse et l'appel de l'Evangile sont déposés sur l'enfant. La foi personnelle du baptisé et sa participation fidèle à la vie de l'Eglise sont essentielles pour que le baptême porte tous ses fruits. La pratique du baptême des adultes souligne la confession explicite de la personne qui répond à la grâce de Dieu, dans et à travers la communauté de foi, et qui demande le baptême. Les deux formes de baptême exigent une attitude responsable identique concernant l'éducation chrétienne. Une redécouverte du caractère permanent de la formation chrétienne peut faciliter l'acceptation mutuelle de différentes pratiques d'initiation. Dans certaines Eglises qui réunissent les deux traditions du baptême des enfants et du baptême des adultes, il a été possible de considérer comme des alternatives équivalentes pour l'entrée dans l'Eglise, d'une part la forme où le baptême dans l'enfance est suivi plus tard d'une profession de foi, et d'autre part la forme où le baptême d'adultes vient à la suite d'une présentation et bénédiction dans l'enfance. Cet exemple invite d'autres Eglises à décider si, également, elles ne pourraient pas reconnaître des alternatives équivalentes dans leurs relations réciproques et dans les négociations d'union entre Eglises.

113 Le baptême est un acte qui ne peut être répété. Il faut éviter toute pratique qui pourrait être interprétée comme un "re-baptême".

COMMENTAIRE

Des Eglises qui ont insisté sur une forme particulière du baptême, ou qui ont eu de sérieuses questions à propos de l'authenticité des sacrements et des ministères d'autres Eglises, ont parfois demandé à des personnes venant d'autres traditions ecclésiales d'être baptisées avant de devenir pleinement des membres communiants. Puisque les Eglises arrivent à une compréhension mutuelle plus grande et s'acceptent l'une l'autre, puisqu'elles entrent en relations plus étroites de témoignage et de service, elles s'abstiendront de toute pratique qui pourrait mettre en question l'intégrité sacramentelle d'autres Eglises ou atténuer le fait que le sacrement du baptême ne peut être répété.

B - Baptême - Chrismation - Confirmation

114 Dans l'oeuvre de Dieu pour le salut, le mystère pascal de la mort et de la résurrection du Christ est inséparablement lié au don pentecostal du Saint-Esprit. De même, la participation à la mort et à la résurrection du Christ est inséparablement liée à la réception de l'Esprit. Le baptême dans son sens plénier signifie et accomplit l'une et l'autre. Les chrétiens diffèrent dans leur compréhension de la place du signe du don de l'Esprit. La transmission de l'Esprit a été associée à différents gestes. Pour certains, c'est le rite de l'eau lui-même. Pour d'autres, c'est l'onction avec le chrême et (ou) l'imposition des mains que beaucoup d'Eglises appellent confirmation. Pour d'autres encore ce sont les trois, car ils considèrent que l'Esprit agit à travers tout le rite. Tous sont d'accord pour dire que le baptême chrétien est un baptême dans l'eau et dans l'Esprit Saint.

COMMENTAIRE

(a)Dans certaines traditions, on explique que, comme le baptême nous conforme au Christ crucifié, enseveli et ressuscité, ainsi, par la chrismation, les chrétiens reçoivent le don de l'Esprit de la Pentecôte de la part du Fils qui a reçu l'onction.
(b)Si le baptême, comme incorporation au Corps du Christ, tend, par sa nature même, à la communion eucharistique au corps et au sang du Christ, la question se pose de savoir pourquoi un rite séparé peut s'ajouter entre baptême et admission à la communion. Les Eglises qui baptisent des enfants, mais leur refusent la communion à l'eucharistie avant un tel rite, devraient se demander si elles ont pleinement évalué et accepté les conséquences du baptême.
(c)Le baptême doit être sans cesse réaffirmé. La forme la plus naturelle d'une telle réaffirmation est la célébration de l'eucharistie. Le renouvellement des voeux du baptême peut aussi prendre place à certaines occasions, comme à la célébration annuelle du mystère pascal ou lors du baptême d'autres personnes.

C - Pour une reconnaissance mutuelle du baptême

115 Les Eglises sont de plus en plus capables de reconnaître le baptême les unes des autres comme l'unique baptême du Christ, dans la mesure où Jésus Christ a été confessé comme Seigneur par le candidat, ou, dans le cas d'un baptême d'enfant, lorsque cette confession a été faite par l'Eglise (les parents, responsables, parrains, marraines, et la communauté) et affirmée plus tard dans la foi personnelle et l'engagement. La reconnaissance mutuelle du baptême est évidemment un signe important et un moyen d'exprimer l'unité baptismale donnée en Christ. Partout où c'est possible, les Eglises devraient exprimer de manière explicite la reconnaissance mutuelle de leurs baptêmes.

116 Afin de surmonter leurs différences, ceux qui pratiquent le baptême des adultes et ceux qui baptisent les enfants devraient reconsidérer certains aspects de leurs manières de faire. Les premiers devraient chercher à exprimer plus visiblement le fait que les enfants sont placés sous la protection de la grâce de Dieu. Les seconds devraient se garder contre la pratique de baptêmes apparemment sans réflexion préalable et prendre plus au sérieux leur responsabilité dans l'éducation des enfants baptisés en vue d'un engagement adulte pour le Christ.

V. LA CELEBRATION DU BAPTEME

117 Le baptême est célébré avec de l'eau, au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit.

118 Dans la célébration du baptême, la valeur symbolique de l'eau devrait être prise au sérieux et ne pas être minimisée.
L'acte de l'immersion peut exprimer de façon concrète le fait que, dans le baptême, le chrétien participe à la mort, à l'ensevelissement et à la résurrection du Christ.

COMMENTAIRE

Dans certaines traditions théologiques, l'usage de l'eau, toutes ses associations positives avec la vie et la bénédiction, signifient la continuité entre l'ancienne et la nouvelle création, manifestant ainsi la signification du baptême non seulement pour les êtres humains mais aussi pour tout le cosmos. En même temps, l'usage de l'eau représente une purification de la création, une mort à tout ce qui est négatif et destructif dans le monde : ceux qui sont baptisés dans le Corps du Christ sont faits participants d'une nouvelle existence.

119 Comme ce fut le cas dans les premiers siècles, le don de l'Esprit au baptême peut être signifié de manières diverses : par exemple par le signe de l'imposition des mains et par l'onction ou chrismation. Le signe de la croix évoque la marque du sceau de l'Esprit promis, signe eschatologique et acompte de l'héritage final dans le Royaume de Dieu (Ep 1,13-14). La redécouverte de tels signes concrets peut approfondir la liturgie.

120 Dans une liturgie complète du baptême, on devrait trouver au moins les éléments suivants : une proclamation des textes de l'Ecriture se rapportant au baptême; une invocation du Saint-Esprit; une renonciation au mal; une profession de foi au Christ et à la Sainte Trinité; l'usage de l'eau; une déclaration que les personnes baptisées ont acquis une nouvelle identité comme fils et filles de Dieu, et comme membres de l'Eglise, appelés à rendre témoignage à l'Evangile. Certaines Eglises considèrent que l'initiation chrétienne n'est pas complète sans le sceau du Saint- Esprit donné au baptisé et la participation à la communion.

121 Il convient que, dans le cadre du service baptismal, on donne une explication du sens du baptême, conformément à l'Ecriture : participation à la mort et à la résurrection du Christ, conversion, pardon et purification, don de l'Esprit, incorporation dans le Corps du Christ et signe du Royaume.

COMMENTAIRE

Des discussions récentes montrent qu'il faudrait accorder plus d'attention à des malentendus entretenus par le contexte socioculturel dans lequel se situe le baptême.
(a)Dans certaines parties du monde, l'usage de donner un prénom au baptisé au cours de la liturgie baptismale a conduit à la confusion entre baptême et coutumes locales de l'attribution d'un nom. Cette confusion est particulièrement regrettable si, dans des cultures à prédominance non chrétienne, les baptisés doivent recevoir des prénoms chrétiens qui ne sont pas enracinés dans leur tradition culturelle. En élaborant leurs disciplines du baptême, les Eglises devraient être attentives à mettre l'accent sur la vraie signification du baptême pour éviter que les baptisés soient inutilement éloignés de leur culture locale par l'imposition de prénoms étrangers Un prénom reçu de sa propre culture d'origine enracine le baptisé dans cette culture et, en même temps manifeste l'universalité du baptême, incorporation dans l'Eglise une, sainte, catholique et apostolique, qui s'étend sur toutes les nations de la terre.
(b)Dans beaucoup d'Eglises multitudinistes européennes et nord-américaines, on pratique souvent le baptême des enfants apparemment sans aucune discrimination. Cela contribue au peu d'empressement des Eglises pratiquant le baptême des adultes à reconnaître la validité de ce baptême; ce fait devrait conduire à une réflexion plus critique sur la signification du baptême au sein des Eglises multitudinistes elles-mêmes.
(c)Certaines Eglises africaines pratiquent le baptême du Saint-Esprit, sans eau, par l'imposition des mains, tout en reconnaissant le baptême des autres Eglises. Une étude est nécessaire en ce qui concerne cette pratique et sa relation avec le baptême d'eau.

122 Le baptême est normalement célébré par un ministre ordonné, bien que dans certaines circonstances d'autres soient autorisés à baptiser.

123 Puisque le baptême est étroitement lié à la vie communautaire et au culte de l'Eglise, il devrait être célébré pendant un service liturgique public de sorte que les membres de la communauté se rappellent leur propre baptême, accueillent les baptisés dans leur communion fraternelle et s'engagent à les former dans la foi chrétienne. Comme c'était la pratique dans l'Eglise ancienne, les grandes fêtes de Pâques, de Pentecôte et de l'Epiphanie conviennent bien à la célébration du baptême.



1982 Baptême Eucharistie Ministère