1982 Baptême Eucharistie Ministère 123

EUCHARISTIE


I. L'INSTITUTION DE L'EUCHARISTIE

201 L'Eglise reçoit l'eucharistie comme un don de la part du Seigneur. Saint Paul écrivait : " Voici ce que j'ai reçu du Seigneur, et ce que je vous ai transmis : le Seigneur Jésus, dans la nuit où il fut livré, prit du pain, et, après avoir rendu grâce, il le rompit et dit : " Ceci est mon corps, qui est pour vous, faites cela en mémorial (anamnesis) de moi". Il fit de même pour la coupe, après le repas, en disant : "Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang; faites cela, toutes les fois que vous en boirez, en mémorial de moi " (1Co 11,23-25 Mt 26,26-29 Mc 14,22-25; Lc 22,14-20). Les repas que Jésus a partagés durant son ministère terrestre, et dont le récit nous est conservé, proclament et mettent en oeuvre le Royaume tout proche : la multiplication des pains en est un signe. Lors de son dernier repas, la communion du Royaume a été mise en relation avec la perspective des souffrances de Jésus. Après sa résurrection, le Seigneur a manifesté sa présence et s'est fait connaître à ses disciples dans la fraction du pain. Ainsi l'eucharistie est en continuité avec ces repas de Jésus durant sa vie terrestre et après sa résurrection, qui sont toujours des signes du Royaume. Les chrétiens considèrent que l'eucharistie est préfigurée par le mémorial de la délivrance, dans la Pâque d'Israël, libération du pays de servitude, et par le repas de l'Alliance au mont Sinaï (Ex 24). Elle est le nouveau repas pascal de l'Eglise, le repas de la Nouvelle Alliance que le Christ a donné à ses disciples comme le mémorial (anamnesis) de sa mort et de sa résurrection, comme l'anticipation du festin de l'Agneau (Ap 19,9); le Christ a ordonné à ses disciples de faire mémoire de lui et de le rencontrer ainsi, dans ce repas sacramentel, comme peuple de Dieu pérégrinant, jusqu'à son retour. Le dernier repas célébré par Jésus fut un repas liturgique qui utilisait des paroles et des gestes symboliques. En conséquence, l'eucharistie est un repas sacramentel qui, par le moyen de signes visibles, nous communique l'amour de Dieu en Jésus-Christ, l'amour dont Jésus aima les siens " jusqu'à l'extrême " (Jn 13,1). On lui a donné divers noms, par exemple: le repas du Seigneur, la fraction du pain, la sainte cène, la sainte communion, la divine liturgie, la messe. Sa célébration est toujours l'acte central du culte de l'Eglise.

II. LA SIGNIFICATION DE L'EUCHARISTIE

202 L'eucharistie est essentiellement le sacrement du don que Dieu nous fait en Christ par la puissance du Saint- Esprit. Chaque chrétien reçoit ce don du salut par la communion au corps et au sang du Christ. Dans le repas eucharistique, dans l'acte de manger le pain et de boire le vin, le Christ accorde la communion avec lui. Dieu lui-même agit dans l'eucharistie en donnant vie au Corps du Christ et en renouvelant chaque membre de ce corps. Selon la promesse du Christ, chaque baptisé, membre du Corps du Christ, reçoit dans l'eucharistie l'assurance de la rémission des péchés (Mt 26,28) et le gage de la vie éternelle (Jn 6,51-58). Bien que l'eucharistie soit essentiellement un tout, elle sera considérée ici sous les aspects suivants : action de grâce au Père, mémorial du Christ, invocation de l'Esprit, communion des fidèles, repas du Royaume.

A - L'eucharistie comme action de grâce au Père

203 L'eucharistie, qui contient toujours à la fois parole et sacrement, est une proclamation et une célébration de l'oeuvre de Dieu. L'eucharistie est la grande action de grâce au Père pour tout ce qu'il a accompli dans la création, la rédemption et la sanctification, pour tout ce qu'il accomplit maintenant dans l'Eglise et dans le monde malgré le péché des êtres humains, pour tout ce qu'il accomplira en conduisant son Royaume à la plénitude. Ainsi, l'eucharistie est la bénédiction (berakah) par laquelle l'Eglise exprime sa reconnaissance envers Dieu pour tous ses bienfaits.

204 L'eucharistie est le grand sacrifice de louange, par lequel l'Eglise parle au nom de la création tout entière. En effet, le monde que Dieu a réconcilié avec lui-même est présent à chaque eucharistie : dans le pain et le vin, dans la personne des fidèles et dans les prières qu'ils offrent pour eux et pour tous les humains. Le Christ unit les fidèles à sa personne et leurs prières à sa propre intercession, de sorte que les fidèles sont transfigurés et leurs prières acceptées. Ce sacrifice de louange n'est possible que par le Christ, avec lui et en lui. Le pain et le vin, fruits de la terre et du travail des hommes, sont présentés au Père dans la foi et l'action de grâce. Ainsi, l'eucharistie révèle au monde ce qu'il doit devenir : une offrande et une louange au Créateur, une communion universelle dans le Corps du Christ, un royaume de justice, d'amour et de paix dans l'Esprit Saint.

B - L'eucharistie comme anamnèse ou mémorial du Christ

205 L'eucharistie est le mémorial du Christ crucifié et ressuscité, c'est-à-dire le signe vivant et efficace de son sacrifice, accompli une fois pour toutes sur la croix et toujours agissant en faveur de toute l'humanité. La conception biblique du mémorial appliquée à l'eucharistie exprime cette efficacité actuelle de l'oeuvre de Dieu quand elle est célébrée par son peuple sous forme de liturgie.

206 Le Christ lui-même, avec tout ce qu'il a accompli pour nous et pour la création entière (dans son incarnation, sa condition de serviteur, son ministère, son enseignement, sa souffrance, son sacrifice, sa résurrection, son ascension et l'envoi de l'Esprit Saint) est présent dans ce mémorial : il nous accorde la communion avec lui. L'eucharistie est aussi l'avant-goût de son retour et du Royaume éternel.

207 Le mémorial, où le Christ agit à travers la célébration joyeuse de son Eglise, est donc à la fois représentation et anticipation.
Le mémorial n'est pas seulement un rappel du passé ou de sa signification, il est la proclamation efficace par I'Eglise du grand oeuvre de Dieu et de ses promesses.

208 Le mémorial, comme représentation et anticipation, s'accomplit sous forme d'action de grâce et d'intercession. Proclamant devant Dieu, dans l'action de grâce, le grand oeuvre de la rédemption, l'Eglise intercède auprès de lui, pour qu'il accorde à tout être les bienfaits de cette libération. Dans cette action de grâce et cette intercession, l'Eglise est unie avec le Fils, son Grand Prêtre et son Intercesseur (Rm 8,34 He 7,25). L'eucharistie est le sacrement du sacrifice unique du Christ, toujours vivant pour intercéder en notre faveur. Elle est le mémorial de tout ce que Dieu a fait pour le salut du monde. Ce que Dieu a voulu accomplir dans l'incarnation, la vie, la mort, la résurrection et l'ascension du Christ, il ne le refait pas; ces événements sont uniques, ils ne peuvent être ni répétés, ni prolongés. Mais, dans le mémorial de l'eucharistie, l'Eglise offre son intercession, dans la communion du Christ notre Grand Prêtre.

COMMENTAIRE

C'est à la lumière de cette signification de l'eucharistie comme intercession que l'on peut comprendre les références à l'eucharistie comme "sacrifice propitiatoire" en théologie catholique. Il n'y a qu'une expiation, celle du sacrifice unique de la croix, rendu agissant dans l'eucharistie et présenté au Père dans l'intercession du Christ et de l'Eglise pour toute l'humanité. A la lumière de la conception biblique du mémorial, toutes les Eglises pourraient revoir les vieilles controverses à propos de la notion de "sacrifice" et approfondir leur compréhension des raisons pour lesquelles d'autres traditions ont utilisé ou rejeté ce terme.

209 Le mémorial du Christ est le fondement et la source de toute prière chrétienne. Notre prière s'appuie sur l'intercession continuelle du Seigneur ressuscité, elle est unie à cette intercession. Dans l'eucharistie, le Christ nous donne la force de vivre avec lui, de souffrir avec lui et de prier par lui, comme des pécheurs justifiés accomplissant librement et joyeusement sa volonté.

210 En Christ nous nous offrons nous-mêmes en sacrifice vivant et saint dans toute notre vie quotidienne (Rm 12,1 1P 2,5): ce culte spirituel agréable à Dieu s'alimente à l'eucharistie, où nous sommes sanctifiés et réconciliés dans l'amour pour être serviteurs de la réconciliation dans le monde.

211 Unis à notre Seigneur et en communion avec tous les saints et martyrs, nous sommes renouvelés dans l'alliance scellée par le sang du Christ.

212 Puisque l'anamnèse du Christ est le vrai contenu de la Parole proclamée comme elle est l'essence du repas eucharistique, l'une renforce l'autre. La célébration de l'eucharistie implique normalement la proclamation de la Parole.

213 Les paroles et gestes du Christ dans l'institution de l'eucharistie sont au coeur de la célébration : le repas eucharistique est le sacrement du corps et du sang du Christ, le sacrement de sa présence réelle. Le Christ accomplit de multiples façons sa promesse d'être avec les siens pour toujours jusqu'à la fin du monde. Mais le mode de la présence du Christ dans l'eucharistie est unique. Jésus a dit sur le pain et le vin de l'eucharistie : "Ceci est mon corps... Ceci est mon sang..." Ce que le Christ a dit est la vérité et s'accomplit chaque fois que l'eucharistie est célébrée. L'Eglise confesse la présence réelle, vivante et agissante du Christ dans l'eucharistie. Bien que la présence réelle du Christ dans l'eucharistie ne dépende pas de la foi des individus, tous sont d'accord pour dire que le discernement du corps et du sang du Christ requiert la foi.

COMMENTAIRE

C'est la foi de beaucoup d'Eglises que par les paroles mêmes de Jésus et par la puissance de l'Esprit Saint, le pain et le vin de l'eucharistie deviennent, d'une manière réelle et dans le mystère, le corps et le sang du Christ ressuscité, c'est-à-dire du Christ vivant présent dans toute sa plénitude. Sous les signes du pain et du vin, la réalité profonde est l'être total du Christ, qui vient à nous pour nous nourrir et transformer tout notre être. D'autres Eglises, tout en affirmant la présence réelle du Christ à l'eucharistie, ne lient pas cette présence de manière aussi définie aux signes du pain et du vin. Les Eglises ont à décider si cette différence peut coexister avec la convergence formulée dans le texte lui-même.

C - L'eucharistie comme invocation de l'Esprit

214 L'Esprit Saint fait que le Christ crucifié et ressuscité soit réellement présent pour nous dans le repas eucharistique, en accomplissant la promesse contenue dans les paroles de l'institution. Il est évident que l'eucharistie est centrée sur la présence du Christ et donc que la promesse contenue dans les paroles de l'institution est fondamentale pour la célébration. Cependant, le Père est l'origine première et l'accomplissement final de l'événement eucharistique. Le Fils de Dieu fait homme, par qui, avec qui et en qui il s'accomplit, en est le centre vivant. Le Saint-Esprit est l'incommensurable force d'amour qui l'opère et qui continue de le rendre efficace. Ce lien de la célébration eucharistique avec le mystère de Dieu-Trinité situe le rôle de l'Esprit Saint comme celui qui actualise et vivifie les paroles historiques du Christ. Dans la certitude d'être exaucée en raison de la promesse de Jésus dans les parole de l'institution, l'Eglise demande au Père l'Esprit Saint pour qu'il accomplisse l'événement eucharistique : la présence réelle du Christ crucifié et ressuscité donnant sa vie pour toute l'humanité.

COMMENTAIRE

Il ne s'agit pas d'une spiritualisation de la présence eucharistique du Christ, mais de l'affirmation d'une union indissoluble entre le Fils et l'Esprit. Cette union manifeste que l'eucharistie n'est pas un acte magique et automatique, mais qu'elle est une prière qui s'adresse au Père, soulignant la totale dépendance de l'Eglise à son égard. Les paroles de l'institution, promesse du Christ, et l'épiclèse, invocation de l'Esprit, sont donc en étroite relation dans la liturgie. L'épiclèse est située différemment par rapport aux paroles de l'institution dans les diverses traditions liturgiques. Dans les liturgies primitives, toute la "prière eucharistique" était conçue comme apportant la réalité promise par le Christ. L'invocation de l'Esprit était faite à la fois sur la communauté et sur les éléments du pain et du vin. En retrouvant cette conception, nous pourrions surmonter nos difficultés concernant un moment particulier de la consécration.

215 C'est en vertu de la parole vivante du Christ et par la puissance du Saint-Esprit que le pain et le vin deviennent les signes sacramentels du corps et du sang du Christ. Ils le demeurent en vue de la communion.

COMMENTAIRE

Dans l'histoire de l'Eglise, il y a eu diverses tentatives pour comprendre le mystère de la présence réelle unique du Christ dans l'eucharistie. Certains se limitent à l'affirmation pure et simple de cette présence sans vouloir l'expliquer. D'autres considèrent comme nécessaire l'affirmation d'un changement accompli par l'Esprit Saint et les paroles du Christ, qui fait qu'il n'y a plus un pain et un vin ordinaires mais le corps et le sang du Christ. D'autres enfin ont élaboré une explication de la présence réelle, qui ne prétend pas épuiser la signification du mystère, mais veut la protéger contre les interprétations nuisibles.

216 Toute la célébration de l'eucharistie a un caractère "épiclétique", c'est-à-dire qu'elle est dépendante de l'action du Saint-Esprit. Cet aspect de l'eucharistie trouve une expression variée dans les paroles de la liturgie.

217 L'Eglise, comme communauté de la nouvelle alliance, invoque l'Esprit avec confiance, afin d'être sanctifiée et renouvelée, conduite en toute justice, vérité et unité, et fortifiée pour remplir sa mission dans le monde.

218 Le Saint-Esprit, par l'eucharistie, donne un avant- goût du Royaume de Dieu : l'Eglise reçoit la vie de la nouvelle création et l'assurance du retour du Seigneur.

D - L'eucharistie comme communion des fidèles

219 La communion eucharistique avec le Christ présent, qui nourrit la vie de l'Eglise, est en même temps communion dans le Corps du Christ qu'est l'Eglise. Le partage du même pain et de la coupe commune, en un lieu donné, manifeste et accomplit l'unité des participants avec le Christ et avec tous les communiants, en tous temps et en tous lieux. C'est dans l'eucharistie que la communauté du peuple de Dieu est pleinement manifestée. Les célébrations eucharistiques sont toujours en relation avec l'Eglise tout entière, et toute l'Eglise est impliquée dans chaque célébration eucharistique. Dans la mesure où une Eglise prétend être une manifestation de l'Eglise universelle, elle devrait prendre soin d'ordonner sa propre vie selon des voies qui prennent au sérieux les intérêts et préoccupations des Eglises-soeurs.

COMMENTAIRE

Dès les débuts, le baptême a été conçu comme le sacrement par lequel les croyants sont incorporés au Corps du Christ et remplis de l'Esprit Saint. Si donc une Eglise, ses Ministres et ses fidèles, contestent à d'autres Eglises, à leurs baptisés et à leurs ministres, le droit de participer à l'eucharistie ou de la présider, la catholicité de l'eucharistie est moins manifestée. Dans beaucoup d'Eglises aujourd'hui il y a une discussion à propos de l'admission des enfants baptisés comme communiants à l'eucharistie.

220 L'eucharistie embrasse tous les aspects de la vie. Elle est un acte représentatif d'action de grâce et d'offrande au nom du monde entier. La célébration eucharistique présuppose la réconciliation et le partage avec tous, regardés comme frères et sours de l'unique famille de Dieu; elle est un constant défi dans la recherche de relations normales au sein de la vie sociale, économique et politique (Mt 5,23 1Co 10,16 1Co 11,20-22 Ga 3,28). Toutes les formes d'injustice, de racisme, de séparation et d'absence de liberté sont radicalement mises au défi quand nous partageons le corps et le sang du Christ. A travers l'eucharistie, la grâce de Dieu qui renouvelle tout pénètre et restaure la personne humaine et sa dignité. L'eucharistie entraîne le croyant dans l'événement central de l'histoire du monde. Comme participants à l'eucharistie, donc, nous nous montrons inconséquents si nous ne participions pas activement à cette restauration continue de la situation du monde et de la condition humaine. L'eucharistie nous montre que notre comportement est inconsistant en face de la présence réconciliatrice de Dieu dans l'histoire humaine : nous sommes placés sous un jugement continuel par la persistance de relations injustes de toutes sortes dans notre société, par les nombreuses divisions dues à l'orgueil humain, à l'intérêt matériel et aux politiques du pouvoir, et enfin par l'obstination dans des oppositions confessionnelles injustifiables au sein du Corps du Christ.

221 La solidarité dans le Corps du Christ, affirmée par la communion eucharistique, et la responsabilité des chrétiens les uns à l'égard des autres, et envers le monde, trouvent une expression particulière dans les liturgies: le pardon mutuel des péchés, le signe de paix, l'intercession pour tous, manger et boire ensemble, porter les éléments eucharistiques aux malades et aux prisonniers ou célébrer l'eucharistie avec eux. Tous ces signes de l'amour fraternel dans l'eucharistie sont directement liés au propre témoignage du Christ serviteur : les chrétiens eux-mêmes participent à sa condition de serviteur. Dieu, en Christ, est entré dans la condition humaine; ainsi, la liturgie eucharistique est proche des situations concrètes et particulières des hommes et des femmes. Dans l'Eglise primitive, le ministère des diacres et des diaconesses était spécifiquement responsable de manifester cet aspect de l'eucharistie. L'exercice d'un tel ministère entre la Table et la misère humaine exprime concrètement la présence libératrice du Christ dans le monde.

E - L'eucharistie comme repas du Royaume

222 L'eucharistie ouvre sur la vision du Royaume de Dieu, promis comme le renouvellement final de la création, elle en est un avant-goût. Des signes de ce renouveau sont présents dans le monde partout où la grâce de Dieu se manifeste et où les êtres humains travaillent pour la justice, l'amour et la paix. L'eucharistie est la fête dans laquelle l'Eglise rend grâce à Dieu pour ces signes, célèbre et anticipe dans la joie la venue du Royaume en Christ(1Co 11,26 Mt 26,29).

223 Le monde promis au renouveau est présent dans toute la célébration eucharistique. Le monde est présent dans l'action de grâce au Père, où l'Eglise parle au nom de la création tout entière; le monde est présent pendant le mémorial du Christ, où l'Eglise est unie à son Grand Prêtre et Intercesseur, dans sa prière pour toute l'humanité; le monde est présent au moment de l'invocation pour le don de l'Esprit, où l'Eglise aspire à la sanctification et à la nouvelle création.

224 Réconciliés dans l'eucharistie, les membres du Corps du Christ sont appelés à être serviteurs de la réconciliation parmi les hommes et les femmes, et témoins de la joie dont la source est la résurrection. Comme Jésus allait à la rencontre des publicains et des pécheurs et partageait leurs repas, durant son ministère terrestre, ainsi les chrétiens sont appelés, dans l'eucharistie, à être en solidarité avec les marginaux et à devenir signes de l'amour du Christ, qui a vécu et s'est sacrifié pour tous, qui se donne maintenant lui-même dans l'eucharistie.

225 La célébration de l'eucharistie est un moment où l'Eglise participe à la mission de Dieu dans le monde. Cette participation prend forme quotidiennement dans la proclamation de l'Evangile, le service du prochain et la présence fidèle au monde.

226 Don total de Dieu, l'eucharistie offre la réalité nouvelle qui transforme la vie des chrétiens, afin qu'ils soient à l'image du Christ et deviennent ses témoins efficaces. L'eucharistie est ainsi une précieuse nourriture pour les missionnaires, le pain et le vin des pèlerins, en vue de leur exode apostolique dans le monde. La communauté eucharistique est nourrie de manière à pouvoir confesser en parole et en action que Jésus-Christ est le Seigneur qui a offert sa vie pour le salut du monde. En devenant un peuple unique autour d'un repas unique, l'assemblée eucharistique doit nécessairement être soucieuse du rassemblement de ceux qui sont au-delà de ses limites visibles, parce que c'est le Christ qui a invité à son festin tous ceux pour lesquels il est mort. Le fait que les chrétiens ne puissent se réunir en une pleine communion à la même table, pour manger le même pain et boire à la même coupe, constitue un affaiblissement de leur témoignage missionnaire individuel et commun.


III. LA CELEBRATION DE L'EUCHARISTIE

227 La liturgie eucharistique est essentiellement un tout, impliquant historiquement les éléments suivants, qui peuvent se présenter dans un ordre différent et dont l'importance n'est pas égale - chant de louange; - acte de repentance; - déclaration du pardon; - proclamation de la Parole de Dieu, de diverses façons; - confession de la foi (credo); - intercession pour toute l'Eglise et pour le monde; - préparation du pain et du vin; - action de grâce au Père pour les merveilles de la création, de la rédemption et de la sanctification (dont l'origine est la berakah de la tradition juive); - paroles du Christ pour l'institution du sacrement, selon la tradition néo-testamentaire; - anamnèse ou mémorial des grands actes de la rédemption : passion, mort, résurrection, ascension du Christ et pentecôte qui a conduit l'Eglise à l'existence; - invocation du Saint-Esprit sur la communauté et sur les éléments du pain et du vin (épiclèse, soit avant les paroles de l'institution, soit après le mémorial, ou l'un et l'autre, ou une autre référence à l'Esprit Saint, qui exprime adéquatement le caractère " épiclétique " de l'eucharistie); - consécration des fidèles à Dieu; - rappel de la communion des saints; - prière pour la venue du Seigneur et la manifestation définitive de son Royaume; - amen de toute la communauté; - oraison dominicale; - signe de réconciliation et de paix; - fraction du pain; - manger et boire en communion avec le Christ et avec chaque membre de l'Eglise; - louange finale; - bénédiction et envoi en mission.

228 La meilleure voie vers l'unité dans la célébration eucharistique et la communion est le renouveau lui-même de l'eucharistie dans les diverses Eglises, au plan de l'enseignement et de la liturgie. Les Eglises devraient examiner à nouveau leurs liturgies à la lumière de l'accord eucharistique grandissant. Le mouvement de réforme liturgique a rapproché les Eglises dans leur manière de célébrer l'eucharistie. Cependant, une certaine diversité liturgique compatible avec notre foi eucharistique commune est reconnue comme une réalité saine et enrichissante. L'affirmation d'une foi commune à propos de l'eucharistie n'implique pas l'uniformité dans la liturgie et la pratique.

COMMENTAIRE

Depuis l'époque du Nouveau Testament, l'Eglise attache une très grande importance à l'usage continu des éléments du pain et du vin que Jésus a employés à la sainte Cène. Dans certaines parties du monde, où le pain et le vin ne peuvent pas être obtenus facilement, on prétend quelquefois aujourd'hui que la nourriture et la boisson locales servent mieux à enraciner l'eucharistie dans la vie de tous les jours. Une étude ultérieure s'impose concernant la question de savoir quels aspects de la sainte Cène sont inchangeables en raison de l'institution de Jésus, et quels aspects peuvent dépendre de la compétence et de la décision de l'Eglise.

229 Dans la célébration de l'eucharistie, le Christ rassemble, enseigne et nourrit l'Eglise. C'est le Christ qui invite au repas et le préside. Il est le Pasteur qui conduit le Peuple de Dieu, le Prophète qui annonce la Parole de Dieu, le Prêtre qui célèbre le Mystère de Dieu. Dans la plupart des Eglises, cette présidence du Christ a pour signe celle d'un ministre ordonné. Celui qui préside la célébration eucharistique au nom du Christ manifeste que l'assemblée n'est pas propriétaire du geste qu'elle accomplit, qu'elle n'est pas maîtresse de l'eucharistie : elle la reçoit comme un don du Christ vivant dans son Eglise. Le ministre de l'eucharistie est l'envoyé qui représente l'initiative de Dieu et exprime le lien de la communauté locale avec les autres communautés dans l'Eglise universelle.

230 La foi chrétienne s'approfondit dans la célébration de l'eucharistie. Ainsi, l'eucharistie devrait être célébrée fréquemment. Bien des différences de théologie, de liturgie et de pratique sont liées à la fréquence de la célébration eucharistique.

231 Puisque l'eucharistie célèbre la résurrection du Christ, il serait normal qu'elle ait lieu au moins tous les dimanches. Puisqu'elle est le nouveau repas sacramentel du peuple de Dieu, tout chrétien devrait être encouragé à recevoir la communion fréquemment.

232 Certaines Eglises insistent sur la durée de la présence du Christ dans les éléments consacrés de l'eucharistie, après la célébration; d'autres mettent l'accent majeur sur l'acte de la célébration elle-même et la consommation des éléments dans la communion. La manière de traiter les éléments réclame une attention particulière. En ce qui concerne la réservation des éléments, chaque Eglise devrait respecter les pratiques et la piété des autres. Etant donné la diversité parmi les Eglises et en tenant compte aussi de la situation présente dans le développement des convergences, il est utile de suggérer : - que, d'un côté, on rappelle, notamment dans la catéchèse et la prédication, que l'intention première de la réservation des éléments est leur distribution aux malades et aux absents; - et que, d'un autre côté, on reconnaisse que la meilleure façon de témoigner le respect dû aux éléments qui ont servi à la célébration eucharistique est leur consommation, sans exclure leur usage pour la communion des malades.

233 La compréhension mutuelle croissante exprimée dans le présent document peut permettre à certaines Eglises d'atteindre une plus grande mesure de communion eucharistique entre elles et ainsi de rapprocher le jour où le peuple du Christ divisé sera réuni visiblement autour de la Table du Seigneur.

MINISTERE

I. LA VOCATION DU PEUPLE DE DIEU TOUT ENTIER

301 Dans un monde déchiré, Dieu appelle toute l'humanité à devenir son peuple. A ce dessein il a choisi Israël, puis il a parlé d'une manière unique et décisive en Jésus-Christ. Fils de Dieu, Jésus a fait siennes la nature, la condition et la cause du genre humain tout entier en se donnant lui-même en sacrifice pour tous.
Sa vie de service, sa mort et sa résurrection sont les fondements d'une nouvelle communauté qui est édifiée continuellement par la bonne nouvelle de l'Evangile et par le don des sacrements. Le Saint-Esprit unit en un seul Corps ceux qui suivent Jésus-Christ et il les envoie comme témoins dans le monde. Appartenir à l'Eglise signifie vivre en communion avec Dieu par Jésus-Christ dans l'Esprit Saint.

302 La vie de l'Eglise est fondée sur la victoire du Christ contre les puissances du mal et de la mort, accomplie une fois pour toutes. Le Christ offre le pardon, invite à la repentance et délivre de la destruction. Il rend capable de se tourner vers Dieu dans la louange et vers le prochain dans le service. Il est la source de la vie nouvelle dans la liberté, le pardon mutuel et l'amour. Il dirige les cours et les esprits vers l'accomplissement du Royaume où sa victoire deviendra manifeste et où toutes choses seront faites nouvelles. Le dessein de Dieu est que, en Jésus- Christ, tous puissent partager cette communion..

303 L'Eglise vit par la puissance libératrice et régénérante de l'Esprit Saint. Jésus a reçu l'onction du Saint-Esprit, lors de son baptême et, après sa résurrection, ce même Esprit a été donné à ceux qui croyaient au Seigneur ressuscité, pour en faire le Corps du Christ. L'Esprit appelle à la foi, sanctifie par ses nombreux dons et accorde la force de témoigner pour l'Evangile et de servir dans l'espérance et l'amour. Il garde l'Eglise dans la vérité et la conduit malgré la faiblesse de ses membres.

304 L'Eglise est appelée à proclamer et à préfigurer le Royaume de Dieu, en annonçant l'Evangile au monde et en vivant comme le Corps du Christ. En Jésus, le Royaume de Dieu est venu parmi nous. Il a offert le salut aux pécheurs. Il a annoncé la bonne nouvelle aux pauvres, aux captifs la libération, aux aveugles la vue, aux opprimés la délivrance (Lc 4,18). Le Christ a ouvert un nouvel accès auprès du Père. Vivant cette communion avec Dieu, tous les membres de l'Eglise sont appelés à confesser leur foi et à rendre compte de leur espérance. Ils partagent avec tous joies et souffrances, cherchant à témoigner à chacun un amour plein de compassion. Les membres du Corps du Christ lutteront aux côtés de ceux qui sont oppressés, en vue de cette liberté et cette dignité promises avec la venue du Royaume. Cette mission doit être accomplie dans les divers contextes politiques, sociaux et culturels. Afin de remplir leur mission fidèlement, ils rechercheront les formes adaptées au témoignage et au service dans chaque situation. Ainsi, ils apporteront au monde un avant-goût de la joie et de la gloire du Royaume de Dieu.

305 Le Saint-Esprit accorde à la communauté des dons divers et complémentaires. Ils sont donnés pour le bien commun de tout le peuple et se manifestent dans des actions de service au sein de la communauté et pour le monde. Ce peut être des dons de communication de l'Evangile en parole et en acte, des dons de guérison, de prière, d'enseignement et d'écoute, des dons de service, de direction et d'obéissance, d'inspiration et de vision. Tous les membres sont appelés à découvrir, avec l'aide de la communauté, les dons qu'ils ont reçus et à les utiliser pour l'édification de l'Eglise et au service du monde vers lequel l'Eglise est envoyée.

306 Bien que les Eglises soient d'accord dans leur compréhension générale de la vocation du peuple de Dieu, elles différent dans leurs conceptions de la structure de la vie de l'Eglise. En particulier, il y a des différences à propos de la place et des formes du ministère ordonné. En s'engageant dans l'effort pour surmonter leurs différences, il est nécessaire que les Eglises prennent leur point de départ dans la vocation du peuple de Dieu tout entier. Les Eglises doivent chercher une réponse commune à la question suivante : comment, selon la volonté de Dieu et sous la conduite de l'Esprit, la vie de l'Eglise doit-elle être conçue et structurée, en sorte que l'Evangile puisse se répandre et la communauté être construite dans l'amour?


II. L'EGLISE ET LE MINISTERE ORDONNE

307 Les différences dans la terminologie font partie du débat. Pour éviter la confusion dans les discussions sur le ministère ordonné dans l'Eglise, il est nécessaire de préciser clairement dans quel sens divers termes sont utilisés au cours des paragraphes qui suivent. - Le mot charisme se rapporte aux dons accordés par le Saint-Esprit à tout membre du Corps du Christ en vue de l'édification de la communauté et de l'accomplissement de sa vocation. - Le mot ministère au sens large se rapporte au service que tout le peuple de Dieu est appelé à accomplir, soit par des personnes, soit par la communauté locale, soit comme Eglise universelle; ministère ou ministères peuvent aussi se rapporter à des formes institutionnelles particulières que prend ce service. - Le terme ministère ordonné se rapporte aux personnes qui ont reçu un charisme et que l'Eglise institue pour un service par ordination, par invocation de l'Esprit et imposition des mains. - Beaucoup d'Eglises emploient le mot prêtre pour désigner certains ministres ordonnés. Etant donné que cet usage n'est pas universel, ce document va aborder la question fondamentale au paragraphe 17 .


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