Catena Aurea 3124

v. 24

3124 Mt 1,24



Remi. La vie nous est revenue par la porte qui avait donné passage à la mort: la désobéissance d'Adam nous avait tous perdus, l'obéissance de Joseph commence à nous ramener à notre premier état. En effet, quelle magnifique leçon d'obéissance dans cette conduite de Joseph: «Joseph donc s'étant levé», etc. - La Glose. Il ne fit pas seulement ce que l'ange lui avait ordonné, il le fit de la manière qu'il lui avait ordonnée. Que celui donc qui reçoit un avertisse ment du Ciel se lève de son sommeil sans aucun retard et qu'il exécute ce qui lui est comman dé.



«Et il reçut son épouse», etc. - S. Chrys. (sur S. Matth). Ce n'est pas dans sa maison qu'il la reçut, car il ne l'en avait pas encore renvoyée, mais il la reçut dans son coeur dont il l'avait momentanément bannie. - Remi. Ou bien il la reçut après la célébration des noces, afin qu'elle portât le nom d'épouse, mais non pour avoir comme époux aucune relation avec elle, car voyez la suite: «Et il ne la connut pas», etc. - S. Jér. (contre Helv). Helvidius fait de vains efforts pour prouver que le verbe connaître exprime les relations conjugales plutôt qu'une connaissance ordinaire, mais personne ne soutient le contraire, et il n'y a pas un auteur tant soit peu habile qui s'arrête aux inepties qu'il combat. Il veut encore nous apprendre que l'adverbe jusqu'à ce que signifie un temps déterminé, après lequel ce qui n'existait pas auparavant commencerait à avoir lieu, de manière que ces paroles: «Il ne la connut pas jusqu'à ce qu'elle eût enfanté son fils»signifie raient clairement qu'il eut avec son épouse, après l'enfantement, des rapports qu'il n'avait dif férés que jusqu'à la naissance de son fils. Pour le prouver il accumule le plus qu'il peut de tex tes de l'Écriture. Quant à nous, voici notre réponse: Ces paroles: «il ne la connut pas jusqu'à ce que», etc. peuvent s'entendre de deux manières dans l'Écriture. D'abord il est certain que le verbe connaître qui, comme Helvidius l'avoue, doit s'entendre de l'union conjugale, a quel quefois le sens de connaissance proprement dite, comme dans ce passage: «L'enfant Jésus resta à Jérusalem et ses parents ne le connurent pas ou l'ignorèrent». De même l'adverbe jusqu'à ce que exprime souvent, comme il le reconnaît également, un temps déterminé, mais sou vent aussi un temps sans limite, comme dans ce passage d'Isaïe: «Je suis jusqu'à ce que vous parveniez à la vieillesse». Dira-t-on que Dieu ne sera plus lorsqu'ils auront vieilli? - Le Sauveur dit aussi dans l'Évangile: «Voici que je suis avec vous jusqu'à la consommation des siècles». Est-ce qu'il cessera d'être avec ses disciples après la fin du monde? L'apôtre ne dit-il pas aussi: «Il faut qu'il règne jusqu'à ce qu'il mette ses ennemis sous ses pieds ?» Veut-il dire qu'après que Jésus aura réduit le monde sous son empire, il ces sera de régner? Qu'Helvidius comprenne donc que l'écrivain sacré n'a exprimé que ce qui aurait pu être un sujet de doute s'il ne l'avait écrit, et que le reste est abandonné à notre intelli gence. D'après cette règle, l'Évangéliste ne nous indique que ce qui aurait pu donner matière à scandale, c'est-à-dire que son mari ne l'avait pas connue jusqu'à ce qu'elle eût enfanté, nous laissant à conclure qu'à plus forte raison il ne l'avait pas connue après la naissance du Sauveur. - S. Chrys. (sur S. Matth). Si l'on dit de quelqu'un: Tant qu'il a vécu il n'a point tenu ce langage, cela veut-il signifier qu'il l'ait tenu après sa mort? cela n'est pas possible. Ainsi on aurait pu croire que Joseph avait eu des rapports avec la Vierge avant l'enfantement parce qu'il ne connaissait pas la dignité du mystère qui s'était accompli dans son sein; mais après qu'il eut appris qu'elle était devenue le sanctuaire du Fils unique de Dieu, comment supposer qu'il ait eu la témérité de profaner un temple aussi auguste? Les disciples d'Eunomius s'imaginent que parce qu'ils osent le dire, Joseph aurait osé le faire, comme un insensé croit que tout le monde a perdu la raison. - S. Jér. (contre Helv). En résumé, je demanderai: Pourquoi Joseph s'est-il abstenu de tout rapport avec son épouse jusqu'à l'enfantement? C'est parce qu'il avait entendu l'ange lui dire: «Ce qui est né en elle vient de l'Esprit saint»,etc. Celui donc qu'un songe mystérieux avait déterminé à ne pas s'approcher de son épouse, comment, après avoir entendu les bergers, vu les Mages, été témoin de tant de merveilles, aurait-il osé s'approcher du temple de Dieu, du siège de l'Esprit saint, de la Mère de son Seigneur ?



S. Chrys. (sur S. Matth). On peut aussi donner ici au verbe connaître le sens ordinaire de simple connaissance, car en réalité Joseph n'avait pas connu jusque là la dignité de Marie. Ce n'est qu'après son divin enfantement qu'il la connut parfaitement; c'est alors qu'elle lui devint plus précieuse et plus chère que le monde entier, parce qu'elle avait porté dans l'étroit espace de son sein virginal celui que le monde entier ne peut contenir. - S. Hil. Ou bien encore on peut dire que Joseph ne put connaître la très-sainte vierge Marie avant son enfantement à cause de la gloire dont elle était revêtue; car comment aurait-il pu connaître celle qui portait dans son sein le Dieu de gloire? La face de Moïse, qui s'était entretenu avec Dieu, fut si resplendis sante de gloire que les Israélites ne pouvaient en soutenir la vue; à plus forte raison Joseph ne pouvait-il regarder et connaître Marie qui portait dans son sein le Seigneur tout-puissant. Après son enfantement, Joseph la connut par la beauté resplendissante de son visage, et non pas en usant de ses droits d'époux.



S. Jér. (sur S. Matth). De ce que l'Évangéliste dit: «Son fils premier-né»,quelques esprits pervers en concluent qu'elle a eu d'autres enfants, et ils prétendent qu'on ne donne le nom de premier-né qu'à celui qui a des frères, assertion complètement fausse, car l'Écriture appelle premier-né non pas l'aîné d'autres frères, mais celui qui est né le premier. - S. Jér. (contre Helvid). S'il n'y a de premier-né que lorsqu'il y a d'autres enfants, il faut en conclure que les prémices ou les premiers-nés n'étaient pas dus aux prêtres tant que ces premiers-nés n'avaient pas d'autres frères. - La Glose. Ou bien il est appelé le premier-né entre tous les élus de la grâce, tandis qu'il est proprement le Fils unique de Dieu le Père et de Marie.



«Et il l'appela du nom de Jésus». Ce fut le huitième jour où l'enfant était circoncis et recevait le nom qui lui était destiné. - Remi. Ce nom a été parfaitement connu des saints patriarches et des prophètes de Dieu, mais il l'a été surtout de celui qui a dit: «Mon âme a défailli dans l'attente de votre salut (Ps 118), et encore: «Mon coeur tressaillera dans votre salut (Ps 12), et de celui encore qui disait: «Je tressaillerai dans Jésus qui est mon Dieu» (Ha 3).


CHAPITRE II


vv. 1-2

3201 Mt 2,1-2

S. Aug. (serm. sur l'Epiph). Après ce miraculeux enfantement, où le sein d'une Vierge plein de la divinité mit au monde, sans perdre le sceau de son inviolable pureté, un homme-Dieu dans le réduit obscur d'une caverne, et sur le lit étroit d'une crèche, où l'infinie majesté repo sait ses membres raccourcis; pendant qu'un Dieu était suspendu au sein d'une mère mortelle et enveloppé de misérables langes, on vit tout à coup un astre nouveau briller du haut du ciel, dissiper l'obscurité qui couvrait l'univers et changer la nuit en un jour éclatant, afin que le jour ne demeurât pas enseveli dans les ombres de la nuit. «Or Jésus étant né», etc., dit l'Évangéliste. - Remi. Dans ces premiers mots du récit évangélique, nous voyons trois cho ses: la personne: «Or Jésus étant né»; le lieu: «A Bethléem de Juda»; le temps: «Aux jours du roi Hérode; trois circonstances qui confirment la vérité du fait que l'écrivain sacré va raconter.

S. Jér. (sur S. Matth). Je pense que l'Évangéliste avait d'abord écrit comme nous le lisons dans l'hébreu, de Juda, au lieu de Judée; car quelle autre ville du nom de Bethléem existe chez les autres peuples, pour qu'il ait cru devoir ajouter comme signe distinctif «de la Ju dée ?» On conçoit très bien au contraire qu'il dise: «de Juda», parce qu'il y avait dans la Ju dée une autre Bethléem dont il est question au livre de Josué, fils de Navé (Js 19, 15). La Glose. Il y a en effet deux villes du nom de Bethléem, l'une dans la tribu de Zabulon, l'autre dans la tribu de Juda, et qui était autrefois appelée Ephrata.

S. Aug. (de l'Acc. des Evang. liv. 2, chap. 5). Saint Matthieu et saint Luc sont d'accord pour ce qui concerne la ville de Bethléem, mais saint Luc seul donne la raison et raconte les cir constances du voyage de Joseph et de Marie dans cette ville, tandis que saint Matthieu n'en dit mot. C'est le contraire pour les Mages qui vinrent d'Orient; saint Luc n'en dit rien, saint Matthieu seul en parle. - S. Chrys. (sur S. Matth). Examinons pour quel motif l'Évangéliste précise le temps de la naissance du Sauveur en ces termes: «Aux jours du roi Hérode». Il veut ainsi prouver l'accomplissement de la prophétie de Daniel qui annonçait que le Christ naî trait après soixante-dix semaines d'années, car depuis cette prophétie jusqu'aux jours d'Hérode, les soixante-dix semaines d'années s'étaient écoulées. Disons encore: Tant que le peuple juif fut gouverné par des rois de sa race quoique souvent bien coupables, Dieu envoyait des prophètes pour remédier à ses maux. Mais lorsque la loi de Dieu vint à tomber sous la puissance d'un roi infidèle et que la justice divine était comme opprimée par la domination ro maine, le Christ parut sur la terre, car à un mal extrême et désespéré il fallait un médecin d'une science et d'une habileté consommées. - Rab. Ou bien encore l'Évangéliste fait mention de ce roi étranger pour montrer l'accomplissement de cette prophétie (Gn 49): «Le sceptre ne sortira point de Juda, ni le prince de sa postérité, jusqu'à ce que vienne celui qui doit être envoyé».

S. Amb. (sur S. Luc). On rapporte que des brigands iduméens étant entrés dans la ville d'Ascalon, emmenèrent Antipater avec d'autres captifs. Antipater fut donc élevé dans la reli gion des Iduméens. Plus tard il se lia d'amitié avec Hircan, roi de la Judée, qui l'envoya en am bassade auprès de Pompée, et comme il réussit dans cette mission, il reçut en récompense une partie de son royaume. Après la mort d'Antipater un sénatus-consulte rendu sous le triumvir Antoine déclara son fils Hérode roi des Juifs. Il est donc évident qu'Hérode ne tenait par aucun lien à la nation juive et qu'il avait cherché à régner sur elle par l'intrigue et par le mensonge.

S. Chrys. (hom. 6 sur S. Matth). L'Évangéliste dit «du roi Hérode» pour le distinguer par ce titre de cet Hérode qui fit mettre à mort Jean-Baptiste. - S. Chrys. (sur S. Matth). Jésus étant donc né en ce temps-là, voici que des Mages vinrent, c'est-à-dire aussitôt sa naissance, pour reconnaître et proclamer un Dieu puissant sous les dehors d'un faible enfant. - Remi. Les Mages sont des hommes qui font profession de raisonner sur toutes choses, mais leur nom dans l'acception vulgaire, est synonyme de celui de magiciens; cependant telle n'est pas leur réputation chez les Chaldéens, dont ils sont comme les philosophes, et dont les rois et les prin ces se conduisent en tout d'après les principes de cette science; ce fut aussi ce qui leur fit connaître comme le premier lever du Seigneur dans le monde.

S. Aug. (serm. 4 sur l'Epiph). Or, que furent les Mages? Les prémices des nations; les ber gers étaient Juifs, les Mages de la gentilité, ceux-là venaient de près, ceux-ci de loin; mais les uns et les autres accoururent à la pierre angulaire. - Idem. (serm. 2). Jésus donc ne se ma nifesta ni aux savants ni aux justes; c'est l'ignorance qui l'emporte dans la grossièreté des pasteurs et l'impiété dans les cérémonies sacrilèges des Mages; celui qui est la pierre angulaire s'unit les uns et les a utres, car il est venu choisir ce qui est folie pour confondre les sages, il est venu appeler les pécheurs et non les justes (1Co 1,27 Mt 9,13 Mc 2,17 Lc 5,52), afin que toute grandeur cessât de s'enorgueillir, toute faiblesse de se décourager. - La Glose. Les Mages étaient des rois, et s'ils n'offrent que trois sortes de présents, ce n'est pas une preuve qu'ils ne fussent absolument que trois, mais pour représenter par ce nombre toutes les nations qui descendent des trois enfants de Noé et qui devaient un jour embrasser la foi. Ou bien si ces princes n'étaient que trois, ils avaient avec eux une suite nombreuse. -
Or, ce n'est pas un an après que le Christ fut né qu'ils vin rent l'adorer, car alors il était en Égypte, et non plus dans l'étable; m ais ce fut le treizième jour après sa naissance. D'où venaient-ils? L'Évangéliste nous l'apprend en ajoutant: «De l'Orient».

Remi. Il y a plusieurs opinions sur les Mages. Les uns disent qu'ils étaient Chaldéens, parce que les Chaldéens adoraient les étoiles, et ils prétendent que leur dieu supposé leur a révélé la naissance du vrai Dieu; les autres disent qu'ils étaient Perses; quelques-uns, qu'ils venaient des extrémités de la terre; d'autres enfin, qu'ils étaient les descendants de Balaam, et c'es t le sentiment le plus probable, car Balaam entre autres choses a prédit «qu'une étoile sortirait de Jacob». Ses descendants, qui possédaient cette prophétie, ayant vu briller une nouvelle étoile, comprirent que le Roi qu'elle annonçait était né, et vinrent l'adorer.



S. Jér. C'est ainsi que les successeurs de Balaam apprirent par la prophétie l'apparition future de cette étoile. Mais on peut se demander comment les Mages habitant la Chaldée, la Perse, ou les extrémités de la terre, ils ont pu venir en si peu de temps à Jérusalem. - Remi. Quelques auteurs répondent que l'enfant qui venait de naître a bien pu les amener en si peu de jours des extrémités de la terre. - La Glose. On peut dire encore qu'il n'est pas étonnant qu'ils aient pu arriver en treize jours à Bethléem, montés sur des chevaux arabes et des dromadaires connus pour la vitesse de leur marche. - S. Chrys. (sur S. Matth). Peut-être aussi sont-ils partis sous la conduite de l'étoile qui les précédait deux ans avant la naissance du Christ, sans que les provisions de bouche leur aient fait défaut pendant leur voyage.



Remi. Ou bien si ces rois étaient successeurs de Balaam, ils n'étaient pas éloignés de la terre promise, et ils ont pu franchir en si peu de temps la distance qui les séparait de Jérusalem. Mais alors pourquoi l'Évangéliste dit-il qu'ils sont venus de l'Orient? C'est que le pays qu'ils habi taient était en effet situé sur la frontière orientale de la Judée. C'est du reste une magnifique pensée que celle qui les fait venir de l'Orient, parce que tous ceux qui viennent au Seigneur, ne peuvent venir que par son inspiration et sous sa conduite, lui qui est le véritable Orient, selon cet oracle du prophète: «Voici un homme, l'Orient est son nom». - S. Chrys. (sur S. Matth). Ou bien peut-être viennent-ils réellement de l'Orient. La foi prend naissance dans les contrées ou le jour se lève, parce qu'elle est la lumière des âmes. Ils partirent donc de l'Orient, mais pour venir à Jérusalem. - Remi. Cependant le Seigneur n'y était pas né, mais c'est que tout en connaissant le temps, ils ignoraient le lieu de sa naissance. Comme Jérusalem était la capitale du royaume, ils crurent qu'un tel enfant n'avait pu naître que dans la ville royale. Peut-être aussi était-ce pour accomplir cette prophétie: «C'est de Sion que sortira la loi, et la pa role du Seigneur de Jérusalem», car c'est là que le Christ a été annoncé en premier lieu. Enfin ce fut peut-être pour condamner par le pieux empressement des Mages l'indifférence des Juifs. Ils vinrent donc à Jérusalem et firent cette question: «Où est celui qui est né roi des Juifs ?» - S. Aug. (serm. sur l'Epiph). Les Juifs avaient vu grand nombre de leurs rois naître et mourir, les Mages sont-ils venus chercher et adorer aucun d'entre eux? Non, car le ciel ne leur avait appris l'existence d'aucun de ces rois. Ce n'est donc pas à un roi des Juifs, semblable à ceux que Jérusalem avait vus dans ses palais, que ces Mages, habitant des contrées lointaines, et tout à fait étrangers au royaume des Juifs, croient de voir rendre de si grands honneurs; mais ils avaient appris que le roi qui venait de naître était si grand qu'il méritait leurs adorations, et qu'ils obtiendraient infailliblement par là le salut qui vient de Dieu. En effet ce roi n'était pas d'un âge à voir ramper autour de lui la foule des courtisans flatteurs, la pourpre ne brillait pas sur ses épaules, ni le diadème sur sa tête, et ce n'était ni le brillant entourage de ses serviteurs, ni l'appareil terrible de ses armes, ni le bruit de ses victoires qui attiraient à lui des extrémités de la terre des hommes qui venaient déposer à ses pieds leurs voeux et leurs ardentes prières. Un enfant nouvellement né était couché dans une crèche, joignant à un corps frêle une pauvreté qui devait le rendre méprisable; mais sous ces dehors misérables se cachait quelque chose de grand, et ce n'est pas de la terre qui le portait, mais du ciel qui se chargeait de les instruire que ces hommes prémices des nations avaient appris ce qu'il était: «Nous avons vu, disent-ils, son étoile dans l'Orient». Ils font connaître ce qu'ils ont vu, et en même temps ils interrogent, ils croient et ils cherchent: figure de ceux qui marchent à la lumière de la foi et qui désirent jouir de la claire vue.



S. Chrys. (hom. 6 sur S. Matth). Les Priscillianistes qui prétendent que tous les hommes nais sent sous l'influence de différentes constellations, cherchent un appui à leur erreur dans cette nouvelle étoile qui apparut à la naissance du Sauveur, et qui aurait été l'étoile de sa destinée. - S. Aug. (contr. Faust). Cette étoile, d'après Fauste, n'aurait paru que pour confirmer sa naissance, d'où il conclut que l'Évangile devrait bien plutôt s'appeler la Généside. - S. Grég. (hom. 10 sur S. Matth). Mais à Dieu ne plaise que les fidèles croient jamais à l'existence du destin. - S. Aug. (Cité de Dieu, liv. 5, chap. 1). On entend par destin, dans le langage ordi naire, l'influence de certaine position des astres, telle que celle qui correspond à la conception ou à la naissance des hommes. Il en est qui placent cette influence en dehors de la volonté de Dieu, blasphème que doivent repousser avec horreur tous ceux qui adorent un Dieu quel qu'il soit; d'autres disent que cette grande influence donnée aux astres vient de la souveraine puis sance de Dieu, et ils ne peuvent faire une plus grande injure à la majesté divine, lorsque dans sa cour si brillante ils font décréter des crimes tels que si quelque ville sur la terre osait en com mander de semblables, elle serait condamnée à être détruite par le genre humain tout entier. - S. Chrys. (sur S. Matth). Si un homme devient homicide ou adultère par l'influence d'une étoile, les étoiles sont grandement injustes, et plus grandement encore celui qui les a créées, car puisque Dieu connaît l'avenir, il a prévu le mal que devait commettre cette étoile; s'il n'a pas voulu le prévenir, il cesse d'être bon, et s'il l'a voulu sans le pouvoir, sa puissance est nulle. D'ailleurs s'il dépend d'une étoile que nous soyons bons ou mauvais, le bien que nous faisons ne mérite aucun éloge, ni le mal aucun blâme, car nos actions ne sont plus volontaires. Pour quoi serais-je puni d'un mal qui n'est pas le fruit de ma volonté, mais de la nécessité? D'ailleurs cette doctrine insensée détruirait les commandements de Dieu qui nous défendent le mal, ou qui nous exhortent au bien. Comment en effet commander à un homme de fuir le mal qu'il ne peut éviter, ou de faire le bien qui lui est impossible ?



S. Grég. de Nysse. Dès lors que l'on vit sous la loi de la fatalité, il est inutile de prier, la providence de Dieu est bannie du monde aussi bien que la piété, l'homme n'est plus qu'un ins trument dépendant du cours des astres, car dans leur pensée, les mouvements des corps céles tes déterminent non seulement les actions du corps, mais encore les pensées de l'âme. Ainsi tous ceux en général qui soutiennent cette erreur, détruisent tout ce qui est en nous, et la na ture de tout être contingent. Et qu'est-ce autre chose que le renversement de tout ce qui existe? Ou sera désormais le libre arbitre? Il faut cependant que ce qui est en nous soit libre. - S. Aug. (Cité de Dieu, liv. 5, chap. 6). Il n'est pas absolument contraire à la raison d'attribuer à l'influence des astres certaines modifications dans les corps: ainsi voyons-nous que c'est au rapprochement ou à l'éloignement du soleil qu'il faut attribuer les diverses sai sons, et aux phases de la lune qui croît et diminue, le développement ou la décroissance de certaines choses créées comme les coquillages qui produisent les perles, ou les admirables mouvements de l'Océan. Mais il ne faut pas soumettre aux différentes positions des astres les volontés de notre âme. - Et au chapitre 1 er: Dira-t-on que les astres sont plutôt les signes que les mobiles déterminants de nos destinées? Mais alors comment n'a-t-on pu jamais expliquer pourquoi la vie des jumeaux, leur manière d'agir, leurs succès, leurs professions, leurs actes, les honneurs dont ils jouissent et tout ce qui compose la vie humaine, et la mort elle-même, nous offrent la plupart du temps des différences si tranchées que des étrangers ont souvent entre eux bien plus de ressemblance que ces jumeaux, dont la naissance n'a été séparée que par un instant et dont la conception a été simultanée? - Au chapitre 2e: Ils cherchent à établir leur opinion sur le court intervalle de temps qui sépare la naissance de deux jumeaux; mais qu'est-ce que cette légère différence auprès de la différence profonde qui existe dans leurs volontés, dans leurs actes, dans leurs moeurs et dans les événements de leur vie? - Aux chapitres 7 et 9: Quelques-uns appellent du nom de destin non pas les différentes positions des astres, mais la réunion et l'enchaînement des causes secondes qu'ils font dépendre de la volonté et de la puissance de l'Être souverain. Or, si vous sou mettez au destin les choses humaines, tout en appelant de ce nom la volonté et la puissance de Dieu, je vous dirai: Conservez votre manière de penser, mais modifiez vos expressions, car, dans le langage ordinaire on est convenu d'appeler destin, l'influence qui résulte de la position des astres; et nous ne donnons pas ce nom à la volonté de Dieu à moins que nous ne fassions venir le mot destin ou fatalité, du mot parler (fatum, en latin vient de fando); car il est écrit: «Dieu a parlé une fois, j'ai entendu ces deux choses». Ce n'est donc pas la peine de nous épuiser avec eux dans une vaine dispute de mots.



S. Aug. (contre Faust., liv. 2, chap. 5). Si nous refusons de placer la naissance d'aucun homme sons l'action fatale des étoiles, afin d'affranchir son libre arbitre de toute chaîne que la nécessité voudrait lui imposer, à combien plus forte raison refuserons-nous d'admettre que la naissance du Seigneur éternel et du Créateur de toutes choses ait été soumise à l'influence des astres. Ainsi, cette étoile que les Mages ont vue à la naissance du Christ ne lui imposait pas une destinée tyrannique, mais obéissait à ses ordres en lui rendant témoignage. Elle n'était donc pas un de ces astres qui depuis le commencement du monde gardent fidèlement sous la loi du Créateur la route qu'il leur a prescrite, mais c'était un nouvel astre créé pour cet enfan tement nouveau de la Vierge, et elle avait pour mission de guider les Mages qui cherchaient le Christ, en marchant devant eux, jusqu'à ce qu'elle les eût conduits en les précédant à l'endroit où le Seigneur, où le Verbe s'était fait enfant muet et sans parole. Quels sont donc les astrolo gues qui font tellement dépendre des astres la destinée des hommes qui naissent à la vie, qu'ils assurent qu'à la naissance de l'u n d'eux une des étoiles abandonne l'orbite dans lequel s'accomplit sa révolution pour venir au-dessus du berceau de l'enfant qui vient de naître, eux qui prétendent que c'est la destinée de cet enfant qui se trouve liée au cours des astres, et non pas le cours des astres qui puisse être modifié par sa naissance? Si donc cette étoile était une de celles qui accomplissent leur révolution dans les cieux, comment pouvait-elle connaître ce que le Christ devait faire, elle qui, à la naissance du Christ, se trouvait détournée du mouvement qu'elle accomplissait? Si, au contraire, ce qui est plus probable, elle n'existait pas auparavant, et qu'elle n'ait été créée que pour faire découvrir le Christ, le Christ n'est pas né parce qu'elle existait, mais elle a reçu l'existence parce que le Christ était né. Aussi, s'il était permis de s'exprimer de la sorte, nous dirions que ce n'est pas l'étoile qui a été le destin pour le Christ, mais le Christ qui a été le destin pour l'étoile, car c'est le Christ qui a été la cause de son existence, ce n'est pas l'étoile qui a été la cause de la naissance du Christ.



S. Chrys. (hom. 6 sur S. Matth). L'objet de l'astronomie n'est pas de demander aux as tres quels sont ceux qui naissent, mais de conjecturer la destinée d'un homme par l'h eure de sa naissance. Or les Mages ne connurent pas l'heure de la naissance du Christ, pour deviner par le mouvement des étoiles ses destinées futures; tout au contraire nous les entendons dire: «Nous avons vu son étoile». - La Glose. C'est-à-dire, son étoile à lui, celle qu'il a créée pour le faire connaître. - S. Aug. (serm. sur l'Epiph). Les anges annoncent la naissance du Christ aux bergers, une étoile la fait connaître aux Mages, le ciel parle en son langage aux uns comme aux autres, parce que la voix des prophètes avait cessé de se faire entendre. Les anges habitent les cieux, les astres leur servent d'ornement: ce sont donc les cieux qui racontent aux uns et aux autres la gloire de Dieu.



S. Grég. (hom. 10 sur l'Evang). La raison ne peut qu'approuver le choix que Dieu a fait d'un être raisonnable, c'est-à-dire d'un ange, pour annoncer Jésus-Christ aux Juifs comme à des hommes qui faisaient usage de leur raison, tandis que les Gentils rebelles à sa lumière sont amenés à la connaissance de Jésus-Christ, non par la parole humaine, mais par un signe mira culeux. Les prophéties ont été données aux premiers comme à des hommes qui avaient la foi, et les miracles opérés devant les seconds à cause de leur incrédulité. Les apôtres prêchèrent Jésus-Christ aux nations à la plénitude de l'âge parfait, tandis qu'une étoile le leur annonce alors qu'il est petit enfant et incapable de parler, parce que l'analogie demandait que les prédi cateurs fissent connaître par leurs discours le Seigneur alors qu'il parlait lui-même, et que les éléments muets fussent chargés de l'annoncer lorsqu'il ne faisait pas encore usage de la pa role. - S. Aug. (serm. sur l'Epiph). Le Christ était lui-même l'attente des nations dont l'innombrable postérité fut autrefois promise à notre bienheureux père Abraham, postérité qui devait se multiplier non par la propagation du sang, mais par la fécondité de la foi. Dieu com pare ses descendants à la multitude des étoiles pour exciter dans l'âme du père de toutes les nations l'attente d'une postérité toute céleste et qui n'a rien de la terre. C'est donc par l'apparition d'une nouvelle étoile que les héritiers figurés par les étoiles sont appelés à former cette postérité qui est l'objet des promesses, afin que les astres du ciel qui avaient rendu témoi gnage à la promesse rendissent encore hommage à la vérité de son accomplissement.



S. Chrys. (hom. 6 sur Matth). Il est évident que cette étoile ne fut pas une de celles dont le ciel est parsemé, car il n'en est aucune dont le mouvement se dirige comme celle -ci du nord au midi, puisque telle est la position de la Perse par rapport à la Palestine. On peut encore le conclure du temps où elle apparut, car ce n'était pas seulement pendant la nuit, mais en plein jour qu'elle était visible, et aucune étoile, ni la lune même, n'ont une telle puissance. Une troi sième preuve, c'est que tantôt elle brillait, tantôt elle disparaissait; lorsque les Mages entrent à Jérusalem, elle se cache; aussitôt qu'ils ont quitté le roi Hérode elle reparaît; elle n'avait même pas de marche qui lui fût propre, elle allait quand les Mages se mettaient en marche, quand ils s'arrêtaient elle s'arrêtait, comme autrefois la colonne de nuée dans le désert. D'ailleurs ce n'est pas en restant dans les hauteurs des cieux, mais en descendant à la portée des yeux, qu'elle indiquait aux Mages le lieu où la Vierge avait enfanté, ce qui n'est pas le fait d'une étoile qui suit sa route ordinaire, mais d'une puissance intelligente; d'où l'on peut conclure que cette étoile était une vertu invisible voilée sous l'apparence d'un astre visible. - Remi. Quelques uns disent que cette étoile était l'Esprit saint qui voulut apparaître aux mages sous la forme d'une étoile, comme il apparut plus tard sous la forme d'une colombe sur Notre-Seigneur après son baptême. D'autres pensent que ce fut un ange, c'est-à-dire que celui qui apparut aux bergers serait le même qui aurait apparu aux mages. - La Glose. Le texte ajoute: «Dans l'Orient». L'étoile se leva-t-elle dans l'Orient, ou les Mages de l'Orient où ils étaient la virent-ils se lever à l'Occident? C'est ce qu'on ne sait pas; elle a pu très bien se le ver en Orient et les conduire à Jérusalem. - S. Aug. (serm. sur l'Epiph). Vous me demande rez: Qui donc leur avait appris que cette étoile annonçait la naissance du Christ? Sans doute les anges par voie de révélation. Était-ce de bons ou de mauvais anges? Les mauvais anges, c'est-à-dire les démons, ont eux-mêmes confessé que le Christ était fils de Dieu. Mais pourquoi ne seraient-ce pas les bons anges qui auraient été chargés de cette mission, puisqu'en les por tant à adorer le Christ c'était leur salut qu'on avait en vue et non pas le règne de l'iniquité? Les anges purent donc leur dire: L'étoile que vous avez vue est celle du Christ; allez, adorez-le dans l e lieu de sa naissance, et jugez de la nature et de la grandeur de celui qui vient de naî tre. - S. Léon, pape. (serm. 4. sur l'Epiph). Indépendamment de l'éclat de l'étoile qui frappa leurs yeux, un rayon plus brillant encore de la vérité éclaira et instruisit leurs coeurs, et c'était là une figure de la lumière que la foi répand dans les âmes.



S. Aug. (liv. des quest. du Nouv. et de l'Anc. Test., chap. 63). Ou bien encore ils comprirent que le roi des Juifs était né parce que l'étoile était un indice ordinaire de la royauté temporelle. En effet, ces Mages n'étudiaient pas le cours des astres dans des intentions coupables, mais pour satisfaire le désir qu'ils avaient de connaître. Comme il y a tout lieu de le croire, ils sui vaient la tradition de Balaam, qui avait dit autrefois (Nb 24): «Une étoile se lèvera de Ja cob». On comprend donc qu'en voyant une étoile paraître dans le ciel en dehors du système des constellations, ils jugèrent que c'était l'étoile prédite par Balaam comme signe de la nais sance du roi des Juifs.



S. Léon, pape (serm. 4 sur l'Epiph). Ce que les Mages avaient cru et ce qu'ils avaient com pris pouvait leur suffire, et ils n'avaient pas besoin d'examiner des yeux du corps ce qu'ils avaient vu des yeux de l'âme; mais ce zèle, cet empressement, cette persévérance qui les conduisirent jusqu'au berceau du Sauveur étaient dans l'intérêt des hommes de notre temps, car de même que l'apôtre saint Thomas, en touchant de sa main les cicatrices des plaies de Notre-Seigneur après sa résurrection, nous a été grandement utile, de même il nous est avanta geux que les Mages aient constaté de leurs yeux l'enfance du Sauveur. Ils disent donc: «Nous som mes venus l'adorer». - S. Chrys. (sur S. Matth). Ignoraient-ils donc qu'Hérode régnait dans Jérusalem? Ne s avaient-ils pas que tout homme qui du vivant d'un roi prononce le nom d'un autre roi ou lui rend hommage, paie cette témérité de sa vie? Mais, l'oeil fixé sur le roi de l'avenir, ils ne craignent pas celui qui règne actuellement; ils n'avaient pas encore vu le Christ, et déjà ils étaient prêts à mourir pour lui. Heureux Mages, qui avant de connaître le Christ l'ont confessé en présence du plus cruel des tyrans !





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