Catena Aurea 3304

v. 4

3304 Mt 3,4

S. Chrys. (sur S. Matth). Après nous avoir appris que Jean est la voix de celui qui crie dans le désert, l'Évangéliste ajoute à dessein: «Or, Jean»,etc. Ces paroles nous font connaître quelle était sa vie; ainsi, pendant qu'il rendait témoignage au Christ, sa vie lui rendait témoignage à lui-même, car personne ne peut être le digne témoin d'un autre s'il n'est d'abord son propre témoin. - S. Hil. (can. 2 sur S. Matth). Le lieu que Jean avait choisi était le plus convenable pour la prédication: ainsi avait-il pris le vêtement le plus utile et choisi la nourriture la plus appropriée à sa vocation. - S. Jér. Son vêtement était fait de poils de chameau et non de laine; le premier de ces vêtements est l'indice d'une vie austère et pénitente; le second, d'une délicatesse efféminée. - S. Chrys. (sur S. Matth). Les serviteurs de Dieu doivent se vêtir, non pour plaire aux regards ou pour flatter leur chair, mais pour couvrir leur nudité. Voyez en effet Jean-Baptiste: son vêtement n'était ni doux ni délicat; c'était une espèce de cilice lourd et rude, plus fait pour mortifier la chair que pour la flatter, de sorte que le seul vê tement de son corps annonçait la force de son âme. - Suite. «Et une ceinture de cuir autour des reins»,etc. C'était la coutume chez les Juifs de porter des ceintures de laine, et Jean-Baptiste, par un esprit de plus grande austérité, porte une ceinture de peau.

S. Jér. Ce que l'Évangéliste ajoute: «Sa nourriture était du miel sauvage et des sauterelles»,convient à l'homme de la solitude, qui prend la nourriture non pour goûter les délices de la table, mais pour satisfaire aux exigences du corps. - Rab. Il se contente d'une nourriture légère, composée de petits insectes, et de miel qu'il trouvait sur le tronc des arbres. Nous li sons dans les ouvrages d'Arculphe, évêque des Gaules, que l'espèce de sauterelles qui se trouve dans le désert de la Judée est des plus petites; leur corps grêle et court a la forme d'un doigt de la main; on les prend facilement dans les prairies, et lorsqu'elles sont cuites, elles ser vent d'aliments aux pauvres. Il raconte également qu'on trouve dans le même désert des arbres dont la feuille ronde et large a la couleur du lait et la saveur du miel; elles se broient fa cilement avec la main, et forment une autre espèce de nourriture qui est ici désignée sous le nom de miel sauvage.

Remi. Ce genre de vêtements et cette nourriture pauvre annoncent un homme qui pleure les péchés du genre humain. - Rab. On peut voir aussi dans ce vêtement et dans cette nourriture un indice des dispositions de son âme. Il se revêt d'un habit rude et austère parce qu'il devait reprendre les vices des pécheurs. - S. Jér. Cette ceinture de cuir qui entoure ses reins est une preuve de sa mortification. - Rab. Il mangeait des sauterelles et du miel sauvage, parce que sa prédication était agréable à la multitude, mais qu'elle arriva bientôt à sa fin. Le miel en effet est la douceur même, et le vol des sauterelles vif et léger, mais il est de courte durée.

Remi. Jean, qui veut dire grâce de Dieu, représente le Christ qui apporte la grâce au monde; son vêtement est le symbole de l'Église formée des Gentils. - S. Hil. (Can. 2 sur S. Matth). Le prédicateur du Christ se revêt des dépouilles des animaux immondes, auxquels les Gentils sont trop semblables, et en devenant le vêtement du prophète ils sont purifiés de tout ce que leur vie contenait d'impur ou d'inutile. La ceinture dont ses reins sont entourés, est la prépara tion efficace à toute sorte de bonnes oeuvres, et la disposition où nous devons être de remplir toute espèce de ministère auquel Jésus-Christ nous appelle. Il choisit pour nourriture les saute relles qui nous fuient et s'envolent successivement à chaque pas que nous faisons. Ainsi notre volonté vagabonde se trahissant dans l'extérieur léger de nos corps, nous emportait et nous rendait inabordables et inaccessibles à toute parole, vides de bonnes oeuvres, murmurateurs et inconstants; mais nous sommes devenus maintenant la nourriture des saints, la société des prophètes, nous sommes du nombre des élus, et le doux miel que nous devons leur offrir ne vient pas des ruches de la loi, c'est un miel sauvage recueilli sur les arbres des forêts.


vv. 5, 6

3305 Mt 3,5-6

S. Chrys. (sur S. Matth). Après nous avoir fait connaître la vie de Jean, l'Évangéliste ajoute comme conséquence: «Alors Jérusalem venait à lui», etc. Car la renommée de sa vie dans le désert avait plus de retentissement que le son de sa voix. - S. Chrys. (hom. 10 sur S. Matth). C'était un spectacle admirable de voir une force aussi grande dans un corps mortel. C'est aussi ce qui attirait le plus les juifs, qui croyaient voir en lui le grand prophète Élie. Ce qui augmentait leur étonnement, c'est que depuis longtemps ils étaient privés de la grâce des prophéties, et que cette grâce paraissait leur être rendue. Le genre de prédication tout différent y contribuait encore, car ils n'ente ndaient rien de ce que les autres prophètes avaient coutume de leur annoncer, les combats, les victoires des Assyriens et des Perses. Jean-Baptiste ne leur parlait que des cieux, du royaume que Dieu y a fondé, et du supplice de l'enfer.

L'Évangéliste ajoute: «Alors toute la ville de Jérusalem allait vers lui, et ils étaient baptisés par lui dans le Jourdain». - La Glose. (interlin). C'était un baptême de préparation, qui n'effaçait pas les péchés. - Remi. Le baptême de Jean figurait la conduite que tient l'Église à l'égard des catéchumènes; on catéchise les enfants pour les rendre dignes du sacrement de baptême; ainsi Jean donnait le baptême, afin que ceux qui le recevaient méritassent par une vie vraiment pieuse le baptême de Jésus-Christ. Il baptisai t dans le Jourdain pour ouvrir la porte du royaume des cieux dans le même endroit qui avait ouvert aux enfants d'Israël l'entrée de la terre promise.

Suite. «Confessant leurs péchés». - S. Chrys. (sur S. Matth). Devant l'éminente sainteté de Jean-Baptiste, qui pourra se croire juste? De même qu'un vêtement d'une éclatante blan cheur perd tout son éclat et paraît même souillé si on le place près de la neige; ainsi en compa raison de saint Jean tout homme se trouvait impur et se hâtait de confesser ses péchés. Or la confession des péchés est la marque d'une conscience qui craint Dieu, car la crainte qui est parfaite triomphe de toute honte. On se laisse arrêter par la honte de se confesser, quand on ne croit pas au châtiment qui doit suivre le jugement dernier. Et comme la honte et la confusion sont une peine assez forte, Dieu nous ordonne l'aveu de nos fautes pour nous soumettre à cette peine de la honte, car elle fait aussi partie du jugement.

Rab. C'est avec raison que l'Évangéliste dit que ceux qui devaient être baptisés sortaient pour aller trouver le prophète, car à moins de sortir de ses faiblesses, de renoncer aux pompes du démon et aux attraits séducteurs du monde, on ne peut recevoir le baptême avec fruit. Il était également convenable qu'ils fussent baptisés dans le Jourdain, dont le nom signifie descente, car ils descendaient des hauteurs orgueilleuses de leur vie pour se soumettre aux humiliations d'une confession véritable. Dès lors l'exemple était donné à ceux qui voulaient recevoir le baptême de confesser leurs péchés et de s'engager à mener une vie plus pure.


vv. 7-10

3307 Mt 3,7-10

S. Grég. (Pastoral., partie 3, dans le Prologue). Le discours de ceux qui enseignent doit varier suivant les auditeurs; il faut qu'il réponde aux dispositions de chacun d'eux, sans s'écarter cependant des règles de l'édification commune. - La Glose. Il était donc nécessaire que l'Évangéliste, après nous avoir rapporté les enseignements que saint Jean donnait à la multi tude, nous fît connaître les instructions qu'il adressait à ceux qui paraissaient plus avancés, et c'est pour cela qu'il ajoute: «Or voyant beaucoup de Pharisiens»,etc. Isid. (Liv. des Etymol. ou des Origines, liv. 8, chap. 4). Les Pharisiens et les Sadducéens sont divisés entre eux. Le nom de Pharisiens, d'étymologie hébraïque, signifie divisé, parce que les Pharisiens mettent au-dessus de tout la justice qui vient des traditions et des observances légales; ils sont donc re gardés comme divisés du reste du peuple par cette manière d'entendre la justice. Le nom de Sadducéen veut dire juste et ils se donnent ainsi un nom qu'ils ne méritent pas, eux qui nient la résurrection des morts et qui prétendent que l'âme meurt avec le corps. Ils n'admettent que les cinq livres de la loi, et rejettent les oracles des prophètes.

La Glose. Jean voyant venir à son baptême ces hommes qui étaient les premiers d'entre les Juifs, leur dit: «Race de vipères, qui vous a montré à fuir la colère qui doit tomber sur vous ?» - Remi. C'est la coutume des écrivains sacrés de donner aux hommes le nom de ceux dont ils imitent les oeuvres, comme on le voit en ce passage: «Ton père est Amorrhéen».Ainsi les Pharisiens sont appelés race de vipères, parce qu'ils imitent les moeurs des vipères. - S. Chrys. (sur S. Matth). Tel qu'un médecin habile qui voyant un malade, connaît à la couleur seule de son visage la nature de sa maladie; ainsi Jean-Baptiste découvre aussitôt les pensées mauvaises des Pharisiens qui s'approchent de lui; ils disaient probablement en eux-mêmes: Allons, confessons nos pêchés; il ne nous impose aucune oeuvre difficile, faisons-nous baptiser, et nos péchés nous seront pardonnés. Insensé, lorsque l'estomac a digéré une nourriture cor rompue, peut-il se passer de médecine? Ainsi après la conversion, après le baptême, faut-il prendre les plus grands soins pour l'entière guérison des blessures que le péché a faites à l'âme. «Race de vipères»,leur dit-il: en effet les morsures des vipères ont ce caractère particulier que celui qui en est atteint court aussitôt chercher de l'eau, et s'il n'en trouve pas, il meurt de sa blessure. Or saint Jean les appelle race de vipères, parce qu'après s'être rendus coupables de fautes mortelles, ils accouraient à son baptême pour échapper par l'eau, comme des vipères, au danger de mort qu'ils portaient en eux. Il les appelle encore race de vipères, parce que les vipè res déchirent en naissant le sein de leurs mères, et que les Juifs, en ne cessant de persécuter les prophètes, ont aussi déchiré le sein de la Synagogue leur mère. Enfin les vipères ont un exté rieur brillant et nuancé de diverses couleurs, tandis qu'au dedans elles sont remplies de venin; et c'est ainsi qu'eux-mêmes offraient comme peinte sur leur visage toute la beauté de la ver tu.

Remi. Lorsque saint Jean dit: «Qui vous a enseigné à fuir la colère qui doit venir ?», il faut donc entendre si ce n'est Dieu.
- S. Chrys. (sur S. Matth). « Qui vous a enseigné ?» Est-ce le prophète Isaïe? Non: s'il avait été votre maître, vous ne placeriez pas votre espérance dans l'eau seule du baptême, mais encore dans les bonnes oeuvres, car c'est lui qui a dit: «Lavez-vous, purifiez-vous, faites disparaître le mal de vos âmes, apprenez à bien faire». Est-ce Da vid qui a dit aussi: «Lavez-moi, et je serai plus blanc que la neige ?» Non, car il ajoute en suite: «Le sacrifice que Dieu demande, c'est un coeur contrit».Si donc vous étiez les disci ples de David, vous approcheriez du baptême en gémissant. - Remi. Si on lit au futur: «Qui vous apprendra», le sens sera: Quel sera le docteur, quel sera le prédicateur qui vous enseignera le moyen d'échapper à la colère de la damnation éternelle? - S. Aug. (Cité de Dieu, liv. 9, chap. 5). Lorsque l'Écriture nous dit que Dieu se met en colère, ce n'est point qu'il soit soumis à la faiblesse de nos passions, et qu'elles excitent le trouble dans son âme, c'est uni quement à cause d'une certaine ressemblance de ses actions avec les nôtres, et le mot exprime simplement l'effet de la vengeance, et non pas le mouvement violent qui l'accompagne ordinai rement. - La Glose. Si donc vous voulez éviter cette colère, faites de dignes fruits de péni tence. - S. Grég. (hom. 20 sur les Evang). Remarquons que saint Jean n'exige pas seule ment des fruits de pénitence, mais de dignes fruits de pénitence. En effet celui qui n'a fait au cune chose défendue peut légitimement jouir des choses permises, mais celui qui est tombé dans le péché doit d'autant plus se retrancher ce qui est permis qu'il se souvient de s'être livré plus entièrement aux choses défendues. C'est donc à la conscience de chacun qu'il s'adresse pour qu'on cherche d'autant plus à s'enrichir de bonnes oeuvres par la pénitence qu'on a subi de plus grandes pertes par les fautes qu'on a commises. Mais les Juifs, tout fiers de la noblesse de leur origine, ne voulaient pas s'avouer pécheurs, parce qu'ils descendaient de la race d'Abraham. - S. Chrys. (hom. 10 sur S. Matth). Il ne veut par leur défendre de se dire en fants d'Abraham, mais de mettre toute leur confiance dans ce titre, sans s'appliquer aux vertus solides de l'âme. - S. Chrys. (sur S. Matth). A quoi sert un sang illustre à celui dont les moeurs sont dépravées, et en quoi peut nuire une naissance obscure à celui dont les vertus sont le plus bel ornement? Il vaut mieux pour un homme être la gloire de ses p arents qui seront fiers d'avoir un tel fils, que de tirer sa propre gloire de ceux qui lui ont donné le jour. Ne vous glorifiez donc pas en disant: Nous avons Abraham pour père, mais rougissez plutôt d'être ses descendants, sans être les héritiers de ses vertus; car celui qui ne ressemble pas à son père passe pour être le fruit de l'adultère. Par ces paroles: «Et ne dites pas»,il condamne donc la vaine gloire qu'on veut tirer de son origine.

Rab. Comme ce héraut de la vérité venait appeler les hommes à la pénitence, il les exhorte à l'humilité, sans laquelle il n'y a point de repentir possible, et il ajoute :«Je vous le déclare, Dieu pourrait de ces pierres susciter des enfants d'Abraham». - Rab. L'histoire rapporte que Jean prêchait dans cet endroit du Jourdain où douze pierres tirées du lit de ce fleuve furent dressées par l'ordre du Seigneur (Jos 4, 2.8). Or on peut supposer que Jean-Baptiste indiqua ces pierres lorsqu'il dit ces paroles : «Dieu est assez puissant pour susciter de ces pierres mêmes des enfants d'Abraham». - S. Jér. Par là il montre la puissance de Dieu, qui après avoir tiré le monde du néant pouvait encore se créer un peuple en donnant la vie aux pierres les plus dures. Car les premiers éléments de la foi consistent à croire que la puissance de Dieu n'a point de bornes. Or que des pierres donnent naissance à des hommes, c'est un prodige semblable à celui qui fit naître Isaac de Sara, naissance à laquelle le prophète fait allusion en ces termes: «Rappelez dans votre esprit la roche dont vous avez été tirés». En rappelant cette prophétie aux Juifs, saint Jean leur apprend qu'il peut encore maintenant opérer un semblable prodige. - Rab. Ou bien dans un autre sens on peut dire que ces pierres figurent les Gentils qui adoraient des idoles de pierre. - S. Chrys. (sur S. Matth). Remarquez encore que la pierre est dure à travailler; mais lorsqu'on a su en tirer parti, l'ouvrage qui en résulte est indestructible: ainsi les Gentils n'ont embrassé la foi qu'avec difficulté, mais depuis ils n'ont cessé d'y persévérer. - S. Jér. Lisez Ezéchiel (Ez 11, 49): «Je vous ôterai votre coeur de pierre, et je vous donne rai un coeur de chair».La pierre signifie ce qui est dur, la chair ce qui est tendre. - Rab. Dieu a donc tiré de ces pierres des enfants d'Abraham, car les Gentils en croyant en Jésus-Christ fils d'Abraham, sont devenus eux-mêmes les enfants d'Abraham par cette union avec son Fils.

Suite. «Déjà la cognée est à la racine de l'arbre». - S. Chrys. (sur S. Matth). La cognée est cette colère si aiguisée de la fin des temps, qui doit opérer de si grands retranchements dans le monde entier. Mais si elle est déjà placée à la racine de l'arbre, pourquoi ne coupe-t-elle pas? Parce que les arbres dont il s'agit sont doués de raison et qu'il est à leur pouvoir de faire le bien ou de ne pas le faire; en voyant la cognée appliquée à leur racine, ils peuvent craindre d'être coupés et se hâtent de porter des fruits. La menace de la colère qui est la cognée placée à la racine, bien qu'elle ne fasse rien aux méchants, sert donc au moins à séparer les bons des méchants. - S. Jér. Ou bien encore cette hache est la prédication de l'Évangile, d'après le prophète Jérémie, qui compare la parole du Seigneur à une hache qui coupe la pierre (Jr 23,29). - S. Grég. (hom. 20). Ou bien la hache figure notre Rédempteur, car de même qu'elle se compose d'un manche et d'un fer, ainsi le Sauveur est un composé de la divinité et de l'humanité; on peut le toucher et le tenir par son humanité, mais sa divinité est comme le fer tranchant de la hache. Cette hache est placée à la racine de l'arbre, car, bien qu'il attende avec patience, on voit ce qu'elle doit faire, et que tout arbre qui ne porte pas de bon fruit sera coupé et jeté au feu. En effet, tout homme pervers qui refuse de produire ici-bas les fruits des bonnes oeuvres, trouve déjà préparé pour lui le feu de l'enfer qui doit le consumer. Saint Jean nous dit que la cognée est appliquée à la racine de l'arbre, et non pas aux branches. En effet, lorsque les enfants des méchants disparaissent, ce sont les branches de l'arbre stérile qui sont retranchées; mais, lorsque toute la famille disparaît avec le père, l'arbre infructueux est coupé à la racine de manière que cette race dépravée ne puisse plus pousser le moindre rejeton. - S. Chrys. (hom. 2 sur S. Matth). En disant tout arbre, Jean-Baptiste exclut la supériorité qui vient de la no blesse, de l'origine, et il semble dire: Quand vous seriez descendant d'Abraham, vous n'échapperez pas au châtiment, si vous demeurez stérile. - Rab. On distingue quatre espèces d'arbres: l'arbre complètement stérile et qui est la figure des païens; celui qui porte des feuil les, mais pas de fruits, image de l'hypocrite; celui qui a des feuilles, qui porte des fruits, mais des fruits vénéneux, symbole de l'hérétique; enfin, celui qui est couvert de feuilles et produit de bons fruits, et qui représente les vrais catholiques. - S. Grég. Donc tout arbre qui ne porte pas de bons fruits sera coupé et jeté au feu, parce que celui qui a négligé de produire le fruit des bonnes oeuvres est réservé au feu de l'enfer, qui doit le réduire en cendres.


vv. 11, 12

3311 Mt 3,11-12

La Glose. Après avoir développé dans les paroles précédentes ce qu'il n'avait fait qu'indiquer en commençant, sur la nécessité de faire pénitence, Jean-Baptiste devait expliquer avec la même clarté ce qu'il avait dit du royaume de Dieu qui était proche, et c'est ce qu'il fait dans les paroles qui suivent: «Je vous baptise dans l'eau pour la pénitence»,etc. - S. Grég. (hom. 7 sur les Evang). Jean baptise, non dans l'esprit, mais dans l'eau, parce qu'il ne peut effacer les péchés: il lave les corps dans l'eau, mais il ne peut purifier les âmes par le par don. - S. Chrys. (hom. 10 sur S. Matth). Puisque la victime n'avait pas encore été offerte (cf. ), que le péché n'était pas expié, et que l'Esprit saint n'était pas encore descendu sur l'eau, comment donc pouvait-on obtenir la rémission des péchés? Nous répondons que tout le malheur des Juifs venait de ce qu'ils ne sentaient pas qu'ils étaient pécheurs, Jean était donc envoyé pour leur faire connaître leurs péchés et leur rappeler la nécessité de faire péni tence.

S. Grég. (hom. 7). Mais pourquoi celui qui ne peut remettre les péchés donne-t-il le baptême? C'est pour continuer à remplir son ministère de précurseur; sa naissance avait précédé celle du Sauveur, son baptême devait précéder également le baptême du Seigneur. - S. Chrys. (sur S. Matth). Ou bien Jean fut envoyé pour baptiser afin de découvrir à ceux qui venaient recevoir son baptême la présence de Fils de Dieu dans une chair mortelle, comme il l'atteste lui-même: «Je suis venu baptiser dans l'eau pour le manifester en Israël» (Jn 1). - S. Aug. (Traité sur saint Jean). Ou bien encore il baptise, parce qu'il fallait que le Christ fût baptisé. Mais pour quoi le Christ seul n'a-t-il pas été baptisé par Jean-Baptiste, si l'objet de la mission de Jean-Baptiste était de baptiser le Christ? Si le Seigneur seul avait reçu le baptême de Jean, bien des personnes auraient cru que le baptême de Jean était supérieur au baptême du Christ, puisque le Christ seul avait été jugé digne de le recevoir. - Rab. Ou bien enfin il baptise pour séparer par ce signe extérieur les pénitents de ceux qui ne voulaient point se repentir, et pour les cond uire ainsi jusqu'au baptême du Seigneur.

S. Chrys. (sur S. Matth). Comme c'était pour préparer la venue du Christ qu'il baptisait, il annonce à ceux qui vont recevoir son baptême que le Christ doit bientôt paraître, et leur fait connaître en ces termes la supériorité de sa puissance: «Celui qui vient après moi est plus puissant que moi». - Remi. Remarquons que le Christ est venu après Jean de cinq maniè res: par sa naissance, par sa prédication, par son baptême, par sa mort, par sa descente aux enfers; et c'est avec raison que Jean-Baptiste déclare que le Seigneur est plus puissant que lui, parce que Jean-Baptiste n'était qu'un homme, et que le Christ était Dieu et homme tout à la fois. - Rab. Ces paroles de Jean reviennent à celles-ci: Je suis fort pour inviter les hom mes à la pénitence; lui, au contraire, est fort pour remettre les péchés; je suis fort pour prêcher le royaume des cieux, lui pour le donner; je suis fort pour baptiser dans l'eau, lui pour baptiser dans l'esprit. - S. Chrys. (Hom. 2 sur S. Matth). Quand je vous dis qu'il est plus fort que moi, n'allez pas penser que je veuille par là établir entre lui et moi la moindre comparaison, car je ne suis pas digne de prendre place parmi ses serviteurs et de lui rendre le plus petit et le der nier des offices. C'est pour cela qu'il ajoute: «Je ne suis pas digne de porter sa chaussure». - S. Hil. Il laisse aux Apôtres la gloire de porter par toute la terre la prédication de l'Évangile, parce qu'il était réservé à leurs pieds sacrés l'aller annoncer aux hommes la paix de Dieu. - S. Chrys. (Sur S. Matth). Ou bien encore les pieds du Christ peuvent figurer les chrétiens, principalement les Apôtres et les autres prédicateurs de l'Évangile, du nombre desquels était Jean-Baptiste. Les chaussures sont les infirmités dont Dieu couvre les prédicateurs; tous donc portent les chaussures du Christ; Jean lui-même les portait, mais il se déclarait indigne de les porter, pour montrer la supériorité de la grâce de Jésus-Christ sur ses propres mérites. - S. Jér. Nous lisons dans un autre évangile (Jn 1):
«Je ne suis pas digne de dénouer les cordons de sa chaussure».Nous voyons d'un côté l'humilité, de l'autre le ministère du saint précurseur; car le Christ est l'époux et Jean se dé clare indigne de dénouer les cordons de sa chaussure, afin que la maison de l'époux ne soit pas appelée, comme on le voit dans la loi de Moïse (Dt 25) et par l'exemple de Ruth (Rt 4), la maison de celui qui a perdu sa chaussure.

S. Chrys. (sur S. Matth). Comme personne ne peut donner un bien qui soit au-dessus de lui, ni faire un autre plus qu'il n'est lui-même, Jean-Baptiste ajoute: «C'est lui qui vous baptisera dans le feu et dans l'Esprit saint».Jean-Baptiste étant corporel ne peut donner un baptême spirituel; il baptise dans l'eau qui est un corps. C'est le corps qui baptise avec un élément cor porel; le Christ, au contraire, est esprit parce qu'il est Dieu; l'Esprit saint est lui-même esprit, l'âme est esprit aussi; c'est donc l'esprit qui baptise avec l'esprit. Or, le baptême de l'esprit est souverainement utile, car l'esprit entrant dans l'âme l'embrasse, l'entoure comme d'un mur inexpugnable, et ne permet pas que les convoitises charnelles prévalent contre elle. Il n'empêche pas les désirs de la chair de naître dans l'âme, mais il garde l'âme pour l'empêcher d'y consentir. Le Christ est juge aussi, il baptise donc dans le feu, c'est-à-dire dans les tenta tions. Celui qui n'est qu'un homme ne peut baptiser dans le feu, car celui-là seul a le pouvoir de tenter, qui est assez puissant pour récompenser. Ce baptême de la tribulation ou du feu consume la chair et détruit en elle les germes de la concupiscence; ce ne sont pas les peines spirituelles que la chair redoute, mais les peines corporelles; aussi, Dieu n'épargne pas à s es serviteurs les tribulations de la chair, afin qu'étant dominée par la crainte des peines qu'elle éprouve, elle cesse de désirer le mal. Vous voyez donc que l'esprit repousse les concupiscen ces et ne permet pas qu'elles soient victorieuses, tandis que le feu en consume jusqu'aux raci nes. S. Jér. Ou bien: «Dans l'Esprit saint et le feu», en ce sens que le feu c'est l'Esprit saint lui-même, car lorsqu'il descendit il se reposa sur chacun des Apôtres sous la forme de langues de feu... Et alors fut accomplie cette parole du Seigneur: «Je suis venu apporter le feu sur la terre»,Ou bien peut-être, nous sommes baptisés actuellement dans l'Esprit saint, et nous le serons plus tard dans le feu, selon cette parole de l'Apôtre: «Le feu éprouvera l'ouvrage de chacun». - S. Chrys. (Hom. 11). Il ne dit pas: Il vous donnera l'Esprit saint, mais: Il vous baptisera dans l'Esprit saint, exprimant par cette figure l'abondance de la grâce. Il nous enseigne encore par là qu'il n'a besoin que de notre seule volonté dans la foi et non pas de nos sueurs et de nos travaux pour nous justifier, et qu'il nous est aussi facile d'être renouvelés et rendus meilleurs qu'il l'est d'être baptisé. Cette comparaison du feu nous montre l'énergie de la grâce, qui ne peut être vaincue; nous voyons aussi que le Christ doit rendre en un instant ses serviteurs semblables aux grands prophètes des temps anciens et il a recours à cette comparai son parce que plusieurs des visions prophétiques ont eu lieu sous la figure du feu.

S. Chrys. (sur S. Matth). Il est donc évident que le baptême du Christ ne détruit pas le bap tême de Jean, mais qu'il le renferme; celui qui est baptisé au nom de Jésus-Christ reçoit les deux baptêmes de l'eau et de l'esprit; car le Christ, qui était esprit, a pris un corps afin de pouvoir donner un baptême à la fois corporel et spirituel. Quant au baptême de Jean, il ne renfermait pas celui du Christ, car ce qui est moindre ne peut contenir ce qui est plus grand. Aussi l'apôtre ayant rencontré des habitants d'Ephèse qui avaient reçu le baptême de Jean, il les baptisa de nouveau au nom du Christ (Ac 19), parce qu'ils n'avaient pas été baptisés dans l'esprit. Jésus-Christ lui-même baptisa de nouveau ceux qui avaient reçu le baptême de Jean, comme ce dernier nous l'apprend: «Pour moi, je vous baptise dans l'eau; mais pour lui, il vous baptisera dans le feu». Cependant on ne peut dire que Jésus rebaptisait, car il ne baptisait qu'une fois en réalité; le baptême du Christ étant supérieur à celui de Jean, ce n'était pas un baptême renouvelé, c'était un nouveau baptême, parce que l'ancien trouvait sa fin en Jésus-Christ. - S.Hil. (can. 2 sur S. Matth). En disant: «Il vous baptisera dans l'Esprit saint et le feu»,Jean-Baptiste indique les cieux époques différentes du sa lut et du jugement de tous les hommes, car ceux qui ont été baptisés dans l'Esprit saint doivent un jour passer par le feu du jugement; c'est pour cela qu'il ajoute: «Il a son van en la main». - Rab. Par le van, (ou la pelle), on doit entendre le discernement qui suivra le jugement, et que le Seigneur a dans sa main ou en son pouvoir, car le Père a donné tout jugement à son Fils.

Suite. «Et il nettoiera son aire». - S. Chrys. (sur S. Matth). L'aire c'est l'Église; le gre nier, le royaume du ciel; le champ, le monde. Le Seigneur en envoyant comme des moisson neurs ses apôtres et les autres prédicateurs, a retranché du monde toutes les nations, et les a réunies dans l'aire de son Église. C'est là que nous devons être battus, vannés, comme le blé. Or tous les hommes se plaisent dans les jouissances charnelles comme le grain dans la paille; mais le chrétien fidèle, et dont le fond du coeur est bon, à la plus légère atteinte de la tribulation laisse là les plaisirs des sens et court se jeter dans les bras du Seigneur; au contraire, celui dont la foi est médiocre le fait à peine sous le poids de grandes tribulations. Pour l'infidèle qui est absolument dénué de foi, quelque grandes que soient ses épreuves, il ne pense pas à recourir à Dieu. Lorsque le grain a été battu, il est étendu sur l'aire, confondu avec la paille, et on a be soin de le vanner pour l'en séparer. C'est ainsi que dans une seule et même Église les fidèles sont confondus avec les infidèles. Or la persécution s'élève comme un souffle violent, af in que le van du Christ, en les agitant fortement, sépare entièrement ceux qui étaient déjà séparés par leurs oeuvres. Et remarquez qu'il ne dit pas simplement: «Il nettoiera son aire», mais «il la nettoiera parfaitement»; car il faut que l'Église soit éprouvée de mille manières avant d'être entièrement purifiée. Les Juifs sont les premiers qui l'ont pour ainsi dire vannée, puis sont ve nus les Gentils, et après eux les hérétiques; l'Antéchrist viendra en dernier lieu. Lorsque le souffle du vent est faible, tout le grain n'est pas vanné; il n'y a que les pailles les plus légères qui soient secouées, les plus pesantes restent sur l'aire. Ainsi qu'une légère tentation vienne à souffler, les plus mauvais seuls se retirent; mais qu'une violente tempête s'élève, on voit dispa raître ceux qui paraissaient les plus stables; c'est pourquoi les grandes épreuves sont nécessai res à l'Église pour la purifier entièrement. - Remi. Dieu purifie aussi son aire, c'est-à-dire son Église, dès cette vie, soit lorsque le jugement des prêtres retranche les méchants du sein de l'Église, soit lorsque la mort les enlève de cette terre.

Rab. L'aire sera entièrement nettoyée à la fin des temps, lorsque le Fils de l'homme enverra ses anges, et qu'il fera disparaître tous les scandales de son royaume. - S. Grég. (Moral. liv. 34, ch. 5). Après avoir été battu pendant la vie présente, où il gémit sous la paille, le grain en sera parfaitement séparé par le van du dernier jugement, de manière que ni les pailles ne suivront le blé dans le grenier, ni le blé lui-même ne tombera dans le feu qui doit consumer les pailles; c'est ce que nous apprennent les paroles suivantes: «Il ramassera son blé dans le grenier et brûlera la paille dans un feu qui ne s'éteindra jamais». - S. Hil. Le froment, c'est-à-dire les oeuvres parfaites des fidèles sera recueilli dans les greniers célestes et les pailles, c'est-à-dire les actions vaines et stériles des hommes, seront brûlées par le feu du jugement. - Rab. Il y a cette différence entre la paille et l'ivraie, que la paille sort de la semence du blé, et l'ivraie d'une semence étrangère. Les pailles représentent donc ceux qui ont été imprégnés de la sève vivifiante des sacrements, mais qui n'ont aucune consistance; et l'ivraie ceux que leurs oeuvres et leu rs croyances ont totalement séparés de la destinée des chrétiens. -
Remi. Ce feu qui ne s'éteint pas, c'est la peine de la damnation éternelle; elle est ainsi appelée, soit parce qu'elle ne cesse de tourmenter sans les faire mourir ceux qu'elle dévore, soit pour la distinguer du feu du purgatoire, dont la durée n'a qu'un temps et qui doit s'éteindre un jour.

S. Aug. (De l'acc. des Ev. liv, 2, chap. 12). Si l'on demande ici quelles sont les vraies paroles de Jean-Baptiste, celles que lui prête saint Matthie u, ou bien celles que lui fait dire saint Marc ou saint Luc, nous répondrons que cette difficulté ne doit pas arrêter un instant celui qui fait cette observation judicieuse que toutes ces maximes sont nécessaires pour faire connaître la vérité, quelle que soit d'ailleurs leur expression. Nous devons conclure de là qu'il ne faut pas regarder comme mensonger le récit tout différent, sous le rapport de la forme et de l'expression, que plusieurs personnes peuvent faire d'un même fait qu'elles ont vu ou entendu. Celui qui prétend que l'Esprit saint aurait dû accorder par sa puissance aux apôtres le privilège de ne varier en rien ni sur le choix des mots, ni sur leur nombre, ni sur la place qu'ils occupent, ne comprend pas que plus l'autorité des Évangélistes est grande et plus elle doit servir à forti fier la tranquillité de tout homme qui dit vrai. Mais lorsqu'un Évangéliste dit: «Je ne suis pas digne de porter sa chaussure», et un autre: «Je ne suis pas digne de délier sa chaussure, la différence ne porte pa s seulement sur l'expression, mais sur le fait lui-même. On peut donc rechercher avec raison laquelle de ces deux expressions est sortie de la bouche de Jean-Baptiste. Car la vraie est celle dont s'est servi le saint précurseur et celui qui lui en prête une autre, sans être pour cela coupable de mensonge, sera nécessairement accusé d'oubli en disant une chose pour une autre. Or on ne peut admettre dans les Évangélistes aucune erreur, qu'elle ait pour cause le mensonge ou un simple oubli. Si donc on doit regarder ces deux expressions comme réellement différentes, il faut dire que Jean s'est servi de toutes les deux, ou dans des temps différents, ou successivement dans la même circonstance. Mais si saint Jean, en parlant de la chaussure de Jésus, n'a voulu exprimer autre chose que l'élévation du Sauveur et sa pro pre bassesse, quelle que soit l'expression qu'ait employée l'Évangéliste qui au moyen de cette comparaison des chaussures diversement présentée en a fait ressortir la même leçon d'humilité, il a exprimé la même pensée que le saint précurseur, et ne s'est pas écarté de son intention. C'est donc une règle utile, et qu'on ne peut trop se rappeler, qu'il n'y a point de mensonge dans un auteur qui rend la pensée de celui qui fait l'objet de son récit, quand même il lui prête rait des expressions dont il ne s'est pas servi, car il a évidemment la même intention que celui dont il rapporte les paroles.



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