Catena Aurea 3707

vv. 7-8

3707 Mt 7,7-8

S. Jér. Notre-Seigneur nous avait défendu plus haut de demander les biens temporels; il nous apprend ici quel doit être l'objet de nos prières en nous disant: «Demandez et vous rece vrez». - S. Aug. (serm. sur la mont). Ou bien dans un autre sens la défense qu'il nous fait de donner les choses saintes aux chiens, et de jeter les perles devant les pourceaux, aurait pu faire dire à quelqu'un de ceux qui l'entendaient, dans la conviction de son ignorance: «Pourquoi me défendez vous de donner aux chiens ce que je ne possède pas encore ?» C'est pour prévenir cette question qu'il ajoute: «Demandez et vous recevrez».

S. Chrys. (sur S. Matth). Ou bien encore Notre-Seigneur vient de donner à ses disciples quel ques préceptes qui ont rapport à la prière, tels que celui-ci: «Ne jugez pas et vous ne serez pas jugés», il ajoute donc très à propos: «Demandez et il vous sera donné»; comme s'il di sait: «Si vous montrez cette clémence à l'égard de vos ennemis, partout où une porte sera fermée, frappez et on vous ouvrira». Demandez par les prières que vous ferez jour et nuit, cherchez par vos efforts et par votre travail. Ce travail sans la grâce de Dieu ne vous donnera pas la science des Écritures, et cette grâce vous ne l'aurez pas non plus sans l'application à l'étude, car le don de Dieu ne s'accorde pas à ceux qui ne font rien pour l'obtenir. Frappez donc par la prière, par les jeûnes, et par les aumônes. Car de même que celui qui frappe à une porte, non-seulement élève la voix pour se faire entendre, mais encore frappe de la main, ainsi celui qui fait des bonnes oeuvres, frappe par ces bonnes oeuvres elles-mêmes. Mais vous me direz peut-être: Ce que je demande, c'est de savoir ce que je dois faire, et la grâce de le faire; comment donc puis-je le faire avant d'avoir reçu cette grâce? faîtes d'abord ce que vous pou vez, afin de pouvoir plus encore; pratiquez ce que vous savez, pour savoir encore davantage. Ou bien encore, il avait commandé plus haut à tous les chrétiens et surtout aux docteurs, d'aimer leurs ennemis; il leur avait ensuite défendu de donner aux chiens les choses saintes sous prétexte de charité, il leur donne maintenant ce sage conseil: Priez Dieu pour vos enne mis et vous obtiendrez ce que vous demandez; cherchez ceux qui sont morts dans leurs pé chés, et vous les trouverez; frappez à la porte de ceux qui sont dans l'erreur, et le Seigneur vous l'ouvrira. Ou bien enfin comme les préceptes qu'il a donnés plus haut dépassent les forces humaines, il élève ses disciples jusqu'à Dieu dont la grâce ne connaît rien d'impossible, en leur disant: «Demandez et vous recevrez», de manière que ce qui surpasse les forces de l'homme soit rendu possible par la grâce de Dieu. Dieu a placé la force des autres animaux ou dans l'agilité de leur course, ou dans la rapidité de leur vol, dans leurs serres, dans leurs dents, ou dans leurs cornes; mais il a voulu être lui-même la seule force de l'homme (cf. Ps 17,1 Ps 30,4 Ps 42,2 Ps 45,1 Ps 117,14 Ps 129,1), afin que pressé par le sentiment de sa faiblesse, il ne pût un seul instant se passer de Dieu. - La Glose. Nous demandons par la foi, nous cherchons par l'espérance, nous frappons par la charité. Vous devez d'abord demander pour avoir, puis chercher pour trouver, puis mettre en pratique ce que vous avez trouvé, afin de pouvoir entrer. - Remi. Ou bien nous demandons en priant, nous cherchons en vivant chrétiennement, nous frappons en persévérant dans le bien.

S. Aug. (serm sur la mont. 2, 33). La demande a pour objet d'obtenir la santé de l'âme qui nous donne la force d'accomplir les commandements: la recherche se propose de trouver la vérité, et une fois qu'on a ainsi trouvé la véritable vie, on parviendra certainement à la posses sion du véritable bien qui nous sera ouvert aussitôt que nous frapperons. - S. Aug. (Retrac tat., liv. 1, chap. 16). Je me suis appliqué à montrer en quoi diffèrent ces trois degrés de la prière. Mais il est bien plus naturel de n'y voir que la prière elle-même avec ses vives instances, car Notre-Seigneur conclut en disant: «Il donnera les biens à ceux qui les demanderont», et non pas «à ceux qui chercheront et qui frapperont». - S. Chrys. (hom. 24 sur S. Matth). En ajoutant: «Cherchez et frappez», le Sauveur nous fait un devoir de prier avec beaucoup de force et de ferveur, car celui qui cherche rejette toute autre pensée, et il est occupé exclusive ment de ce qu'il cherche; de même celui qui frappe est animé des plus vifs désirs.

S. Chrys. (sur S. Matth). Les pécheurs qui entendaient ces paroles: «Demandez et vous re cevrez» pouvaient dire: Elles ne s'adressent qu'à ceux qui méritent d'être exaucés; pour nous, nous en sommes indignes. Notre-Seigneur renouvelle donc sa promesse pour rappeler aux pé cheurs comme aux justes la grandeur de la miséricorde de Dieu: «Quiconque demande re çoit»,c'est-à-dire: juste ou pécheur, qu'il n'hésite pas à demander, afin qu'il soit bien prouvé que Dieu ne rejette personne, si ce n'est celui qui a douté que Dieu pût exaucer sa prière. On ne peut croire, en effet, que Dieu nous commande de faire du bien à nos ennemis et qu'il n'accomplisse pas lui-même ce devoir de charité, lui qui est la bonté par essence. - S. Aug. (Traité 44 sur S. Jean). il est donc certain que Dieu exauce les pécheurs, car, s'il ne les exau çait pas, c'est en vain que le publicain aurait dit (Lc 11) : «Seigneur, soyez-moi propice, à moi qui suis un pécheur».Or cependant c'est par cette confession qu'il mérita d'être justifié.

S. Aug (Liv. des Sent. Prosp). Dieu peut exaucer, dans sa miséricorde, celui qui le prie pour les nécessités de cette vie, comme il peut aussi refuser de l'exaucer par le même principe de misé ricorde. Le médecin sait mieux que le malade ce qui convient à son état. Si ce qu'il demande est l'objet d'un commandement ou d'une promesse, il obtiendra certainement ce qu'il de mande, et la charité recevra ce que la vérité tient en réserve. - S. Aug. (Lettre 250 à Paulin et à Therasia). C'est un effet de la bonté de Dieu de nous refuser souvent ce que nous vou lons, pour nous accorder ce que nous devrions préférer.

S. Aug. (serm. sur la mont., 2, 33). La persévérance nous est nécessaire, si nous voulons ob tenir ce que nous demandons. - S. Aug. (serm. 5 sur les paroles du Seign). Lorsque Dieu diffère de nous exaucer, ce n'est pas qu'il nous refuse ses dons, il veut simplement en relever le prix; les choses que nous avons longtemps désirées ont pour nous bien plus de douceur lors que nous les obtenons; si elles nous sont données aussitôt, elles perdent pour nous de leur prix. Demandez donc, cherchez, faites des instances; en demandant et en cherchant, le désir que vous avez de recevoir s'accroît. Dieu tient en réserve ce qu'il ne veut pas accorder immé diatement, pour vous apprendre à désirer grandement d'aussi grandes faveurs; c'est pour cela qu'il faut toujours prier et ne jamais cesser.


vv. 9-11

3709 Mt 7,9-11

S. Aug. Notre-Seigneur, par ces paroles: «Quel est l'homme parmi vous»,suit la même marche que précédemment, lorsqu'il a parlé des oiseaux du ciel et des lis des champs, voulant ainsi élever notre espérance de ces moindres choses à des objets plus importants. - S. Chrys. (sur S. Matth). Et de peur que le pécheur, en mesurant la distance qui sépare l'homme de Dieu et en pesant l'énormité de ses péchés, n'en vînt à perdre tout espoir d'être exaucé et à renoncer à la prière, il apporte cette comparaison d'un père et de ses enfants, afin que la considération de la bonté paternelle fasse renaître en nous l'espérance que nos péchés y détruisent. - S. Chrys. (hom. 24). Deux conditions sont exigées de celui qui prie: demander avec instance, demander des choses convenables, c'est-à-dire les biens spirituels, et c'est pour avoir suivi cette règle que Salomon obtint promptement ce qu'il avait demandé (1R 3,5 1R 3,9-10).

S. Chrys. (sur S. Matth). Sous cette figure du pain et du poisson, le Sauveur nous apprend quelles sont les choses que nous devons demander. Le pain, c'est le Verbe qui nous donne la connaissance du Père; la pierre, c'est tout mensonge qui devient pour l'âme une pierre de scandale. - Remi. Nous pouvons voir aussi dans le poisson toute parole qui a rapport au Christ, et dans le serpent le démon lui-même. Ou bien par le pain on peut entendre la doctrine spirituelle, et par la pierre, l'ignorance; par le poisson, l'eau du saint baptême; par le serpent, la fourberie du démon ou l'infidélité. - Rab. Ou bien par le pain, qui est la nourriture com mune à tous les hommes, on peut entendre la chante, sans laquelle les autres vertus n'ont au cun prix. Le poisson signifie la foi qui, née de l'eau du baptême, se trouve ballottée par les flots de ce monde au milieu desquels elle ne laisse pas de vivre. Saint Luc ajoute une troisième fi gure, qui est l'oeuf, espérance de l'animal qui doit en sortir, et qui est ici le symbole de l'espérance chrétienne. A la charité il oppose la pierre, c'est-à-dire la dureté de la haine; à la foi, le serpent, ou le venin de la perfidie; à l'espérance, le scorpion, c'est-à-dire le désespoir qui blesse par derrière, comme le scorpion.

Remi. Voici donc le sens de ce passage: Si nous demandons à Dieu le Père le pain, c'est-à-dire la doctrine ou la charité, nous n'avons pas à craindre qu'il permette jamais que notre coeur se resserre ou par la froideur qu'engendrent les haines, ou par la dureté de l'âme; et si nous lui demandons la foi, il ne nous laissera pas périr victimes du poison de l'incrédulité; c'est pour cela qu'il ajoute: «Si vous, qui êtes mauvais, savez donner de bonnes choses à vos en fants». - S. Chrys. (hom. 24). En s'exprimant ainsi, Notre-Seigneur ne déverse pas le blâme sur la nature humaine, il ne déclare pas que tout le genre humain soit mauvais, mais il veut nous montrer combien sa bonté diffère de la nôtre; il appelle mauvaise la tendresse des pères pour leurs enfants en comparaison de celle de Dieu, tant est grand l'excès de son amour pour les hommes. - S. Chrys. (sur S. Matth). En effet, tous les hommes paraissent mauvais si on les compare à Dieu, qui est le seul bon par essence, de même qu'à côté du soleil toute lumière n'est qu'obscurité. - S. Jér. Ou bien dans la personne des Apôtres il condamne tout le genre humain dont le coeur est porté au mal dès son enfance, comme nous le lisons dans la Genèse (Gn 8). Il n'est point étonnant, du reste, qu'il appelle mauvais les hommes qui vivent dans le temps, puisque l'Apôtre nous déclare que les jours qui le composent sont mauvais.

Aug. (serm. sur la mont., 2, 33). Ou bien il appelle mauvais les pécheurs et ceux qui aiment la vie de ce monde. Or, les biens qu'ils donnent, d'après leur manière de voir, peuvent être appe lés bons parce qu'ils les tiennent pour tels; et encore, considérés seulement dans leur nature, ces biens temporels ont une bonté réelle, puisqu'ils sont les soutiens de cette vie misérable. - S. Aug. (serm. 2 sur les paroles du Seign). Le bien qui seul peut vous rendre bon, c'est Dieu. L'or et l'argent sont bons, non pas qu'ils puissent vous rendre bons, mais parce qu'ils vous donnent le moyen de faire le bien. Puisque donc nous sommes mauvais et que notre Père est bon, ne demeurons pas toujours dans notre malice. - S. Aug. (serm. sur la mont). Si donc nous qui sommes mauvais nous ne laissons pas de donner ce qu'on nous demande, à combien plus forte raison devons-nous espérer que Dieu nous donnera les biens que nous lui demande rons.

S. Chrys. (sur S. Matth). Cependant, comme il ne nous accorde pas indifféremment tout ce que nous lui demandons, mais seulement ce qui est bon, Notre-Seigneur prend soin d'ajouter: «A combien plus forte raison donnera-t-il les biens».Nous ne recevons de Dieu que des biens, quelle que soit l'idée que nous nous en faisons, car tout contribue au bien de ceux qui sont aimés de Dieu (Rm 8,28).

Remi. Nous lisons dans saint Matthieu: «Il donnera les biens»,et dans saint Luc: «Il donnera le bon esprit»; mais il n'y a pas ici de contradiction, car tous les biens que l'homme reçoit de Dieu lui sont donnés par la grâce de l'Esprit saint.


v. 12

3712 Mt 7,12

S. Aug. (serm. sur la mont., liv. 2, chap. 34). Une conduite sage et réglée donne à l'homme une certaine fermeté et la force de marcher dans la voie de la sagesse, et le font parvenir jusqu'à la pureté, jusqu'à la simplicité du coeur. Notre-Seigneur conclut tous les développements qu'il vient de donner sur cette matière par ces paroles: «Tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le vous-même pour eux», car il n'est personne qui voudrait qu'on agît à son égard avec duplicité et dissimulation.

S. Chrys. (sur S. Matth). On peut encore établir de cette manière la liaison avec ce qui précède. Notre-Seigneur, voulant rendre notre prière plus sainte et plus pure, nous a commandé plus haut de ne pas juger ceux qui nous ont offensés. Or, comme il s'était écarté de ce sujet pour traiter d'autres matières, il y revient et complète l'explication de ce précepte en ajoutant: «Tout ce que vous voudrez»,etc., c'est-à-dire non-seulement vous ne devrez pas juger, mais tout ce que vous voudrez que les hommes fassent pour vous, vous devez le faire pour eux; c'est alors que vos prières pourront être exaucées. - La Glose. Ou bien encore c'est l'Esprit saint qui distribue toutes les grâces spirituelles qui nous font accomplir les oeuvres de la charité. C'est pour cela que Notre-Seigneur ajoute: «Faites aux hommes tout ce que vous vous voulez qu'ils vous fassent».

S. Chrys. (hom. 24). Ou bien, enfin, le Seigneur veut établir que les hommes doivent chercher près de Dieu le secours dont ils ont besoin, et faire en même temps tout ce qui dépend d'eux pour assurer le succès de leurs prières. C'est ainsi qu'après avoir dit: «Demandez et vous recevrez», il enseigne clairement que les hommes doivent s'appliquer aux oeuvres de la chari té: «Tout ce que vous voulez», etc.

S. Aug. (serm. 5 sur les paroles du Seign). Dieu nous avait promis de nous accorder les biens que nous lui demanderions; or, si nous voulons qu'il nous reconnaisse pour ses mendiants, ne rejetons pas les nôtres. En effet, si on en excepte les richesses matérielles, il n'y a aucune diffé rence entre ceux qui demandent et ceux à qui ils adressent leur prière. De quel front osez-vous donc approcher de Dieu pour le prier, vous qui ne voulez point écouter votre frère? Aussi est-il écrit dans le livre des Proverbes: «Celui qui ferme son oreille au cri du pauvre demandera lui-même, et il ne sera pas exaucé (Pv 21) ». Mais que devons-nous accorder à la prière de nos frères si nous voulons que Dieu exauce la nôtre? Pour répondre à cette question, demandons-nous ce que nous voulons que les autres fassent pour nous-mêmes. «Faites aux hommes tout ce que vous voulez qu'on vous fasse».

S. Chrys. (hom. 24). Notre-Seigneur ne dît pas seulement: «Toutes les choses»,mais il ajoute le mot «donc»,comme s'il disait: «Si vous voulez que je vous exauce, joignez cette recommandation à toutes celles qui précèdent. Et remarquez qu'il ne dit pas: «Tout ce que vous voulez que Dieu fasse pour vous, faites-le aussi pour votre prochain, car vous pourriez dire: Cela m'est impossible»,mais: «Tout ce que vous voudriez que vous fît votre frère, faites-le vous-même pour lui».

S. Aug. (serm. sur la mont., 2, 34). On lit dans quelques exemplaires latins: «Faites-leur du bien». Le mot bien a été ajouté pour plus de clarté. On pouvait en effet se demander si un homme qui désirerait qu'on agît à son égard d'une manière coupable, pourrait, en s'appuyant sur cette maxime, commettre le premier l'injustice dont il désire être lui-même l'objet. Il serait absurde de penser que cet homme accomplit ce précepte. Sans l'addition de ce mot «bien», le sens de cette maxime est complet. Car ces paroles: «Tout ce que vous voulez»,ne doivent pas être prises ici dans un sens trop général, mais dans le sens propre du mot. Or, la volonté n'existe que dans les bons; dans les mauvais, la volonté n'est à proprement parler que la cupi dité. Sans doute les Écritures ne s'expriment pas toujours de la sorte, mais il faut les entendre ainsi alors qu'elles emploient une expression tellement propre qu'elles ne permettent pas de lui en substituer une autre.

S. Cypr. (de l'Orais. Dom). Le Verbe de Dieu, le Seigneur Jésus étant venu pour tous les hommes, a résumé comme dans un admirable abrégé tous ses commandements dans ces paro les: «Tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le vous-mêmes pour eux».C'est pour cela qu'il ajoute: «Car c'est la loi et les prophètes». - S. Chrys. (sur S. Matth). En effet, tous les commandements de la loi et des prophètes disséminés dans les saintes Écritures, sont renfermés dans ce merveilleux abrégé comme les innombrables rameaux d'un a rbre sont contenus dans une seule racine. - S. Grég. (Moral. 10, 4; cf. Jb 2). Celui, en effet, qui pense à faire aux autres ce qu'il voudrait qu'on lui fit à lui-même s'applique à rendre le bien pour le mal, et le bien au centuple de ce qu'on lui fait. - S. Chrys. (hom. 24 sur S. Matth). Il est donc évident que tous nous pouvons trouver en nous-mêmes la connaissance de ce qu'il nous importe de savoir et que nous ne pouvons prétexter d'ignorance. - S. Aug. (serm. sur la mont). Ce précepte paraît avoir pour objet l'amour du prochain et non l'amour de Dieu, quoique Notre-Seigneur dise dans un autre endroit qu'il y a deux commandements qui renferment toute la loi et les prophètes. Mais ce dernier passage porte: «Toute la loi», ce que Notre-Seigneur ne dit pas ici pour réserver la place à l'autre commandement qui est celui de l'amour de Dieu. - S. Aug. (De la Trinité, liv. 8, chap. 34). Ou bien encore, la sainte Écriture ne fait mention que du seul commandement de l'amour du prochain en disant: «Tout ce que vous voulez», car celui qui aime son prochain aime nécessairement et premièrement l'amour lui-même. Or, Dieu est amour; donc il aime Dieu lui-même par-dessus toutes choses.


v. 13-14

3713 Mt 7,13-14

S. Aug. (serm. sur la mont., 2, 35). Le Seigneur nous a recommandé plus haut la simplicité et la pureté du coeur qui font trouver Dieu. Mais c'est le partage d'un petit nombre. Aussi va-t-il nous parler de la recherche de la sagesse; et tout ce qui précède avait pour but de rendre l'oeil de l'âme assez pur pour rechercher et contempler cette divine sagesse, et découvrir la voie resserrée et la porte étroite dont il est dit: «Entrez par la porte étroite».

La Glose. Ou bien, quoiqu'il soit difficile de faire aux autres ce que nous voudrions qu'on nous fît à nous-mêmes, cependant c'est une condition indispensable si nous voulons entrer par la porte étroite.

S. Chrys. (sur S. Matth). Ou bien encore, cette troisième conséquence se rapporte au précepte du jeûne, et telle est la suite des idées: «Pour vous, lorsque vous jeûnez, parfumez votre tête», et puis ensuite: «Entrez par la porte étroite». Il est en effet trois inclinations qui tien nent plus particulièrement à notre nature, et qui sont étroitement unies à notre corps. La pre mière est celle du boire et du manger, la seconde l'affection de l'homme pour la femme, la troi sième l'amour du sommeil, et ces trois inclinations sont plus difficiles à retrancher de notre nature que toutes les autres passions. Aussi la mortification d'aucune passion ne sanctifie au tant le corps de l'homme comme d'être chaste, de jeûner, et de persévérer dans les veilles. Notre-Seigneur a donc en vue ces trois actes de vertu et en particulier le jeûne si rigoureux, lorsqu'il dit: «Entrez par la porte étroite.

La porte de la perdition c'est le démon, et c'est par cette porte qu'on entre dans l'enfer. Jésus-Christ, au contraire, est la porte de vie, porte qui nous ouvre l'entrée du royaume des cieux. Ce qui fait donner au démon le nom de porte large, ce n'est ni l'étendue, ni la grandeur de son pouvoir, mais le débordement de son orgueil effréné qui ne connaît point de bornes. Et si le Christ nous est présenté comme la porte étroite, ce n'est pas que son pouvoir soit faible et res serré, mais parce que son humilité lui a inspiré de se raccourcir et de se renfermer dans les étroites limites du sein d'une vierge, lui que le monde entier ne peut contenir. La voie de la perdition, c'est l'iniquité quelle qu'elle soit. Cette voie est appelée large parce qu'elle n'est pas contenue dans les sages limites de la règle et de la discipline, et que ceux qui prennent cette voie font profession de poursuivre tout ce qui a pour eux de l'attrait. Au contraire, tout acte de vertu est la voie qui conduit à la vie, et on l'appelle étroite pour des raisons opposées à celles que nous venons de dire. Or remarquez qu'il faut nécessairement marcher par cette voie pour arriver à la porte, car on ne peut arriver à une véritable connaissance du Christ qu'en suivant la voie de la justice; de même qu'on ne tombe dans les mains du démon qu'en marchant dans la voie des pécheurs. - S. Grég. (hom. 17 sur Ezéch). Quoique la charité mette le coeur au large, elle ne détache les hommes de la terre qu'en les faisant passer par des sentiers étroits et escar pés. N'est-ce pas être à l'étroit en effet que de tout mépriser, de n'aimer qu'une seule chose, de ne pas désirer la prospérité, de ne pas craindre l'adversité? - S. Chrys. (homél. 24 sur S. Matth). Mais comment le Sauveur qui bientôt nous dira: «Mon joug est doux, et mon fardeau léger», peut-il appeler étroite et resserrée la voie qui conduit au ciel? Pour comprendre cette douceur et cette suavité, il faut remarquer que Notre-Seigneur parle ici d'une voie et d'une porte, que ce qu'il appelle large et spacieux est aussi une voie et une porte. Ni l'une ni l'autre ne doivent toujours durer, et elles ne sont que passagères. Or la pensée qu'on ne fait que pas ser par les travaux et les peines pour arriver au bonheur, c'est-à-dire à la vie éternelle, ne suf fit-elle pas pour adoucir toutes les souffrances de la vie? Car si l'espérance seule d'une récom pense périssable rend les tempêtes légères au matelot, et les blessures douces au combattant, à plus forte raison la vue du ciel qui nous est ouvert, et ses récompenses immortelles doivent-ils nous faire oublier les dangers qui nous menacent. D'ailleurs Notre-Seigneur n'appelle cette voie étroite que pour la rendre plus douce; par là, en effet, il nous avertit d'être sur nos gar des, et il dirige nos désirs vers le but qu'il nous propose. N'est-il pas vrai que celui qui combat dans l'arène puise un nouveau courage quand il voit son souverain admirer ses généreux ef forts? Ne nous laissons donc pas abattre sous le poids des afflictions qui viendront fondre sur nous: la voie est étroite, mais non pas la cité. Ne cherchons pas le repos ici-bas, et ne redou tons pas de tribulations dans l'autre vie. En ajoutant: «Car il y en a peu qui la trouvent», Notre-Seigneur fait allusion à la lâcheté d'un trop grand nombre, et il nous avertit de fixer nos regards non pas sur la prospérité de la multitude, mais sur les travaux du petit nom bre.

S. Jér. Notre-Seigneur tient un langage distinct en parlant de ces deux voies. Il dit qu'il en est beaucoup qui marchent par la voie large, et qu'il en est peu qui trouvent la voie étroite. En effet, nous ne cherchons pas la voie large, et nous n'avons aucune peine à la trouver; elle se présente d'elle-même, et c'est le chemin de ceux qui s'égarent. Tous au contraire ne trouvent pas la voie qui est étroite, et ne la suivent pas aussitôt qu'ils l'ont trouvée, cor il en est beau coup qui après avoir trouvé la voie de la vérité, se laissent séduire par les voluptés de la terre, et reviennent sur leurs pas alors qu'ils étaient au milieu de leur course.


vv. 15-20

3715 Mt 7,15-20

S. Chrys. (sur S. Matth). Notre-Seigneur avait ordonné précédemment à ses disciples de ne point faire parade devant les hommes de leurs jeûnes, de leurs prières, de leurs aumônes, comme font les hypocrites. Or, pour leur apprendre que toutes ces bonnes oeuvres peuvent être faites dans un esprit d'hypocrisie, il leur dit: «Gardez-vous des faux prophètes».

S. Aug. (serm. sur la mont., 2, 36). Ou bien après avoir dit qu'il en est peu qui trouvent la petite porte et la voie étroite, Notre-Seigneur voulant nous prémunir contre les hérétiques qui font souvent de leur petit nombre un titre de recommandation, ajoute aussitôt: «Gardez-vous des faux prophètes».

S. Chrys. (hom. 24). Ou bien encore: Notre-Seigneur avait dit que la porte est étroite, et qu'il en est beaucoup qui pervertissent la voie qui doit y conduire, il ajoute donc: «Gardez-vous des faux prophètes». Il les appelle faux prophètes pour exciter la sollicitude de ses disciples à cet égard, en leur rappelant ce qui est arrivé à leurs pères, qui ont eu à subir cette même épreuve. - S. Chrys. (sur S. Matth). Nous lisons dans un des chapitres suivants, il est vrai, que la loi et les prophètes ont prophétisé jusqu'à Jean-Baptiste, parce qu'après lui, il ne devait plus y avoir de prophétie relative au Christ. Il y a eu depuis ce temps, et il y a encore des prophètes, mais leurs prophéties n'ont point le Christ pour objet et ils interprètent simplement les prédictions anciennes relatives à Jésus-Christ; ce sont les docteurs des Églises. Car personne ne peut interpréter le sens des prophéties, s'il ne participe lui-même à l'esprit prophétique. Le Seigneur, prévoyant donc qu'il viendrait de faux docteurs, qui enseigneraient diverses hérésies, nous prémunit contre eux en nous disant: «Gardez-vous des faux prophètes». Ces faux prophètes ne devaient pas être des païens faciles à reconnaître, mais des séducteurs cachés sous le nom de chrétiens; aussi ne dit-il pas: «Regardez», mais: «Prenez garde». En effet, quand une chose est évidente, on la regarde, c'est-à-dire qu'on la voit naturellement, si au contraire elle offre quelque incertitude, on y prend garde, c'est-à-dire qu'on l'examine avec précaution. Il nous dit encore: «Prenez garde», parce que la plus sûre garantie du salut, est de connaître ceux que l'on doit fuir. Si Notre-Seigneur nous prémunit de la sorte, ce n'est pas que le démon puisse introduire les hérésies malgré la volonté de Dieu, il ne le peut que parce que Dieu le lui permet. Dieu veut que ses serviteurs soient soumis à l'épreuve, il leur envoie donc la tentation; mais il ne veut pas que leur ignorance soit cause de leur perte, et c'est pour cela qu'il les aver tit à l'avance. Et afin que les docteurs hérétiques ne puissent se défendre en disant: Ce n'est pas nous que le Seigneur appelle faux prophètes, mais les docteurs des Juifs et des Gentils, il ajoute expressément: «Qui viennent à vous couverts de peaux de brebis». Les brebis sont les chrétiens, et les peaux de brebis sont les dehors de christianisme et les apparences d'une fausse religion. Or rien n'est plus contraire au bien que l'hypocrisie, car on ne peut connaître, et par conséquent on ne peut éviter le mal qui se cache sous l'apparence du bien. Et de peur que ces mêmes docteurs hérétiques ne prétendent qu'il est ici question des vrais docteurs, mais qui sont dans l'état de péché, il ajoute: «Au dedans ce sont des loups ravissants».Or les docteurs catholiques qui deviennent esclaves de la chair lorsqu'ils succombent aux passions de la chair, ne sont pas appelés pour cela des loups ravissants, parce qu'ils ne cherchent pas à perdre les chrétiens. Il est donc évident qu'il veut parler ici des docteurs hérétiques qui prennent avec intention l'extérieur des chrétiens, pour déchirer plus facilement les fidèles sous les coups d'une séduction criminelle. C'est d'eux que l'Apôtre a dit: «Je sais qu'après mon départ il entrera parmi vous des loups ravissants qui n'épargneront pas le trou peau».

S. Chrys. (hom. 22 sur S. Matth). Cependant il paraît assez vraisemblable que par ces faux prophètes Notre-Seigneur veut désigner non pas les hérétiques, mais ceux qui mènent une vie corrompue sous les dehors de la vertu; c'est pour cela qu'il dit: «Vous les connaîtrez à leurs fruits».Or on rencontre souvent des moeurs vertueuses chez certains hérétiques, mais jamais dans ceux dont je viens de parler. - S. Aug. (serm. sur la mont., 2, 36). C'est donc une ques tion des plus importantes que de bien connaître quels sont les fruits sur lesquels le Sauveur veut attirer notre attention. Plusieurs en effet prennent pour des fruits ce qui n'est que le vête ment des brebis, et c'est ainsi qu'ils se laissent tromper par les loups. Je veux parler ici des jeûnes, ou des aumônes, ou des prières qu'ils étalent devant les hommes sans autre but que de plaire à ceux qui sont frappés de la difficulté de ces oeuvres. Ce ne sont pas là les fruits qui peuvent nous aider à les reconnaître, car si ces actions sont faites dans la vérité avec une inten tion droite, elles sont, il est vrai, les vêtements propres aux brebis; mais elles ne font que cou vrir les coups lorsqu'elles partent d'un coeur où l'erreur règne en maître. Ce n'est pas toutefois une raison pour les brebis d'avoir horreur de ces vêtements, parce qu'ils servent quelquefois à couvrir les loups. A quels fruits donc reconnaîtrons-nous un mauvais arbre? L'Apôtre nous l'apprend. «Les oeuvres de la chair sont évidentes, nous dit-il; ce sont la fornication, l'impureté», etc. (Ga 5) Le même Apôtre nous apprend à connaître les fruits du bon arbre par ce qui suit: «Les fruits de l'esprit sont la charité, la joie, la paix»,etc.

S. Chrys. (sur S. Matth). Les fruits que produit l'homme juste c'est aussi la confession de la foi, car celui qui en suivant l'inspiration de Dieu, fait en toute humilité une véritable confes sion de foi, celui-là est une brebis, tandis que celui qui fait entendre contre la vérité et contre Dieu les hurlements du blasphème, est un loup. - S. Jér. Ce que Notre-Seigneur dit ici des faux prophètes qui sont tout autres dans leur conduite qu'ils ne le paraissent dans leur extérieur et leurs discours, doit s'appliquer d'une manière toute spéciale aux hérétiques qui se couvrent de la continence et du jeûne comme du vêtement de la piété, et qui portant au-dedans un esprit empoisonné par le vice séduisent les coeurs simples de leurs frères. - S. Aug. (serm. sur la mont. 2, 12). Mais on peut savoir, en examinant leurs oeuvres, si tout cet extérieur a pour principe un désir de vaine gloire. Lorsqu'en effet, à la suite de certaines épreuves, ils se voient enlever ou refuser ce qu'ils ont obtenu ou ce qu'ils ont voulu obtenir à l'aide de ce voile trom peur, on découvre alors nécessairement si c'était un loup caché sous la peau de la brebis, ou une brebis revêtue de sa propre peau. - S. Grég. (Moral., 31, 9). L'hypocrite est comme dominé par la paix dont jouit l'Église; voilà pourquoi il veut paraître à nos yeux couvert du voile de la religion (cf. Jb 39). Mais qu'une persécution éclate, aussitôt les instincts féroces du loup le dépouillent de la peau de la brebis, et en persécutant le bien il montre de quelle fureur il est animé contre lui.

S. Chrys. (hom. 24 sur S. Matth). Il est facile de surprendre les hypocrites, car la voie qu'ils sont forcés de suivre est bien pénible. Or l'hypocrite ne choisira certainement pas de lui-même le travail et la peine. D'ailleurs, pour répondre à la prétendue impossibilité de les reconnaître, Notre-Seigneur vous apporte un exemple pris dans la nature en vous disant: «Peut-on cueillir des raisins sur des épines, ou des figues sur des ronces ?» - S. Chrys. (sur S. Matth). Le raisin est une figure mystérieuse du Christ, car de même que la grappe par l'intermédiaire du bois de la vigne tient suspendus des grains nombreux, ainsi le Christ, par le bois de la croix retient dans une étroite union la multitude des fidèles. La figue, c'est l'Église qui retient aussi la multitude de ses enfants dans les doux embrassements de sa charité, comme la figue tient cachées une quantité considérable de graines sous une seule enveloppe. Or la figue est le signe tout à la fois de la charité par sa douceur, et de l'unité par l'union de ses graines. Le raisin est tout ensemble le symbole de la patience parce qu'il est foulé dans le pressoir; de la joie, parce qu'il réjouit le coeur de l'homme; de la sincérité, parce qu'il n'est pas mélangé d'eau et de la suavité par le plaisir qu'il donne. Au contraire les épines et les ronces présentent des pointes de toutes parts; et c'est ainsi que les serviteurs du démon sont pleins d'iniquités, de quelque côté qu'on les considère. Ces ronces et ces épines ne peuvent produire aucun des fruits que de mande l'Église. Notre-Seigneur ne se borne pas à cette comparaison particulière du figuier et de la vigne pour rendre sensible cette vérité, il la généralise par ces paroles: «C'est ainsi que tout arbre qui est bon porte de bons fruits, et tout arbre mauvais en porte de mauvais».

S. Aug. (serm. sur la mont., 2, 36). Il faut se garder ici de l'erreur des Manichéens qui prétendent que dans ces deux arbres il faut voir deux natures, l'une qui vient de Dieu, l'autre qui lui est étrangère. Nous soutenons, nous, que ces deux arbres ne peuvent servir d'appui à leur opinion, car il ne s'agit évidemment que des hommes, comme le prouvent les antécédents et les conséquents. - S. Aug. (Cité de Dieu, liv. 12, chap. 4 et 5). Les hommes ont souvent de l'aversion pour les natures mêmes des choses, parce qu'ils les considèrent non pas en elles-mêmes, mais d'après l'utilité qu'ils peuvent en retirer. Or, toute nature ne rend gloire à son créateur qu'autant qu'on la considère en elle-même, et non pas dans l'utilité ou le désavantage qui peuvent en résulter pour nous. Les natures créées par le seul fait de leur existence ont leur manière d'être, leur beauté, un certain accord entre les différentes parties qui les composent, et par conséquent elles sont bonnes.

S. Chrys. (hom. 24). On pouvait objecter qu'un mauvais arbre porte sans doute de mauvais fruits, mais qu'il peut aussi en porter de bons et qu'il est ainsi difficile de le bien connaître à cause de cette double apparence; le Seigneur prévient cette difficulté en ajoutant: «Un bon arbre ne peut produire de mauvais fruits, et un mauvais arbre n'en peut produire de bons». - S. Aug. (serm. sur la mont). De ces dernières paroles, les Manichéens concluent qu'une âme qui est mauvaise ne peut devenir meilleure, ni celle qui est bonne devenir mauvaise, comme si Notre-Seigneur avait dit: «Un arbre bon ne peut devenir mauvais, ni un arbre mauvais devenir bon»; mais, au contraire, il s'est exprimé de la sorte «Un arbre bon ne peut pas produire de mauvais fruits, ni un mauvais arbre en produire de bons». Or, l'arbre c'est l'âme, c'est-à-dire l'homme lui-même; les fruits sont ses oeuvres. L'homme qui est mauvais ne peut donc faire de bonnes actions, ni celui qui est bon en faire de mauvaises. Si donc celui qui est mauvais veut faire de bonnes actions, qu'il commence par devenir bon lui-même. Tant qu'un homme est mauvais, il ne peut porter de bons fruits. Il peut se faire que ce qui a été de la neige ne soit plus de la neige, mais il est impossible que la neige soit chaude; ainsi peut-il arriver que celui qui a été mauvais cesse de l'être, mais jamais en demeurant mauvais il ne peut faire le bien, et si parfois il paraît faire quelque chose d'utile, ce n'est pas à lui qu'il faut l'attribuer, mais à la divine Providence.

Rab. Cet arbre, bon ou mauvais, c'est l'homme suivant que sa volonté est bonne ou mauvaise; les fruits, ce sont ses oeuvres, qui ne peuvent être bonnes si la volonté est mauvaise, de même qu'elles ne peuvent être mauvaises si la volonté est bonne.

S. Aug. (cont. Julien, liv. 1, chap. 3). S'il est certain que la volonté vicieuse produit les actions mauvaises, comme un mauvais arbre produit de mauvais fruits, d'où vient à votre avis la mauvaise volonté elle-même, si ce n'est de l'ange considéré dans l'ange, et de l'homme considéré dans l'homme? Or, qu'étaient ces deux volontés, avant qu'elles n'eussent produit le mal? Un ouvrage digne de Dieu, deux natures bonnes et louables. C'est donc du bien que naît le mal, et on ne peut lui donner un autre principe d'existence que le bien. Je veux parler ici de la volonté mauvaise, car elle n'a été précédée ni d'aucun mal ni d'aucunes mauvaises actions, qui ne sor tent que d'une volonté vicieuse comme d'un mauvais arbre. On ne peut dire cependant que la volonté mauvaise vient du bien en tant que bien, car c'est Dieu qui est essentiellement bon qui est l'auteur du bien; mais elle est sortie d'un bien qui a été tiré du néant et non de Dieu.

S. Jér. Demandons aux hérétiques qui soutiennent l'existence de deux natures opposées l'une à l'autre, et qui prétendent qu'un bon arbre ne peut produire de mauvais fruits, comment Moïse, qui était un bon arbre, a pu pécher aux eaux de la contradiction, et comment Pierre a pu nier le Sauveur dans sa Passion en disant: «Je ne connais pas cet homme», ou bien encore comment le beau-père de Moïse, qui était un mauvais arbre et qui ne croyait pas dans le Dieu d'Israël, a pu cependant donner un bon conseil ?

S. Chrys. (hom. 28). Le Seigneur n'a point ordonné de châtiment contre les faux prophètes; il les pénètre d'un effroi salutaire en les menaçant du supplice que Dieu leur réserve: «Tout arbre qui n'est pas bon, dit-il, sera coupé et jeté au feu». Ce sont les Juifs qu'il paraît avoir en vue dans ces paroles; c'est pourquoi il se sert des paroles de Jean-Baptiste et leur annonce dans les mêmes termes (cf. Mt 3,10 Lc 9,9) le châtiment qui les attend. Le saint précurseur, en effet, emploie les mêmes figures de hache, d'arbre et de feu qui ne s'éteint pas. Pour celui qui examine sérieusement les choses, ce sont deux peines différentes, d'être coupé et d'être brûlé. Celui qui est jeté au feu est retranché tout à fait du royaume, peine qui est la plus terri ble. Il en est qui ne craignent que l'enfer; pour moi, je déclare que la perte de cette gloire éter nelle est mille fois plus amère que la peine de l'enfer. En effet, quelles souffrances, petites ou grandes, n'accepterait pas un père pour jouir de la vue d'un fils bien-aimé? Tels doivent être nos sentiments à l'égard de cette gloire, car il n'est point de fils dont la vue soit si douce pour son père que doit l'être pour nous le repos au sein des honneurs et la dissolution du corps pour être éternellement avec Jésus-Christ (cf. Ph 1, 23). C'est un supplice intolérable que le supplice de l'enfer; mais que l'on ajoute dix mille enfers à la suite les uns des autres, jamais ce supplice ne sera comparable à la peine d'être à jamais exclu de la gloire des bienheureux et d'être éter nellement haï de Jésus-Christ.

La Glose. La comparaison qu'il vient de développer amène cette conclusion, dont l'évidence ressortait déjà de tout ce qui précède: «Vous les connaîtrez donc à leurs fruits».



Catena Aurea 3707