Catena Aurea 4026

vv. 26-28

4026 Mt 10,26-28

Remi. A cette première consolation, le Sauveur en ajoute une autre qui n'est pas moins grande: «Ne les craignez donc pas», c'est-à-dire les persécuteurs. Et pourquoi ne doivent-ils pas les craindre? «Parce qu'il n'y a rien de caché qui ne doive être découvert». - S. Jér. Comment donc alors les vices d'un si grand nombre demeurent-ils cachés pendant cette vie? Notre-Seigneur veut parler ici du temps à venir. Lorsque le Seigneur jugera ce qui est caché dans le coeur des hommes (1Co 4,5), il portera la lumière dans les retraites les plus ténébreuses, et découvrira les plus secrètes pensées des coeurs. Tel est donc le sens de ces paroles: «Ne craignez ni la cruauté des persécuteurs, ni la rage des blasphémateurs, car viendra le jour du jugement qui mettra en évidence votre vertu et leur malice. - S. Hil. (can. 10 sur S. Matth). Il leur recommande donc de ne craindre ni les menaces, ni les outrages, ni la puissance des persécuteurs, parce que le jour du jugement dévoilera le néant et la faiblesse de leurs entreprises. - S. Chrys. (hom. 35). Ou bien encore, au premier abord, les paroles du Sauveur pré sentent un sens général; toutefois, on ne doit les entendre que de ce qui précède, dans ce sens: «S'il vous est pénible d'être en butte aux outrages, pensez que vous ne tarderez pas à être délivrés de cette épreuve. Ils vous prodigueront les noms injurieux de devins, de magiciens et de séducteurs; mais attendez un peu, et tous vous proclameront à l'envi les sauveurs de l'univers, alors que par vos oeuvres vous en paraîtrez les bienfaiteurs, et les hommes cesseront de s'arrêter à leurs discours pour ne plus s'occuper que de la vérité des faits.

Remi. Il en est qui prétendent que Notre-Seigneur promet ici à ses disciples de révéler par eux tous les mystères cachés qui demeuraient voilés sous la lettre de la loi; ce qui faisait dire à l'Apôtre: «Lorsqu'ils seront convertis à Jésus-Christ, le voile sera levé». Tel serait donc le sens de ces paroles: «Pourquoi craindriez-vous vos persécuteurs, vous dont la dignité est si grande, puisque Dieu vous a choisis pour dévoiler les mystères de la loi et des prophètes. S. Chrys. (hom. 35). Après les avoir délivrés de toute crainte, et les avoir rendus supérieurs aux opprobres, le moment est venu de leur parler de la liberté de la prédication; c'est ce qu'il fait, en leur disant «Ce que je vous dis dans les ténèbres», etc. S. Hil. Nous ne lisons nulle part que le Seigneur eût pour habitude de discourir pendant la nuit, et d'enseigner sa doctrine dans les ténèbres; si donc il s'exprime ainsi, c'est que tous ses discours sont ténèbres pour les hommes charnels, et que sa parole est comme la nuit pour les infidèles. Il faut donc prêcher ses divins enseignements avec toute la liberté de la foi et de la prédication. - Remi. Voici donc le sens de ces paroles: «Ce que je vous dis dans les ténèbres»,c'est-à-dire au milieu des Juifs incrédules, «dites-le à la lumière», c'est-à-dire devant les fidèles; et «ce que vous entendez à l'oreille», c'est-à-dire ce que je vous dis en secret, «prêchez-le sur les toits», c'est-à-dire en public et devant tout le monde. L'expression parler à l'oreille, dans le langage ordinaire, veut dire parler en secret.

Rab. Ces paroles: «Prêchez sur les toits», sont une allusion à ce qui se fait dans la Palestine, où les toits servent d'habitation, parce qu'ils ne sont point terminés en pointe comme les nô tres, mais présentent une surface plane. Prêcher sur les toits, c'est donc prêcher publique ment, devant un grand nombre d'auditeurs. - La Glose. Ou bien encore: «Ce que je vous dis dans les ténèbres», c'est-à-dire pendant que vous êtes encore sujets à une crainte toute humaine; «dites-le en plein jour», c'est-à-dire avec la confiance que don ne la vérité lorsque l'Esprit vous aura inondé de sa lumière; «et ce que l'on vous dit à l'oreille», c'est-à-dire ce que vous percevez par l'ouïe seule, «prêchez-le par les oeuvres, tandis que vous habitez sur les toits», c'est-à-dire dans vos corps qui sont la demeure de vos âmes. - S. Jér. Ou bien encore: «Ce que je vous dis dans les ténèbres, prêchez-le en plein jour», c'est-à-dire, ce que je vous dis dans le mystère, prêchez-le à découvert; «et ce que vous entendez à l'oreille, prê chez-le sur les toits», c'est-à-dire ce que je vous ai enseigné dans un endroit resserré de la Judée, annoncez-le sans crainte à toutes les villes du monde entier.

S. Chrys. (hom. 35). Le Sauveur nous montre ici que c'est lui qui opère toutes ces oeuvres par ses Apôtres, et de beaucoup plus grandes qu'il n'en a faites lui-même, comme il le dit ail leurs: «Celui qui croit en moi fera les oeuvres que je fais, et il en fera même de plus grandes», ce qui revient à dire: J'ai commencé par agir moi-même, mais c'est par vous que je veux ac complir ce qu'il y a de plus grand, paroles qui ne renferment pas seulement un commandement, mais une prédiction de l'avenir, et apprennent aux Apôtres qu'ils triompheront de tous les obstacles.

S. Hil. Il faut donc répandre continuellement la connaissance de Dieu, et révéler par la lumière de la prédication le profond secret de la doctrine évangélique, sans craindre nullement ceux qui n'ont de puissance que sur nos corps, et n'en ont aucune sur nos âmes; c'est pour cela que le Sauveur ajoute: «Ne craignez pas ceux qui tuent le corps et ne peuvent tuer l'âme. - S. Chrys. (hom. 35). Voyez comme il les rend supérieurs à tout, en leur persuadant de mépriser non-seulement toute sollicitude, les calomnies, les périls, mais encore ce qu'il y a de plus terri ble, la mort elle-même, et de tout sacrifier à la crainte de Dieu. «Craignez plutôt, ajoute-t-il, celui qui peut envoyer votre corps et votre âme dans l'enfer».

S. Jér. Le nom de géhenne ne se trouve pas dans les livres de l'ancienne loi, et c'est le Sauveur qui l'a employé le premier; examinons à quelle occasion. Nous lisons en plusieurs en droits de l'Écriture (2 Par 24; 3 R 16) qu'il y avait une idole de Baal près de Jérusalem, au pied du mont Moria, là où coule la fontaine de Siloë. Cette vallée, qui forme une petite plaine, était arrosée de plusieurs ruisseaux, ombragée et pleine de charmes; elle renfermait un bois consacré à cette idole. Le peuple d'Israël en était venu à cet excès de folie d'abandonner les parvis du temple pour ve nir immoler des victimes dans cette vallée, oublier au milieu de ses délices la sévérité de la vraie religion, et brûler ses enfants offerts comme victimes au démon. Ce lieu s'appelait Géhennon ou la vallée des fils d'Ennon (2R 23,10 2Ch 16,3 Jos 15,8 Jr 7,31 Jr 19,2 Jr 19,6). Ce nom se trouve souvent répété dans les livres des Rois, dans les Parali pomènes et dans Jérémie. Dieu y menace son peuple de remplir de cadavres ce lieu, qu'on n'appellera plus Tophet et Baal, mais Polyandrium, c'est-à-dire le tombeau des morts. Notre-Seigneur se sert donc de ce nom pour exprimer les supplices et les châtiments éternels qui at tendent les pécheurs. - S. Aug. (Cité de Dieu, 13, 2). Ces supplices ne commenceront pour le corps et pour l'âme à la fois, que lorsque l'âme sera réunie au corps d'une union qui ne pourra plus être brisée. Et cependant cet état est justement appelé la mort de l'âme, parce qu'alors elle ne vivra plus de la vie de Dieu, et la mort du corps, parce que sous le coup de cette éternelle damnation, bien que l'homme conserve le sentiment, ce sentiment n'étant plus pour son coeur la source d'aucune douceur, d'aucun repos, mais un principe de douleur et de peine, cet état mérite d'être appelé bien plutôt un état de mort qu'un état de vie. - S. Chrys. (hom. 35). Remarquez encore qu'il ne leur promet pas de les affranchir de la mort, mais qu'il leur conseille de la mépriser, ce qui est bien plus grand que d'en être délivré, et que dans ce même discours il imprime dans leur âme la croyance de l'immortalité.


vv. 29-31

4029 Mt 10,29-31

S. Chrys. (hom. 35). Après avoir banni de leur âme la crainte de la mort, le Sauveur ne veut pas que ses Apôtres pussent se croire abandonnés s'ils venaient à succomber; il ramène de nouveau son discours sur la providence de Dieu, et leur dit: «Est-ce que deux passereaux ne se vendent pas une obole? Et cependant pas un ne tombe à terre sans la permission de votre Père».

S. Jér. Voici le sens de ces paroles: «Si de petits animaux ne périssent pas sans la permission de Dieu, si sa providence s'étend à toutes les créatures, et si celles d'entre elles qui sont sujet tes à la mort ne peuvent périr sans la volonté de Dieu, vous dont la destinée est éternelle, de vriez-vous craindre que la providence vous abandonne dans le cours de cette vie ?

S. Hil. Dans le sens mystique, ce qui est vendu, c'est le corps et l'âme, et celui auquel on le vend, c'est le péché. Ceux qui vendent deux passereaux pour une obole sont ceux qui étaient nés pour prendre leur essor et s'élever jusqu'au ciel sur les ailes de la grâce, et qui se vendent pour un misérable péché. Séduits par les voluptés de cette vie, et acquis par avance aux vanités du siècle, ils se prostituent tout entiers et se vendent à ce vil prix. Or, la volonté de Dieu c'est que l'une de ces deux substances s'élève par son essor au-dessus de l'autre; mais une loi qui a également Dieu pour auteur veut que l'autre soit plus portée à tomber qu'à s'élever. De même que s'ils avaient pris leur vol ensemble, ils n'auraient fait qu'un, et que le corps serait ainsi de venu spirituel; de même lorsqu'ils sont tous deux vendus au péché, l'âme devient terrestre et matérielle au milieu des souillures du vice, et les deux substances n'en font plus qu'une seule que les inclinations de la chair font tomber violemment à terre.

S. Jér. Ces paroles: «Tous les cheveux de votre tête sont comptés», montrent l'immense providence de Dieu à l'égard des hommes, et sont une preuve de cet amour ineffable de notre Dieu pour lequel il n'y a rien de caché. - S. Hil. L'action de compter indique le soin que l'on prend d'une chose. - S. Chrys. (hom. 35). Si Notre-Seigneur s'exprime de la sorte, ce n'est pas que Dieu compte littéralement nos cheveux, mais il veut nous apprendre la connaissance parfaite que Dieu a de nos besoins, et l'étendue de sa providence pour y subvenir.

S. Hil. Ceux qui nient la résurrection de la chair se moquent de l'interprétation de l'Église, comme si nous disions que les cheveux qui ont été comptés, et qui sont tombés sous les ci seaux, doivent ressusciter. Mais le Sauveur ne dit pas: «Tous vos cheveux seront conservés, mais «seront comptés». Cette manière de parier prouve que Dieu connaît le nombre de nos cheveux, mais non pas qu'il les conservera tous. - S. Aug. (Cité de Dieu, liv. dern. chap. 19). On pourrait aussi faire cette question: Tous les cheveux qui ont été coupés, reviendront-ils, et s'ils doivent repousser, qui n'aurait horreur de cette difformité? Mais dès lors que l'on com prend et que l'on admet en principe que le corps ne perdra rien de ce qui peut lui donner de la grâce et de la beauté, on doit comprendre également que ce qui serait de nature à produire une hideuse difformité viendra se joindre à la masse du corps et non pas aux membres dont la forme en serait défigurée. Ainsi, qu'un vase de terre soit réduit en poussière et qu'il soit en suite rendu à sa première forme avec la même matière, il ne serait pas nécessaire que la partie d'argile qui formait l'anse fût rendue à l'anse elle-même, ou que ce qui en formait le fond re vînt au même endroit, il faudrait seulement que le tout revînt dans le tout, c'est-à-dire la tota lité de la matière dans la totalité du vase, et qu'ainsi aucune partie ne fût perdue. Si donc les cheveux coupés tant de fois devaient rendre la tête difforme, ils ne lui seront pas rendus; car grâce à la mutabilité naturelle de la matière, ils prendront la forme de la chair pour occuper n'importe quel endroit du corps, suivant que l'exigera l'harmonie des parties qui le composent. On pourrait d'ailleurs entendre cette parole: «Pas un cheveu de votre tête ne périra», non de la longueur, mais du nombre des cheveux; comme paraissent l'indiquer ces paroles: «Les cheveux de votre tête sont comptés». - S. Hil. (can. 10 sur S. Matth). En effet, il ne serait pas digne de Dieu de compter ce qui doit périr. Aussi, afin que nous sachions bien que rien de ce qui compose notre être ne doit périr, il nous assure que nos cheveux eux-mêmes ont été comptés. Nous n'avons donc à craindre aucun danger pour nos corps, et Notre Sauveur nous confirme dans cette assurance par les paroles qui suivent: «Ne craignez pas, vous valez plus que beaucoup de passereaux». - S. Jér. Ces paroles rendent plus clair le sens de ce qui précède, c'est-à-dire qu'ils ne doivent pas craindre ceux qui ne peuvent que tuer le corps; car si les plus petits animaux ne peuvent périr sans que Dieu le sache, combien moins l'homme que Dieu a revêtu de la sublime dignité d'apôtre? - S. Hil. Ou bien, en leur disant qu'ils valent mieux qu'un grand nombre de passereaux, Notr e-Seigneur montre qu'il préfère les fidèles qu'il a élus à la multitude des infidèles, parce que ceux-ci tombent sur la terre, tandis que ceux-là prennent leur vol vers les cieux.

Remi. Dans le sens mystique, Jésus-Christ est la tête, les Apôtres sont les cheveux; et c'est avec raison qu'il assure que ces cheveux ont été comptés, parce que les noms des saints sont écrits dans le ciel (Jr 17,13).


vv. 32-33

4032 Mt 10,32-33

S. Chrys. (hom. 35). Notre-Seigneur, en bannissant la crainte qui troublait l'âme de ses disciples, leur donne une nouvelle force par les paroles qui suivent. Non-seulement il les délivre de toute crainte. mais il leur propose de plus grandes récompenses, et leur inspire ainsi le courage de prêcher hautement et librement la vérité: «Quiconque me confessera devant les hommes, je le confesserai moi-même devant mon Père qui est dans les cieux». - S. Hil. (can. 40 sur S. Matth). C'est la conclusion de ce qui précède, car une fois qu'on a puisé la force dans d'aussi sublimes enseignements, on doit confesser librement et avec constance le vrai Dieu. - Remi. C'est cette confession dont l'Apôtre a dit (Rm 10): «Il faut croire de coeur pour obtenir la justice, et confesser de bouche pour obtenir le salut». Ainsi, ne pensez pas pouvoir être sauvé sans la confession des lèvres, car Notre-Seigneur ne dit pas seulement: «Celui qui m'aura confessé», mais il ajoute: «Devant les hommes», et encore: «Celui qui m'aura renoncé de vant les hommes, je le renoncerai moi-même devant mon Père qui est dans les cieux». - S. Hil. Il nous apprend par là qu'il nous rendra devant son Père le même témoignage que nous lui aurons rendu devant les hommes. - S. Chrys. (hom. 35). Remarquons ici que le châtiment comme la récompense sont supérieurs, l'un au mal, l'autre au bien. En effet, le Sauveur semble dire: Vous n'avez rien épargné les premiers, soit pour me confesser, soit pour me renoncer. Je n'épargnerai rien moi-même, et je serai magnifique dans la peine comme dans la récompense; car c'est moi-même qui vous reconnaîtrai ou qui vous renoncerai. Si donc vous avez fait quel que bien sans en recevoir la récompense, ne vous en troublez pas, une récompense surabon dante vous attend dans l'avenir. Si, au contraire, vous vous êtes rendu coupable sans en avoir été puni, ne vous laissez pas aller à un mépris insolent, car le châtiment vous est également réservé, à moins que vous ne changiez et que vous ne deveniez meilleurs.

Rab. Nous ferons observer que les païens eux-mêmes ne peuvent nier l'existence d'un Dieu, mais qu'ils peuvent fort bien ne pas reconnaître l'existence d'un Dieu Père et Fils. Or, le Fils reconnaîtra quelqu'un devant son Père, soit en lui donnant accès auprès de lui, et en lui disant: «Venez, les bénis de mon Père». - Remi. Et il renoncera celui qui l'aura renoncé, en lui refu sant tout accès auprès de Dieu le Père, et en le rejetant de la présence de sa divinité et de celle de son Père. - S. Chrys. (hom. 35). Il exige non-seulement la foi intérieure de l'âme, mais encore la confession extérieure des lèvres, afin de nous inspirer une liberté plus grande pour la prédication et un amour plus fort pour lui, en nous rendant supérieurs à tout. Or, ce n'est pas seulement à ses Apôtres, mais à tous qu'il adresse cette recommandation, car il veut inspirer ce courage non-seulement à ses Apôtres, mais encore à leurs disciples. Celui qui sera fidèle à ce commandement non-seulement enseignera publiquement avec une sainte hardiesse, mais il portera facilement la persuasion dans les coeurs, car l'observation de ce précepte en a converti un grand nombre à la doctrine des Apôtres.
- Rab. Ou bien on confesse Jésus par la foi, qui opère par l'amour, en accomplissant fidèlement ses commandements; et on le renonce lors qu'on ne craint pas de transgresser ses préceptes.


vv. 34-36

4034 Mt 10,34-36

S. Jér. Notre-Seigneur avait dit plus haut: «Ce que je vous dis dans les ténèbres, dites-le en plein jour»; il apprend ici à ses Apôtres quels seront les effets de leur prédication: «Ne pen sez pas que je sois venu apporter la paix. - La Glose. Ou bien ces paroles sont la suite de ce qui précède, c'est-à-dire qu'ils doivent être inaccessibles aux affections charnelles comme à la crainte de la mort. - S. Chrys. (hom. 36). Comment donc leur a-t-il ordonné de sou haiter la paix dans chaque maison où ils entreraient? Comment les anges eux-mêmes ont-ils pu chanter cet hymne: «Gloire à Dieu dans les hauteurs des cieux, et paix aux hommes sur là terre ?» C'est que la paix consiste surtout à retrancher ce qui est malade, à séparer ce qui est une source de division; c'est alors seulement qu'il sera possible d'unir le ciel avec la terre. Le médecin ne coupe-t-il pas ainsi le membre qui est incurable pour sauver le reste du corps? C'est ce qui est arrivé à la tour de Babel, où une heureuse division vint mettre fin à une paix qui était mauvaise (Gn 11). C'est ainsi que saint Paul divisa ceux qui s'étaient déclarés contre lui (Ac 23). L'accord et la paix ne sont pas toujours une bonne chose, car on les voit régner même parmi les voleurs. Or cette guerre, ce n'est pas Jésus-Christ qui la rend né cessaire, mais bien la volonté de ses ennemis. - S. Jér. En effet, à peine la foi en Jésus-Christ fut-elle annoncée, que tout l'univers s'est trouvé divisé. Dans chaque maison on trouva des croyants et des infidèles, et cette division fut la cause d'une guerre heureuse qui fit cesser une paix pernicieuse dans ses résultats.

S. Chrys. (hom. 35). En parlant de la sorte il veut consoler ses disciples, et il semble leur dire: «Ne vous troublez pas comme si ces événements devaient vous surprendre et tromper votre attente, car je suis venu pour apporter la guerre». Et ce n'est pas seulement «la guerre», mais ce qui est plus effrayant, «le glaive». Il a voulu par la dureté même de son lan gage exciter leur attention, les empêcher de faiblir au milieu du danger, et prévenir ce qu'on aurait pu croire et dire que sous des expressions pleines de douceur, il avait caché les plus grandes difficultés; car il vaut mieux éprouver la douceur dans les choses que dans les paroles. Il ne s'arrête pas à cette déclaration, il explique la nature de cette guerre et fait voir qu'elle est plus terrible même que la guerre civile: «Je suis venu séparer l'homme d'avec son père, la fille d'avec sa mère, et la belle-fille d'avec sa belle-mère». Ainsi ce n'est pas seulement entre les amis que cet état de guerre existera, c'est entre ceux qui sont unis par les affections les plus vives et par les liens les plus étroits. Une des preuves les plus évidentes de la puissance du Christ, c'est que les Apôtres écoutèrent ces dures leçons et qu'ils les firent à leur tour recevoir et mettre en pratique.

S. Chrys. (hom. 35). Ce n'est pas Jésus-Christ lui-même qui opérait cette séparation, mais la malice des hommes. Cependant il s'en déclare l'auteur, d'après la manière de s'exprimer de l'Écriture, par exemple dans ce passage: «Dieu leur a donné des yeux pour ne point voir». (Is 6 Rm 11). Nous avons ici une preuve du rapport intime qui existe entre l'Ancien et le Nouveau-Testament. C'est ainsi que nous voyons les Juifs se déclarer contre leurs frères et les mettre à mort lorsqu'ils eurent fabriqué le veau d'or (Ex 32) et lorsqu'ils eurent immolé des victimes à Beelphegor (Nb 25). Or pour montrer que c'est toujours le même Dieu qui sous la loi nouvelle comme sous la loi ancienne a pour agréables ces mêmes senti ments, Notre-Seigneur cite un passage de la prophétie de Michée: «L'homme aura pour en nemis ceux de sa propre maison (Mi 7). La société juive présentait un spectacle sembla ble, il y avait de vrais et de faux prophètes, et le peuple était divisé, et les familles étaient parta gées; les uns croyaient aux premiers, les autres suivaient les seconds. - S. Jér. Ce passage se trouve presque mot pour mot dans le prophète Michée. Il faut observer du reste que toutes les fois que le Sauveur emprunte un témoignage à l'Ancien Testament, il importe peu s'il donne seulement le sens de ce passage, ou s'il rapporte textuellement les paroles.

S. Hil. (can. 10 sur S. Matth). Dans le sens mystique, le glaive, qui est l'arme la plus aiguisée, est l'emblème de la souveraineté et du pouvoir judiciaire, de la sévérité et du droit de punir les coupables. Rappelons-nous donc que ce glaive figure la parole de Dieu; il a été apporté sur la terre, c'est-à-dire que la prédication l'a fait pénétrer dans le coeur des hommes. Ce glaive a donc divisé entre eux les cinq habitants d'une même maison, trois contre deux et deux contre trois. Ces trois habitants nous les trouvons dans l'homme: c'est son corps, son âme et sa volonté. Car de même que l'âme a été unie et donnée au corps, ainsi le pouvoir d'user de l'un et de l'autre à son gré à été donné à l'homme, et c'est pour cela que Dieu a imposé des lois à la volonté, comme nous le voyons dans ceux qui sont sortis les premiers de sa main. Mais par suite du péché et de la désobéissance de notre premier père, le péché devint pour les générations suivantes le père de notre corps, l'infidélité la mère de notre âme, et la volonté adhère à l'un et à l'autre; c'est ainsi que l'on trouve cinq habitants dans la même maison. Mais lorsque nous sommes renouvelés dans les eaux du baptême, la puissance de la parole nous sépare des péchés de notre origine, et ces retranchements qu'opère le glaive de Dieu rompent tous les liens d'affection qui nous attachaient à notre père et à notre mère. C'est ainsi qu'on voit éclater dans une même maison de sérieuses divisions; l'homme régénéré trouve des ennemis dans ce qu'il y a de plus intime en lui, car il met toute sa joie dans la sainte nouveauté de son esprit, tandis que les restes de son ancienne origine veulent conserver ce qui faisait l'objet de leur bonheur. - S. Aug. (Quest. évang. sur S. Matth., quest. 3). Ou bien dans un autre sens: «Je suis venu sé parer l'homme d'avec son père parce qu'il renonce au démon dont il était le fils, et «la fille d'avec sa mère», c'est-à-dire le peuple de Dieu d'avec la cité du monde, qui n'est autre que la société corrompue du genre humain, représentée dans l'Écriture tantôt par Babylone, tantôt par Sodome, tantôt par l'Égypte et sous plusieurs autres dénominations. (Ap 11,8 Ap 14,8) «La belle-fille d'avec sa belle-mère», c'est l'Église opposée à la synagogue qui a enfanté selon la chair le Christ, époux de l'Église. Tous sont divisés par le glaive de l'Esprit, qui est le Verbe de Dieu, «et les ennemis de l'homme sont ceux de sa maison avec lesquels il était lié par une intimité des plus étroites. - Rab. On est incapable de respecter aucun droit lorsqu'on est divisé sur le point de la foi. - La Glose. On peut encore interpréter ces paroles dans ce sens: Je ne suis pas venu parmi les hommes pour donner une nouvelle force aux affections de la chair, mais pour séparer par un glaive tout spirituel ceux qu'elles retiennent étroitement unis; c'est pour cela qu'il ajoute: «Et l'homme aura pour ennemi ceux de sa propre maison». - S. Grég. (Moral. 3, 5). Lorsque l'ennemi du salut, plein de ruse et de finesse, se voit chassé des coeurs vertueux, il s'adresse à ceux pour lesquels ils ont une vive affection, et leur met sur les lèvres un langage d'autant plus insinuant qu'ils sont aimés plus tendrement, et c'est ainsi qu'en même temps que la force de l'amitié pénètre au plus intime du coeur, le glaive de la persuasion fran chit les retranchements de la droiture intérieure.


vv. 37-39

4037 Mt 10,37-39

S. Jér. Après avoir dit: «Je ne suis pas venu apporter la paix, mais le glaive, et séparer l'homme d'avec son père, d'avec sa mère, d'avec sa belle-mère», Notre-Seigneur, ne voulant pas que les sentiments naturels l'emportent jamais sur la religion, ajoute: «Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n'est pas digne de moi». Nous lisons dans le Cantique des Cantiques: «Il a réglé en moi la charité» (Ct 2). Dans toute affection nous devons conserver cet ordre. Aimez après Dieu votre père et votre mère, aimez après lui vos enfants. Mais si la nécessité vous force de mettre en présence l'amour de vos parents et de vos enfants, et que vous ne puissiez satisfaire en même temps à l'un et à l'autre, rappelez-vous qu'alors la haine pour les siens devient un véritable amour de Dieu. Il ne défend donc pas d'aimer son père ou sa mère, mais il ajoute d'une manière expressive: «plus que moi». - S. Hil. (can. 10 sur S. Matth). Ceux en effet qui donneront la préférence à ces affections sur l'amour de Dieu se rendront indignes de l'héritage des biens futurs.

S. Chrys. (hom. 36). Ne soyez pas étonné si d'ailleurs, saint Paul fait un commandement ex près d'obéir en tout à ses parents: il ne veut parler que de l'obéissance dans les choses qui ne sont pas contraires à la religion; et c'est en effet un devoir sacré que de rendre alors à nos pa rents toute sorte d'honneur; mais s'ils exigent au delà de ce qui leur est dû, il faut s'y refuser. Cette doctrine est conforme à l'Ancien Testament, où Dieu ordonne non-seulement de haïr, mais même de lapider ceux qui adoraient les idoles (Lv 20). Nous lisons encore dans le Deutéronome: «Celui qui dira à son père et à sa mère: Je ne vous connais pas, et à ses frères: Je vous ignore, ceux-là auront gardé votre parole». - La Glose. On voit souvent les parents aimer leurs enfants plus qu'ils n'en sont aimés; aussi Notre-Seigneur va-t-il par degrés, et après avoir enseigné que son amour doit passer avant l'amour des parents, il enseigne naturellement qu'il doit aussi l'emporter sur l'amour des enfants, en ajoutant: «Et celui qui aime son fils ou sa fille plus que moi n'est pas digne de moi». - Rab. Ce qui signifie qu'on est indigne de toute union avec Dieu quand on préfère les affections de la chair et du sang à l'amour spirituel qu'on doit avoir pour Dieu.

S. Chrys. (hom. 36). Ces paroles pouvaient blesser ceux dont l'amour se trouve ainsi sacrifié à l'amour de Dieu; Notre-Seigneur, pour leur faire supporter patiemment ce sacrifice, tient un langage plus élevé. En effet, rien n'est plus intime à l'homme que son âme, et cependant si vous ne haïssez votre âme, les plus grands maux vous attendent. Et il ne vous ordonne pas seulement de haïr votre âme, mais encore de la livrer à la mort et aux supplices les plus san glants. Ainsi nous enseigne-t-il qu'il ne suffit pas d'être prêt à subir une mort quelconque, mais qu'il faut être disposé à souffrir la mort la plus violente, la plus ignominieuse, c'est-à-dire la mort de la croix, et c'est pour cela qu'il ajoute: «Et celui qui ne prend pas sa croix». Il ne leur a pas encore parlé de sa passion, mais de temps en temps il les prépare à recevoir ce qu'il doit plus tard leur en dire. - S. Hil. (can. 10 sur S. Matth). Ou bien encore, ceux qui appar tiennent à Jésus-Christ ont crucifié leur corps avec ses vices et ses convoitises (Ga 5), et on est indigne de Jésus-Christ quand on ne marche pas à sa suite en prenant sa croix (par laquelle nous souffrons avec lui, nous mourons avec lui, nous sommes ensevelis avec lui, nous ressus citons avec lui), pour vivre par ce mystère de la foi dans une sainte nouveauté d'esprit. - S. Grég. (hom. 35). Le mot croix vient d'un mot latin (cruciatus) qui signifie tourment; or nous portons la croix du Seigneur de deux manières, ou bien en mortifiant notre corps par la priva tion, ou par un sentiment de compassion qui nous fait regarder comme nôtres les misères du prochain. Mais il en est quelques-uns qui font profession de mortifier leur chair, non pour plaire à Dieu, mais par un sentiment de vaine gloire; et d'autres qui témoignent à leur prochain une compassion qui n'a rien de spirituel, mais qui est toute charnelle, et qui, loin de les porter à la vertu, favorise par ce sentiment de fausse pitié leur penchant au vice. Ils semblent porter leurs croix, mais ils ne suivent pas le Seigneur, et c'est pour cela qu'il ajoute: «Et qui me suit».

S. Chrys. (hom. 36). Les commandements qu'il fait ici pouvaient paraître accablants; il en fait donc ressortir les avantages immenses: «Celui qui conserve sa vie le perdra; et celui qui aura perdu sa vie pour l'amour de moi, la retrouvera». Comme s'il disait: «Non-seulement ces sacrifices que je vous impose ne vous causeront aucun tort, mais vous en recueillerez les fruits les plus précieux, tandis qu'une con duite opposée vous serait infiniment nuisible. Ici comme partout, le Sauveur prend ses induc tions dans ce que les hommes désirent le plus. Pourquoi refusez-vous de faire peu de cas de votre vie? semble-t-il leur dire. Parce que vous l'aimez. Mais c'est justement pour cela que vous devez la sacrifier, si vous voulez lui procurer les plus grands avantages. - S. Remi. L'âme ne signifie pas ici la substance même de l'âme, mais la vie présente, et tel est le sens de ces paroles: «Celui qui cherche son âme en cette vie, c'est-à-dire celui qui désire cette vie avec ses attachements et ses plaisirs, et qui cherche à la trouver toujours, parce qu'il veut la conser ver toujours, la perdra, c'est-à-dire qu'il prépare son âme à la damnation éternelle. - Rab. Ou bien encore, celui qui cherche à sauver son âme pour l'éternité, n'hésitera pas à la perdre, c'est-à-dire à s'exposer à la mort. Ce qui suit est également favorable à l'un et à l'autre sens. «Et celui qui aura perdu sa vie pour moi la trouvera». - Remi. C'est-à-dire, celui qui au temps de la persécution s'exposera, pour confesser mon nom, à perdre cette vie mortelle, ses affections et ses plaisirs, trouvera le salut éternel de son âme.

S. Hil. C'est ainsi qu'on perd sa vie en voulant la sauver, et qu'on la sauve en consentant à la perdre, car le sacrifice d'une vie qui passe si rapidement nous met en possession d'une vie qui ne finira jamais.


vv. 40-42

4040 Mt 10,40-42

S. Jér. Notre-Seigneur, en envoyant ses disciples prêcher l'Évangile, leur apprend à ne crain dre aucun danger, et à sacrifier toutes leurs affections aux devoirs de sa religion. Déjà, il s'en est déclaré, il ne veut pas d'or, il ne veut pas d'argent dans leurs bourses: c'est une condition bien dure que celle des Évangélistes. Mais comment pourvoir aux dépenses nécessaires, à la nourriture, aux choses nécessaires à la vie? Notre-Seigneur adoucit donc la sévérité de ses préceptes par l'espérance des promesses. «Celui qui vous reçoit, leur dit-il, me reçoit». Ainsi chaque fidèle doit être persuadé qu'il a reçu Jésus-Christ en recevant ses Apôtres. - S. Chrys. (hom. 36). Ce qui précède suffisait pour produire cette persuasion dans ceux qui de vaient recevoir les Apôtres. Car en voyant ces hommes héroïques qui méprisaient tout ce qui les concernait pour sauver leurs frères, qui ne les aurait accueillis avec le plus vif empresse ment? Plus haut, Notre-Seigneur a menacé de punir ceux qui ne les recevraient point; ici il promet de récompenser ceux qui les recevront. Et d'abord il leur promet cet honneur insigne de recevoir dans la personne des Apôtres Jésus-Christ et même son Père. «Et celui qui me reçoit, reçoit celui qui m'a envoyé». Que peut-on comparer à cet honneur de recevoir Dieu le Père et le Fils? - S. Hil. (can. 10 sur S. Matth). Ces paroles nous apprennent en même temps son office de médiateur, car après que nous l'avons reçu, lui qui est sorti de Dieu, il nous fait entrer en communication avec Dieu lui-même, et d'après cet ordre que suit la grâce, recevoir les Apôtres, c'est recevoir Dieu, parce que le Christ e st en eux, et que Dieu est dans le Christ.

S. Chrys. (hom. 36). A cette récompense qu'il promet il en ajoute une autre: «Celui qui reçoit un prophète au nom du prophète, recevra la récompense du prophète, et celui qui reçoit le juste», etc. Il ne dit pas simplement: Celui qui reçoit un prophète, ou celui qui reçoit un juste, mais: Celui qui reçoit un prophète, un juste, au nom du prophète, au nom du juste, c'est-à-dire parce qu'il est prophète, parce qu'il est juste, et non pas à cause de la dignité dont il peut-être revêtu en ce monde, ou en vue de quelque autre avantage temporel. Ou bien dans un autre sens, comme il avait recommandé aux disciples de recevoir les maîtres qui les enseignent, les fidèles pouvaient lui faire secrètement cette réponse: N ous devons donc recevoir tes faux prophètes et Judas le traître? Le Seigneur prend donc soin de leur rappeler qu'ils ne doivent pas considérer les personnes, mais les noms qu'elles portent, et qu'on ne per dra pas sa récompense parce que celui qu'on aurait reçu en serait indigne. - S. Chrys. (hom. 30). Notre-Seigneur dit: «Il recevra la récompense du prophète et la récompense du juste», c'est-à-dire la récompense qui convient à celui qui reçoit le prophète ou le juste, ou celle que le prophète et le juste devront recevoir eux-mêmes. - S. Grég. (homél. 20 sur les Evang). Il ne dit pas: C'est des mains du juste ou du prophète qu'ils recevront la récompense, mais: «la récompense du prophète et du juste»; peut-être celui qu'ils reçoivent est-il juste, et plus il est dépouillé de tout en ce monde, plus grande aussi sera sa fermeté à défendre les intérêts de la justice. Or celui qui possède les biens de la terre et qui pourvoit aux besoins du prophète et du juste, participera au mérite de son indépendance, et partagera la récompense de justice de celui qu'il a secouru et nourri sur la terre. Cet apôtre est plein de l'esprit de prophétie, mais son corps a besoin d'aliments, et si ses forces ne sont pas réparées, il est cer tain que la voix lui fera défaut. Or celui qui pourvoit à la nourriture du prophète, lui donne la force de parler: il recevra donc avec le prophète la récompense du prophète, parce qu'il a sub venu à ses besoins dans l'intention de plaire àDieu.

S. Jér. Dans le sens mystique, celui qui reçoit le prophète comme prophète, et qui comprend ce qu'il lui enseigne des choses futures, partagera sa récompense. Les Juifs donc, qui ne com prenaient les prophètes que dans un sens charnel, ne recevront pas la récompense des prophètes. - Remi. Dans ce prophète et dans ce juste, quelques-uns veulent voir Notre-Seigneur Jésus-Christ, de qui Moïse a dit: «Dieu vous suscitera un prophète», etc. (Dt 18), et qui est juste aussi d'une manière incomparable. Celui donc qui recevra le prophète et le juste au nom du prophète et du juste, recevra la récompense des mains de celui pour l'amour duquel il a fait cette action.

S. Jér. Mais on pouvait lui alléguer cette excuse: Ma pauvreté me défend de donner l'hospitalité; il la détruit en nous proposant la chose la moins coûteuse qui soit au monde, c'est-à-dire de donner de tout coeur un verre d'eau froide. «Et celui qui donnera à l'un de ces plus petits, un verre d'eau froide, etc». Il dit un verre d'eau froide, et non d'eau chaude, de peur que s'il s'agissait d'eau chaude, on ne prétextât encore sa pauvreté et l'impossibilité de se procurer du bois pour la faire chauffer. Remi. Il ajoute: «Au plus petit», c'est-à-dire non pas seulement aux justes ou aux prophètes, mais à l'un des plus petits et des plus misérables. - La Glose. Remarquez ici comme Dieu regarde beaucoup plus à la disposition du coeur qu'à la valeur de la chose que l'on donne. Ou bien les plus petits sont ceux qui ne possèdent rien absolument en cette vie, et qui jugeront un jour le monde avec Jésus-Christ. - S. Hil. (can. 40 sur S. Matth). Ou bien il prévoyait qu'il y en aurait plusieurs dont toute la gloire consisterait dans le nom d'apôtre qu'ils déshonoreraient par tout le reste de leur vie; il ne veut donc pas priver de récompense l'honneur qui leur est rendu au nom de la religion, car bien qu'ils soient les plus petits de tous, c'est-à-dire les derniers des pécheurs, les services qu'on leur rend, même les plus légers, et qui sont exprimés par ce verre d'eau froide, ne seront pas perdus, car ce n'est pas aux péchés de l'homme, mais à son titre d'apôtre qu'est rendu cet honneur.


Catena Aurea 4026