1981 Familiaris consortio 40

40

Rapports avec les autres instances éducatives

40. La famille est la première communauté éducatrice, mais non pas la seule ni l'unique : la dimension même de l'homme, communautaire, civile et ecclésiale, exige et suscite une oeuvre plus vaste et plus complexe qui est le fruit de la collaboration bien ordonnée des diverses instances éducatives. Toutes ces institutions sont nécessaires, même si chacune peut et doit intervenir selon sa compétence et apporter sa contribution propre. GE 3
La tâche éducative de la famille chrétienne occupe donc une place très importante dans la pastorale d'ensemble : cela suppose une nouvelle forme de collaboration entre parents et communautés chrétiennes, entre les divers groupes éducatifs et les pasteurs. Et à cet égard, le renouveau de l'école catholique doit porter une attention particulière tant aux parents d'élèves qu'à la formation d'une communauté éducative parfaite.
Le droit des parents au choix d'une éducation conforme à leur foi doit être absolument assuré.
L'Eglise et l'Etat ont le devoir d'apporter aux familles l'assistance nécessaire afin qu'elles puissent exercer comme il convient leurs tâches éducatives. Dans ce but, aussi bien l'Eglise que l'Etat doivent créer et promouvoir les institutions et les activités que les familles attendent à juste titre ; l'assistance devra être telle qu'elle supplée aux insuffisances des familles. Et donc, tous ceux qui dans la société sont à la tête des écoles ne doivent jamais oublier que les parents ont été institués par Dieu lui-même premiers et principaux éducateurs de leurs enfants, et que c'est là un droit absolument inaliénable.
Mais, corrélativement à leur droit, les parents ont la grave obligation de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour entretenir des relations cordiales et constructives avec les enseignants et les responsables des écoles.
Si dans les écoles on enseigne des idéologies contraires à la foi chrétienne, la famille, conjointement à d'autres familles - si possible par l'intermédiaire d'associations familiales -, doit de toutes ses forces et avec sagesse aider les jeunes à ne pas s'écarter de la foi. Dans de telles conditions, la famille a besoin de recevoir des secours particuliers de la part des pasteurs d'âmes, et ceux-ci ne peuvent oublier que les parents ont le droit inaliénable de confier leurs enfants à la communauté ecclésiale.

41

Le service multiforme de la vie

41. L'amour conjugal fécond s'exprime dans un service multiforme de la vie dont la procréation et l'éducation sont les signes les plus visibles en même temps que spécifiques et irremplaçables. Mais en réalité tout acte d'amour authentique envers l'homme témoigne de la fécondité spirituelle de la famille et la perfectionne, car il est obéissance au profond dynamisme intérieur de l'amour en tant que don de soi-même aux autres.
Les conjoints qui font l'expérience de la stérilité physique sauront d'une façon spéciale faire leur cette perspective qui est si riche et si exigeante pour tous.
Les familles chrétiennes qui, dans la foi, reconnaissent tous les hommes comme fils du même Père des cieux, auront à coeur d'accueillir généreusement les enfants des autres familles, leur apportant le soutien et l'amour dus aux membres de l'unique famille des enfants de Dieu. Les parents chrétiens pourront ainsi faire rayonner leur amour au-delà des liens de la chair et du sang, pour approfondir les liens qui s'enracinent dans l'esprit et se développent dans l'aide concrète apportée aux enfants d'autres familles qui vont jusqu'à manquer des choses de première nécessité.
Les familles chrétiennes sauront s'ouvrir à une plus grande disponibilité en faveur de l'adoption et de la prise en charge des enfants privés de leurs parents ou abandonnés par eux. Ces enfants, en retrouvant une chaude atmosphère familiale, peuvent alors faire l'expérience de l'amour attentif et paternel de Dieu à travers le témoignage de parents chrétiens et grandir ainsi dans la sérénité et la confiance dans la vie ; la famille tout entière, de son côté, se trouve enrichie des valeurs spirituelles contenues dans une fraternité élargie.
Une "créativité" incessante doit caractériser la fécondité des familles : c'est là le fruit merveilleux de l'Esprit de Dieu qui fait ouvrir tout grands les yeux du coeur afin de découvrir les nécessités et les souffrances nouvelles de notre société, et c'est lui qui donne la force de les assumer et de leur apporter la réponse adéquate. Dans ce cadre se présente aux familles un champ d'action très vaste. En effet, il est de nos jours un phénomène encore plus préoccupant que l'abandon des enfants : c'est celui qui frappe cruellement les personnes âgées, les malades, les personnes handicapées, les toxicomanes, les anciens détenus, etc., en les mettant en marge de la vie sociale et culturelle.
Alors les horizons de la paternité et de la maternité des familles chrétiennes s'élargissent considérablement : la fécondité spirituelle de leur amour est comme défiée par de telles urgences, et bien d'autres encore, de notre temps. Avec les familles et à travers elles, le Seigneur continue d'avoir "pitié" des foules.

42

III - LA PARTICIPATION AU DEVELOPPEMENT DE LA SOCIETE


La famille, cellule première et vitale de la société

42. Puisque "le Créateur a fait de la communauté conjugale l'origine et le fondement de la société humaine", la famille est devenue la "cellule première et vitale de la société". AA 11
La famille a des liens organiques et vitaux avec la société parce qu'elle en constitue le fondement et qu'elle la sustente sans cesse en réalisant son service de la vie : c'est au sein de la famille en effet que naissent les citoyens et dans la famille qu'ils font le premier apprentissage des vertus sociales, qui sont pour la société l'âme de sa vie et de son développement.
Ainsi donc, en raison de sa nature et de sa vocation, la famille, loin de se replier sur elle-même, s'ouvre aux autres familles et à la société, elle remplit son rôle social.

43

La vie familiale : expérience de communion et de participation

43. L'expérience même de communion et de participation qui doit caractériser la vie quotidienne de la famille constitue son apport essentiel et fondamental à la société.
Les relations entre les membres de la communauté familiale se développent sous l'inspiration et la conduite de la loi de la "gratuité" qui, en respectant et en cultivant en tous et en chacun le sens de la dignité personnelle comme source unique de valeur, se transforme en accueil chaleureux, rencontre et dialogue, disponibilité généreuse, service désintéressé, profonde solidarité.
Ainsi, la promotion d'une authentique communion de personnes responsables dans la famille devient un apprentissage fondamental et irremplaçable de vie sociale, un exemple et un encouragement pour des relations communautaires élargies, caractérisées par le respect, la justice, le sens du dialogue, l'amour.
De cette façon, comme les Pères du Synode l'ont rappelé, la famille constitue le berceau et le moyen le plus efficace pour humaniser et personnaliser la société : c'est elle qui travaille d'une manière originale et profonde à la construction du monde, rendant possible une vie vraiment humaine, particulièrement en conservant et en transmettant les vertus et les "valeurs". Comme le dit le Concile Vatican II, la famille est le "lieu de rencontre de plusieurs générations qui s'aident mutuellement à acquérir une sagesse plus étendue et à harmoniser les droits des personnes avec les autres exigences de la vie sociale". GS 52
C'est pourquoi, face à une société qui risque d'être de plus en plus dépersonnalisante et anonyme, et donc inhumaine et déshumanisante, avec les conséquences négatives de tant de formes d'"évasion" - telles que l'alcoolisme, la drogue ou même le terrorisme -, la famille possède et irradie encore aujourd'hui des énergies extraordinaires capables d'arracher l'homme à l'anonymat, de l'éveiller à la conscience de sa dignité personnelle, de le revêtir d'une profonde humanité et de l'introduire activement avec son unicité et sa singularité dans le tissu de la société.

44

Le rôle social et politique

44. Le rôle social de la famille ne peut certainement pas se limiter a 1'oeuvre de la procréation et de l'éducation, même s'il trouve en elles sa forme d'expression première et irremplaçable.
Les familles, isolément ou en associations, peuvent et doivent donc se consacrer à de nombreuses oeuvres de service social, spécialement en faveur des pauvres et en tout cas des personnes et des situations que les institutions de prévoyance et d'assistance publiques ne réussissent pas à atteindre.
La contribution sociale de la famille a son originalité qui gagnerait à être mieux connue et qu'il faudrait promouvoir plus franchement, surtout au fur et à mesure que les enfants grandissent, en suscitant le plus possible la participation de tous ses membres.
Il faut à cet égard souligner l'importance toujours plus grande que revêt dans notre société l'hospitalité sous toutes ses formes, en tenant simplement ouverte la porte de sa maison et, mieux encore, de son coeur aux besoins de nos frères, ou en allant jusqu'à s'engager concrètement pour assurer à chaque famille le logement dont elle a besoin comme milieu naturel qui la protège et la fait grandir. Et par-dessus tout la famil1e chrétienne est appelée à écouter la recommandation de l'Apôtre : "Soyez avides de donner l'hospitalité", Rm 12,13 et donc a pratiquer, à la suite du Christ et avec sa charité, l'accueil de nos frères démunis : " Quiconque donnera à boire à l'un de ces petits rien qu'un verre d'eau fraîche, en tant qu'il est un disciple, en vérité, je vous le dis, il ne perdra pas sa récompense" Mt 10,42
Le rôle social de la famille est appelé à s'exprimer aussi sous forme d'intervention politique : ce sont les familles qui en premier lieu doivent faire en sorte que les lois et les institutions de l'Etat non seulement s'abstiennent de blesser les droits et les devoirs de la famille, mais encore les soutiennent et les protègent positivement. Il faut à cet égard que les familles aient une conscience toujours plus vive d'être les "protagonistes" de ce qu'on appelle "la politique familiale" et qu'elles assument la responsabilité de transformer la société ; dans le cas contraire, elles seront les premières victimes des maux qu'elles se sont contentées de constater avec indifférence. L'invitation du Concile Vatican II à dépasser l'éthique individualiste concerne donc aussi la famille en tant que telle. GS 30

45

La société au service de la famille

45. La relation étroite entre famille et société exige d'une part l'ouverture et la participation de la famille à la société et à son développement, mais d'autre part elle impose à la société de ne jamais manquer à son devoir fondamental de respecter et de promouvoir la famille.
Il est certain que la famille et la société ont des rôles complémentaires dans la défense et la promotion des biens communs à tous les hommes et à tout homme. Mais la société, et plus précisément l'Etat, doivent reconnaître que la famille est une "société jouissant d'un droit propre et primordial" DH 5 et ils ont donc la grave obligation, en ce qui concerne leurs relations avec la famille, de s'en tenir au principe de subsidiarité.
En vertu de ce principe l'Etat ne peut pas et ne doit pas enlever aux familles les tâches qu'elles peuvent fort bien accomplir seules ou en s'associant librement à d'autres familles ; mais il doit au contraire favoriser et susciter le plus possible les initiatives responsables des familles. Les autorités publiques, convaincues du fait que le bien de la famille est pour la communauté civile une valeur indispensable à laquelle on ne saurait renoncer, doivent s'employer le plus possible à procurer aux familles toute l'aide - économique, sociale, éducative, politique, culturelle - dont elles ont besoin pour remplir de façon vraiment humaine l'ensemble de leurs obligations.

46

La charte des droits de la famille

46. L'action réciproque de soutien et de progrès entre la famille et la société est un idéal souvent contredit, et même gravement, par la réalité des faits où l'on constate leur séparation, voire leur opposition.
En effet - comme l'a continuellement fait remarquer le Synode - , la situation de très nombreuses familles en divers pays est fort problématique, quand elle n'est pas franchement mauvaise : les lois et les institutions méconnaissent, contre toute justice, les droits inviolables de la famille et même de la personne humaine, et la société, loin de se mettre au service de la famille, l'attaque violemment dans ses valeurs et dans ses exigences fondamentales. Ainsi la famille, qui selon le dessein de Dieu est la cellule de hase de la société, sujet de droits et de devoirs antérieurs à ceux de l'Etat et de n 'importe quelle autre communauté, se trouve être la victime de la société, des lenteurs et des retards de ses interventions et plus encore de ses injustices flagrantes.
C'est pourquoi l'Eglise prend ouvertement et avec vigueur la défense des droits de la famille contre les usurpations intolérables de la société et de l'Etat. Pour leur part, les Pères du Synode ont rappelé entre autres les droits suivants de la famille :

- le droit d'exister et de s'épanouir en tant que famille, c'est-à-dire le droit pour tout homme, et en particulier pour les pauvres, de fonder une famille et de l'entretenir par des moyens appropriés ;
- le droit d'exercer sa mission pour tout ce qui touche à la transmission de la vie, et d'éduquer ses enfants ;
- le droit à l'intimité de la vie, aussi bien conjugale que familiale ;
- le droit à la stabilité du lien conjugal et de l'institution du mariage ;
- le droit de croire et de professer sa foi, et de la répandre ;
- le droit d'éduquer ses enfants conformément à ses propres traditions et à ses valeurs religieuses et culturelles, grâce aux instruments, aux moyens et aux institutions nécessaires;
- le droit de jouir de la sécurité physique, sociale, politique, économique, surtout pour les pauvres et les malades ;
- le droit à un logement adapté à une vie familiale décente ;
- le droit d'expression et de représentation devant les autorités publiques, économiques, sociales et culturelles, ainsi que devant les organismes qui en dépendent, et cela directement ou au moyen d'associations ;
- le droit de créer des associations en lien avec d'autres familles et institutions, afin d'accomplir sa mission comme il convient et avec compétence ;
- le droit de protéger les mineurs, par le moyen d'institutions et de lois appropriées, contre les drogues nuisibles, la pornographie, l'alcoolisme, etc. ;
- le droit à des loisirs honnêtes qui favorisent en même temps les valeurs familiales ;
- le droit des personnes âgées à vivre et à mourir dignement ;
- le droit d'émigrer en tant que famille pour rechercher de meilleures conditions de vie. (cf. 'Proposition' 42)

Le Saint-Siège, accueillant la demande explicite du Synode, prendra soin d'approfondir ces suggestions, en élaborant une "charte des droits de la famille" à proposer aux milieux intéressés et aux Autorités concernées.

47

Grâce et responsabilité de la famille chrétienne

47. Le rôle social propre à toute famille est aussi, à un titre nouveau et particulier, celui de la famille chrétienne, fondée sur le sacrement de mariage. En assumant la réalité humaine de l'amour conjugal dans toutes ses dimensions, le sacrement rend les époux et les parents chrétiens capables de vivre leur vocation de laïcs - et c'est leur responsabilité - et donc de "chercher le règne de Dieu précisément à travers la gérance des choses temporelles qu'ils ordonnent selon Dieu". LG 31
Le rôle social et politique fait partie de la mission royale, mission de service, à laquelle les époux chrétiens participent en vertu du sacrement de mariage, en recevant à la fois un commandement auquel ils ne peuvent se soustraire et une grâce qui les soutient et les entraîne.
C'est ainsi que la famille chrétienne est appelée à donner devant tous le témoignage d'un dévouement généreux et désintéressé face aux problèmes sociaux, en choisissant en priorité les pauvres et les marginaux. Et c'est pourquoi, en cheminant à la suite du Seigneur dans un amour spécial pour tous les pauvres, elle doit avoir particulièrement à coeur ceux qui ont faim, ceux qui sont démunis, âgés, ceux qui sont malades, drogués, sans famille.

48

Pour un nouvel ordre International

48. Face à la dimension mondiale qui de nos jours caractérise les différents problèmes sociaux, la famille voit s'élargir de façon tout à fait nouvelle son rôle en ce qui concerne le développement de la société : il s'agit aussi de coopérer à la réalisation d'un nouvel ordre international, car c'est seulement à travers la solidarité mondiale que l'on peut envisager et résoudre les énormes et dramatiques problèmes de la justice dans le monde, de la liberté des peuples, de la paix de l'humanité.
La communion spirituelle des familles chrétiennes, enracinées dans la foi et l'espérance communes et vivifiées par la charité, constitue une énergie intérieure d'où jaillissent, se répandent et croissent justice, réconciliation, fraternité et paix entre les hommes. En tant que "petite" Eglise, la famille chrétienne est appelée, à l'image de la "grande" Eglise, à être un signe d'unité pour le monde et à exercer dans ce sens son rôle prophétique, en témoignant du Royaume et de la paix du Christ, vers lesquels le monde entier est en marche.
Cela, les familles chrétiennes pourront le réaliser à travers leur service éducatif, c'est-à-dire en offrant aux enfants un modèle de vie fondé sur les valeurs de vérité, de liberté, de justice et d'amour, comme aussi en s'engageant de façon active et responsable pour une croissance vraiment humaine de la société et de ses institutions, ou encore en soutenant de diverses manières les associations qui se consacrent essentiellement aux problèmes de l'ordre international.

49

IV - LA PARTICIPATION A LA VIE ET A LA MISSION DE L'EGLISE


La famille dans le mystère de l'Eglise

49. Parmi les tâches fondamentales de la famille chrétienne prend place celle que l'on peut dire ecclésiale, celle qui met la famille au service de l'édification du Royaume de Dieu dans l'histoire, moyennant la participation à la vie et à la mission de l'Eglise.
Pour mieux comprendre ce qui fonde, ce que comprend et ce qui caractérise une telle participation, il faut étudier les liens multiples et profonds qui relient entre elles l'Eglise et la famille chrétienne et qui font de cette dernière comme "une Eglise en miniature" (Ecclesia domestica), LG 11 AA 11 ; JP II homélie à la messe d'ouverture du 6eme Synode des Evêques, 26/09/1980 n.3) de telle sorte qu'elle soit, à sa façon, une image vivante et une représentation historique du mystère même de l'Eglise.
C'est avant tout l'Eglise Mère qui engendre, éduque, édifie la famille chrétienne, en mettant en oeuvre à son égard la mission de salut qu'elle a reçue de son Seigneur. En annonçant la Parole de Dieu, l'Eglise révèle à la famille chrétienne sa véritable identité, autrement dit ce qu'elle est et ce qu'elle doit être selon le dessein du Seigneur. En célébrant les sacrements, l'Eglise enrichit et fortifie la famille chrétienne avec la grâce du Christ, en vue de sa sanctification pour la gloire du Père. En renouvelant la proclamation du commandement nouveau de la charité, l'Eglise anime et guide la famille chrétienne au service de l'amour, pour lui permettre d'imiter et de revivre l'amour même de donation et de sacrifice que le Seigneur Jésus nourrit pour l'humanité entière.
A son tour, la famille chrétienne est insérée dans le mystère de l'Eglise au point de participer, à sa façon, à la mission de salut qui lui est propre : les époux et les parents chrétiens, en vertu du sacrement, " ont ainsi, en leur état de vie et dans leur ordre, un don qui leur est propre au sein du peuple de Dieu". LG 11 Par conséquent, non seulement ils "reçoivent" l'amour du Christ en devenant une communauté "sauvée", mais ils sont également appelés à "transmettre" à leurs frères le même amour du Christ, en devenant ainsi une communauté "qui sauve". De la sorte, tout en étant fruit et signe de la fécondité surnaturelle de l'Eglise, la famille chrétienne devient symbole, témoignage, participation de la maternité de l'Eglise." LG 41

50

Une tâche ecclésiale propre et originale

50. La famille chrétienne est appelée à prendre une part active et responsable à la mission de l'Eglise d'une façon propre et originale, en se mettant elle-même au service de l'Eglise et de la société dans son être et dans son agir, en tant que communauté intime de vie et d'amour.
Si la famille chrétienne est une communauté dont les liens sont renouvelés par le Christ à travers la foi et les sacrements, sa participation à la mission de l'Eglise doit se réaliser d'une façon communautaire ; c'est donc ensemble que les époux en tant que couple, les parents et les enfants en tant que famille, doivent vivre leur service de l'Eglise et du monde. Ils doivent être, dans la foi, "un seul coeur et une seule âme", Ac 4,32 aussi bien dans l'esprit apostolique commun qui les anime qu'à travers la collaboration qui les engage au service de la communauté ecclésiale et de la communauté civile.
La famille chrétienne, par ailleurs, édifie le Royaume de Dieu dans l'histoire à travers les réalités quotidiennes qui concernent et qui caractérisent sa condition de vie : c'est dès lors dans l'amour conjugal et familial - vécu dans sa richesse extraordinaire de valeurs et avec ses exigences de totalité, d'unicité, de fidélité et de fécondité HV 9 - que s'exprime et se réalise la participation de la famille chrétienne à la mission prophétique, sacerdotale et royale de Jésus-Christ et de son Eglise. L'amour et la vie constituent donc le point central de la mission salvifique de la famille chrétienne dans l'Eglise et pour l'Eglise.
Le Concile Vatican II 1e rappelle lorsqu'il écrit: " Les familles se communiqueront aussi avec générosité leurs richesses spirituelles. Alors, la famille chrétienne, parce qu'elle est issue d'un mariage, image et participation de l'alliance d'amour qui unit le Christ et l'Eglise, manifestera à tous les hommes la présence vivante du Sauveur dans le monde et la véritable nature de l'Eglise, tant par l'amour des époux, leur fécondité généreuse, l'unité et la fidélité du foyer, que par la coopération amicale de tous ses membres". GS 48 Ayant ainsi précisé ce qui fonde la participation de la famille chrétienne à la mission ecclésiale, il importe maintenant de mettre en lumière ce qu'elle comprend selon une référence triple, mais à vrai dire unique, à Jésus-Christ, Prophète, Prêtre et Roi, en présentant la famille chrétienne comme

1) communauté qui croit et qui évangélise ;
2) communauté en dialogue avec Dieu ;
3) communauté au service de l'homme.

51

1) La famille chrétienne, communauté qui croit et qui

évangélise

La foi, découverte et admiration du dessein de Dieu sur la

famille

51. Du fait que la famille chrétienne participe à la vie et à la mission de l'Eglise qui se tient dans une religieuse écoute de la Parole de Dieu et la proclame avec une ferme confiance, DV 1 elle vit son rôle prophétique en accueillant et en annonçant la Parole de Dieu ; elle devient ainsi, chaque jour davantage, une communauté qui croit et qui évangélise.
L'obéissance de la foi est demandée également aux époux et aux parents chrétiens: Rm 16,26 ils sont appelés à accueillir la Parole du Seigneur qui leur révèle la merveilleuse nouveauté - autrement dit la "bonne nouvelle" - de leur vie conjugale et familiale rendue par le Christ sainte et sanctifiante. En effet, c'est seulement dans la foi qu'ils peuvent découvrir et admirer dans une gratitude joyeuse la dignité à laquelle Dieu a voulu élever le mariage et la famille en en faisant le signe et le lieu de l'alliance d'amour entre Dieu et les hommes, entre Jésus-Christ et l'Eglise son Epouse.
Déjà, la préparation au mariage chrétien est qualifiée d'itinéraire de foi; elle se situe en effet comme une occasion privilégiée permettant aux fiancés de redécouvrir et d'approfondir la foi reçue au baptême et nourrie par l'éducation chrétienne. De cette façon, ils reconnaissent et ils accueillent librement la vocation à vivre à la suite du Christ et au service du Royaume de Dieu dans l'état même du mariage.
Le moment fondamental de l'expression de la foi des époux en tant que tels est celui de la célébration du sacrement de mariage qui, par sa nature profonde, est la proclamation, dans l'Eglise, de la Bonne Nouvelle sur l'amour conjugal : il est Parole de Dieu qui "révèle" et "accomplit" le projet plein de sagesse et d'amour que Dieu a sur les époux, introduits dans la participation mystérieuse et réelle à l'amour même de Dieu pour l'humanité. Si la célébration sacramentelle du mariage est en elle-même proclamation de la Parole de Dieu, tous ceux qui sont, à des titres divers, protagonistes et célébrants doivent en faire une "profession de foi", accomplie au sein de l'Eglise et avec l'Eglise, communauté de croyants.
Cette profession de foi demande à être prolongée tout au long de la vie des époux et de la famille. Dieu, en effet, qui a appelé les époux "au" mariage continue à les appeler "dans" le mariage. HV 25 Dans et à travers les faits, les problèmes, les difficultés, les événements de 1'existence de tous les jours, Dieu vient à eux en leur révélant et en leur proposant les "exigences" concrètes de leur participation à l'amour du Christ pour l'Eglise, en rapport avec la situation particulière - familiale, sociale et ecclésiale - dans laquelle ils se trouvent.
La découverte du dessein de Dieu et l'obéissance à ce dessein doivent se réaliser simultanément dans la communauté conjugale et familiale, à travers l'expérience humaine de l'amour vécu dans l'Esprit du Christ entre les époux comme entre les parents et les enfants.
Pour cela, comme la grande Eglise, la petite Eglise domestique a besoin d'être continuellement et intensément évangélisée : d'où le devoir d'éducation permanente dans la foi.

52

Le ministère d'évangélisation de la famille chrétienne

52. Dans la mesure où la famille chrétienne accueille l'Evangile et mûrit dans la foi, elle devient une communauté qui évangélise. Ecoutons à nouveau Paul VI: " ... la famille, comme l'Eglise, se doit d'être un espace où l'Evangile est transmis et d'où l'Evangile rayonne. Au sein donc d'une famille consciente de cette mission, tous les membres de la famille évangélisent et sont évangélisés. Les parents non seulement communiquent aux enfants l'Evangile mais peuvent recevoir d'eux ce même Evangile profondément vécu. Et une telle famille se fait évangélisatrice de beaucoup d'autres familles et du milieu dans lequel elle s'insère ". EN 71
Comme l'a répété le Synode en reprenant mon appel de Puebla, l'avenir de l'évangélisation dépend en grande partie de l'Eglise domestique. (JP II, discours à la 3eme assemblée des Evêques de l'Amérique latine, 28/1/1979, IV, a) Cette mission apostolique de la famille est enracinée dans le baptême et reçoit de la grâce sacramentelle du mariage une nouvelle impulsion pour transmettre la foi, pour sanctifier et transformer la société actuelle selon le dessein de Dieu.
La famille chrétienne, surtout aujourd'hui, est spécialement appelée à témoigner de l'alliance pascale du Christ, grâce au rayonnement constant de la joie de l'amour et de la certitude de l'espérance, dont elle doit rendre compte: "La famille chrétienne proclame hautement à la fois les vertus actuelles du Royaume de Dieu et l'espoir de la vie bienheureuse". LG 35
La nécessité absolue de la catéchèse familiale émerge avec une force singulière dans des situations déterminées, que l'Eglise enregistre malheureusement en divers endroits : " Là où une législation antireligieuse prétend même empêcher l'éducation de la foi, là où une incroyance diffuse ou bien un sécularisme envahissant rendent pratiquement impossible une véritable croissance religieuse, cette sorte d'Eglise qu'est le foyer reste l'unique milieu où enfants et jeunes peuvent recevoir une authentique catéchèse". LG 35

53

Un service ecclésial

53. Le ministère d'évangélisation qui revient aux parents chrétiens est original et irremplaçable. Il revêt les caractères distinctifs de la vie familiale, tissée, comme elle devrait l'être, d'amour, de simplicité, d'engagement concret et de témoignages quotidiens. CTR 68
La famille doit former les enfants à la vie pour permettre à chacun d'accomplir en plénitude son devoir selon la vocation qu'il a reçue de Dieu. En effet, la famille ouverte aux valeurs transcendantes, au service joyeux du prochain, à l'accomplissement généreux et fidèle de ses obligations et toujours consciente de sa participation au mystère de la croix glorieuse du Christ, devient le premier et le meilleur séminaire de la vocation a une vie consacrée au Royaume de Dieu.
Le ministère d'évangélisation et de catéchèse qui incombe aux parents doit accompagner la vie des enfants, y compris pendant leur adolescence et leur jeunesse, lorsque ceux-ci, comme cela se produit souvent, contestent ou rejettent carrément la foi chrétienne reçue dans les premières années de leur vie. De même que, dans l'Eglise, le travail de l'évangélisation ne s'effectue jamais sans souffrance pour l'apôtre, de même, dans la famille chrétienne, les parents doivent affronter avec courage et grande sérénité d'âme les difficultés que leur ministère d'évangélisation rencontre parfois auprès de leurs propres enfants.
On ne devra pas oublier que le service accompli par les époux et par les parents chrétiens en faveur de l'Evangile est essentiellement un service ecclésial, ou mieux rentre dans le cadre de l'Eglise entière comme communauté évangélisée et évangélisante. En tant qu'il est enraciné dans l'unique mission de l'Eglise et qu'il en dérive, et en tant qu'ordonné à l'édification de l'unique Corps du Christ, 1Co 12,4-6 Ep 4,12-13 le ministère d'évangélisation et de catéchèse de 1'Eglise domestique doit demeurer en union étroite et s'harmoniser consciemment avec tous les autres services d'évangélisation et de catéchèse existant et agissant dans la communauté ecclésiale, soit diocésaine, soit paroissiale.

54

Prêcher l'Evangile à toute créature

54. L'universalité sans frontières est l'horizon spécifique de l'évangélisation animée intérieurement par l'élan missionnaire. Elle est, en effet, la réponse à la consigne explicite et non équivoque du Christ : "Allez dans le monde entier, proclamez la Bonne Nouvelle à toute la création". Mc 16,15
La foi et la mission évangélisatrice de la famille chrétienne possèdent, elles aussi, ce souffle missionnaire catholique. Le sacrement de mariage, qui reprend et propose à nouveau le devoir, déjà enraciné dans le baptême et dans la confirmation, de défendre et de diffuser la foi, LG 11 établit les époux et les parents chrétiens comme témoins du Christ "jusqu'aux confins de la terre" Ac 1,8 comme véritables "missionnaires" de l'amour et de la vie.
Une certaine forme d'activité missionnaire peut être accomplie déjà à l'intérieur de la famille. Cela se vérifie lorsque quelque membre de celle-ci n'a pas la foi ou n'est pas cohérent avec elle dans sa pratique. Les autres membres de la famille doivent alors lui donner un témoignage vécu de leur foi, apte à le stimuler et à le soutenir dans son cheminement vers la pleine adhésion au Christ Sauveur. 1P 3,1-2
Animée par l'esprit missionnaire déjà au-dedans d'elle-même, l'Eglise domestique est appelée à être un signe lumineux de la présence du Christ et de son amour également pour "ceux qui sont loin", pour les familles qui ne croient pas encore et même pour les familles chrétiennes qui ne vivent plus en cohérence avec la foi reçue. L'Eglise domestique est appelée "par son exemple et par son témoignage" à éclairer "ceux qui cherchent la vérité". LG 35 AA 11
De même qu'à l'aube du christianisme Aquila et Priscille se présentaient comme un couple missionnaire Ac 18 Rm 16,3-4 ainsi aujourd'hui l'Eglise témoigne d'une continuelle nouveauté et d'une incessante floraison, grâce à la présence d'époux et de familles chrétiennes qui, au moins pendant un certain temps, vont dans les terres de mission pour annoncer l'Evangile en servant l'homme avec l'amour de Jésus-Christ.
Les familles chrétiennes apportent une contribution particulière à la cause missionnaire de l'Eglise en cultivant les vocations missionnaires parmi leurs fils et leurs filles AGD 39 et, plus généralement, par un travail d'éducation qui "prépare leurs enfants dès leur jeune âge à découvrir l'amour de Dieu envers tous les hommes ". AA 30


1981 Familiaris consortio 40