Catena Aurea 7314

vv. 14-20

7314 Mc 13,14-20

La Glose. Après avoir décrit les signes précurseurs de la destruction de la ville de Jérusalem, Notre-Seigneur prédit les circonstances qui doivent l'accompagner: «Lorsque vous verrez l'abomination», etc. - S. Aug. (De l'accord des Evang., 2, 77). Saint Matthieu dit: «Etablie dans le lieu saint». Saint Marc se sert d'une expression différente, mais le sens est le même. Pourquoi dit-il, en effet: «établie où elle induit pas être ?» parce qu'elle est dans le lieu saint d'où elle devrait être à jamais bannie. - Bède. Lorsque l'Esprit saint nous invite à l'intelligence du texte sacré, c'est une preuve qu'il renferme un sons spirituel. Or, on peut entendre cette abomination, ou de l'Antéchrist, on de l'image de César, que Pilate plaça dans le temple, ou de la statue équestre d'Adrien, qui demeura longtemps dans le saint des saints, en effet, le mot abomination dans le langage de l'Ancien Testament est souvent synonyme d'idole (Dt 7, 25; 4 R 23, 16; Ez 7, 20). Il ajoute: «De la désolation», parce que ces idoles ont été placées dans le temple désert et désolé. - Théophyl.. Ou bien, «l'abomination de la désolation», c'est l'entrée des ennemis par violence dans la ville. - S. Aug. (Lett. 80 à Hésych). Saint Luc, pour nous apprendre que cette abomination de la désolation eut lieu lors du siège de Jérusalem, rapporte en ce même endroit les paroles du Sauveur: «Quand vous verrez Jérusalem entourée par des armées, sachez que la désolation de cette ville est proche» (Lc 21, 20). «Alors que ceux qui sont dans la Judée fuient vers les montagnes». - Bède. Cette prédiction, l'histoire ecclésiastique en fait foi, fut littéralement accomplie, lorsqu'aux approches de l'armée romaine et de la ruine du peuple juif, tous les chrétiens avertis par un oracle venu du ciel, s'éloignèrent de la Judée, passèrent le Jourdain, et se retirèrent pour un temps dans la ville de Pella, sous la protection d'Agrippa, roi des Juifs, dont parlent les Actes des Apôtres (Ac 25; 26), et qui avec la partie de la nation juive qui consentait à reconnaître son autorité, restait toujours soumis à l'autorité de l'empire romain. - Théophyl. Notre-Seigneur dit: «Ceux qui sont dans la Judée», parce qu'en effet les Apôtres n'étaient pas alors dans la Judée, et bien longtemps avant la guerre, ils avaient été obligés de quitter Jérusalem. - La Glose. Ou plutôt ils en étaient sortis par une inspiration de l'Esprit saint: «Que celui qui sera sur le toit, ne descende pas dans sa maison, et n'y entre point pour en emporter quelque chose», car il serait mille fois désirable de pouvoir échapper, même dépouillé de tout, à une si grande tribulation.

«Malheur aux femmes qui seront grosses ou nourrices en ces jours-là». - Bède. Celles dont le sein ou les bras chargés du fardeau de leurs enfants, pourront difficilement trouver leur salut dans la fuite. - Théophyl. Je crois que le Sauveur fait ici allusion aux mères qui mangèrent leurs enfants, car la famine et la peste les amenèrent à cette cruelle extrémité contre le fruit de leurs entrailles.

La Glose. A ces deux obstacles à leur fuite tirés l'un du désir d'enlever les objets qui leur appartenaient, l'autre, de la difficulté de porter leurs enfants, Notre-Seigneur en ajoute un troisième, celui du temps: «Priez Dieu que ces choses n'arrivent point durant l'hiver». - Théophyl. Afin que la rigueur de la saison ne s'oppose point à votre fuite. Quels seront les graves motifs qui les réduiront à cette triste nécessité de fuir? «Car l'affliction de ce temps-là sera si grande, que depuis le commencement de la création de l'univers jusqu'à présent, il n'y en eut jamais de pareille». - S. Aug. (lett. 80 à Hésych). Josèphe, qui a écrit l'histoire des Juifs, nous rapporte une multitude de faits inouïs qui précédèrent la ruine de ce peuple, et qui paraissent à peine croyables, ce qui justifie ces paroles du Sauveur, que jamais depuis la création on n'a vu, que jamais on ne verra de tribulation semblable. Peut-être, la tribulation qui doit éclater lors de la venue de l'Antéchrist, égalera, surpassera même celle-ci, mais quant au peuple juif, il est vrai de dire que jamais il n'en existera de semblable, d'ailleurs, si les Juifs doivent être les premiers et les plus empressés à recevoir l'Antéchrist, ils seront bien plutôt les auteurs que. les victimes de cette tribulation.

hkde. Le seul refuge contre de si grands maux, c'est que Dieu qui donne la force de supporter la persécution, mettra un terme à la puissance des persécuteurs: «Que si le Seigneur n'avait abrégé ces jours», etc. - Théophyl .. C'est-à-dire, si la guerre des Romains n'avait été de courte durée, nul homme n'eût été sauvé, c'est-à-dire, aucun juif n'eût échappe. Mais à cause des élus qu'il a choisis (c'est-à-dire, des Juifs qui avaient déjà embrassé, ou qui devaient embrasser la foi), Dieu abrégea ces jours, et mit promptement fin à la guerre, car Dieu savait qu'après la ruine de Jérusalem, un grand nombre de Juifs croiraient en Jésus-Christ, et c'est en leur faveur que la nation juive ne fut pas entièrement détruite. - S. Aug. (Lett. 80 à Hesych). Je regarde comme plus probable l'interprétation de certains auteurs, d'après lesquels les jours seraient pris ici pour les calamités elles-mêmes, de même que nous voyons dans plusieurs autres endroits de l'Ecriture, l es jours appelés mauvais (Gn 47, 9; Ps 93, 13; Ep 5, 16); car ce ne sont pas les jours qui sont mauvais, mais les événements qu'ils voient s'accomplir. Ces jours donc seront abrégés, dans ce sens que Dieu donnera la force nécessaire pour sentir moins vivement le poids de ces calamités, et leur ôtera ainsi ce qu'ils auront d'excessif et d'insupportable. - Bède. Ou bien encore, tout ce qui suit à commencer de ces paroles: «L'affliction de ce temps-là sera si grande», etc., se rapportent, dans leur sens propre, au temps de l'Antéchrist, où non-seulement les chrétiens auront à souffrir des tourments plus nombreux et plus cruels, mais ou, chose déplorable, l'éclat des prodiges semblera justifier la conduite des persécuteurs.

Bède. Or, plus cette dernière tribulation l'emportera par l'étendue des épreuves sur toutes celles qui ont précédé, plus aussi elle sera limitée dans sa durée; car, autant que la prophétie de Daniel et l'Apocalypse de saint Jean permettent de le conjecturer, l'Eglise répandue par toute la terre sera persécutée pendant trois ans et demi (Dn 12, 11; Ap 13, 15). Dans le sens spirituel, «lorsque nous verrons l'abomination de la désolation établie où elle ne doit pas être», c'est-à-dire, les hérésies et les crimes régner parmi ceux qui paraissaient consacrés aux divins mystères, «alors nous tous qui sommes dans la Judée»,c'est-à-dire, qui persévérons dans la confession de la vraie foi», nous devons d'autant plus nous efforcer de nous élever au sommet des vertus, que nous en voyons un plus grand nombre suivre les sentiers du vice. - S. Jér. Fuir sur les montagnes, c'est ne point descendre des hauteurs où l'on s'est élevé. - Bède. Alors que celui qui est sur le toit, c'est-à-dire, qui s'est élevé par l'esprit au-dessus des oeuvres charnelles, ne redescende pas dans les actions basses de sa vie première, et qu'il ne rouvre pas son coeur aux désirs de la chair et du monde, car notre maison, c'est ou ce monde, ou la chair que notre âme habite.

S. Jér. «Priez Dieu, dit Notre-Seigneur, que votre fuite n'ait point lieu en hiver, ou le jour du sabbat», c'est-à-dire, priez que les fruits de vos oeuvres ne passent pas avec le temps; en effet, l'hiver est la saison où finissent les fruits, et le sabbat est la figure de la fin des temps. - Bède. Si l'on entend ces paroles de la consommation des siècles, nous dirons alors que Jésus-Christ nous recommande de ne point laisser refroidir notre foi en Jésus-Christ et notre charité pour lui, comme aussi de ne point cesser de pratiquer les bonnes oeuvres, et de ne point nous livrer au repos du sabbat dans l'exercice des vertus.

S. Jér. Cette tribulation sera grande, et sa durée abrégée, à cause des élus, de peur que le mal du temps ne vienne changer leur esprit (Sg 4).


vv. 21-27

7321 Mc 13,21-27

Théophyl. Après avoir achevé tout ce qui a rapport à la ruine de Jérusalem, Notre-Seigneur passe à l'avènement de l'Antéchrist: «Alors si quelqu'un vous dit: Le Christ ici, ou il est là, ne le croyez point». Il ne faut pas entendre cette expression: «alors», du temps qui devait suivre immédiatement l'accomplissement des prédictions sur Jérusalem. Ainsi lorsque saint Matthieu, après avoir raconté la génération de Notre-Seigneur, dit: «En ces jours, Jean vint», etc., est-ce immédiatement après la naissance du Sauveur? Non, sans doute; ces paroles ont un sens indéfini ou indéterminé, il en est de même de l'expression «alors»; il ne s'agit donc point du temps de la ruine de Jérusalem, mais du temps où doit venir l'Antéchrist: «Il s'élèvera alors de faux christs», etc. Un grand nombre prendront le nom du Christ, et séduiront ainsi jusqu'aux fidèles. - S. Aug. (Cité de Dieu, 19). Satan sera alors déchaîné, et il usera de toute sa puissance pour opérer dans la personne de l'Antéchrist des prodiges merveilleux, mais trompeurs et mensongers. On se fait souvent cette question: l'Apôtre a-t-il traité de mensonges (2Th 2,9)
ces signes et ces prodiges, parce que ce n'étaient que de vains fantômes, dont le démon se servait pour tromper les sens, et paraître faire ce qu'il ne faisait pas? Ou bien est-ce parce que tout en étant de vrais prodiges, ils entraînaient dans l'erreur ceux qui ne pouvaient croire qu'un autre que Dieu en fût l'auteur, dans l'ignorance où ils étaient que la puissance du démon devait alors être plus grande qu'elle n'avait jamais été. Or, quelle que soit l'interprétation qu'on adopte, ces signes, ces prodiges séduiront ceux qui mériteront d'être séduits. - S. Grég. (sur Ezech., hom. 9). Mais pourquoi cette forme dubitative: «s'il est possible»,alors que le Seigneur savait parfaitement ce qui devait arriver. De deux choses l'une, s'ils sont élus, il n'est pas possible qu'ils soient séduits; et si cela est possible, ils ne sont pas élus. Cette forme dubitative dans la bouche du Seigneur, exprime donc uniquement le trouble et l'hésitation d'esprit de ceux qu'il appelle les élus, parce qu'il voit leur persévérance dans la foi et les bonnes oeuvres; mais bien que Dieu les ait choisis comme devant persévérer, ils seront tentés par les prédicateurs de l'Antéchrist, qui s'efforceront de les entraîner dans leur chute.

Bède. Il en est qui rapportent cette prédiction au temps de la captivité des Juifs où l'on vit un grand nombre de séducteurs qui prenaient le nom de Christ, et entraînaient après eux les nombreuses victimes de leur séduction. Mais lors du siège de la ville de Jérusalem, elle ne renfermait dans son sein aucun chrétien à qui put s'adresser cet avertissement du Sauveur, de ne pas suivre de faux docteurs. Il est donc plus juste de les entendre des hérétiques qui se couvraient faussement du nom de Christ, pour mieux combattre l'Eglise; le premier d'entre eux fut Simon le Magicien, et le dernier comme le plus dangereux sera l'Antéchrist.

«Prenez donc garde à vous, voici que je vous l'ai prédit», etc.
- S. Aug. (lett. 137 au peuple d'Hippone). Il ne s'est pas contenté de prédire longtemps à l'avance les récompenses qu'il devait accorder aux fidèles et aux saints, il a voulu aussi prédire les maux qui devaient fondre en foule sur le monde dès cette vie. Il nous fait ainsi attendre les biens de l'autre vie avec une foi et une certitude d'autant plus grande, que nous passons par les épreuves qui, d'après les mêmes prédictions, devaient précéder la fin du monde.

Théophyl. Or, après l'avènement de l'Antéchrist, le globe terrestre sera bouleversé et changé par suite de l'obscurcissement des astres en présence de la clarté resplendissante de Jésus-Christ. «Mais après ces jours d'affliction, le soleil s'obscurcira», etc. - Bède. En effet, au jour du jugement, les astres paraîtront couverts d'obscurité, non qu'ils perdent rien de la lumière qui leur est propre, mais parce qu'ils seront éclipsés par l'éclat de la lumière véritable, c'est-à-dire, du souverain Juge. Cependant rien ne s'oppose à ce que l'on entende que le soleil, la lune et les astres seront alors privés réellement pour un temps de leur lumière, comme cela est certainement arrivé lors de la mort du Christ. Mais le jugement une fois terminé, il y aura un ciel nouveau et une nouvelle terre (2P 3,13 Ap 21,1), et alors s'accomplira cette prophétie d'Isaïe: «La lumière de la lune brillera comme la lumière du soleil, et la lumière du soleil sera sept fois plus éclatante» (Is 30, 26). «Et les puissances des cieux seront ébranlées». - Théophyl. C'est-à-dire, que les puissances angéliques seront frappées de stupeur en étant témoins d'aussi étonnants prodiges, et en voyant juger ceux qui partageaient leur nature. - Bède. Qu'y a-t-il d'étonnant que les hommes soient remplis de frayeur aux approches de ce jugement, dont la vue seule fait trembler les puissances angéliques? Que feront les simples planches quand les colonnes sont ébranlées? Que deviendra l'arbuste du désert, quand le cèdre du paradis tremble jusque dans ses racines ?

S. Jér. Ou bien encore: «Le soleil s'obscurcira», pour les coeurs glacés comme pendant l'hiver, «et la lune ne donnera plus sa lumière», qui brillait sereine au-dessus des orages et des disputes qui agitent la terre; et les étoiles du ciel tomberont du ciel», sans lumière, lorsqu'on verra la race d'Abraham qui a été comparée aux étoiles, défaillir presque toute entière; «et les vertus des cieux seront ébranlées», lorsqu'à l'avènement du Fils de l'homme elles seront envoyées comme les ministres de sa vengeance. C'est de cet avènement que le Sauveur ajoute: «Et alors, ils verront venir sur les nuées avec une grande puissance et une grande majesté le Fils de l'homme» qui était descendu, d'abord comme la pluie sur la toison de Gédéon, revêtu des livrées de l'humilité». - S. Aug. (lett. 80 à Hésych). Les anges avaient dit aux Apôtres: «Il viendra de la même manière que vous l'avez vu monter au ciel». (Ac 2) Nous devons donc croire qu'il viendra, non-seulement avec le même corps mais sur les nuées, puisqu'il viendra du ciel comme il y est monté, et qu'une nuée le reçut et le déroba aux yeux de ses disciples.

Théophyl. Or ils verront le Seigneur comme Fils de l'homme, c'est-à-dire, revêtu d'un corps sensible, car tout ce qui se voit est corporel. - S. Aug. (de la Trin., 1, 13). Il sera donné devoir le Fils de l'homme, même aux méchants, mais la vue de la nature divine sera réservée à ceux qui ont le coeur pur parce qu'ils verront Dieu (Mt 5). Comme les méchants ne peuvent voir le Fils de Dieu dans cette forme divine, qui le rend l'égal de son Père, et qu'il faut cependant que les méchants comme les bons voient le juge des vivants et des morts devant lequel ils doivent comparaître, il était donc nécessaire qu'il reçût comme Fils de l'homme la puissance déjuger, puissance dont il nous décrit l'exercice dans les paroles suivantes: «Et alors il enverra ses anges». - Théophyl. Vous voyez que Jésus-Christ envoie les anges comme le Père, où sont donc ceux qui prétendent qu'il n'est pas égal à son Père? Or, les anges s'empresseront de rassembler les élus afin qu'ils puissent aller dans les airs au-devant de Jésus-Christ (1Th 4,16): «Et il réunira ses élus des quatre vents». - S. Jér. Comme le blé qu'on bat et qu'on passe au van, sur l'aire de toute la terre. - Bède. «Des quatre vents», c'est-à-dire, des quatre parties du monde, l'Orient, l'Occident, le Septentrion et le Midi. Et ce n'est pas seulement des quatre parties du monde, mais de toutes ses extrémités, des régions les plus éloignées au delà des mers qu'il rassemblera ses élus, comme l'indiquent ces paroles: «Depuis l'extrémité de la terre jusqu'à l'extrémité du ciel», c'est-à-dire, des extrémités les plus éloignées de l'univers, jusqu'à ces contrées opposées, où le contour du ciel parait au loin s'appuyer sur les confins de la terre. Tous les élus donc, sans exception, viendront dans ce jour au-devant du Seigneur; les méchants se rendront aussi au jugement, pour disparaître de devant la face de Dieu et périr pour l'éternité après leur sentence de condamnation (Ps 67, 1).


vv. 28-31

7328 Mc 13,28-31

Bède. Sous cette figure du figuier, le Seigneur nous apprend le temps de la consommation du monde: «Apprenez ceci d'une comparaison tirée du figuier, lorsque ses branches sont encore tendres», etc. - Théophyl. C'est-à-dire, de même que l'été vient aussitôt après que le figuier a poussé ses feuilles; ainsi, aussitôt après les persécutions de l'Antéchrist, aura lieu l'avènement du Christ, qui sera pour les justes l'été succédant à l'hiver, et pour les pécheurs l'hiver après l'été. - S. Aug. (lett. 81 à Hésych). On peut dire encore que tout ce que les trois Évangélistes ont raconté de l'avènement du Seigneur, soigneusement comparé et discuté, paraît se rapporter à cet avènement qu'il accomplit tous les jours dans son corps, qui est l'Eglise, à l'exception des endroits où le dernier avènement est prédit clairement, comme s'approchant tous les jours. Ainsi, dans la dernière partie du discours rapporté par saint Matthieu, c'est à ce dernier avènement qui s'appliquent ces paroles: «Lorsque le Fils de l'homme viendra dans sa majesté». A quoi se rapportent en effet ces autres paroles: «Lorsque vous verrez toutes ces choses s'accomplir ?» Aux circonstances dont il vient de parler et parmi lesquels il faut ranger celle-ci: «Et alors ils verront le Fils de l'homme venant sur les nuées», Ce ne sera donc pas encore la fin, mais elle ne sera pas éloignée. Ou bien on peut dire encore, que tout ce qui précède ne doit pas s'entendre du dernier avènement, mais une partie seulement, c'est-à-dire, ces paroles: «Et alors ils verront venir le Fils de l'homme», car ce sera bien là non un signe de la fin prochaine, mais la fin elle-même. Cependant saint Matthieu montre clairement qu'il faut tout entendre sans exception de la fin du monde, lorsqu'il dit: «Lorsque vous verrez toutes ces choses, sachez que le Fils de l'homme est proche et qu'il est à la porte». Voici donc dans quel sens il faut entendre ce qui a été dit plus haut: «Et il enverra ses anges des quatre parties du monde», c'est-à-dire, il rassemblera ses élus de toutes les parties de la terre, pendant toute cette dernière heure, en venant dans ses membres comme sur les nuées.

Bède. Au sens spirituel on peut voir dans ce figuier qui se couvre de feuilles, la synagogue qui, lors de la venue du Sauveur, ne produisait aucun fruit de justice dans ceux qui étaient alors incrédules, et qui fut condamnée à une éternelle stérilité. Cependant l'Apôtre dit: «Lorsque la plénitude des nations sera entrée, tout Israël sera sauvé». Qu'est-ce à dire? que le figuier longtemps stérile produira les fruits qu'il avait refusés jusque-là. Dès que vous apercevrez ces fruits, soyez certain que l'été du la paix véritable n'est pas éloigné. - S. Jér. Ou bien les feuilles nouvelles du figuier c'est le temps présent, l'été qui approche, c'est le jour du jugement, jour auquel chaque arbre découvrira ce qu'il portait en soi, ou l'aridité qui le fera condamner au feu, ou la sève qui le rendra digne d'être planté avec l'arbre de vie.

«Je vous dis en vérité que cette génération ne passera point, que toutes ces choses ne soient accomplies». - Bède. Par génération, on peut entendre ici ou tout le genre humain, ou la nation seule des Juifs. - Théophyl. Ou bien encore, «cette génération», la génération des chrétiens ne passera point que toutes les prédictions sur Jérusalem et sur l'Antéchrist ne soient accomplies. Il ne dit pas en effet la génération des Apôtres, parce que les Apôtres, pour le plus grand nombre, ne vécurent point jusqu'à la ruine de Jérusalem. Il veut doue parler de la génération des chrétiens, et son dessein est de consoler ses disciples, en leur donnant l'assurance que la foi ne défaillirait pas entièrement dans ces temps malheureux. Les éléments stables et permanents du monde passeront plutôt que les paroles du Christ: «Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront point». - Bède. Le ciel qui doit passer, n'est ni le ciel éthéré, ni le ciel des astres, mais le ciel atmosphérique; car d'après la doctrine de saint Pierre, le feu du jugement atteindra tous les endroits où les eaux du déluge ont pu parvenir (2P 3,5-7). Le ciel et la terre passeront quant à la forme extérieure qu'ils ont actuellement, mais leur substance a une durée éternelle.


vv. 32-37

7332 Mc 13,32-37

Théophyl. Le Seigneur veut détourner ses disciples de le questionner sur le jour et l'heure où ces choses arriveront: «Quant à ce jour et à cette heure, leur dit-il, nul ne les sait, ni les auges qui sont dans le ciel, ni le Fils, mais le Père seul». S'il leur avait dit, je le sais, mais je ne veux pas vous le découvrir, il les aurait singulièrement attristés; il agit donc plus sagement, il éloigne leur esprit de toute question de ce genre, et il échappe à toutes leurs difficultés on leur disant: «Ni les anges ne le savent, ni moi-même». - S. hil. (de la Trin., 9) On objecte au Fils unique de Dieu d'ignorer ce jour et cette heure, et on en conclut qu'il n'est point né Dieu de Dieu avec cette nature parfaite que possède Dieu le Père; mais j'en appelle ici au simple jugement du sens commun; peut-on supposer une ignorance quelconque, dans celui qui est pour tous les êtres l'auteur de ce qu'ils sont et de ce qu'ils seront? Comment une seule chose peut-elle être en dehors de la science de sa nature, par laquelle et dans laquelle sont contenues toutes les choses qui doivent exister. Quoi ! il aurait ignoré le jour de son avènement. L'homme, autant que sa nature le lui permet, prévoit d'avance ce qu'il a dessein de faire, et la connaissance de ce qu'il doit faire suit chez lui la volonté d'agir. Comment donc admettre que le Seigneur de gloire, par cette ignorance au jour de son avènement, ait eu une nature si imparfaite que d'être soumise à un avènement nécessaire, sans en avoir aucune connaissance. Mais encore, il y a ici double impiété, si l'on suppose une intention malveillante dans Dieu le Père, qui aurait refusé la connaissance de la béatitude à celui à qui il avait révélé la connaissance de sa mort. Si tous les trésors de la science sont en lui; il ne peut ignorer ce jour, mais nous devons nous rappeler que ces trésors de science sont cachés en lui. L'ignorance dont il parle tient donc uniquement à ce que les trésors de la science restent cachés en lui. Toutes les fois donc que Dieu déclare ignorer quelque chose, il ne s'agit point d'une véritable ignorance, mais il veut nous apprendre, ou qu'il n'est pas temps de parler, ou qu'il n'est pas temps d'agir. L'Ecriture dit de Dieu, qu'il connut qu'Abraham l'aimait, parce qu'il le fit connaître à Abraham lui-même (Gn 22). Il faut donc dire, par la même raison, que le Père a connu ce jour, parce qu'il l'a révélé à son Fils. Si donc nous lisons que le Fils ne connaît point ce jour, c'est dire d'une manière figurée qu'il ne doit point en parler; au contraire, le Père seul connaît ce jour, parce que c'est à lui de le faire connaître. Gardons-nous donc d'admettre dans le Père ou dans le Fils aucun changement, aucune modification extérieure. Enfin, pour éloigner de lui tout soupçon d'ignorance, il ajoute aussitôt: «Prenez garde, veillez et priez, parce que vous ne savez quand ce temps viendra». - S. Jér. La vigilance est un devoir pour l'âme avant la mort du corps. - Théophyl. Il nous recommande à la fois ces deux choses: la vigilance et la prière, car il en est beaucoup qui veillent, mais qui passent les nuits dans les excès de la débauche. C'est pour nous enseigner cette vérité qu'il amène la comparaison suivante: «Il en sera comme d'un homme qui, s'en allant faire un voyage».

Bède. Cet homme qui part pour un long voyage et quitte sa maison, c'est Jésus-Christ qui, après sa résurrection, remontant vers son Père, vainqueur de la mort, quitte extérieurement l'Eglise, mais sans jamais la priver du secours de sa divine présence. En effet, l'habitation naturelle de la chair est la terre, et le Sauveur l'emmène comme en voyage, lorsqu'il la place dans les cieux. Cet homme assigne à chacun de ses serviteurs la tâche qui lui est propre, c'est-à-dire, que Notre-Seigneur, avec la grâce de l'Esprit saint, leur rend possible la pratique de toutes les bonnes oeuvres. Il recommande au portier de veiller, c'est-à-dire, qu'il fait un devoir à l'ordre des pasteurs, de consacrer tous leurs soins à l'Eglise qui leur est confiée. Cette recommandation n'est pas seulement pour les pasteurs de l'Eglise; n ous devons nous-mêmes veiller, garder soigneusement sur les portes de nos coeurs, les fermer à toute inspiration mauvaise de l'antique ennemi, et prendre garde que le Seigneur ne nous trouve endormis. - S. Jér. Car celui qui dort ne voit que des fantômes et non des corps véritables, et lorsqu'il est réveillé, il ne lui reste de ce qu'il a vu dans son sommeil qu'un souvenir sans réalité. Tels sont ceux qui, pendant cette vie, se laissent entraîner à l'amour du monde, et qui, au moment de la mort, se voient abandonnés de ce que, dans leurs rêves, ils avaient regardé comme des réalités. - Théophyl. Remarquez qu'il ne dit pas: Je ne sais quand ce temps viendra, mais «vous ne savez». C'est dans notre intérêt que Notre-Seigneur nous a caché ce jour, car si maintenant que nous l'ignorons, nous ne pensons pas à notre fin, qu'aurions-nous fait si nous l'avions su? Hélas ! nous prolongerions nos iniquités jusqu'au dernier jour de notre vie. Pesons bien ici chacune des expressions du Sauveur. La fin arrive sur le soir pour celui qui meurt dans la vieillesse; au milieu de la nuit pour celui qui meurt au milieu de la jeunesse; au chant du coq, lorsqu'on quitte la vie à l'âge où la raison dirige nos actions. En effet, lorsque l'enfant commence à régler sa vie d'après les inspirations de la raison, c'est comme le chant du coq qui élève la voix et le réveille du sommeil de la vie des sens. Le matin, c'est l'enfance. Il nous faut donc à tout âge prévoir notre fin et veiller à ce que l'enfant même ne sorte point de cette vie sans baptême.

S. Jér. Notre-Seigneur conclut tout son discours par ces paroles: «Ce que je vous dis, je le dis à tous», afin que les derniers reçoivent des premiers cette recommandation qui est commune à tous. - S. Aug. (lett. 80 à Hésych). Il ne s'adressait pas seulement à ceux qui l'écoutaient, mais encore à ceux qui devaient les suivre et nous précéder, à nous-mêmes et à ceux qui viendront après nous jusqu'à son dernier avènement. Est-ce qu'en effet ce jour trouvera tous les hommes encore en vie? Ou bien dira-t-on que c'est aux morts aussi que s'adressent ces paroles: «Veillez, afin que ce jour qui viendra à l'improviste ne vous trouve endormi ?» Pourquoi donc adresse-t-il à tous une recommandation qui ne parait concerner que ceux qui vivront alors, si ce n'est parce qu'elle s'adresse à tous en réalité, comme je l'ai dit. Ce jour vient pour chacun de nous, avec le jour de sa mort, parce qu'il sort de cette vie dans l'état où il sera jugé au dernier jour. Tout chrétien doit donc veiller, afin que ce jour ne le surprenne pas sans être préparé. Or, il surprendra sans préparation celui qui ne se sera point préparé au dernier jour de sa vie.


CHAPITRE XIV


vv. 1-2

7401 Mc 14,1-2

S. Jér. Il nous faut maintenant répandre du sang sur notre livre et sur le seuil de nos demeures, entourer d'un ruban d'écarlate la maison où nous prions, tenir dans la main une bandelette d'écarlate comme Zara, afin de pouvoir raconter le sacrifice de la vache rousse dans la vallée des victimes (Ex 12; Jos 2; Gn 28; Nb 19). L'Évangéliste commence le récit de la passion de Jésus-Christ par ces paroles: «Or, deux jours après était la fête de Pâques», etc. - Bède. La pâque, en hébreu phase, ne tire point son étymologie et sa signification du mot passion, comme plusieurs le pensent, mais du mot passage, parce que l'ange exterminateur, à la vue du sang dont les portes des Israélites étaient marquées, passa sans les frapper (Ex 12); ou bien, parce que le Seigneur passa pour ainsi dire au-dessus de son peuple pour lui porter secours (Ex 13). - S. Jér. Ou bien le mot phase veut dire passage, et le mot pascha, immolation. Or, l'immolation de l'agneau pascal, et le passage du peuple à travers la mer Rouge ou l'Egypte, figurent la passion de Jésus-Christ et la rédemption de son peuple délivré de l'enfer, alors que le Seigneur nous visite après deux jours, c'est-à-dire dans la pleine lune de l'âge parfait du Christ, afin que nous puissions manger les chairs de l'Agneau immaculé, qui ôte les péchés du monde dans une même maison, dans l'Eglise catholique, sans aucune partie ténébreuse dans notre âme, avec les chaussures de la charité et les armes de la justice.

Bède. D'après l'Ancien Testament, il y avait cette différence entre la fête de Pâques et celle des azymes, que le nom de Pâques était exclusivement réservé au jour où l'agneau était immolé sur le soir, c'est-à-dire le quatorzième jour de la lune du premier mois. La fête des azymes, instituée en souvenir de la sortie d'Egypte, succédait immédiatement à la fête de Pâques le quinzième jour de la lune, et durait sept jours, c'est-à-dire jusqu'au soir du vingt et unième jour du même mois. Cependant les Évangélistes mettent indifféremment le jour des azymes pour la pâque, et la pâque pour le jour des azymes. Voilà pourquoi saint Marc dit ici: «Or, deux jours après c'était la fête de Pâques et des azymes», parce que la loi commandait de célébrer la pâque avec des pains azymes. Et nous aussi qui célébrons une pâque perpétuelle, nous devons sans cesse nous efforcer de passer de ce monde.

S. Jér. C'est des princes du peuple qu'est sortie l'iniquité dans Babylone, eux dont le devoir était de préparer le temple et les vases sacrés, et de se purifier selon les prescriptions de la loi pour manger l'agneau pascal, «Et les princes des prêtres et les scribes cherchaient comment ils pourraient s'emparer de lui par la ruse et le mettre à mort». Le chef mort, tout le corps devient sans force. Voilà pourquoi ces misérables s'attaquent à la tête pour la faire périr. Ils veulent éviter ce jour de fête qui se présente à eux, car il n'est point de fête pour ceux qui ont perdu la miséricorde et la vie: «Et ils disaient: Non pas durant la fête, de peur qu'il n'y ait quelque tumulte parmi le peuple». - Bède. Ces paroles sont claires, ils craignent non pas une sédition, mais que le peuple, venant au secours de Jésus, ne l'arrache de leurs mains. - Théophyl. Cependant c'était Jésus-Christ lui-même qui avait fixé le temps de sa passion, et il voulut être crucifié pendant la fête de Pâques, parce qu'il était lui-même la véritable pâque.


vv. 3-9

7403 Mc 14,3-9

Bède. Notre-Seigneur, prêt de souffrir pour le monde tout entier, et de racheter toutes les nations par l'effusion de son sang, s'arrête à Béthanie, c'est-à-dire dans la maison de l'obéissance: «Or, comme il était à Béthanie, dans la maison de Simon le lépreux», etc. - S. Jér. Le faon revient toujours à son gîte, ainsi le Fils obéissant à son Père jusqu'à la mort, nous demande à nous aussi une obéissance semblable (Ph 2, 8). - Bède. L'Évangéliste dit: «Dans la maison de Simon le lépreux», non qu'il le fût encore; mais comme le seigneur l'avait guéri précédemment de la lèpre, il lui conserve son ancien nom pour rappeler le souvenir de cette guérison miraculeuse.

Théophyl. Quoique les quatre Évangélistes parlent de cette femme qui répandit son parfum sur la tête du Sauveur, ce n'est pas cependant une seule et même personne, mais il faut en admettre deux, l'une dont parle saint Jean, soeur de Lazare, qui répandit des parfums sur le Seigneur, six jours avant la pâque, l'autre, dont parlent les trois autres Évangélistes. Si vous voulez même y faire plus d'attention, vous trouverez trois femmes distinctes; saint Jean nous parle de la première, saint Luc de la seconde, et les deux autres Évangélistes de la troisième. En effet, celle dont saint Luc raconte l'action est appelée une femme de mauvaise vie, et vint trouver Jésus vers le milieu de sa vie évangélique. Celle, au contraire, dont parlent saint Matthieu et saint Marc, vint aux approches de la passion, et rien ne nous autorise à croire qu'elle fut une femme pécheresse. - S. Aug. (de l'accord des Evang., 2, 79). Pour moi, je pense qu'il faut nécessairement admettre qu'il n'y a eu qu'une seule femme, Marie la pécheresse, qui vint alors se jeter aux pieds de Jésus, et qui réitéra deux fois cette action, une première fois comme le raconte saint Luc, lorsqu'elle vint le trouver dans les sentiments de l'humilité et de la componction la plus vive, et en obtint le pardon de ses péchés. Saint Jean fait allusion à ce fait, en commençant le récit de la résurrection de Lazare, et avant que Jésus vint à Béthanie: «Marie était celle qui répandit des parfums sur le Seigneur, et qui essuya ses pieds avec ses cheveux, et son frère Lazare était malade» (Jn 11, 2). La même action qu'elle réitéra à Béthanie est tout à fait différente de la première, dont parle saint Luc, et se trouve racontée dans les mêmes termes par les trois autres Évangélistes. Saint Matthieu et saint Marc disent, il est vrai que le parfum fut répandu sur la tête du Seigneu r, saint Jean sur les pieds; il nous faut donc entendre tout simplement que cette femme répandit le parfum non-seulement sur la tête, mais sur les pieds du Seigneur. Si quelque esprit difficultueux s'appuie sur ce que S. Marc nous dit, que c'est après avoir brisé le vase qu'elle répandit le parfum sur la tête, pour prétendre qu'il ne put en rester assez pour en répandre sur les pieds; un esprit droit et chrétien lui répondra que ce vase n'était pas tout à fait brisé, et que le parfum ne fut pas entièrement répandu; ou bien encore, qu'elle répandit le parfum sur les pieds avant que le vase qui contenait le parfum destiné tout entier à la tête, ne fut brisé.

Bède. L'albâtre est une espèce de marbre blanc, veiné de diverses nuances, dont on façonne des vases destinés à contenir des parfums, et qui a la propriété, dit-on, de les préserver de toute altération. Le nard est un arbuste aromatique, dont la racine est très-dense, courte, noire et fragile. Quoiqu'il soit plein de sève, cet arbuste répand une odeur semblable à celle des cyprès, il est amer au goût, ses feuilles sont petites et serrées, le sommet de cet arbuste s'épanouit en épis, aussi les parfumeurs vantent-ils à la fois les épis et les feuilles du nard, et saint Marc spécifie ce parfum en disant que c'était un parfum de nard d'épi très précieux, c'est-à-dire que le parfum que Marie vint offrir au Seigneur, venait non-seulement de la racine, mais des épis et des feuilles du nard, ce qui ajoutait à son prix, en augmentant son odeur et ses propriétés. - Théophyl. Ou bien suivant l'étymologie du mot grec p éïôéÞò, c'était un parfum de nard véritable, c'est-à-dire sans aucun mélange étranger, et dans toute la pureté de sa nature première.

S. Aug. (de l'accord des Evang., 2, 78). Il semblerait qu'il y a contradiction entre le récit de saint Matthieu et de saint Marc qui, après avoir dit que la pâque se fera dans deux jours, racontent que Jésus était en Béthanie, où le parfum fut répandu sur lui, et le récit de saint Jean qui rapporte que ce fut six jours avant la pâque que Jésus vint en Béthanie, où eut lieu ce même fait qu'il va raconter. Mais ceux qui se laissent arrêter par cette difficulté ne réfléchissent pas que c'est par récapitulation que saint Matthieu et saint Marc ont rapporté ce fait qui se passa en Béthanie, non pas deux jours, mais six jours avant Pâque.

S. Jér. An sens mystique, Simon le lépreux est la figure d'abord du monde infidèle, et puis de ce même monde devenu fidèle; cette femme avec son vase est le symbole de la foi de l'Eglise qui dit: «Le nard répandu sur moi a exhalé son parfum». (Ct 1, 11) Ce nard est véritable et sincère, c'est-à-dire mystique et précieux, la maison qui est remplie de ce parfum, c'est le ciel et la terre; le vase qui est brisé, ce sont les désirs charnels que l'on brise contre ce chef, par lequel tout le corps est joint et uni avec une si juste proportion (Ep 4, 13), alors que ce chef s'assied et s'humilie pour se rendre accessible à la foi de cette femme pécheresse. Elle s'élève des pieds à la tête, et de la tête redescend par la foi jusqu'aux pieds, c'est-à-dire qu'elle va du Christ à ses membres.

«Quelques-uns en furent indignés en eux-mêmes, et ils disaient: Pourquoi cette perte ?» La figure appelée synecdoque emploie indifféremment le singulier pour le pluriel, et le pluriel pour le singulier. L'infortuné Judas trouve ici sa perte dans ce qui devrait être son salut, et le figuier qui porte les fruits de la vie devient pour lui un lacs qui donne la mort. Son avarice couvre un mystère de foi, car notre foi est achetée trois cents deniers par les dix sens soit intérieurs, soit extérieurs, triplés par le corps, l'âme et l'esprit.

Bède. «Et ils murmuraient contre elle», ce que nous devons entendre non des Apôtres dévoués à la personne de Jésus, mais de Judas, dont il est ainsi question au pluriel. - Théophyl. On peut dire que plusieurs des disciples blâmèrent l'action de cette femme, parce qu'ils avaient souvent entendu Jésus-Christ leur recommander le devoir de l'aumône; mais l'indignation de Judas av ait un autre motif, c'était l'amour de l'argent, et une honteuse avarice; aussi saint Jean ne parle que du reproche que l'avarice hypocrite inspira contre cette femme au perfide disciple, «Ils murmuraient contre elle», c'est-à-dire ils lui faisaient de la peine et la couvraient de reproches et d'injures. Or, le Seigneur reprend à son tour ses disciples qui voulaient mettre obstacle au pieux désir de cette femme. «Jésus leur dit: Laissez-la, pourquoi lui faites-vous de la peine ?» Elle avait fait son offrande, et ils la blâmaient et la repoussaient avec dureté. - Orig. (Traité 25 sur S. Matth). Ils se plaignaient de la perte de ce parfum qu'on pouvait vendre très-cher pour en donner le prix aux pauvres; plaintes et reproches injustes, car il était convenable que la tête de Jésus-Christ fut parfumée de cette sainte et riche effusion. Aussi que leur répond le Sauveur? «Ce qu'elle vient de me faire est une bonne oeuvre». L'éloge éclatant qu'il fait de cette action nous invite puissamment à couvrir la tête du Sauveur de parfums odoriférants et précieux, et à mériter aussi qu'on dise de nous que nous avons fait une bonne oeuvre à l'égard de Jésus-Christ notre chef. En effet, tant que durera cette vie, nous aurons toujours des pauvres qui auront besoin du secours de ceux qui ont fait des progrès dans la doctrine, et qui sont devenus riches dans la sagesse de Dieu, mais malgré tous nos efforts, nous ne pouvons avoir jour et nuit avec nous le Fils de Dieu, c'est-à-dire le Verbe et la sagesse de Dieu. «Vous aurez toujours des pauvres avec vous, leur dit-il, et lorsque vous voudrez, vous pouvez leur faire du bien, mais vous ne m'aurez pas toujours». - Bède. Il veut parler ici de sa présence corporelle dont ils ne devaient plus jouir après sa résurrection, comme alors dans l'intimité d'une vie commune. - S. Jér. Il dit encore: «Elle a fait une bonne oeuvre à mon égard, parce que la foi de celui qui croit en Dieu lui est imputée à justice (Gn 12, 6; Rm 4, 3; Ga 3, 6; Jc 2, 23); car autre chose est de croire à Dieu, et autre chose est de croire en Dieu, c'est-à-dire de se jeter entièrement dans ses bras.

«Elle a fait ce qui était en son pouvoir, elle a répandu ses parfums sur mon corps pour me rendre par avance les devoirs de la sépulture». - Bède. C'est-à-dire vous croyez que ce parfum est perdu, il sert par avance à ma sépulture. - Théophyl. Elle a été comme inspirée de Dieu en répandant des parfums sur mon corps en vue de ma sépulture, paroles propres à confondre le traître disciple, à qui Jésus semble dire: Comment osez-vous accuser cette femme qui embaume mon corps par avance pour ma sépulture, et ne songez-vous point à vous accuser vous-mêmes qui me livrez à la mort? Le Seigneur fait ensuite deux prédictions distinctes, la première, que son Évangile sera prêché dans tout l'univers; la seconde, que l'action de cette femme ne cessera de recueillir des éloges. «En vérité, je vous le dis, dans tout l'univers où sera prêché cet Évangile, on racontera à la louange de cette femme ce qu'elle vient de faire», etc. - Bède. Fait digne de remarque ! Marie s'est couverte de gloire dans tout l'univers par l'hommage qu'elle a rendu au Seigneur, tandis que celui qui ose blâmer son action est devenu l'objet de la réprobation universelle. Cependant Notre-Seigneur se cont ente de donner à l'action de cette femme la louange qu'elle mérite, et se tait sur le châtiment réservé au sacrilège disciple.



Catena Aurea 7314