Catena Aurea 7410

vv. 10-11

7410 Mc 14,10-11

Bède. L'infortuné Judas veut compenser par le prix qu'il espère de la vente de son Maître, la perte qu'il croyait avoir faite par ce parfum répandu: «Et Judas Iscariote, l'un des douze, s'en alla trouver les princes des prêtres, pour leur livrer Jésus». - S. Chrys. (serm. sur la passion). Pourquoi me faire connaître sa patrie, plut à Dieu qu'il fut permis d'ignorer jusqu'à son nom ! Mais il y avait un autre disciple, appelé Judas, fils de Jacques ou Zélotes, et c'est pour prévenir la confusion qui aurait pu naître de l'identité de nom, que l'Évangéliste distingue Judas de celui-ci. Toutefois, il ne dit pas: Judas le traître, pour nous apprendre, à son exemple, à éviter tout ce qui peut porter atteinte à la réputation du prochain. Cependant en spécifiant qu'il est l'un des douze, il fait ressortir la conduite abominable de ce traître; car Jésus avait d'autres disciples, mais ils ne vivaient pas dans son intimité, et n'étaient pas honorés comme Judas de sa confiance. Les douze, au contraire, étaient des disciples éprouvés, c'était comme l'escorte royale, et c'est de ses rangs que sortit ce traître disciple. - S. Jér. Il n'était du reste un des douze que numériquement, et non par ses vertus, il était un des douze par le corps, et non par l'esprit. Aussitôt qu'il fut sorti, il s'en alla vers les princes des prêtres, et Satan entra dans son âme, car tout être animé tend à se réunir à son semblable. - Bède. «Il s'en alla», donc ce n'étaient point les princes des prêtres qui l'appelaient, aucune nécessité ne le pressait, c'est par le libre choix de sa volonté criminelle qu'il forme ce noir dessein. - Théophyl. L'Évangéliste ajoute: «Pour le leur livrer», c'est-à-dire pour leur faire connaître les moments où il était seul; car ils craignaient de s'emparer de lui quand il enseignait la foule qui aurait pu prendre sa défense. Or, il promet de le leur livrer dans les mêmes termes dont s'était servi autrefois le démon son maître. «Je vous donnerai toute cette puissance» (Lc 4, 6). «En l'écoutant, ils eurent beaucoup de joie, et ils promirent de lui donner de l'argent». Ils promettent de l'argent, et ils perdent la vie, et au moment où il reçoit cet argent, le traître perd lui-même la vie. - S. Chrys. (serm. sur la trahison de Judas). O avarice insensée du traître ! L'avarice est la source de tous les maux, elle retient les âmes captives, elle les étreint de chaînes multipliées, elle efface en eux tout souvenir, et montre jusqu'où l'esprit de l'homme peut porter la folie: Victime de cette passion insensée, Judas a tout oublié: la vie intime avec son divin Maître, la table qui les réunissait, ses enseignements, ses conseils, ses douces persuasions. Ecoutez en effet la suite: «Et il cherchait l'occasion de leur livrer». - S. Jér. Mais on ne trouve jamais l'occasion d'accomplir une perfidie sans que la vengeance ne la suive d'une manière ou de l'autre. - Bède. Qu'il en est beaucoup aujourd'hui qui sont pleins d'horreur pour le crime abominable à leurs yeux de Judas, qui vend pour une somme d'argent son Seigneur, son Maître et son Dieu; et qui ne cherchent nullement à l'éviter. Car lorsqu'ils sacrifient à des présents, les droits de la charité et de la vérité, que font-ils autre chose que de trahir Dieu qui est la charité et la vérité par essence ?


vv. 12-16

7412 Mc 14,12-16

S. Chrys. (serm. sur la trahison de Judas, comme précéd). Tandis que Judas débattait le prix de sa trahison, les autres disciples étaient préoccupés de la préparation de la pâque (1). «Et le premier jour des azymes», etc.

Bède. Ce premier jour des azymes était le quatorzième jour du premier mois, où les Juifs devaient jeter tout levain, et immoler la pâque, c'est-à-dire l'agneau pascal vers le soir. C'est à cet usage que l'Apôtre fait allusion, lorsqu'il dit: «Jésus-Christ est notre agneau pascal qui a été immolé pour nous». (1Co 5) Il n'a été attaché à la croix que le jour suivant, c'est-à-dire le quinzième jour de la lune, cependant la nuit même du jour où l'agneau pascal était immolé, il adonné à ses disciples, avec le pouvoir de les célébrer, les mystères de son corps et de son sang, il a été saisi et garrotté par les Juifs, et il a ainsi consacré les prémices de son sacrifice. - S. Jér. Les pains azymes que l'on mange avec des choses amères, c'est-à-dire avec des laitues sauvages, sont la figure de notre rédemption, et l'amertume, l'emblème de la passion du Sauveur.

Théophyl. La question des disciples: «Où voulez-vous que nous allions», prouve évidemment que Jésus-Christ n'avait aucun domicile, ni les disciples aucune demeure en propre, car s'ils en avaient eu, ils y auraient conduit le Seigneur. - S. Jér. Cette question: «Où voulez-vous que nous allions?» nous apprend encore à régler nos pas et nos démarches sur la volonté de Dieu. Notre-Seigneur nous fait aussi connaître avec qui il doit manger la pâque, et selon sa coutume dont nous avons parlé plus haut, il envoie deux de ses disciples: «Il envoya donc deux de ses disciples, et leur dit: Allez dans la ville». - Théophyl. Il choisit parmi ses disciples Pierre et Jean, comme nous l'apprend saint Luc, et les envoie vers un homme inconnu, nous indiquant ainsi qu'il pourrait éviter sa passion, si telle était sa volonté, car celui qui savait que cet homme inconnu était disposé à recevoir ses disciples, ne pouvait-il pas changer les dispositions de ses ennemis? Il leur donne même un signe auquel ils reconnaîtront la maison, en ajoutant: «Vous rencontrerez un homme portant une cruche d'eau». - S. Aug. (de l'acc. des Evang., 2, dern. chap). Le vase que porte cet homme est une cruche, suivant saint Marc, une amphore, suivant saint Luc; l'un désigne l'espèce, l'autre la forme; mais l'un et l'antre sont dans la vérité. - Bède. Une preuve manifeste de la présence de la divinité, c'est que Jésus, tout en parlant avec ses disciples, sait ce qui doit se passer ailleurs, «Et ses disciples s'en allèrent, et ils préparèrent la pâque», etc. - S. chrts. (serm. sur la Trah. de Jud). Ce n'était pas encore notre pâque, mais la pâque des Juifs; c'était Jésus-Christ, qui non-seulement devait établir, mais devenir lui-même notre pâque. Mais pourquoi a-t-il voulu la manger? Parce qu'il s'est assujetti à la loi pour racheter ceux qui étaient sous la loi (Ga 4, 4-5), et mettre lui-même un terme à la loi. Et afin que personne ne soit tenté de dire qu'il n'a détruit la loi, que parce que son accomplissement lui paraissait trop dur, trop pénible et au-dessus de ses forces, il a voulu l'accomplir tout d'abord avant de l'annuler.

S. Jér. Au sens mystique, la ville c'est l'Eglise, qui est entourée du mur de la foi; cet homme que les disciples rencontrent, c'est le premier peuple; la cruche d'eau, c'est la loi de la lettre. - Bède. Ou bien l'eau est le bain salutaire de la grâce; la cruche figure la fragilité de ceux qui devaient faire connaître cette grâce au monde. - Théophyl. Celui qui a été baptisé, porte comme un vase plein d'eau, et celui qui porte ainsi son baptême, marche vers le repos en vivant conformément à la raison, et jouit du repos et de la paix comme dans sa maison: «Suivez-le», ajoute Notre-Seigneur. - S. Jér. Suivez celui qui vous conduira sur les hauteurs où Jésus-Christ lui-même devient votre nourriture. Le maître de la maison, c'est l'apôtre saint Pierre, à qui le Sauveur a confié le soin de sa maison, afin qu'il y eût unité de foi sous un seul pasteur. Cette grande salle, c'est la grande Eglise de Dieu, où l'on fait connaître le nom du Seigneur, et qui est ornée de la variété des vertus et des diverses langues des peuples. - Bède. Ou bien, cette grande salle, au sens spirituel, est la loi qui, sortant des limites étroites de la lettre, reçoit le Sauveur sur les lieux élevés, c'est-à-dire, sur les parties les plus hautes de l'esprit. C'est avec dessein que le nom soit du porteur d'eau, soit du maître de la maison, est passé sous silence, afin que tous ceux qui veulent célébrer la véritable pâque, c'est-à-dire, recevoir les sacrements de Jésus-Christ, et qui désirent lui offrir l'hospitalité dans leurs coeurs, sachent qu'ils en ont le pouvoir. - Théophyl. Ou bien encore, le maître de la maison c'est l'intellect qui nous montre cette grande salle, c'est-à-dire, les pensées élevées. Cependant tout élevée qu'elle est, elle éloigne de toute vaine gloire et de toute enflure, elle s'abaisse et s'égalise par l'humilité. C'est dans cette salle, c'est-à-dire, dans une âme ainsi disposée que Pierre et Jean, c'est-à-dire, l'action et la contemplation, préparent la pâque à Jésus-Christ.


vv. 17-21

7417 Mc 14,17-21

Bède. Après avoir prédit sa passion, le Seigneur prédit également la trahison de Judas, pour lui offrir l'occasion de se repentir (Sg 12, 10; 29, 21) de son infâme dessein, lorsqu'il verrait que ses pensées étaient découvertes: «Le soir étant venu, il vint avec les douze, et comme ils étaient à table, il leur dit: L'un de vous me trahira». - S. Chrys. (Serm. sur la trahis, de Jud). Nous voyons ici évidemment que Notre-Seigneur ne découvrait pas à tous indifféremment ce perfide disciple, pour ne pas augmenter son impudence; mais il ne tait pas non plus complètement son noir dessein, de peur que la persuasion qu'il n'était pas connu ne le rendit plus audacieux pour consommer sa trahison. - Théophyl. Mais comment pouvaient-ils être assis et couchés pour la Cène, puisque la loi commandait de manger la pâque en se tenant debout? Il est vraisemblable qu'ils avaient commencé par manger la pâque légale, et qu'ils se sont assis ensuite au moment où le Sauveur allait instituer sa pro pre pâque.

S. Jér. Le soir de ce jour est la figure du soir du monde. C'est vers la onzième heure qu'arrivent les derniers ouvriers qui sont les premiers à recevoir le denier de la vie éternelle (Mt 20). Tous les disciples sont également touchés par leur maître, et comme les cordes d'une lyre bien accordée, ils répondent avec une harmonie parfaite et d'une voix unanime: «Ils commencèrent à s'attrister, et chacun d'eux lui demandait: Est-ce moi ?» Un seul, comme une corde détendue et imbibée de l'amour de l'argent, lui dit: «Est-ce moi, Seigneur ?» comme nous le lisons dans saint Matthieu. - Théophyl. Les autres Apôtres furent attristés de la parole du Seigneur, car bien qu'étrangers à ce criminel dessein, ils s'en rapportent beaucoup plus à celui qui connaît le coeur de tous les hommes qu'à eux-mêmes.

«Il leur répondit: C'est l'un des douze qui met la main au plat avec moi». - Bède. C'était Judas qui, tandis que les autres sont attristés et retirent la main, avance la sienne et la porte au plat avec son maître. Le Sauveur venait de dire précédemment: «L'un de vous me trahira». Le traître disciple persévérant dans son coupable dessein, il le lui reproche plus ouvertement, mais sans le désigner par son nom. - S. Jér. Il dit: «L'un des douze», qui se sépare d'eux, c'est ainsi que le loup sépare des autres la brebis qu'il veut prendre, et la brebis qui sort de la bergerie est exposée sans défense à la dent des loups. Un premier et un second avertissement n'ont pu détourner Judas du sentier de la trahison, Notre-Seigneur lui prédit donc son châtiment, afin que la perspective des supplices qui l'attendent, triomphe de celui qui n'a point cédé à la honte d'un si grand crime: «Et pour le Fils de l'homme, il s'en va, comme il est écrit de lui». - Théophyl. Cette expression: «Il s'en va», prouve que sa mort est toute volontaire et nullement forcée. - S. Jér. Mais comme il en est beaucoup qui, à l'exemple de Judas, font des oeuvres dont le résultat est bon, mais absolument sans aucune utilité pour eux, Notre-Seigneur ajoute: «Cependant, malheur à l'homme par lequel le Fils de l'homme sera livré». - Bède. Aujourd'hui encore, malheur à l'homme qui s'approche indignement de la table du Seigneur; à l'exemple de Judas, il trahit le Fils de l'homme, et le livre non aux Juifs coupables, mais à ses membres esclaves du péché.

«Il eût mieux valu pour lui qu'il ne fût jamais né». - S. Jér. Il eut été préférable qu'il restât toujours caché dans le sein de sa mère, car il vaut mieux ne pas exister que d'exister pour une vie de tourments. - Théophyl. Si l'on considère la fin que Dieu s'est proposée, il vaudrait mieux pour lui qu'il existât, s'il n'était pas devenu un traître, car Dieu l'avait créé pour le bien; mais dès qu'il tombe dans ce profond abîme de malice, il valait mieux pour lui ne point exister.


vv. 22-25

7422 Mc 14,22-25

Bède. Toutes les cérémonies de l'ancienne pâque étant terminées, Jésus en vient à la nouvelle; et à la chair et au sang de l'agneau, il substitue le sacrement de son corps et de son sang: «Et tandis qu'ils mangeaient, Jésus prit du pain, pour prouver qu'il était celui à qui le Seigneur a dit avec serment (He 5-7): Vous êtes prêtre pour l'éternité, selon l'ordre de Melchisédech» (Ps 109)

«Et l'ayant béni, il le rompit». - Théophyl. C'est-à-dire qu'il rendit grâces avant de le rompre, c'est ce que nous faisons nous-mêmes, en y ajoutant d'autres prières. - Bède. Il rompt lui-même le pain qu'il présente à ses disciples, pour montrer que la fraction de son corps était la suite d'un plan qu'il avait tracé lui-même. Il bénit le pain, parce qu'en effet, il a, conjointement avec le Père et le Saint-Esprit, rempli d'une vertu divine la nature qu'il a prise pour souffrir. Il bénit le pain et le rompt, et montre ainsi qu'il a daigné soustraire à la mort l'humanité dont il s'est revêtu, faire éclater la puissance d'immortalité qui est en elle, et nous enseigner qu'il la ressusciterait promptement dans sa personne.

«Et il leur dit: Prenez, ceci est mon corps». - Théophyl. C'est-à-dire ce que je vous donne maintenant, ce que vous recevez de mes mains. Le pain n'est pas seulement la figure du corps de Jésus-Christ, mais il est changé au corps de Jésus-Christ lui-même; car Notre-Seigneur a dit: «Le pain que je donnerai est ma chair». Cependant nous ne voyons point la chair de Jésus-Christ à cause de notre faiblesse; le pain et le vin sont des aliments accommodés à notre usage; si la chair et le sang nous étaient présentés dans leur état naturel, nous n'aurions pu nous résoudre à les prendre. Aussi Notre-Seigneur, pour condescendre à notre faiblesse, conserve les apparences du pain et du vin, mais change le pain et le vin en sa chair et en son sang. - S. Chrys. (serm. sur la trah. de Judas). Et maintenant encore, Jésus-Christ est encore là, c'est lui-même qui a orné cette table, c'est lui encore qui la consacre. Ce n'est point l'homme qui change les dons offerts au corps et au sang de Jésus-Christ, c'est Jésus-Christ lui-même qui a été crucifié pour nous. Les paroles sortent de la bouche du prêtre, mais elles reçoivent leur consécration de la puissance et de la grâce de Dieu. C'est par cette parole: «Ceci est mon corps», que les dons offerts sont consacrés, et de même que ces paroles: «Croissez et multipliez-vous, et remplissez la terre», n'ont été dites qu'une fois (Gn 9, 1), et produisent cependant leurs effets dans tous les temps pour la génération des êtres par l'intermédiaire de la nature; ainsi cette parole du Sauveur n'a été dite qu'une fois, et cependant jusqu'à ce jour, et jusqu'à l'avènement du Sauveur, elle donne au sacrifice toute sa force sur tous les autels de l'Eglise catholique.

S. Jér. Au sens mystique, le Seigneur donne à son corps qui est l'Eglise actuelle, la forme de pain. On s'unit à ce corps par la foi, il est béni par la multiplication de ses membres, il est rompu par les souffrances, il est donné dans les exemples de vertu, reçu par l'enseignement, il se change dans le calice au sang de Jésus-Christ mêlé d'eau et de vin, pour nous purifier de nos fautes, et tout à la fois pour nous racheter des supplices que nous avons mérités. C'est par le sang de l'agneau que les maisons des Hébreux sont préservées de l'ange exterminateur, et leurs ennemis sont ensevelis dans les eaux de la mer; c'étaient des symboles figuratifs de l'Eglise de Jésus-Christ, «Et prenant le calice, il rendit grâces et le leur donna». C'est par la grâce, en effet, et non point par nos mérites que nous avons été sauvés. - S.Grég. (Mor., 2, 24). Nous le voyons à l'approche de sa passion, prendre du pain et rendre grâces. Celui qui a pris sur lui la peine due aux châtiments des autres, rend grâces à Dieu; celui dont la vie n'offre pas l'ombre d'une faute, bénit humblement dans sa passion. En supportant avec tant de patience les châtiments dus aux forfaits des autres, il veut nous enseigner comment nous devons supporter les châtiments que méritent nos propres iniquités, et ce que doit faire le serviteur que Dieu châtie, alors que lui, l'égal de son Père, lui rend grâces des souffrances qu'il endure. - Bède. Le vin du calice du Seigneur est mêlé d'eau et figure ainsi que nous devons demeurer en Jésus-Christ, et Jésus-Christ en nous, car au témoignage de saint Jean, les eaux représentent les peuples. Il n'est permis à personne d'offrir ou du vin seul, ou de l'e au seule, une telle offrande semblerait vouloir séparer la tête des membres, et signifier ou que Jésus-Christ a pu souffrir sans l'amour de notre rédemption, ou que nous pouvons être sauvés, et mériter d'être offerts à Dieu sans nous unir à sa passion.

«Et ils en burent tous». - S. Jér. Heureuse ivresse, satiété salutaire, qui daigne communiquer à l'âme une sobriété d'autant plus grande qu'elle est plus abondante. - Théophyl. Quelques auteurs prétendent que Judas n'a point participé aux divins mystères, mais qu'il sortit avant que le Seigneur les eût distribués à ses disciples. D'autres, au contraire, soutiennent qu'il reçut le corps sacré du Sauveur. - S. Chrys. (serm. sur la trah. De Judas) Jésus-Christ offrait sonsang à celui-là même qui allait le vendre, afin qu'il pût y puiser la rémission de ses péchés, s'il avait voulu renoncer à son impiété. - S. Jér. Judas but donc à ce calice du salut, mais il ne fut point rassasié et n'éteignit point la soif que produit le feu éternel, parce qu'il reçut indignement les mystères de Jésus-Christ; car son sacrifice ne peut purifier ceux qui se sont traînés dans le bourbier infect de la cruauté, et que des pensées dépourvues de raison précipitent dans le crime. - S. Chrys. (serm. sur la trah. de Judas). Qu'il n'y ait donc aucun Judas à la table du Seigneur; ce sacrifice est une nourriture spirituelle. Or, de même que la nourriture corporelle, lorsqu'elle trouve l'estomac chargé d'humeurs contraires, ne fait que le rendre plus malade; ainsi cette nourriture spirituelle, lorsqu'elle entre dans une âme souillée par le péché, rend sa perte plus certaine, non par l'effet de sa nature, mais par la mauvaise disposition de celui qui la reçoit. Que l'âme soit donc pure de toute souillure, que cette pureté s'étendent jusqu'aux pensées, parce que c'est ici le sacrifice de toute pureté.

«Et il leur dit: Ceci est mon sang, le sang de la nouvelle alliance». - Bède. Notre-Seigneur établit ici le caractère qui distingué la nouvelle alliance de l'ancienne, qui fut consacrée par le sang des boucs et des taureaux, que Moïse répandait sur le peuple en disant: «Voici le sang de l'alliance que le Seigneur a faite avec vous» (Ex 24, 8). «Qui sera répandu pour plusieurs». - S. Jér. Car il ne purifie pas tous les hommes de leurs péchés.

«En vérité je vous le dis: Je ne boirai plus», etc. - Théophyl. C'est-à-dire, je ne boirai plus de ce vin jusqu'à la résurrection, il appelle sa résurrection son royaume, parce que c'est alors qu'il a régné en vainqueur sur la mort. Après sa résurrection, il but et mangea avec ses disciples, leur prouvant ainsi qu'il était bien le même qui avait souffert. Le vin qu'il boit alors est nouveau, c'est-à-dire qu'il le boit d'une manière différente et toute nouvelle; car il n'a plus un corps passible qui ait besoin de nourriture, son corps est à la fois immortel et incorruptible; voici donc l'explication de ces paroles: la vigne, c'est le Seigneur lui-même; le fruit de la vigne, ce sont les mystères, et l'intelligence secrète qu'en donne celui qui enseigne la science à l'homme (Ps 92) Or, dans le royaume de Dieu, c'est-à-dire dans le siècle futur, il boira avec ses disciples les mystères et la sagesse, en nous enseignant, en nous révélant alors des vérités nouvelles dont il nous dérobe ici-bas la connaissance. - Bède. Ou bien dans un autre sens, cette vigne du Seigneur c'est la synagogue au témoignage d'Isaïe: «La vigne du Seigneur des armées, nous dit-il, c'est la maison d'Israël». (Is 5) C'est donc au moment où le Sauveur marche de lui-même au devant de sa passion, qu'il dit à ses disciples: «Je ne boirai plus de ce fruit de la vigne», c'est-à-dire en d'autres termes: Je ne me complairai plus dans les cérémonies charnelles de la synagogue, parmi lesquelles l'immolation de l'agneau pascal tena it le premier rang; car voici venir le temps de ma résurrection, voici venir ce jour où en possession du royaume de Dieu, élevé sur les hauteurs d'une gloire immortelle, je serai avec vous comblé de joie à la vue du salut de ce peuple régénéré aux sources de la grâce spirituelle.

S. Jér. Remarquons que Notre-Seigneur change la nature du sacrifice, mais sans changer le temps où il était offert. Il nous apprend ainsi a ne jamais célébrer la cène au seigneur, avant le quatorzième jour de la lune. Celui qui célébrerait la résurrection le quatorzième jour serait obligé de célébrer la cène au onzième, ce qui ne s'est jamais fait ni sous la loi ancienne, ni sous la loi nouvelle.


vv. 26-31

7426 Mc 14,26-31

Théophyl. Ils avaient rendu grâces avant de boire le calice du salut, ils rendent grâces après l'avoir bu: «Et après le cantique d'actions de grâces, ils s'en allèrent sur la montagne des Oliviers». Apprenez ici à rendre aussi grâces à Dieu avant et après vos repas. - S. Jér. Cet hymne est un cantique de louanges au Seigneur, comme il est dit au Psaume 21, 28-32: «Les pauvres mangeront et seront rassasiés, et ceux qui chercheront le Seigneur célébreront ses louanges».Et encore: «Tous les grands de la terre mangeront et adoreront». Le Sauveur nous enseigne encore qu'il était doux et désirable pour lui de mourir pour nous, puisqu'au moment d'être livré à ses ennemis, il offre à Dieu un hymne de louanges. Il nous apprend enfin, lorsque nous sommes surpris par l'affliction, à ne point nous laisser aller à la tristesse, mais à rendre grâces à Dieu, qui se sert de la tribulation pour opérer le salut d'un grand nombre. - Bède. On peut encore voir dans cet hymne le cantique d'actions de grâces que rapporte saint Jean, et où le Sauveur élevant les yeux au ciel, priait pour lui, pour ses disciples, et pour tous ceux qui devaient croire en lui (Jn 17).

Théophyl. Jésus se retire sur une montagne, afin que ses ennemis le trouvant seul, pussent s'emparer de lui sans aucun tumulte. Car s'ils s'étaient saisi de lui au milieu de la ville, la multitude aurait pu s'agiter, et ses ennemis auraient trouvé dans cette agitation un juste motif de le mettre à mort, sons le prétexte qu'il cherchait à soulever le peuple. - Bède. Au sens mystique, c'est dans un dessein plein de sagesse que Notre-Seigneur conduit ses disciples sur la montagne des Oliviers, après les avoir nourris et fortifiés des saints mystères; il nous apprend ainsi qu'après avoir reçu les divins sacrements, nous devons nous élever à des vertus plus hautes, à des grâces plus sublimes de l'Esprit saint, vertus et grâces par lesquelles nos coeurs sont comme consacrés. - S. Jér. Notre-Seigneur Jésus-Christ tombe au pouvoir de ses ennemis sur le mont des Oliviers, du haut duquel il monta au ciel, pour nous apprendre que nous aussi nous montons au ciel du milieu de nos veilles, de nos prières et de nos souffrances, lorsque nous les acceptons sans résistance.

Bède. Le Sauveur prédit à ses disciples l'épreuve qui les attend, afin que quand elle sera venue, ils ne désespèrent point de leur salut, mais qu'ils cherchent leur délivrance dans le repentir: «Et Jésus leur dit: Je vous serai à tous un sujet de scandale pendant cette nuit». - S. Jér. Tous succombent, mais tous ne restent pas sous le coup de cette chute. Est-ce que celui qui tombe ne se relèvera jamais? dit le psalmiste (Ps 40) Il est de la nature humaine de tomber, mais il est diabolique de ne point se relever. - Théophyl. Dieu permit cette chute dans ses Apôtres, pour les guérir d'une confiance trop grande en eux-mêmes, et afin que cette prédiction ne parût point reposer sur une simple apparence, il l'appuie sur ce témoignage du prophète Zacharie: «Je frapperai le pasteur, et les brebis du troupeau seront dispersées». Bède. Cette prophétie est conçue en d'autres termes dans Zacharie, et c'est le prophète lui-même qui dit à Dieu: «Frappez le pasteur, et les brebis seront dispersées» (Za 13, 7). - S. Jér. Le prophète demande la passion du Seigneur, le Père répond à ces prières: «Je frapperai le Pasteur», le Fils est envoyé par son Père, et il est frappé, c'est-à-dire qu'il est incarné et souffre les douleurs de sa passion. - Théophyl. Le Père dit: «Je frapperai le Pasteur», parce qu'il l'abandonne aux coups de ses ennemis; il donne le nom du brebis à ses disciples à cause de leur innocence et de leur éloignement de toute malice. Le Sauveur se hâte d'ajouter des prédictions plus consolantes: «Mais après que je serai ressuscité, j'irai avant vous en Galilée». - S. Jér. Il leur promet donc avec certitude qu'il ressuscitera, pour ne point éteindre toute espérance dans leur coeur, «Or Pierre lui dit: Quand vous seriez pour tous les autres un sujet de scandale, vous ne le serez point pour moi». Voici un oiseau sans ailes qui veut s'élever dans les airs, mais le corps appesantit l'âme, et donne à la crainte tout humaine de la mort une force qui triomphe de la crainte de Dieu. - Bède. La promesse de Pierre lai était inspirée par l'ardeur de la foi, et la prédiction du Seigneur, par la connaissance qu'il avait de l'avenir: «Et Jésus lui repartit: En vérité je vous le dis», etc.

S. Aug. (De l'accord des Evang., 3, 2). Tous les Évangélistes rapportent la prédiction que le Sauveur fît à Pierre, qu'il le renierait avant que le coq chantât, mais le récit de saint Marc est pl us circonstancié. Aussi quelques-uns, faute d'attention sérieuse, prétendent que saint Marc ne peut se concilier ici avec les autres Évangélistes; car, disent-ils, Pierre a renié trois fois son maître; et si ce triple renoncement a commencé après le premier chant du coq, le récit des trois Évangélistes n'est pas conforme à la vérité, puisqu'ils rapportent que le Seigneur a déclaré à Pierre, qu'avant que le coq chantât, il le renierait trois fois. Maintenant si les trois renoncements de saint Pierre ont eu lieu avant que le coq ait commencé à chanter, pourquoi Notre-Seigneur aurait-il dit, d'après saint Marc: «Avant que le coq ait chanté deux fois, vous me renierez trois fois». Nous répondons que le triple renoncement de saint Pierre ayant commencé avant le chant du coq, les trois Évangélistes ont considéré, non pas le moment où il devait être consommé, mais celui où il devait se produire et commencer, c'est-à-dire, avant le chant du coq, bien qu'on puisse dire que dans les dispositions intérieures de Pie rre, ce triple renoncement eut lieu tout entier avant le chant du coq; saint Marc, au contraire, raconte plus en détail ce qui se passa entre chaque renoncement. - Théophyl. Voici donc comme on peut l'entendre: Pierre nia une première fois, et le coq chanta; puis il nia une seconde et une troisième fois, et le coq chanta pour la seconde fois.

S. Jér. Ce coq, messager de la lumière, figure l'Esprit saint, dont la voix se fait entendre à nous par les prophètes et par les Apôtres, à l'occasion de ce triple renoncement, pour nous appeler à répandre des larmes amères sur nos chutes multipliées, sur nos pensées coupables à l'égard de Dieu, sur nos discours blessants pour le prochain et sur les fautes commises contre nous-mêmes.

Bède. Nous voyons ici la foi de Pierre et la vivacité de son amour pour son divin Maître: «Mais il insistait encore davantage: Quand il me faudrait mourir avec vous, je ne vous renoncerai point». - Théophyl. Les autres disciples firent preuve de la même ardeur, de la même intrépidité: «Et tous les autres en dirent autant». Mais en cela ils contredisaient aussi la vérité que Jésus-Christ venait de leur prédire.


vv. 32-42

7432 Mc 14,32-42

La Glose. Après nous avoir raconté la prédiction du Seigneur sur le scandale dont il devait être l'occasion pour ses disciples, l'Évangéliste rapporte la prière qu'il fit, on le croit, pour ses disciples. Et tout d'abord il nous décrit le lieu qu'il choisît pour prier: «Ils allèrent ensuite en un lieu appelé Gethsémani». - Bède. On voit encore aujourd'hui ce lieu de Gethsémani, où le Seigneur fit sa prière. Il est situé au pied du mont des Oliviers, et le mot Gethsémani signifie vallée féconde ou vallée de l'abondance. Notre-Seigneur, en choisissant une montagne pour prier, nous enseigne à quelle sublimité de pensées et d'intentions nous devons nous élever dans la prière; et en priant dans la vallée de la fécondité, il nous apprend à pratiquer toujours l'humilité dans nos prières et la fécondité de l'amour intérieur; car c'est en descendant lui-même dans la vallée de l'humilité et en suivant les inspirations de son extrême charité qu'il a souffert la mort pour nous. - S. Jér. C'est aussi dans cette vallée d'abondance qu'il fut assailli par des taureaux chargés de graisse (Ps 31) «Et il dit à ses disciples: Demeurez ici tandis que je prierai». Il sépare de lui dans la prière ceux qui doivent en être séparés dans sa passion; il prie, et ils dorment accablés sous le poids de leur coeur.

Théophyl. Notre-Seigneur avait coutume de se retirer seul pour prier, et il nous apprend ainsi à chercher le silence et la solitude lorsque nous devons prier: «Et il prit avec lui Pierre, Jacques et Jean». Il prend seulement avec lui les trois disciples qui ont été témoins de sa gloire sur le Thabor, pour associer à ses tristesses ceux qu'il avait associés à sa gloire, et que ces tristesses mêmes fussent pour eux une preuve de la vérité de son humanité: «Et il commença à se troubler et à être accablé d'ennui». Par là même qu'il avait pris l'humanité tout entière, il en avait pris toutes les passions, la crainte, l'ennui, la tristesse, car les hommes ont un éloignement naturel pour la mort: «Et il leur dit: Mon âme est triste jusqu'à la mort». - Bède. Tout Dieu qu'il est, il s'est revêtu de notre corps, il fait donc voir en lui la fragilité de la chair, pour détruire par ce seul fait l'impiété de ceux qui refusent de croire au sacrement de l'Incarnation. Dès lors, en effet, qu'il s'est uni à un corps semblable au nôtre, il a dû en prendre toutes les propriétés, toutes les faiblesses naturelles, comme la faim, la soif, les angoisses, la tristesse; car pour la divinité elle ne peut éprouver la moindre altération de ces diverses impressions. - Théophyl. Il en est qui entendent ces paroles dans ce sens: «Je m'attriste, no n de la mort que je dois endurer, mais de ce que les Israélites, mes compatriotes, vont me crucifier, et seront par là même exclus du royaume de Dieu», - S. Jér. Il nous enseigne aussi la crainte et la tristesse dont nous devons être pénétrés en présence du jugement de la mort, car nous ne pouvons dire par nous-mêmes, mais par Jésus-Christ seul: «Le prince de ce monde vient, et il n'a aucun droit sur moi».

«Demeurez ici et veillez». Le sommeil auquel il leur défend de se livrer n'est point le sommeil ordinaire dont il ne pouvait être question aux approches du combat, mais le sommeil de l'infidélité et de la langueur de l'esprit. Il s'éloigne un peu de ses disciples et se prosterne la face contre terre, pour faire paraître l'humiliation de son âme jusque dans la posture humiliée du corps: «Et s'en allant un peu plus loin, il se prosterna la face contre terre, priant que s'il était possible, cette heure s'éloignât de lui», etc. - S. Aug. (De l'acc. des Evang., 3, 4). Il ne dit pas à Dieu: Si vous pouvez le faire, mais: «Si cela peut se faire». Car la volonté de Dieu est la mesure de son pouvoir. Ces paroles: «Si cela est possible», reviennent donc à celles-ci: «Si vous le voulez». Et afin qu'on ne puisse soupçonner qu'il porte ici atteinte à la puissance de son Père, il nous explique aussitôt quel sens il faut donner aux paroles qui précèdent: «Et il dit: Mon Père, tout vous est possible», preuve évidente qu'il est question, non de l'impuissance du Père, mais de sa volonté dans ces paroles: «Si cela est possible». Suivant saint Marc, Notre-Seigneur joint au nom de père le mot abba, qui signifie en hébreu Père. Peut-être a-t-il fait usage de ces deux mots dans une intention mystérieuse, et pour nous apprendre qu'il se livrait à cette tristesse, comme représentant de son corps mystique, qui est l'Eglise, dont il est devenu comme la pierre angulaire qui réunit les deux peuples; les hébreux, au nom desquels il prononce le mot abba, et les gentils qui disent à Dieu: «Père». - Bède. Il demande à Dieu que ce calice s'éloigne de lui, prouvant ainsi qu'il était véritablement homme: «Détournez de moi ce calice». Mais se rappelant aussitôt le but de sa mission, il veut accomplir l'oeuvre pour laquelle il a été envoyé, et il s'écrie: «Néanmoins que votre volonté s'accomplisse et non la mienne». Si la mort peut être détruite sans que la nature humaine reçoive en moi le coup de la mort, que ce calice s'éloigne; mais comme ce triomphe ne peut être obtenu que par ma mort, qu'il soit fait comme vous le voulez et non comme je veux. Il en est beaucoup qui s'attristent aux approches de la mort; qu'ils aient une grande droiture de coeur, qu'ils évitent la mort dans la mesure du possible; mais s'ils ne peuvent l'éviter, qu'ils répètent les paroles que Notre-Seigneur n'a prononcées que pour nous. - S. Jér. Le Sauveur nous y enseigne encore à être obéissants à nos parents jusqu'à la fin de notre vie, et à préférer leur volonté à la nôtre, «Et il vint, et il les trouva endormis». Leur âme est endormie c omme leur corps. Cependant le Seigneur qui revient les trouver après sa prière et les trouve tous endormis, n'adresse de reproche qu'à Pierre: «Et il dit à Pierre: Simon, vous dormez; vous n'avez pu veiller une heure avec moi ?» C'est-à-dire: «Vous qui n'avez pu veiller une heure avec moi, comment pouvez-vous mépriser la mort, vous qui avez promis de mourir avec moi ?» Veillez et priez, afin que vous n'entriez point dans la tentation de me renier. - Bède. Il ne leur dit pas: Priez, afin de ne pas être tentés, mais priez, afin de ne pas entrer en tentation, c'est-à-dire, de ne point succomber à la tentation. - S. Jér. Or celui qui entre en tentation est celui qui néglige de prier.

«L'esprit est prompt, et la chair est faible». - Théophyl. C'est-à-dire votre esprit rejette avec ardeur la pensée de me renier, et voilà pourquoi vous faites cette promesse; mais votre chair est si faible, que si Dieu, que vous priez, ne la fortifie, vous succomberez à la tentation. - Bède. Le Sauveur réprime ici la présomption téméraire de ceux qui s'imaginent pouvoir tout ce qui leur vient à l'esprit; plus, au contraire, l'ardeur de notre âme nous donne de confiance, plus la fragilité de la chair doit nous inspirer de crainte. Tout ce passage est directement opposé à l'erreur de ceux qui ne veulent reconnaître dans le Sauveur qu'une opération et qu'une volonté; car il établit clairement l'existence des deux volontés, de la volonté humaine qui refuse de souffrir à cause de la faiblesse de la chair, et de la volonté divine, qui marche avec ardeur au delà des souffrances.

«Et il s'en alla pour la seconde fois, et fît sa prière dans les mêmes termes. - Théophyl. Cette seconde prière prouve qu'il était véritablement homme. «Et étant retourné vers eux, il les trouva endormis». Cependant il leur adresse de vifs reproches; «Car leurs yeux étaient appesantis par le sommeil, et ils ne savaient que lui répondre». Devant ce spectacle de la faiblesse humaine, apprenons à ne pas promettre des choses qui nous sont impossibles, lorsque nous sommes appesantis par le sommeil. Il retourne une troisième fois pour faire la même prière. «Il revint enfin la troisième fois, et il leur dit: Dormez maintenant et reposez-vous». Il ne s'émeut pas contre eux qui après les premiers reproches ont aggravé leur faute, mais il leur dit avec une espèce d'ironie: «Dormez maintenant et reposez-vous», parce qu'il savait que le traître disciple approchait. Ce qu'il ajoute, prouve évidemment le dessein ironique de ses paroles: «C'en est assez, l'heure est venue, voici que le Fils de l'homme va être livré entre les mains des pécheurs. Il leur reproche ironiquement leur sommeil, et semble leur dire: C'est bien maintenant le temps de dormir au moment où l'ennemi s'approche. «Levez-vous, continue-t-il, marchons, celui qui doit me trahir n'est pas loin». Ce n'est pas pour leur faire prendre la fuite qu'il leur tient ce langage, mais pour les entraîner avec lui au-devant de ses ennemis. - S. Aug. (de l'accord des Evang., 3, 4). Ou bien encore, comme il avait dit: «Dormez maintenant et reposez-vous», il ajoute: «C'en est assez», et puis il continue: «L'heure est venue, voici que le Fils de l'homme va être livré. Il faut donc admettre qu'après ces paroles: «Dormez et reposez-vous», le Seigneur garda quelque temps le silence pour donner aux Apôtres le temps de dormir, et qu'il leur dit ensuite: «L'heure est venue», après ces autres paroles: «C'est assez», sous-entendez, dormir. - S. Jér. Le sommeil auquel les disciples se laissent aller par trois fois, nous représente les trois morts ressuscites par Notre-Seigneur, le premier dans sa maison; le second, lorsqu'on le conduisait au tombeau; le troisième dans le tombeau même.



Catena Aurea 7410