Catena Aurea 11425

vv. 25-35

11425 Lc 24,25-35

Théophyl. Notre-Seigneur voyant l'âme de ses deux disciples en proie à d'aussi grands doutes, les en reprend avec sévérité: «Alors il leur dit: O insensés (ils venaient en effet de tenir le même langage que les Juifs au pied de la croix: Il a sauvé les autres, il ne peut se sauver lui-même) et lents de coeur, à croire tout ce qu'ont dit les prophètes !» On en voit, en effet, qui croient à quelques-uns des oracles prophétiques, mais non pas à toutes les prophéties; ainsi ils ajouteront foi aux prophéties qui ont pour objet la croix de Jésus-Christ, à celle-ci par exemple: «ils ont percé mes pieds et mes mains»; (Ps 21) mais ils ne croiront pas à celles qui ont annoncé sa résurrection, comme à cette autre du même Roi-prophète: «Vous ne souffrirez point que votre saint soit sujet à la corruption» (Ps 15). Or, nous devons croire indistinctement à toutes les prophéties, à celles qui ont prédit ses gloires, comme à celles qui ont annoncé ses humiliations; car c'est justement par ses humiliations et ses souffrances qu'il est entré dans sa gloire: «Ne fallait-il pas que le Christ souffrît ces choses, et qu'il entrât ainsi dans sa gloire ?» ce qu'il faut entendre de son humanité.

S. Isid. de Péluse. Mais bien qu'il fallût que le Christ passât par les souffrances, ceux qui l'ont crucifié n'en sont pas moins coupables; car ils ne cherchaient point à accomplir les desseins de Dieu; aussi leur action a-t-elle été souverainement impie, tandis que la providence de Dieu s'est montrée pleine de sagesse en faisant servir leur iniquité au salut du genre humain, comme on se sert de la chair des vipères pour composer un antidote efficace et salutaire. - S. Chrys. Aussi le Sauveur leur explique comment les choses ne sont pas arrivées naturellement, mais par un dessein depuis longtemps prémédité de Dieu: «Et parcourant tous les prophètes, en commençant par Moïse, il leur expliquait ce qui le concerne dans toutes les Écritures». Il semble leur dire: Puisque vous êtes ai lents à croire, je vais vous rendre une sainte activité en vous expliquant les mystères des Écritures; ainsi le sacrifice d'Abraham, immolant un bélier à la place d'Isaac, a été la figure du sacrifice de la croix (Gn 22, 12), et c'est ainsi que les mystères de la croix et de la résurrection de Jésus-Christ se trouvent annoncés ça et là dans tous les oracles prophétiques. - Bède. Or, si Moise et les prophètes ont parlé de Jésus-Christ et prédit qu'il n'entrerait dans sa gloire que par le chemin des souffrances, comment peut-on se glorifier d'être chrétien, et ne point examiner avec soin le rapport que les Écritures ont avec Jésus-Christ, et surtout ne point vouloir obtenir par les souffrances la gloire qu'on désire partager avec Jésus-Christ ?

Ch. des Pèr. gr. L'Évangéliste nous a fait observer précédemment que les yeux des deux disciples étaient comme fermés, et qu'ils ne purent le reconnaître, jusqu'à ce que les paroles du Sauveur eurent disposé leur âme à la foi; il raconte maintenant comment Jésus se découvrit à eux après les avoir préparés par ses enseignements: «Cependant ils approchèrent du village où ils allaient, et Jésus feignit d'aller plus loin». - S. Aug. (Quest. évang., 2, 51). Il n'y a point ici de mensonge de la part du Sauveur, car toute feinte n'est pas un mensonge. il y a mensonge toutes les fois que l'action que nous, feignons de faire ne signifie absolument rien, mais lorsque cette action a une signification, ce n'est plus un mensonge, mais une figure de la vérité; autrement il faudrait regarder comme autant de mensonges tout ce que les saints et Notre-Seigneur lui-même ont dit en termes figurés, puisque ces paroles, prises dans leur sens naturel et ordinaire, n'ont rien de vrai. On peut donc sans mensonge user de feinte dans ses actions aussi bien que dans ses paroles, en se proposant, dans ces actions, la signification d'une vérité quelconque.

S. Grèg. (hom. 22 sur les Evang). Jésus feint d'aller plus loin, parce qu'il était encore étranger pour leurs coeurs qui avaient si peu de foi en lui. Feindre veut dire façonner, de là vient le nom que nous donnons à ceux qui façonnent l'argile. La vérité qui est simple, n'a donc rien fait ici par duplicité, elle s'est montrée extérieurement aux yeux de leur corps, telle qu'elle était pour les yeux de leur âme. Cependant comme ils ne pouvaient rester étrangers à la charité, alors qu'ils avaient pour compagnon de voyage la charité elle-même, ils lui offrent l'hospitalité comme à un étranger: «Et ils le pressèrent». Apprenons par cet exemple, que nous devons non seulement inviter les étrangers, mais encore les forcer à accepter l'hospitalité. - La Glose. Non contents de le forcer, ils lui apportent une raison déterminante: «Ils le pressèrent, en disant: Demeurez avec nous, car il se fait tard, et le jour est déjà sur son déclin».

S. Grég. (hom. 22). Lorsque Jésus-Christ est reçu dans la personne de ses membres, il s'approche lui-même de ceux qui le reçoivent: «Et il entra avec eux».Ils dressent la table, servent les aliments, et ils vont reconnaître dans la fraction du pain le Dieu qu'ils n'ont pas reconnus quand il leur expliquait les saintes Écritures: «Etant avec eux à table, il prit le pain et le bénit, et l'ayant rompu, il le leur donna. Alors leurs yeux s'ouvrirent, et ils le reconnurent». - S. Chrys. (Ch. des Pèr. gr). Ils le reconnurent non pas des yeux du corps, mais des yeux de l'âme. - S. Aug. (de l'acc. des Evang., 3, 25). Ce n'est pas qu'ils eussent les yeux fermés en marchant avec lui, mais quelque chose les empêchait de reconnaître ce qu'ils voyaient par un effet semblable à celui que produit un brouillard, ou une humeur répandue sur les yeux). Notre-Seigneur aurait pu sans doute transformer son corps et lui donner une autre forme apparente que eau, qu'ils avaient coutume de voir, lui qui, avant sa passion, s'était transfiguré sur la montagne, et avait donné à son visage la splendeur du soleil. Mais il n'en fut point ainsi, et nous sommes fondés à croire que ç'est le démon qui avait placé ce bandeau sur leurs yeux, pour les empêcher de reconnaître Jésus-Christ. Or le Sauveur ne laissa ce bandeau sur leurs yeux que jusqu'au moment où il leur distribua le sacrement du pain, pour nous faire comprendre que la communion à son corps sacré, a la puissance d'écarter les obstacles qui nous empêchent de reconnaître Jésus-Christ. - Théophyl. Il veut encore nous apprendre que la participation au pain sacré nous ouvre les yeux, pour que nous puissions le reconnaître, tant est grande et ineffable la vertu de la chair de Jésus-Christ.

S. Aug. (Quest. évang). Lorsque le Seigneur, marchant avec ses disciples qui ne le reconnaissent pas, et leur expliquant les Écritures, feint ensuite d'aller plus loin, il veut nous enseigner. encore qu'en pratiquant les devoirs de l'hospitalité, les hommes peuvent arriver à le connaître, et qu'il sera toujours avec ceux qui exerceront l'hospitalité à l'égard de ses serviteurs, lors même qu'il se sera plus éloigné des hommes en remontant dans les cieux. Celui donc qui, après avoir été instruit des choses de la foi, communique tous ses biens à celui qui l'a instruit (Ga 6), est sûr de retenir Jésus-Christ et de l'empêcher de s'éloigner de lui. En effet, les disciples d'Emmaüs avaient reçu l'enseignement de la parole, lorsque le Sauveur leur expliquait les Écritures. Et c'est parce qu'ils ont pratiqué à son égard l'hospitalité, qu'ils ont mérité de connaître lors de la fraction du pain celui qu'ils n'avaient pas reconnu lorsqu'il leur expliquait les Écritures, «car ce ne sont pas ceux qui écoutent la loi, qui sont justes aux yeux de Dieu, mais ce sont ceux qui la pratiquent qui seront justifiés. (Rm 2).

S. Grég. (hom. 22). Que celui donc qui veut comprendre les enseignements qu'il a reçus, se hâte de mettre en pratique ce qu'il a déjà pu comprendre. Voyez, le Seigneur n'a pas été connu pendant qu'il parlait, et il daigne se faire connaître lorsqu'il se donne en nourriture. L'Évangéliste ajoute: «Et il disparut de devant leurs yeux». - Théophyl. La nature de son corps ressuscité ne lui permettait pas de demeurer plus longtemps avec eux, et il voulait aussi par là augmenter leur amour: «Aussi ils se dirent alors l'un à l'autre: N'est-il pas vrai que notre coeur était tout brûlant au dedans de nous, lorsqu'il nous parlait dans le chemin, et qu'il nous expliquait les Écritures ?» - Orig. Nous voyons ici que les paroles du Sauveur embrasaient du feu de l'amour divin ceux qui les écoutaient. - S. Grég. (hom. pour la Pentec). Lorsque la parole divine se fait entendre, le coeur s'enflamme, la froide langueur disparaît, et l'âme est comme agitée par les saintes inquiétudes du désir des cieux. Elle se plaît à entendre les divins préceptes, et les enseignements qu'elle reçoit sont comme autant de feux qui l'embrasent.

Théophyl. Leur coeur était donc brûlant, soit du feu des paroles du Sauveur qu'ils recevaient comme la vérité, soit parce qu'en l'écoutant expliquer les Écritures, ils comprenaient à la vive émotion de leurs coeur qu'il était le Seigneur. Aussi leur joie était si grande que, sans tarder, ils retournèrent aussitôt à Jérusalem: «Et se levant à l'heure même, ils retournèrent à Jérusalem». Ils partirent à l'heure même, mais ils n'arrivèrent que quelques heures après, car ils avaient à parcourir une distance de soixante stades.

S. Aug. (de l'acc. des Evang., 3, 25). Déjà le bruit que Jésus. était ressuscité avait été répandu et par les saintes femmes, et par Simon Pierre, à qui il était apparu, et les deux disciples, étant arrivés à Jérusalem, trouvèrent les Apôtres qui s'entretenaient de ce grand événement: «Et ils trouvèrent assemblés les onze, et ceux qui étaient avec eux, disant: Le Seigneur est vraiment ressuscité, et il est apparu à Simon». - Bède. C'est donc à saint Pierre, le premier de tous, que Notre-Seigneur est apparu d'après le témoignage des quatre Évangélistes et de l'Apôtre saint Paul. Il ne se manifestait, pas à tous, parce qu'il voulait jeter les semences de la foi; en effet, celui à qui le Seigneur apparaissait le premier, et qu'il rendait ainsi certain de sa résurrection, racontait cette apparition aux autres; et ce récit, se propageant, préparait ceux qui l'entendaient à voir le Sauveur lui-même. C'est donc pour cette raison qu'il apparut d'abord au plus digne et au plus fidèle de tous ses Apôtres. Il fallait, en effet, une âme dont la fidélité fût à toute épreuve pour recevoir cette apparition sans être troublé d'une vision aussi inattendue. Il apparaît donc à Pierre qui méritait d'être le premier témoin de la résurrection, parce qu'il avait confessé le premier qu'il était le Christ. Il lui apparaît encore le premier, parce que Pierre l'avait renié, et qu'il voulait ainsi le consoler et le préserver du désespoir. Il apparût ensuite à d'autres, tantôt plus, tantôt moins nombreux, au rapport des deux disciples: «Eux-mêmes, à leur tour, racontèrent ce qui leur était arrivé en chemin, et comment ils l'avaient reconnu dans la fraction du pain».

S. Aug. (de l'acc. des Evang., 3, 25). Saint Marc dit, il est vrai, que les Apôtres ne crurent pas au rapport des deux disciples, tandis que d'après saint Luc, ils déclarent eux-mêmes que le Seigneur est vraiment ressuscité; mais cette contradiction apparente s'explique en disant que quelques-uns seulement de ceux. qui étaient présents refusèrent de croire au récit des deux disciples.


vv. 36-40

11436 Lc 24,36-40

S. Cyr. Les Apôtres ayant répandu partout la nouvelle de la résurrection, et les disciples étant pleins d'une sainte impatience de voir leur divin Maître, il se rend à leurs désirs, il se révèle à eux pendant qu'ils le cherchent et qu'ils l'attendent, et leur apparaît clairement et sans qu'il y ait lieu à contestation: «Pendant qu'ils s'entretenaient ainsi, Jésus parut au milieu d'eux», etc.

S. Aug. (de l'acc. des Evang., 3, 25). Saint Jean rapporte aussi cette apparition du Seigneur après sa résurrection, mais en faisant remarquer que Thomas n'était pas alors avec les autres Apôtres; tandis que d'après saint Luc, les deux disciples d'Emmaüs étant rentrés dans Jérusalem, trouvèrent les onze assemblés: il faut donc admettre que Thomas sortit avant que le Seigneur parut aux Apôtres qui s'entretenaient de sa résurrections En effet, le récit de saint Luc autorise cette supposition, que Thomas sortit pendant l'entretien des autres Apôtres, et que ce ne fut qu'après son départ que le Seigneur entra dans le cénacle. On pourrait peut-être dire encore que ces onze n'étaient pas ceux qui dès-lors portaient le nom d'Apôtres, mais qu'ils faisaient partie du grand nombre des disciples de Jésus. Cependant comme saint Luc ajoute: «Et ceux qui étaient avec eux», il indique assez clairement que les onze avec lesquels les autres se trouvaient réunis, devaient être les onze Apôtres.

Mais examinons la signification mystérieuse de ces paroles que Jésus, d'après saint Matthieu et saint Marc, adresse à ses disciples après sa résurrection: «Je vous précéderai en Galilée». Si ces paroles se sont accomplies, ce n'est qu'après beaucoup d'autres faits racontés dans l'Évangile, et cependant Notre-Seigneur semble dire que c'est la seule chose ou au moins la première que les disciples devaient attendre. - S. Ambr. L'opinion qui me paraît la plus probable est que Notre-Seigneur avait annoncé en effet à ses disciples qu'ils le verraient en Galilée, mais qu'il crut ensuite devoir leur apparaîtra dans le cénacle, où la crainte les tenait renfermés. - Chaîne des Pères grecs. Le Sauveur ne manque pas ici à sa promesse, mais au contraire, il se hâte de l'accomplir par un sentiment de bonté pour ses disciples encore faibles et pusillanimes. - S. Ambr. Lorsqu'il eut ainsi ranimé leur courage, les onze Apôtres se rendirent en Galilée. Rien n'empêche encore de dire qu'ils étaient peu nombreux dans le cénacle, tandis qu'ils furent en très-grand nombre sur la montagne de Galilée. - Eusèbe. En effet, si deux évangélistes, saint Luc et saint Jean, ont écrit que Notre-Seigneur est apparu aux onze dans la ville de Jérusalem, les deux autres rapportent que l'ange aussi bien que le Sauveur commandèrent de se rendre en Galilée, non seulement aux onze, mais à tous les disciples et aux frères dont parle saint Paul, quand il dit: «Ensuite il apparut à plus de cinq cents frères réunis». (1Co 15). Mais la solution la plus vraisemblable de cette difficulté, est que Jésus apparut d'abord une ou deux fois pour la consolation des Apôtres qui se tenaient cachés dans Jérusalem, et qu'il se manifesta ensuite dans la Galilée, non plus une fois ou deux, comme dans le cénacle, mais dans tout l'éclat de sa puissance, et en faisant voir à ses Apôtres par beaucoup de preuves qu'il était vivant, comme l'atteste saint Luc dans le livre des Actes (Ac 1, 3). - S. Aug. (de l'acc. des Evang). Ou bien encore: les paroles que l'ange adresse aux disciples au nom du Seigneur, doivent s'entendre dans un sens prophétique. En effet, Jésus les précède en Galilée, qui veut dire transmigration, parce que les Apôtres devaient quitter le peuple d'Israël pour aller prêcher l'Évangile aux Gentils, mais les Gentils n'auraient pas cru à leurs prédications, si le Seigneur lui-même ne leur eût préparé la voie dans les coeurs des hommes. Tel est donc le sens de ces paroles: «Il vous précédera en Galilée». Si au contraire, on prend la Galilée dans le sens de révélation, nous devons entendre que le Sauveur ne se révélera plus sous la forme d'esclave, mais dans l'éclat qui convient au Fils de Dieu égal à son Père, comme il l'a promis à ses élus. Cette révélation sera pour nous comme une véritable Galilée, alors que nous le verrons tel qu'il est. Ce sera aussi notre, bienheureuse transmigration de ce monde dans cette vie éternelle, qu'il n'a point quittée en venant parmi nous, et où il nous précède sans nous abandonner.

Théophyl. Notre-Seigneur, apparaissant pour la première fois au milieu de ses disciples, calme l'agitation de leur âme par. le salut de paix accoutumé, il leur. montre ainsi qu'il est ce même Maître qui aimait à leur répéter cette parole de paix, qu'il leur a tant recommandée lorsqu'il les envoya prêcher l'Évangile: «Et il leur dit: La paix soit avec vous; c'est moi, ne craignez point». - S. Grég. de Nazianze. (disc. 14 sur la paix). Rougissons de renoncer si facilement à ce don de la paix, que Jésus-Christ nous a laissé en quittant la terre. La paix, cette chose et ce nom si doux, a Dieu pour auteur, selon ces paroles: «La paix de Dieu», (Ph 4) et elle est aussi le principal attr ibut de Dieu, selon ces autres paroles de saint Paul: «Il est lui-même notre paix». La paix est un bien dont tout le monde fait l'éloge, mais que très-peu de personnes savent conserver. Quelle en est la cause? Peut-être l'ambition du pouvoir et des richesses, l'envie, la haine ou le mépris du prochain, ou quelqu'autre vice de ce genre où fait tomber l'ignorance de Dieu. En effet, le principe est la source de la paix, c'est Dieu qui établit l'union en toutes choses, et dont l'attribut principal est l'unité de nature et une pacifique immutabilité. Cette paix se communique aux anges et aux puissances célestes qui sont en paix avec Dieu et entre elles; elle se répand sur toutes les créatures, dont la beauté consiste dans la tranquillité; enfin elle demeure dans notre âme par l'amour et la pratique des vertus, et dans notre corps, par la juste proportion qui règne dans nos membres, et l'équilibre des éléments dont il est composé; la première de ces choses constitue la beauté de nos corps, et l'autre la santé.

Bède. Les disciples qui avaient vécu si longtemps avec Jésus-Christ, ne doutaient point qu'il fût véritablement homme; mais lorsqu'il fut mort, ils ne croyaient pas qu'il pût ressusciter avec un corps véritable. Aussi croient-ils voir l'esprit qu'il avait rendu au moment de sa mort Sur la croix: «Dans leur trouble et leur saisissement, ils croyaient voir un esprit». Cette erreur des Apôtres est devenue celle des Manichéens. - S. Ambr. Nous ne pouvons concevoir que saint Pierre et saint Jean aient pu douter de la résurrection après les faits prodigieux dont ils avaient été les témoins. Pourquoi donc saint Luc nous dit-il qu'ils furent troublés? premièrement, parce qu'il confond leurs sentiments particuliers avec ceux du plus grand nombre; secondement, parce que Pierre, tout certain qu'il était de la résurrection du Sauveur, a pu néanmoins être troublé, en le voyant tout à coup traverser avec son corps les portes qui étaient fermées. - Théophyl. Le salut de paix que Jésus adresse à ses disciples, n'ayant pu calmer l'agitation de leur âme, il leur prouve d'une autre manière qu'il est le Fils de Dieu qui pénètre le secret des coeurs: «Et il leur dit: Pourquoi vous troublez-vous, et pourquoi ces pensées s'élèvent-elles dans vos coeurs ?» - Bède. Quelles pouvaient être ces pensées? des pensées fausses et dangereuses; car Jésus-Christ eût perdu tout le fruit de sa passion, s'il n'était vraiment ressuscité. Il est semblable ici à un laboureur habile qui dirait: Je dois trouver ce que j'ai planté (c'est-à-dire la foi qui. descend dans le coeur, parce qu'elle vient du ciel); or, ces pensées ne sont point descendues du ciel, mais elles sont montées de la terre dans le coeur, comme de mauvaises herbes. - S. Cyr. (Ch. des Pèr. gr). La preuve la plus évidente qu'il était vraiment celui qu'ils avaient vu mort sur la croix et déposé dans le sépulcre, c'est qu'aucune des pensées du coeur de l'homme ne lui était cachée.

S. Ambr. Examinons maintenant comment d'après saint Jean, les Apôtres crurent et furent dans la joie, tandis que d'après saint Luc, le Sauveur leur reproche leur incrédulité. Saint Jean, en sa qualité d'apôtre, me paraît n'avoir voulu traiter que les vérités les plus importantes et les plus élevées, tandis que saint Luc suit les évènements en se maintenant dans une sphère plus rapprochée de nous; l'un s'est attaché à l'ordre historique, l'autre a voulu abréger. On ne peut douter de la véracité du témoignage de celui qui raconte ce qu'il a vu de ses yeux. La conclusion est donc que le récit des deux Évangélistes est vrai, car bien que saint Luc fasse observer qu'ils ne crurent point tout d'abord, il déclare positivement qu'ils finirent par croire.

S. Cyr. Notre-Seigneur, voulant démontrer à ses Apôtres qu'il a triomphé de la mort, et que la nature humaine du Christ est désormais affranchie de la corruption, leur montre ses mains, ses pieds et les trous des clous: «Voyez mes mains et mes pieds, et reconnaissez que c'est bien moi». - Théophyl. Il fait plus encore, il leur donne à toucher ses pieds et ses mains en leur disant: «Touchez et voyez, un esprit n'a ni chair ni os, comme vous voyez que j'ai», c'est-à-dire: Vous me prenez pour un esprit, ou un de ces fantômes qu'on voit souvent errer autour des tombeaux, mais sachez qu'un esprit n'a ni chair ni os, tandis que j'ai une chair et des os. - S. Ambr. Notre-Seigneur s'exprime de la sorte pour nous donner une image de la résurrection; en effet, ce qui peut se toucher, est nécessairement un corps, nous ressusciterons donc dans notre corps, la seule différence est qu'il sera subtil, tandis qu'il est maintenant épais et grossier, parce qu'il est composé d'éléments infirmes et terrestres. Ce n'est donc point en vertu de sa nature incorporelle et divine, mais par suite des propriétés de son corps ressuscité, que Jésus-Christ a pénétré dans le cénacle, les portes demeurant fermées. - S. Grég. (Moral., 14, 29). Lorsque notre corps aura part à la gloire de la résurrection, il ne sera pas impalpable, ni plus subtil et plus délié que le vent ou l'air (comme le prétend Eutychius); mais il sera tout à la fois subtil en vertu de sa nouvelle puissance spirituelle, et palpable par une conséquence de la nature corporelle.

«Ayant ainsi parlé, il leur montra ses mains et ses pieds». - Bède. Ses mains et ses pieds qui avaient conservé la trace des clous qui les avaient transpercés. D'après saint Jean, il leur montra aussi son côté que le fer de la lance avait ouvert, afin que la vue des cicatrices de ses plaies guérît la blessure de leurs doutes. Les infidèles soulèvent ici une difficulté, et accusent le Seigneur de n'avoir pu guérir les blessures qui lui ont été faites. Nous leur répondons qu'il n'est pas logique d'admettre que celui qui a fait évidemment des miracles beaucoup plus grands n'ait pu en faire de moindre s. C'est donc par un dessein plein de miséricorde, que celui qui a triomphé de la mort n'a point voulu détruire les signes que la mort avait imprimés sur son corps: premièrement pour rendre plus ferme dans ses disciples la foi à sa résurrection; secondement, afin qu'en intercédant pour nous près de son Père, il pût lui montrer toujours le genre de mort qu'il avait souffert pour le salut des hommes; troisièmement, pour rappeler à ceux qu'il a rachetés par sa mort, quels secours miséricordieux il leur aménagés en leur mettant sous les yeux les signes visibles de sa mort; quatrièmement enfin, pour faire comprendre aux impies, au jour du jugement, la justice de leur condamnation.


vv. 41-44

11441 Lc 24,41-44

S. Cyr. (Ch. des Pèr. gr). Notre-Seigneur avait montré à ses disci ples ses mains et ses pieds pour leur certifier que le corps qui avait souffert était le même qui était ressuscité. Pour leur rendre cette vérité plus certaine encore, il demande quelque chose à manger: «Mais comme ils hésitaient encore à croire, il leur dit: Avez-vous ici quelque chose à manger ?» - S. Grég. de Nysse. (disc. 1 sur la résurr). La loi prescrivait qu'on mangeât la pâque avec des laitues amères, parce que c'était encore le temps de l'amertume, mais après la résurrection, cette amertume est adoucie par un rayon de miel: «Et ils lui présentèrent un morceau de poisson rôti, et un rayon de miel».

Bède. C'est donc pour démontrer la vérité de sa résurrection, qu'il daigne non seulement se laisser toucher par ses disciples, mais manger avec eux, il détruit ainsi dans leur esprit la pensée que le corps qui leur apparaissait n'était pas réel, mais imaginaire: «Lorsqu'il eut mangé devant eux, prenant ce qui restait, il le leur donnai» Manger pour lui est un acte de puissance et non une nécessité; en effet, la terre altérée et le soleil brûlant n'absorbent point l'eau de la même manière, la terre le fait par indigence, le soleil par puissance. - Ch. des Pèr. gr). Mais, dira-t-on, si nous accordons que le Seigneur ait véritablement mangé, il faut admettre aussi qu'après la résurrection les hommes auront également besoin des aliments comme soutien de leur existence. Nous répondons que les actions que le Sauveur a faites dans une pensée de miséricorde ne sont ni une règle générale ni une loi établies par la nature, en vertu de sa conduite particulière dans certains cas. Ainsi il ressuscitera nos corps sans aucun défaut, et dans un état de perfection et d'incorruptibilité entières, bien qu'il ait voulu conserver dans son corps ressuscité les trous dont les clous ont percé ses pieds et ses mains, et la cicatrice de son côté, pour montrer qu'après sa résurrection il a conservé à son corps la même nature et ne l'a point changé en une autre substance. - Bède. Si donc il a mangé après sa résurrection, ce n'est ni qu'il eût besoin de nourriture, ni pour figurer qu'après la résurrection qui fait l'objet de notre espérance, nous aurons encore besoin d'aliments, mais pour établir ainsi la vérité de sa résurrection.

Dans le sens figuré, ce poisson grillé représente Jésus-Christ dans sa passion, il a daigné, en effet, vivre caché dans les, eaux du genre humain, il s'est laissé prendre dans les filets de notre mort, il a été comme brûlé par la tribulation au temps de sa passion, mais il est devenu pour nous un rayon de miel après sa résurrection. Ce rayon de miel représente la double nature de sa personne, car le rayon de miel repose dans la cire, et ce miel dans la cire, c'est la divinité dans l'humanité.

Théophyl. Ces aliments ont encore une autre signification mystérieuse. En mangeant un morceau de ce poisson grillé, il veut nous représenter qu'il a purifié par le feu de sa divinité notre nature qui nageait dans la mer de cette vie; qu'il a desséché l'humidité qu'elle avait contractée au milieu de ces eaux profondes et qu'il en a fait ainsi une nourriture divine, et que d'un aliment abominable, elle est devenue une nourriture des plus agréables à Dieu, ce que figure le rayon de miel. Ou encore, le poisson grillé est la figure de la vie active qui consume notre humidité par le feu du travail, tandis que la contemplation se trouve représentée par le rayon de miel à cause de la douceur ineffable de la parole de Dieu.

Bède. Après qu'il s'est laissé voir et toucher et qu'il a mangé avec ses disciples; pour achever de montrer qu'il ne veut faire illusion à aucun de nos sens, Notre-Seigneur apporte en preuve les Écritures: «Puis il leur dit: C'est là ce que je vous ai dit, étant encore avec vous», c'est-à-dire, lorsque j'étais revêtu de la chair mortelle dont vous êtes revêtu vous-même. C'était encore la même chair qui était ressuscitée, mais elle n'était plus comme celle des Apôtres, soumise à la mortalité. Le Sauveur ajoute: «Il fallait que tout ce qui est écrit de moi dans la loi de Moïse, dans les prophètes et dans les Psaumes s'accomplit». - S. Aug. (De l'accord des Evang., 1, 11). Qu'ils méditent ces paroles ceux qui poussent la folie jusqu'à oser dire que c'est par là magie qu'il a opéré tant de merveilles, et par son habileté qu'il a divinisé son nom aux yeux des peuples pour les convertir à Son culte. Est-ce grâce à la magie qu'il a pu accomplir les prophéties que l'Esprit saint avait inspirées bien avant sa naissance? Car si c'est par des opérations magiques qu'il s'est fait adorer après sa mort, il était donc magicien avant sa naissance, puisqu'un peuple tout entier a été suscité de Dieu pour prophétiser sa venue.


vv. 45-49

11445 Lc 24,45-49

Bède. Notre-Seigneur s'est fait voir aux yeux et toucher par les mains de ses disciples, il vient de leur rappeler les témoignages des saintes Écritures, il ne lui restait plus que de leur en découvrir le véritable sens: «Alors il leur ouvrit l'esprit pour leur faire comprendre les Écritures». - Théophyl. Autrement, comment leur âme troublée et chancelante aurait-elle pu s'appliquer à l'étude des mystères de Jésus-Christ? il y ajoute encore l'enseignement de sa divine parole: «Il leur dit: Il est ainsi écrit, et c'est ainsi qu'il fallait que le Christ souffrît», c'est-à-dire, le supplice de la croix.

Bède. Jésus-Christ aurait perdu tout le fruit de sa résurrection, s'il ne fût véritablement ressuscité. Aussi ajoute-t-il: «Et qu'il ressuscitât d'entre les morts le troisième jour». Après avoir établi la vérité de son corps, il veut aussi établir l'unité de son Église: «Et qu'on prêchât en son nom la pénitence et la rémission des péchés dans toutes les nations». -
Eusèbe. Dieu lui avait en effet: «Demandez-moi, et je vous donnerai les nations pour héritage» (Ps 2). Il était nécessaire, en effet, que ceux des Gentils qui se convertiraient à lui, fussent purifiés par sa vertu de toutes les taches et de toutes les souillures contractées au milieu des erreurs diaboliques de l'idolâtrie et des abominations d'une vie d'impudicité. Voilà pourquoi il ajoute: «Il fallait qu'on prêchât en son nom la pénitence et la rémission des péchés dans toutes les nations»; car tous ceux qui témoignent un véritable repentir, reçoivent de sa grâce et de sa miséricorde le pardon des iniquités pour l'expiation desquelles il a voulu souffrir la mort.

Théophyl. L'idée du baptême dans lequel on obtient le pardon de ses péchés en renonçant aux crimes de la vie passée se trouve renfermée dans ces paroles: «Qu'on prêchât en son nom la pénitence et la rémission des péchés». Mais comment entendre que le baptême doit être donné au seul nom de Jésus-Christ, lorsque lui-même commande ailleurs de baptiser au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit? Nous répondons premièrement que ces paroles ne veulent point dire que le baptême ne doive être donné qu'au nom de Jésus-Christ, mais qu'il faut recevoir le baptême de Jésus-Christ, c'est-à-dire un baptême spirituel tout différent du baptême des Juifs, un baptême qui ne soit plus comme celui de Jean, un baptême de simple pénitence, mais une véritable participation de l'Esprit saint, comme il arriva au baptême de Jésus-Christ dans le Jourdain, alors qu'on vit l'Esprit saint descendre sur sa tête sous la forme d'une colombe. Etre baptisé au nom de Jésus-Christ, c'est donc être baptisé en la mort de Jésus-Christ. En e ffet, de même qu'il est ressuscité trois jours après sa mort, de même nous sommes plongés trois fois dans l'eau, et nous en sortons en recevant les arrhes de l'esprit d'incorruptibilité. Ajoutons que le nom de Jésus-Christ comprend en lui-même, et le Père qui donne l'onction, et le Saint-Esprit qui est l'onction même, et le Fils qui a reçu cette onction dans sa nature humaine). Le genre humain ne devait plus être divisé en deux peuples, les Juifs et les Gentils, et c'est pour réunir tous les hommes en un seul peuple, qu'il ordonne à ses Apôtres de commencer la prédication par Jérusalem, et de la terminer par les nations: «Dans toutes les nations, en commençant par Jérusalem». - Bède. La raison de ce précepte n'est pas seulement parce que c'est aux Juifs que les oracles de Dieu ont été confiés (Rm 3, 2); et qu'à eux appartient l'adoption des enfants, et la gloire et l'alliance (Rm 9,4); mais parce que Dieu veut que les Gentils, plongés dans tant d'erreurs différentes, conçoivent une vive espérance d'obtenir leur pardon, en voyant la divine miséricorde l'accorder à ceux mêmes qui ont crucifié le Fils de Dieu. - S. Chrys. Il voulait aussi prévenir le reproche que l'on pourrait faire aux Apôtres, d'avoir négligé leurs concitoyens pour aller se produire avec ostentation chez les étrangers; c'est donc devant les bourreaux eux-mêmes du Sauveur, qu'ils exposent les preuves de la résurrection, et dans cette même ville où s'est accompli cet audacieux forfait; or quelle preuve plus éclatante de la résurrection de Jésus-Christ, que la conversion et la foi de ceux mêmes qui l'ont crucifié ?

Eusèbe. Or, si les prédictions que Jésus-Christ a faites, ont déjà leur accomplissement, et si la foi du monde entier reconnaît la puissance et l'efficacité de sa parole, il est temps désormais de croire à l'auteur de cette parole, et de reconnaître aussi qu'il doit nécessairement être Dieu, puisque les oeuvres divines qu'il opère sont conformes à ses divins enseignements. C'est ce qui s'est accompli par le ministère des Apôtres: «Pour vous, vous êtes témoins de ces choses» etc., c'est-à-dire, de ma mort et de ma résurrection. - Théophyl. Mais comment, pouvaient se demander les Apôtres, dans le trouble de leur âme, comment, nous qui sommes des hommes ignorants, pourrons-nous rendre ce témoignage devant les Gentils et devant les Juifs qui vous ont mis à mort. Notre-Seigneur prévient cette difficulté: «Je vous enverrai, leur dit-il, le don promis par mon Père», etc., celui que Dieu avait promis en ces termes par le prophète Joël: «Je répandrai mon esprit sur toute chair», etc. (Jl 2, 18).

S. Chrys. (hom. 4 sur les Actes). De même qu'un général ne laisse point ses soldats marcher contre de nombreux ennemis, qu'ils ne soient parfaitement armés; ainsi le Sauveur ne permet pas à ses disciples d'affronter les combats avant la descente de l'Esprit saint: «Vous, tenez-vous eu repos dans la ville, jusqu'à ce que vous soyez revêtus de la force d'en haut». - Théophyl. C'est-à-dire, d'une force qui n'a rien d'humain et qui est toute céleste. Et il ne dit pas: Jusqu'à ce que vous receviez, mais: «Jusqu'à ce que vous soyez revêtus», pour signifier la protection toute-puissante dont les couvrira l'Esprit saint. - Bède. C'est de cette vertu céleste, c'est-à-dire, de l'Esprit saint, que l'ange dit à Marie: «La vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre»; (Lc 1) et que le Seigneur lui-même dit ailleurs: «J'ai senti qu'une vertu était sortie de moi» (Lc 8).

S. Chrys. Mais pourquoi l'Esprit saint ne descendit-il pas sur les Apôtres pendant que le Sauveur était encore sur la terre ou aussitôt qu'il l'eût quittée? Il voulait leur faire désirer ardemment cette grâce, avant de la leur accorder, car c'est lorsque la nécessité nous presse que nous nous empressons de recourir à Dieu. Il fallait auparavant que notre nature fit son entrée dans le ciel, et que notre alliance avec Dieu fût consommée. C'est alors que l'Esprit saint devait descendre et répandre dans notre âme une joie pure et sans mélange. Remarquez aussi l'obligation expresse qu'il leur impose de demeurer à Jérusalem, parce que c'est là qu'ils recevront l'Esprit saint qu'il leur a promis, et comment il les enchaîne par cette bienheureuse attente, qui les empêche de prendre de nouveau la fuite après sa résurrection. Il leur dit: «Jusqu'à ce que vous soyez revêtus de la force d'en haut». Il ne précise pas le moment pour les tenir dans une constante vigilance. Qu'y a-t-il donc d'étonnant qu'il ne nous ait pas fait connaître le dernier jour, puisqu'il n'a pas voulu indiquer à ses Apôtres le jour qui était si proche ?

S. Grég. (Past., part. 3, chap. 26). Il faut donner de sévères avertissements à ceux que leur âge ou leurs imperfections devraient éloigner du ministère de la prédication, et qui s'y jettent cependant avec présomption; car en usurpant avec autant de témérité un ministère aussi sublime et aussi redoutable, ils se ferment la voie à tout progrès dans la vertu. Voyez la Vérité elle-même qui pouvait en un instant donner à ses Apôtres la force qui leur manquait, qui leur avait donné les instructions les plus complètes sur l'objet de leurs prédications, leur commande cependant de se tenir en repos dans la ville, jusqu'à ce qu'ils soient revêtus de la force d'en haut, exemple qu'elle voulait donner à tous les siècles suivants, et qui devait détourner les âmes imparfaites de se charger témérairement du ministère de la prédication. Or, nous nous tenons en repos dans la ville, lorsque nous nous renfermons dans l'intérieur de notre âme, évitant de nous répandre dans les conversations extérieures, et attendant que nous soyons pleinement revêtus de la force divine, avant de sortir de nous-mêmes pour instruire les autres.

S. Ambr. Mais comment se fait-il que d'après saint Jean (Jn 20,23), les Apôtres avaient déjà reçu alors l'Esprit saint, tandis qu'ici nous voyons le Sauveur leur commander de demeurer dans la ville, jusqu'à ce qu'ils soient revêtus de la force d'en haut? Peut-être soufflait-il d'abord sur les onze Apôtres pour leur donner l'Esprit Saint, comme étant plus parfaits, et promet-il ici de le donner ensuite aux autres. Ou bien, c'est aux mêmes qu'il le donne d'un côté et qu'il le promet de l'autre. Et il n'y a en cela aucune contradiction, puisque les grâces sont différentes; ainsi le Sauveur donne, d'après saint Jean, la grâce d'une opération divine, et en promet une autre d'après saint Luc. En effet, la première fois il donne à ses Apôtres le pouvoir de remettre les. péchés (pouvoir qui est moins étendu), et Jésus-Christ le leur donne en soufflant sur eux, afin que vous croyiez que l'Esprit saint est l'esprit de Jésus-Christ, et que c'est le même que l'esprit de Dieu, car Dieu seul peut remettre les péchés. Saint Luc, au contraire, veut parler du don des langues que l'Esprit saint communiqua aux Apôtres. - S. Cyr. Ou encore, il leur dit d'abord: «Recevez l'Esprit saint, afin de les préparer à le recevoir; ou il parle au présent de ce qui ne devait arriver que plus tard. - S. Aug. (de la Trin., 15, 26). Ou encore, le Seigneur adonné deux fois l'Esprit saint à ses Apôtres après sa résurrection, la première fois sur la terre pour leur inspirer l'amour du prochain, et la seconde du haut du ciel pour allumer dans leurs coeurs l'amour de Dieu.



Catena Aurea 11425