Catena Aurea 10038

vv. 38-42

10038 Lc 10,38-42

Bède. Le Sauveur nous a enseigné précédemment l'amour de Dieu et du prochain en discours et en paraboles, il nous l'enseigne maintenant par des actions et en vérité: «Or, il arriva que pendant qu'ils étaient en chemin, Jésus entra dans un village». - Orig. Saint Luc ne dit point le nom de ce village, mais saint Jean nous le fait connaître en l'appelant Béthanie (Jn 11). - S. Aug. (Serm. 20, sur les parol. du Seig,) Or, le Seigneur qui est venu chez lui, sans que les siens aient voulu le recevoir (Jn 1), a été reçu ici comme étranger: «Et une femme nommée Marthe le reçut dans sa maison».Elle le reçut comme on reçoit les voyageurs, et cependant la servante reçut son Seigneur, celle qui était malade reçut son Sauveur, la créature reçut son Créateur. Ne dites pas: Heureux ceux qui ont mérité de recevoir Jésus-Christ dans leur maison, n'enviez pas leur bonheur, car Notre-Seigneur a dit: «Tout ce que vous faites pour l'un de ces petits, c'est à moi que vous le faites» (Mt 25). En prenant la forme de serviteur, il a voulu être nourri par des serviteurs par condescendance et non par une nécessité de sa condition. Il était revêtu d'une chair soumise à la faim et à la soif, mais lorsqu'il eut faim dans le désert, les anges vinrent le servir (Mt 4). Si donc il consent à être nourri, c'est une grâce qu'il accorde à la personne qui le reçoit. Marthe faisait donc toute sorte de préparatifs pour recevoir dignement Notre-Seigneur, et s'occupait activement du service; au contraire Marie, sa soeur, préférait être nourrie intérieurement par le Sauveur: «Elle avait une soeur, nommée Marie, laquelle, assise aux pieds du Seigneur, écoutait sa parole».

S. Chrys. L'Évangéliste ne dit pas seulement de Marie qu'elle était assise près de Jésus, mais «qu'elle était assise à ses pieds», afin de mieux exprimer son zèle, son empressement, son attention, pour recueillir les paroles de Jésus, et le profond respect qu'elle avait pour le Seigneur. - S. Aug. (Serm. 27, sur les parol. du Seig). Mais plus elle s'humiliait aux pieds du Sauveur, plus elle recueillait abondamment ses divines paroles, car l'eau descend en abondance dans les profondeurs des vallées, tandis qu'elle découle du sommet des collines qui ne peuvent la retenir.

S. Bas. (Const. monast., chap. 1). Toutes les actions, toutes les paroles du Sauveur sont pour nous autant de règles de piété et de vertu, car il s'est revêtu de notre corps pour que nous puissions imiter les exemples de sa vie selon la mesure de nos forces. - S. Cyr. Il apprend donc à ses disciples par son exemple la conduite qu'ils doivent tenir lorsqu'ils sont reçus dans quelque maison; ils doivent en y entrant, ne pas goûter exclusivement les douceurs du repos, mais remplir de la sainte et divine doctrine l'âme de ceux qui les reçoivent. Quant à ceux qui leur donnent l'hospitalité, ils doivent l'exercer avec joie et empressement pour deux motifs, ils trouveront d'abord un sujet d'édification dans la doctrine de ceux qu'ils reçoivent, et recevront à leur tour la récompense de leur charité: «Or, Marthe s'occupait avec empressement», etc. - S. Aug. (serm. 27, sur les parol. du Seig). Marthe s'occupait avec raison de pourvoir aux nécessités corporelles, et aux désirs de la nature humaine du Seigneur; mais celui qu'elle voyait revêtu d'une chair mortelle, «dès le commencement était le Verbe».C'est ce Verbe que Marie écoutait. Ce Verbe s'est fait chair, c'est celui que Marthe servait. L'une travaillait, l'autre contemplait. Cependant Marthe, accablée de ce travail et de tout le soin du service, s'adresse au Seigneur, et se plaint de sa soeur: «Seigneur, souffrirez-vous que ma soeur me laisse servir seule ?» etc. Marie, en effet, était tout absorbée de la douceur de la parole du Seigneur, Marthe préparait un festin au Sauveur, qui lui-même servait alors à Marie un festin bien plus délicieux. Or, comment n'aurait-elle pas craint que le Seigneur pressé par sa soeur, vint à lui dire: «Levez-vous, et venez en aide à votre soeur», alors qu'elle goûtait avec suavité les douces paroles du Sauveur, et que son coeur était plongé tout entier dans cette divine nourriture? Elle était absorbée dans d'ineffables délices, bien supérieures à toutes les délices corporelles. Elle accepte donc ce reproche d'oisiveté, et confie sa cause à son juge, sans se mettre en peine de répondre, dans la crainte que le soin même de répondre ne vint à la distraire de l'attention qu'elle donne aux paroles du Seigneur. Le Seigneur répondit donc pour elle, lui pour qui la parole n'est pas un travail, parce qu'il est le Verbe: «Le Seigneur lui répondit: Marthe, Marthe, vous vous inquiétez», etc. Cette répétition du nom de Marthe, est un signe de l'affection du Sauveur pour elle, ou un moyen de la rendre plus attentive à la leçon qu'il va lui donner. Après l'avoir ainsi appelée deux fois, il lui dit: «Vous vous inquiétez de beaucoup de choses», c'est-à-dire vous êtes occupée de beaucoup de choses. En effet, quand l'homme se charge de servir, il veut suffire à tout, et il ne peut y réussir; il cherche ce qui lui manque, il prépare ce qu'il a sous la main, et son esprit est dans le trouble et l'agitation. Ainsi Marthe n'eût point demandé que sa soeur vînt l'aider, si elle avait pu seule suffire au travail. Elle s'inquiète de beaucoup de choses, ses inquiétudes, ses préoccupations sont nombreuses, elles sont de diverses sortes, parce qu'elles ont pour objet les c hoses de la terre et du temps. Or, à toutes ces choses, Notre-Seigneur en préfère une seule; car ce ne sont pas toutes ces choses qui en ont produit une seule, mais elles sont elles-mêmes sorties d'un seul principe. Aussi écoutez la parole du Sauveur: «Or, une seule chose est nécessaire». Marie a voulu n'être occupée que d'une seule chose, selon cette parole du Psalmiste: «Il est bon pour moi de m'attacher à Dieu» (Ps 72). Le Père, le Fils, le Saint-Esprit, ne font qu'une seule et même chose; et nous ne pouvons parvenir à cette seule chose, qu'autant que nous avons tous un même coeur. (Ac 4). - S. Cyr. On peut encore donner cette explication: Lorsque quelques-uns de nos frères reçoivent Dieu dans leur demeure, qu'ils ne poussent pas la préoccupation à l'excès, qu'ils n'exigent pas tout ce qui est à leur disposition, mais n'est pas nécessaire; car en toutes choses, la trop grande abondance est un embarras, c'est une cause d'ennui pour ceux qui la recherchent, et elle donne à penser aux convives qu'ils sont pour les autres une occasion de préoccupation et de fatigue.

S. Bas. (Régl. développ., quest. 19). N'est-il pas absurde de prendre des aliments pour soutenir notre corps, et de faire de ces aliments une cause d'appesantissement pour le corps, et un obstacle à l'accomplissement des commandements de Dieu? ( Quest. 20). Si donc il survient un pauvre, donnons-lui la règle et l'exemple de la modération dans l'usage des aliments; ne donnons jamais de festin pour flatter le goût de ceux qui aiment le luxe, et les désirs de la table. La vie d'un chrétien doit être uniforme, puisqu'elle tend à un même but, la gloire de Dieu. Au contraire la vie des mondains prend mille formes diverses, et ils la varient sans cesse au gré de leurs caprices. Mais pourquoi donc vous, qui chargez votre table de mets abondants et recherchés pour le plaisir de votre frère, l'accusez-vous de sensualité, et lui faites-vous le reproche honteux de gourmandise, en le condamnant de savourer avec délices les mets que vous lui préparez? N ous ne voyons pas que le Seigneur ait loué Marthe de s'être livrée tout entière aux soins multipliés du service.

S. Aug. (Serm. 27, sur les parol. du Seig). Quoi donc, devrons-nous penser que Notre-Seigneur blâme ici l'empressement de Marthe, tout occupée des devoirs de l'hospitalité, et heureuse de recevoir un hôte comme le Sauveur? S'il en est ainsi, cessons de servir les pauvres, livrons-nous au ministère de la parole, que la science du salut soit notre unique objet, ne nous inquiétons nullement s'il y a quelqu'étranger parmi nous, si quelqu'un manque de pain; laissons toutes les oeuvres de miséricorde, pour ne nous occuper que de la science. - Théophyl. Notre-Seigneur ne nous défend donc point de remplir les devoirs de l'hospitalité, mais la préoccupation excessive, la dissipation et le trouble. Remarquez d'ailleurs la prudence du Sauveur, il n'avait d'abord rien dit à Marthe, ce n'est que lorsqu'elle veut détourner sa soeur d'écouter la parole du divin Maître, qu'il prend occasion de là, pour lui faire un reproche. L'hospitalité est donc honorable, tant qu'elle ne nous entraîne qu'aux choses nécessaires, mais dès lors qu'elle nous détourne de devoirs plus importants, il est évident que l'attention aux enseignements divins est bien préférable.

S. Aug. (Serm., 26 et 27). Notre-Seigneur ne blâme donc pas ici la pratique de l'hospitalité, mais il établit une distinction entre les oeuvres: «Marie a choisi la meilleure part», etc. Votre part n'est pas mauvaise, mais celle que Marie a choisie est meilleure. Pourquoi est-elle meilleure? parce qu'elle ne lui sera point ôtée. Un jour viendra où vous serez déchargée des soins nécessaires de cette vie, (car une fois entrée dans la patrie, vous n'aurez plus à exercer l'hospitalité envers les étrangers), mais cette part vous sera ôtée dans votre intérêt, et afin que vous en receviez une meilleure. On vous déchargera du travail pour vous donner le repos: Vous naviguez encore, et Marie est déjà arrivée au port, car la douceur de la vérité est éternelle; elle s'accroît successivement dans cette vie, mais elle reçoit sa consommation dans l'autre vie, où on la possède sans crainte de la perdre.

S. Ambr. Laissez-vous donc conduire comme Marie, par l'amour de la sagesse, car c'est l'oeuvre la plus parfaite, l'oeuvre par excellence. Que les soins extérieurs ne vous détournent jamais de la connaissance de la parole céleste, et gardez-vous de condamner et d'accuser d'oisiveté ceux qui s'appliquent à l'étude de cette divine sagesse.

S. Aug. (Quest. Evang., 2, 30). Dans le sens allégorique, Marthe recevant Jésus dans sa maison est la figure de l'Église, recevant le Seigneur dans son coeur; Marie, sa soeur, assise aux pieds du Sauveur, et écoutant sa parole, représente aussi l'Église, mais dans le siècle à venir, où affranchie du soin et du service des pauvres, elle n'aura plus qu'à jouir de la sagesse. Elle se plaint que sa soeur ne vient pas l'aider, et elle donne occasion à Notre-Seigneur de nous montrer l'Église de la terre, inquiète et troublée de beaucoup de choses, tandis qu'il n'y a de nécessaire qu'une seule chose, à laquelle on arrive par les mérites de cette vie d'action. Il déclare que Marie a choisi la meilleure part, parce que c'est par la première qu'on parvient à la seconde qui ne sera jamais ôtée. - S. Grég. (Moral., 6, 18). Ou bien encore Marie, qui écoute assise les paroles du Seigneur, est la figure de la vie contemplative. Marthe au contraire occupée des oeuvres extérieures représente la vie active. Notre-Seigneur ne blâme pas le genre de vie de Marthe, mais il donne des éloges à celui de Marie, parce que si les mérites de la vie active ont du prix, les mérites de la vie contemplative en ont beaucoup plus. Aussi le Sauveur déclare-t-il que la part de Marie ne lui sera jamais ôtée; en effet, les oeuvres de la vie active n'ont d'autre durée que celle du corps, tandis que les joies de la vie contemplative ne font que se multiplier à la mort,


CHAPITRE XI


v. 1-4

10101 Lc 11,1-4

Bède. Après avoir raconté l'histoire des deux soeurs, qui ont comme personnifié en elles les deux vies de l'Église, l'Évangéliste nous représente, en suivant un ordre admirable, Notre-Seigneur en prière et enseignant à ses disciples à prier, parce qu'en effet la prière dont il donne les précieux enseignements, renferme le mystère de ces deux vies, et que la perfection de chacune d'elles s'obtient, non par nos propres forces, mais par la prière: «Un jour que Jésus était en prière en un certain lieu»,etc. - S. Cyr. (Ch. des Pèr. gr). Mais pourquoi prier, puisqu'il est la source de tout bien qu'il possède dans sa plénitude, et qu'il n'a besoin de rien? Nous répondons qu'une des conséquences de l'incarnation pour le Sauveur était de se conformer aux actions de la vie humaine, alors qu'il le jugeait convenable; si, en effet, il se soumet à la nécessité du boire et du manger, quel inconvénient qu'il se livre à la prière, pour nous apprendre à ne pas négliger ce devoir, et à persévérer avec ferveur dans l'exercice de la prière ?

Tite de Bostr. (sur S. Matth). Les disciples à qui Notre-Seigneur avait donné les règles d'une vie toute nouvelle, lui demandent aussi une nouvelle formule de prière, bien que l'Ancien Testament en contint un grand nombre: «Et dès qu'il eut cessé de prier, un de ses disciples lui dit: Seigneur, apprenez-nous à prier, de peur que nous n'offensions Dieu en lui demandant une chose pour une autre, ou en ne le priant pas avec les dispositions convenables».

Orig. (Ch. des Pèr. gr). Pour déterminer le Sauveur à leur tracer les règles de la prière, le disciple de Jésus ajoute: «Comme Jean l'a appris à ses disciples», Jean, dont vous nous avez dit, «qu'il était le plus grand de tous les enfants des femmes». Vous nous faites un précepte de vous demander les biens éternels et ineffables, mais qui nous donnera de les connaître, si ce n'est vous notre Dieu et notre Sauveur ?

S. Grég. de Nyss. (Serm. 1, sur la prière). Le Sauveur expose à ses disciples la divine doctrine de la prière, parce qu'ils la lui demandent avec instance, et il leur enseigne comment ils doivent prier Dieu pour être exaucés. - S. Bas. (Const. mon., chap. 1). Il y a deux sortes de prières, la prière de louange, jointe à un grand sentiment d'humilité, et la prière de demande, qui est moins parfaite. Lors donc que vous vous mettez en prière, ne vous hâtez pas de passer à la demande, autrement vous accusez vos dispositions intérieures, et vous témoignez que c'est la nécessité qui vous amène aux pieds de Dieu. Mais lorsque vous commencez à prier, séparez-vous de toute créature visible et invisible, et donnez pour exorde à votre prière la louange du Créateur de toutes choses: «Et il leur répondit: Lorsque vous priez, dites: Père», etc. - S. Aug. (Serm. 27, sur les parol. du Seig). Comme cette première parole est pleine de grâce et de miséricorde ! Vous n'osiez pas lever votre front vers le ciel, vous recevez tout d'un coup la grâce de Jésus-Christ; de mauvais serviteur vous êtes devenu fils bien aimé, ayez donc espérance, non dans vos oeuvres, mais dans la grâce du Sauveur. Ce n'est point de la présomption, mais de la confiance; proclamer la grâce que vous avez reçue, ce n'est point un acte d'orgueil, mais de dévotion. Levez-donc les yeux au ciel, vers votre Père, qui vous a donné une nouvelle vie dans le baptême, qui vous a racheté par son Fils. Dites lui comme un bon Fils: «Mon Père»,mais ne vous attribuez rien de trop particulier dans ce titre, car Dieu n'est, dans la rigueur du mot, le Père que de Jésus-Christ seul, parce qu'il est le seul qu'il ait engendré, tandis qu'il est notre Père commun à tous, parce qu'il nous a créés. C'est pour cela que dans saint Matthieu, nous lisons: «Notre Père»; et qu'il ajoute: «Qui êtes dans les cieux»; c'est-à-dire dans les cieux dont il est écrit: «Les cieux racontent la gloire de Dieu» dans les cieux où le péché n'existe plus, où la mort n'a plus de blessure. - Théophyl. Ces paroles: «Qui êtes dans les cieux», ne signifient pas que Dieu se trouve circonscrit par les limites des cieux, mais Notre-Seigneur les emploie pour relever notre âme vers le ciel, et nous séparer des choses de la terre.

S. Grég. de Nyss. (Serm. 2, sur l'orais. domin). Voyez quelle préparation est nécessaire pour que vous puissiez dire avec confiance: «Père»; car si vous arrêtez vos regards sur les choses de la terre, si vous ambitionnez la gloire qui vient des hommes, si vous êtes l'esclave des passions de la chair, et que vous osiez faire cette prière, il me semble entendre Dieu vous dire: Comment, votre vie n'est que corruption, et vous invoquez comme votre Père l'auteur de l'incorruptibilité, et vous ne voyez pas que votre voix criminelle profane ce nom incorruptible ! En effet, celui qui vous a commandé de l'appeler votre Père, ne vous a pas autorisé à ouvrir votre bouche au mensonge. (Serm., 3). Or, le principe de tout bien c'est de glorifier le nom de Dieu dans notre vie. Aussi le Sauveur ajoute: «Que votre nom soit sanctifié». Qui pourrait être assez dépourvu de raison, que d'être témoin de la vie pure et sainte des vrais chrétiens, et de ne pas glorifier le nom qu'ils invoquent? Celui donc qui dit à Dieu: «Que votre nom que j'invoque soit sanctifié en moi»,fait à Dieu cette prière: Que je devienne à l'aide de votre grâce juste, et éloigné de tout mal. - S. Chrys. (hom. 18, sur l'Ep. 1, aux Cor). A la vue de la beauté et de la magnificence des cieux, on ne peut s'empêcher de s'écrier: Gloire à vous, ô mon Dieu, et on éprouve le même sentiment au spectacle de la vertu, car la vertu de l'homme donne plus de gloire à Dieu que la magnificence des cieux. - S. Aug. (Serm. 28, sur les parol. du Seig). Ou bien ces paroles veulent dire: «Que votre nom soit sanctifié» en nous, de manière que la sainteté de Dieu puisse s'étendre jusqu'à nous. - Tite de Bostr. (sur S. Matth). Ou bien encore, «que votre nom soit sanctifié», c'est-à-dire, que votre sainteté soit connue de tous les hommes, et qu'elle soit l'objet de leurs louanges, car c'est aux justes qu'il appartient de publier les louanges de Dieu (Ps 32). Il nous commande donc de prier pour la sanctification du monde entier. - S. Cyr. (Ch. des Pèr. gr). En effet, ceux qui n'ont pas encore reçu la foi, n'ont que du mépris pour le nom de Dieu, mais aussitôt que la lumière de la vérité aura lui à leurs yeux, ils confesseront qu'il est le saint des saints (). - Tite de Bostr. (comme précéd). Et comme la gloire de Dieu le Père est dans le nom de Jésus, le nom du Père sera vraiment sanctifié, lorsque Jésus-Christ sera connu.

Orig. (Ch. des Pèr. gr). Ou bien encore, comme les idolâtres et les pécheurs attribuent le nom de Dieu aux plantes et aux créatures, ce nom n'est pas encore sanctifié; c'est-à-dire, qu'il demeure confondu avec des choses dont il doit être nécessairement séparé. Le Sauveur nous enseigne donc à demander que le nom de Dieu soit réservé au seul vrai Dieu, auquel seul peuvent s'appliquer les paroles suivantes «Que votre règne arrive»; de manière que tout empire, toute domination, toute puissance, et le règne du monde soient anéantis, aussi bien que le péché qui règne dans nos corps mortels (1Co 15,24 Rm 6,2). - S. Grég. de Nyss. Nous demandons encore à Dieu d'être délivrés de la corruption, et affranchis de la mort. Ou bien encore, selon quelques interprètes: «Que votre règne arrive», c'est-à-dire, que votre Esprit saint descende sur nous, pour nous purifier. - S. Aug. (Serm. 24, sur les parol. du Seig). Le royaume de Dieu arrive pour nous, quand nous avons eu le bonheur d'obtenir sa grâce; car Jésus lui-même nous a dit: «Le royaume de Dieu est au milieu de vous». - S. Cyr. Ou bien ceux qui font cette prière, expriment le désir de voir le second avènement du Sauveur de tous les hommes paraissant à leurs yeux dans toute sa gloire. Or, il nous fait un commandement de demander dans la prière l'arrivée de ce temps vraiment redoutable, pour nous apprendre à fuir la négligence et la tiédeur, si nous ne voulons que cet avènement nous amène les flammes vengeresses de l'éternité. Il veut au contraire que notre vie s'écoule dans une sainte conformité à sa volonté, pour que ces jours ne nous apportent que des couronnes d'immortalité. Voilà pourquoi dans saint Matthieu la demande suivante est celle ci: «Que votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel». - S. Cyr. (hom. 20, sur S. Matth). C'est-à-dire: Accordez-nous d'imiter la vie des habitants des cieux, de sorte que nous ne voulions que ce que vous voulez vous-même. - S. Grég. de Nyss. (Serm. 4, sur l'orais. dom). Notre-Seigneur nous déclare que la vie de l'homme après la résurrection sera semblable à la vie des anges; il faut donc que la vie présente soit une préparation à cette vie que nous espérons après la mort, et que tout en vivant dans la chair, nous ne vivions pas selon les inspirations de la chair (Rm 7,12). C'est ainsi que le véritable médecin de nos âmes guérit les maladies de notre nature; le principe de nos infirmités c'est de nous être mis en opposition avec la volonté divine; ce n'est donc que par une conformité entière à cette divine volonté que nous serons délivrés de ces infirmités, car la santé de l'âme consiste dans l'accomplissement légitime de la volonté divine.

S. Aug. (Enchirid., chap. 116). Dans l'Évangile selon saint Matthieu, l'oraison dominicale contient sept demandes; l'évangéliste saint Luc, n'en donne que cinq, et cependant il n'est pas en opposition avec saint Matthieu, mais dans l'abrégé qu'il nous donne de cette prière, il nous fait comprendre comment les sept demandes doivent être entendues. En effet, le nom de Dieu est sanctifié dans l'Esprit saint, et le royaume de Dieu doit venir à la résurrection. Saint Luc veut donc nous apprendre que la troisième demande n'est pour ainsi dire que la répétition des deux premières, et, son intention est de nous la faire mieux comprendre en l'omettant. Viennent ensuite les trois autres demandes, et d'abord celle du pain quotidien: «Donnez-nous aujourd'hui notre pain de chaque jour». - S. Aug. (Serm. 28, sur les parol. du Seig). Le texte grec porte åðéïõóéïí, qui est au-dessus de toute substance. Ce qui ne peut s'appliquer au pain qui entre dans le corps et le nourrit, mais au pain de la vie éternelle qui fortifie la substance de notre âme. La version latine l'appelle pain de chaque jour, et les Grecs, pain qui arrive (chaque jour). Or, si ce pain est le pain de chaque jour, pourquoi ne le prenez-vous qu'une fois chaque année, comme les Grecs dans l'Orient ont coutume de le faire? Recevez chaque jour ce qui doit vous être utile chaque jour, et vivez de manière à mériter de le recevoir chaque jour. Ce pain est le symbole de la mort du Seigneur, et de la rémission des péchés. Celui qui est blessé cherche un remède à ses blessures; or, nous sommes blessés, puisque nous sommes esclaves du péché, et le véritable remède à nos blessures est ce sacrement descendu du ciel, et digne de toute notre vénération. Si vous le recevez tous les jours, chaque jour devient pour vous aujourd'hui, et chaque jour Jésus-Christ ressuscite pour vous; car le jour où Jésus-Christ ressuscite, doit être appelé véritablement aujourd'hui. - Tite de Bostr. (sur S. Matth). Ou bien encore, le pain des âmes, c'est la vertu de Dieu qui devient pour nous le principe de la vie future et éternelle, comme le pain qui provient de la terre, sert à la conservation de la vie temporelle. Ainsi le pain quotidien, dans l'intention du Sauveur, figure le pain divin qui approche et qui doit venir. Nous prions Dieu de nous l'accorder aujourd'hui, c'est-à-dire comme un commencement et un avant-goût de ce pain; ce qui se fait lorsque l'Esprit saint qui habite en nous y produit ces vertus qui surpassent toutes les vertus humaines, comme la chasteté, l'humilité, etc.

S. Cyr. (comme précéd). Il en est qui pensent qu'il n'est pas digne des âmes saintes de demander à Dieu les biens du corps, et qui, par conséquent, appliquent ces paroles à la vie spirituelle. J'admets que les biens spirituels doivent être l'objet principal et premier de la prière des saints, mais il faut cependant convenir qu'ils peuvent demander, sans se rendre coupables, le pain ordinaire, puisque le Sauveur lui-même leur en fait un devoir. En effet, en leur enseignant à demander à Dieu du pain, c'est-à-dire la nourriture de chaque jour, il semble leur défendre de posséder autre chose, et leur commander de pratiquer une pauvreté honorable; car ce ne sont point les riches qui demandent du pain, mais ceux que l'indigence opprime. - S. Bas. (Régl. abrég. quest. 252). Le Sauveur semble nous dire: Ne vous en rapportez pas à vous-même, pour le pain quotidien qui vous est nécessaire pour soutenir votre vie de chaque jour; mais recourez à Dieu pour l'obtenir, en lui exposant les besoins de votre nature. - S. Chrys. (hom. 19, sur S. Matth). Nous devons donc demander à Dieu, non pas la multiplicité des mets, les vins délicats et parfumés, et tout ce qui plaît au goût, charge l'estomac, et trouble l'esprit; mais les choses nécessaires à la vie, le pain destiné à soutenir notre existence, c'est-à-dire celui qui nous suffit aujourd'hui, sans nous inquiéter du lendemain. Ainsi nous ne faisons qu'une seule demande pour les choses temporelles, celle de ne point être exposés à la privation et à la souffrance dans le présent.

S. Grég. de Nysse. (Serm. 5 sur l'Orais. dominic). Le Sauveur, après nous avoir inspiré la confiance qui vient de la pratique des bonnes oeuvres, nous enseigne à implorer la rémission de nos fautes: «Et pardonnez-nous nos offenses». - Tite de Bostr. Aucun homme n'est sans péché, et Notre-Seigneur, ajoute cette demande nécessaire, pour lever les obstacles que nos péchés apporteraient à la participation des saints mystères. En effet, nous sommes obligés d'offrir une sainteté parfaite à Jésus-Christ, qui choisit notre coeur pour être la demeure de l'Esprit saint, et nous sommes gravement coupables, si nous ne conservons pas la pureté de ce temple intérieur. Or, si ce malheur nous arrive, la bonté de Dieu vient au secours de notre fragilité, en nous remettant la peine que nos péchés ont méritée. Le Dieu juste agit alors en toute justice avec nous, quand nous remettons nous-mêmes ce qui nous est dû, c'est-à-dire, à ceux qui nous ont fait tort, et se sont rendus nos débiteurs. C'est pour cela qu'il ajoute: «Comme nous remettons nous-mêmes à ceux qui nous doivent». - S. Cyr. (comme précéd). Le Sauveur veut, pour ainsi parler, que Dieu soit l'imitateur de la patience, dont les hommes lui donnent l'exemple, et qu'ils demandent à Dieu d'exercer à leur égard, dans la même mesure, la bonté dont ils font preuve à l'égard de leurs semblables, parce que Dieu sait rendre à chacun ce qui lui est dû, et être plein de miséricorde pour tous les hommes. - S. Chrys. (Ch. des Pèr. gr). Une fois pénétrés de ces pensées, nous devons rendre grâces à nos débiteurs, car si nous savons bien l'apprécier, ils sont la cause de l'indulgence excessive de Dieu à notre égard; en effet, nous donnons peu pour recevoir beaucoup, car nous avons contracté envers Dieu des dettes nombreuses et considérables, et s'il en voulait exiger la moindre partie, nous serions perdus.

S. Aug. (serm. 28 sur les par. du Seigneur). Or, quelle est cette dette, si ce n'est le péché? Si donc vous n'aviez rien reçu, vous n'auriez pas contracté de dettes, et c'est ce qui vous rend coupable. En effet, vous avez reçu un trésor qui vous a rendu riche en naissant, lorsque vous avez été créé à l'image et à la ressemblance de Dieu; mais vous avez perdu ce trésor qui vous a été confié. Ainsi, quand vous avez cherché à soutenir votre orgueil, vous avez perdu le trésor de l'humilité; vous avez contracté à l'égard du démon une dette qui n'était pas nécessaire, et l'ennemi avait entre les mains votre engagement, mais Notre-Seigneur l'a attaché à la croix et l'a effacé de son sang. Or, de même qu'il a effacé votre péché et qu'il vous a remis toutes vos dettes, il est encore assez puissant pour nous défendre contre les embûches du démon, qui est en nous l'auteur du péché; c'est pour cela qu'il nous fait ajouter dans cette prière: «Et ne nous induisez pas en tentation», c'est-à-dire, dans une tentation supérieure à nos forces, car nous sommes comme l'athlète qui désire une lutte proportionnée à ses forces. - Tite de Bostr. (sur S. Matth). Il est impossible que nous soyons complètement à l'abri des tentations du démon, mais nous demandons à Dieu qu'il ne nous abandonne pas au milieu des tentations. L'Ecriture attribue ordinairement à l'action de Dieu, ce qui n'est l'effet que d'une simple permission (cf. Ez 14,9), et c'est dans ce sens que Dieu nous induirait en tentation, s'il ne s'opposait au progrès d'une tentation au-dessus de nos forces. - S. Maxime. (Ch. des Pèr. gr). Ou bien, le Sauveur nous ordonne de demander à Dieu de ne point nous induire en tentation, c'est-à-dire, de ne point permettre que nous soyons victimes des tentations volontaires de volupté. Quant aux tentations involontaires qui sont la suite des combats que nous soutenons pour la vérité, et qui nous entraînent dans de rudes épreuves, saint Jacques nous enseigne à ne point nous y laisser abattre: «Mes frères, nous dit-il, regardez comme la source de toute joie les diverses afflictions qui vous arrivent» (Jc 1,2). - S. Bas. (Régl. abrég., quest. 221). Cependant il ne convient pas que nous demandions à Dieu des afflictions corporelles. Jésus-Christ nous commande en général de prier Dieu d'écarter de nous la tentation, mais dès qu'elle se présente, nous devons demander à Dieu la force nécessaire pour y résister, afin que nous puissions voir en nous l'accomplissement de cette parole: «Celui qui persévérera jusqu'à la fin sera sauvé» (Mt 10).

S. Aug. (Enchyrid., chap. 116). Saint Luc n'a point rapporté la dernière demande que saint Matthieu ajoute à la précédente, pour nous faire comprendre qu'elle fait partie de la prière que nous faisons à Dieu d'être délivrés des tentations. Aussi saint Matthieu s'exprime de la sorte: «Mais délivrez-nous», pour montrer que c'est une seule et même demande; il ne dit pas: «Et délivrez-nous»; il dit, ne nous exposez pas à ceci, mais accordez-nous cela, de sorte que chacun sache qu'il est délivré du mal, par là même qu'il n'est pas exposé à la tentation. - S. Aug. (serm. 28 sur les par. du Seign). Nous demandons tous d'être délivrés du mal, c'est-à-dire, de notre ennemi et du péché, mais celui qui met en Dieu sa confiance, ne craint pas le démon, car si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ?


vv. 5-9

10105 Lc 11,5-9

S. Cyr. (Chaîne des Pères grecs). Notre-Seigneur, sur la demande des Apôtres, leur avait enseigné comment il faut prier; mais ceux qui avaient reçu ces salutaires enseignements, tout en priant selon la forme qu'il avait prescrite, pouvaient le faire avec négligence et avec tiédeur; ou bien en voyant leur première ou leur seconde demande sans effet, abandonner complètement l'exercice de la prière. C'est pour les préserver de ce malheur qu'il leur montre, au moyen d'une parabole, que le découragement dans la prière est dangereux, et qu'il est on ne peut plus utile d'y persévérer avec patience: «Il leur dit encore: Si l'un de vous a un ami», etc. - Théophyl. Cet ami, c'est Dieu, qui aime tous les hommes, et qui veut sincèrement que tous soient sauvés (1Tm 2,4 2P 3,9). - S. Ambr. Qui d'ailleurs est plus notre ami que celui qui a livré son corps pour notre salut? Le Seigneur nous donne encore ici un autre précepte, c'est que notre prière doit être continuelle, et que nous devons prier le jour comme la nuit: «Si l'un de vous a un ami, et qu'il aille le trouver au milieu de la nuit». C'est ce que faisait David, quand il disait: «Je me levais au milieu de la nuit pour chanter vos louanges», (Ps 118) car il ne craignait pas de réveiller de son sommeil celui qu'il savait avoir toujours les yeux ouverts sur son peuple. Or, si ce saint roi, tout occupé de l'administration de son royaume, redisait sept fois le jour les louanges du Seigneur (Ps 118), que ne devons-nous pas faire nous-mêmes? Notre prière ne doit-elle pas être d'autant plus fréquente, que la fragilité de notre chair et de notre esprit nous entraîne dans un plus grand nombre de fautes? Et si vous avez un véritable amour pour le Seigneur votre Dieu, vous pouvez obtenir, non seulement pour vous-mêmes, mais pour les autres. Voyez, en effet, la suite «Et que cet ami lui dise: Mon ami, prêtez-moi trois pains»,etc. - S. Aug. (serm. 29 sur les par. du Seign). Quels sont ces trois pains, sinon l'aliment céleste que nous offrent les divins mystères? Or, il peut se faire qu'on ne puisse satisfaire à la demande d'un ami, et on reconnaît alors qu'on n'a pas ce qu'on devrait lui donner. Ainsi, un ami vous arrive de voyage, c'est-à-dire, de la vie du monde, où tous les hommes passent comme des voyageurs, où ils n'ont ni véritable propriété ni demeure permanente, mais où tout homme s'entend dire: Passez, faites place à celui qui doit vous succéder. Ou encore, cet ami vous arrive fatigué d'un mauvais voyage, c'est-à-dire, d'une vie coupable, il n'a pas trouvé la vérité qu'il eût été si heureux d'entendre et de recevoir; il vient donc à vous, qui êtes chrétien, et il vous dit: Veuillez m'instruire. Or, peut-être vous demande-t-il ce que vous ignorez dans la simplicité de votre foi, vous ne pouvez donc apaiser la faim qui le tourmente, et vous êtes obligé de recourir aux livres du Seigneur, car, peut-être, ce qu'il vous demande se trouve dans les saints Livres, mais enveloppé d'obscurité. Vous ne pouvez interroger Paul, ni Pierre, ni aucun prophète, car toute cette famille repose avec son maître. Cependant l'ignorance du monde est profonde, c'est le milieu de la nuit; votre ami, pressé par la faim, insiste auprès de vous, la foi dans sa simplicité ne lui suffit pas, faudra-t-il l'abandonner? Allez donc trouver le Seigneur lui-même, avec lequel toute sa famille se repose, et frappez à la porte par vos prières: «De l'intérieur de la maison il vous répondra: Ne m'importunez pas». Mais s'il tarde à vous donner, c'est pour vous faire désirer plus vivement ce qu'il diffère de vous accorder, et vous rendre ses dons plus précieux. - S. Bas. (Constit. monast., chap. 1). Il diffère encore pour redoubler votre assiduité et vos instances près de lui, pour vous faire connaître ce que c'est que le don de Dieu, et comment il faut le conserver avec crainte, car on garde avec beaucoup plus de soin ce qui a coûté beaucoup à acquérir, de peur qu'en le perdant, on ne perde en même temps tout le fruit de son travail.

La Glose. Loin donc de nous ôter l'espérance et le pouvoir d'être exaucés, Notre-Seigneur nous excite à prier avec plus d'ardeur, en nous montrant la difficulté d'obtenir: «Déjà la porte est fermée». - S. Ambr. C'est cette porte que saint Paul demandait de voir s'ouvrir pour lui, non seulement par ses prières, mais à l'aide des prières des fidèles, «afin, disait-il, que Dieu nous ouvre une porte à la prédication de sa parole, afin d'annoncer le mystère de Jésus-Christ» (Col 4). Peut-être est-ce cette porte que saint Jean vit ouverte dans le ciel, lorsqu'il lui fut dit «Monte ici, et je te ferai voir les choses qui doivent arriver désormais». - S. Aug. (Quest. évang., liv. 2). Nous voyons donc figurer ici ce temps où les hommes devaient éprouver la faim de la parole de Dieu (Am 8,11), lorsque l'intelligence est fermée et que ceux qui ont distribué le pain de la sagesse évangélique, en prêchant par tout l'univers, sont entrés dans leur repos mystérieux avec le Seigneur, c'est ce que signifient les paroles suivantes: «Et mes enfants sont au lit comme moi». - S. Grég. de Nysse. Il appelle ses enfants ceux qui ont conquis l'impassibilité avec les armes de la justice, et il nous enseigne que le bien que nous ne pouvons acquérir qu'au prix de grands efforts, avait été déposé dès le commencement dans notre nature. En effet, lorsqu'un homme a renoncé à la vie de la chair, et qu'à l'aide de la raison il triomphe de ses passions par la pratique d'une vie vertueuse et sainte, il devient alors insensible comme un enfant, vis-à-vis de ses passions. Par le lit, il faut entendre le repos du Sauveur. - La Glose. Pour les causes qu'il vient d'énoncer, il ajoute: «Je ne puis me lever et vous rien donner», ce qui se rapporte à la difficulté d'obtenir. - S. Aug. (Quest. évanq., 2, 21). Ou bien encore, cet ami qui vient au milieu de la nuit prier son ami de lui prêter trois pains, est la figure de celui qui, du milieu de la tribulation, prie Dieu de lui accorder l'intelligence de la Trinité, pour le consoler des travaux et des peines de la vie présente, car l'angoisse de la tribulation c'est le milieu de la nuit, qui lui fait demander avec instance les trois pains dont il a besoin. Ces trois pains sont aussi la figure de l'unité de substance dans la Trinité. Cet ami qui arrive de voyage représente l'appétit sensuel de l'homme, qui doit être assujetti à la raison, mais qui était devenu l'esclave des habitudes du monde, qu'il appelle la voie, parce que dans le monde tout est fugitif. Or, lorsque l'homme se convertit à Dieu, l'appétit sensuel est arraché à ses anciennes habitudes. Mais si en même temps la doctrine spirituelle qui proclame la Trinité du Dieu créateur, ne répand pas dans l'âme la consolation et la joie, l'homme est en proie à de grandes angoisses, et il est comme accablé par les chagrins de cette vie. En effet, d'un côté on lui interdit la joie qui vient des objets extérieurs, et il ne jouit pas dans son âme de la consolation que produit la doctrine spirituelle. Cependant, qu'il ne cesse de prier, et Dieu se rendant à ses désirs lui donnera l'intelligence, quand même il n'aurait aucun maître pour lui enseigner la sagesse: «Si cependant l'autre continue de frapper, je vous le dis, quand celui-ci ne se lèverait pas pour lui en donner, parce qu'il est son ami; cependant, à cause de son importunité, il se lèvera», etc. C'est une comparaison du moins au plus; car si un ami se lève de son lit et donne ce qu'on lui demande, pour se débarrasser d'un importun plutôt que par amitié, à combien plus forte raison Dieu donnera-t-il, avec abondance, lui qui accorde avec tant de liberalité tout ce qu'on lui demande.

S. Aug. (serm. 29 sur les par. du Seign). Lors donc que vous aurez obtenu ces trois pains (c'est-à-dire la nourriture de votre âme dans l'intelligence de la Trinité), vous aurez l'aliment nécessaire à l'entretien de votre vie et de la vie des autres. Soyez sans inquiétude, donnez largement; car ce pain ne s'épuisera jamais, mais fera cesser votre indigence. Instruisez-vous et enseignez. Nourrissez votre âme, et donnez la nourriture à l'âme des autres.

Théophyl. Ou bien dans un autre sens, le milieu de la nuit est la fin de la vie qui amène à Dieu un si grand nombre d'hommes, et cet ami est l'ange qui est chargé de recevoir notre âme. Ou bien encore, le milieu de la nuit représente l'abîme profond des tentations, du sein duquel on demande à Dieu les trois pains qui nous sauvent dans les tentations en venant au secours de notre corps, de notre âme et de notre esprit. Cet ami qui arrive de voyage, c'est Dieu lui-même, qui nous éprouve par les tentations, et celui que la tentation accable n'a rien à lui donner. La porte est fermée, c'est-à-dire que c'est avant les tentations qu'il faut nous préparer, mais lorsque nous y sommes tombés, la porte de la préparation est fermée, nous sommes surpris dans notre imprévoyance, et si Dieu ne nous vient en aide, nous sommes en danger de périr.



Catena Aurea 10038