Catena Aurea 13039


CHAPITRE XI


vv. 1-5

13101 Jn 11,1-5

Bède. L'Évangéliste venait de dire que le Seigneur était allé au delà du Jourdain, et que c'est alors que Lazare tomba malade: «Or, il y avait un homme malade, nommé Lazare, de Béthanie». De là vient que dans quelques exemplaires la conjonction copulative se trouve placée en tête de ce récit, de manière à le rattacher à ce qui précède. Le mot Lazare signifie qui a été secouru; car de tous les morts que Jésus a ressuscites, Lazare est celui qui a reçu le secours le plus signale, puisque non-seulement Il était mort, mais dans le tombeau depuis quatre jours, lorsqu'il fut ressuscité. - S. Aug. (Traité 49, sur S. Jean). La résurrection de Lazare est un des plus éclatants miracles qu'ait opéré Noire-Seigneur. Mais si nous considérons l'auteur de ce miracle, notre joie doit être plus grande que notre étonnement. Celui qui a ressuscité un homme, est celui-là même qui a créé l'homme; car, créer l'homme est un acte, de puissance plus grande que de le ressusciter. Or, Lazare était malade à Béthanie, bourg où demeuraient Marthe et Marie, sa soeur, selon la remarque de l'Évangéliste. Ce bourg était proche de Jérusalem. - Alcuin. Et, comme il y avait plusieurs hommes du nom de Marie, pour nous faire éviter toute erreur, l'Évangéliste caractérise celle, dont il s'agit par une action très connue: «Marie était celle qui oignit de parfum le. Seigneur», etc.

S. Chrys. (hom. 62 sur S. Jean). Ce qu'il faut savoir tout d'abord, c'est, que ce ne fut pas cette femme de mauvaise vie dont il est parlé dans saint Luc. La soeur de Lazare était une femme vertueuse et empressée à recevoir le Sauveur. - S. Aug. (de l'accord des Evang., 2, 79). Ou bien encore, en s'exprimant de la sorte, saint Jean rend témoignage au récit de saint Luc, qui raconte, que ce fait se passa dans la maison d'un pharisien appelé Simon. Marie avait donc déjà répandu des parfums sur la tête de Jésus; elle renouvela cette action à Béthanie, comme le racontent les trois autres évangélistes, à l'exclusion de saint Luc, qui n'en parle point, parce que ce fait était étranger à son récit.

S. Aug. (Serm. 52, sur les par. du Seig). Lazare était donc atteint d'une langueur mortelle, et le feu dévorant de la fièvre consumait de jour en jour le corps de cet infortuné. Ses deux soeurs lui prodiguaient leurs soins, et, pleines de compassion pour leur jeune frère souffrant, elles restaient constamment près de son lit. Aussi les voyons-nous agir aussitôt dans son intérêt, «Ses soeurs donc envoyèrent dire à Jésus: Seigneur, voilà que celui que vous aimez est malade». - S. Aug. (Traité 49). Elles ne lui disent pas: Venez, et guérissez-le; elles n'osent lui dire: Commandez là où vous êtes, et la guérison aura lieu ici; elles se contentent de lui dire: «Voilà que celui que vous aimez est malade», c'est-à-dire, il suffit que vous en soyez averti, car vous n'abandonnez jamais celui que vous aimez.

S. Chrys. (hom. 62). Elles veulent, par ce message, réveiller la compassion pour son ami dans le coeur de Jésus; car elles agissaient encore avec lui comme avec un homme. Elles ne vinrent point trouver le Sauveur comme le Centurion et l'officier du roi; mais elles envoient vers lui, parce que la grande intimité qu'elles avaient avec Jésus-Christ leur inspirait une vive confiance dans sa bonté, et que d'ailleurs leur tristesse les retenait chez elles. - Théophyl. Ajoutons qu'il ne convient pas à des femmes de sortir trop facilement de leur maison. Mais quelle foi et quelle, confiance dans cette courte prière: «Voilà que celui que vous aimez est malade !» Elles reconnaissent dans le S eigneur une si grande puissance, qu'il leur paraît surprenant que la maladie ait pu atteindre un homme qui lui était si cher. «Ce qu'entendant Jésus, il leur dit: Cette maladie n'est pas pour la mort». - S. Aug. (Traité 49). La mort elle-même de Lazare n'était pas pour la mort, mais plutôt pour donner lieu à un grand miracle qui fit croire les hommes en Jésus-Christ et leur fit éviter la véritable mort. C'est pour cela qu'il ajoute: «Mais elle est pour la gloire de Dieu». C'est ainsi qu'il prouve indirectement qu'il est Dieu, contre les hérétiques, qui prétendent que le Fils de Dieu n'est pas Dieu. Notre-Seigneur explique, du reste, ces paroles: «Elle est pour la gloire de Dieu», en ajoutant: «Afin que le Fils de Dieu en soit glorifié», c'est-à-dire par cette infirmité. - S. Chrys. (hom. 62). La particule ut, afin, n'exprime pas ici la cause, mais ce qui arriva en effet, c'est-à-dire que l'infirmité eut une autre cause, et que Jésus la fit servir à la gloire de Dieu.

«Or, Jésus aimait Marthe, Marie, sa soeur, et Lazare». - S. Aug. Lazare était malade, ses soeurs dans la tristesse, et tous étaient aimés de Jésus. Ils étaient donc pleins d'espérance, parce qu'ils étaient aimés de celui qui est le consolateur des affligés et le salut des infirmes. - S. Chrys. (hom. 62). L'Évangéliste veut encore nous apprendre, par cette réflexion, à ne point nous attrister lorsque nous voyons des hommes de bien, des amis de Dieu éprouvés par la maladie et la souffrance.


vv. 6-10

13106 Jn 11,6-10

Alcuin. - Notre-Seigneur ayant appris la maladie de Lazare, diffère de le guérir et attend quatre jours entiers, afin d'avoir l'occasion d'opérer un plus grand miracle en le ressuscitant. «Ayant donc appris qu'il était malade, il demeura encore deux jours au lieu où il était». - S. Chrys. Il attend que Lazare ait rendu le dernier soupir, qu'il soit enseveli, qu'il exhale déjà une odeur infecte, afin que personne ne puisse dire: Il n'était pas encore mort lorsqu'il a paru le ressusciter; ce n'était qu'une léthargie, et non une mort véritable.

«Après cela, il dit à ses disciples: Retournons en Judée». - S. Aug. (Traité 49). Dans la Judée, où il avait failli être lapidé, et d'où il était parti comme un homme qui veut se dérober an danger; mais en revenant, il semble oublier sa faiblesse, pour ne faire paraître que sa puissance. - S. Chrys. (hom. 62). Nulle part ailleurs on ne le voit prévenir ses disciples du lieu où il doit aller; il le fait ici, parce qu'ils redoutaient grandement ce voyage, et qu'il veut leur épargner un trop vif sentiment de terreur ! «Ses disciples lui dirent: Maître, tout à l'heure les Juifs voulaient vous lapider, et vous retournez là ?» Ils craignaient tout à la fois pour lui et pour eux, car ils n'étaient pas encore affermis dans la foi.

S. Aug. Les hommes voulurent donc donner un conseil à Dieu, les disciples à leur Maître; aussi les en reprend-il immédiatement: «N'y a-t-il pas douze heures au jour ?» C'est pour signifier qu'il est lui-même le jour, qu'il a choisi douze disciples. En parlant ainsi, il avait en vue, non point Judas, mais son successeur; car, après la chute de Judas, Matthias lui succéda, et la perfection du nombre douze demeura dans son intégrité. Les heures sont éclairées par la lumière du jour, et c'est par la prédication des heures que le monde est amené à croire à celui qui est le jour. Suivez-moi donc, si vous ne voulez pas vous heurter, car: «Si quelqu'un marche pendant le jour, il ne se heurte point», etc. - S. Chrys. (hom. 62). C'est-à-dire, celui qui a la conscience pure de tout crime, n'aura rien à craindre d'aucune embûche; mais celui qui fait le mal, en souffrira la peine. Ne craignons donc point, car nous n'avons rien fait qui mérite la mort. Ou bien encore, celui que marche à la lumière extérieure de ce monde, est en pleine sécurité; à plus forte raison celui qui marche avec moi, à la condition qu'il ne s'écartera jamais de moi.

Théophyl. Il en est qui par le jour entendent le temps qui a précédé sa passion, et par la nuit, sa passion elle-même: Il leur dit donc: «Pendant qu'il est jour», c'est-à-dire avant que le temps de ma passion soit proche, vous n'avez rien à craindre, les Juifs ne vous persécuteront point. Mais lorsque la nuit sera venue, c'est-à-dire ma passion, alors vous serez comme plongés dans une nuit de tr ibulations.


vv. 11-16

13111 Jn 11,11-16

S. Chrys. (hom. 62 sur S. Jean). A ce premier encouragement donné aux Apôtres, le Sauveur eu ajoute un second, en leur apprenant que ce n'est pas à Jérusalem, mais à Béthanie, qu'ils doivent se rendre: «Il leur parla ainsi, et ensuite il leur dit: Notre ami Lazare dort, mais je vais le tirer de son sommeil», c'est-à-dire je ne retourne pas en Judée pour avoir de nouvelles discussions avec les Juifs, j'y vais pour réveiller notre ami. Il dit: «Notre ami», pour leur faire comprendre la nécessité de son voyage. - S. Aug. Rien de plus exact que cette expression: «Lazare dort». Aux yeux des hommes qui ne pouvaient pas le ressusciter Lazare était mort, mais pour le Seigneur il n'était qu'un homme endormi, car il pouvait plus facilement faire sortir un mort du tombeau, que vous ne pouvez réveiller un homme endormi. Il dit donc de Lazare qu'il dort, au point de vue de sa puissance, c'est dans ce sens que l'Apôtre lui-même a dit: «Nous ne voulons pas, mes frères, que vous ignoriez ce que vous devez savoir touchant ceux qui dorment. (1Th 4,12). Il appelle la mort des chrétiens un sommeil, parce qu'il annonçait leur résurrection. Mais de même qu'il y a une différence entre ceux que nous voyons tous les jours dormir et s'éveiller, et que les mêmes images ne se présentent pas à eux dans le sommeil, les uns ont des songes agréables, les autres en ont d'affreux; ainsi chacun s'endort du sommeil de la mort, et se réveille avec une cause de jugement qui lui est propre.

S. Chrys. (hom. 62). Ses disciples voulurent de nouveau s'opposer à son retour dans la Judée: «Ses disciples lui dirent: S'il dort, il guérira», car le sommeil est pour les malades un signe de guérison. Ils semblent donc lui dire: S'il dort, il est inutile que vous alliez le réveiller de son sommeil. - S. Aug. (Traité 49). La réponse des disciples est conforme au sens qu'ils ont donné aux paroles du Sauveur: «Jésus, dit l'Évangéliste, voulait parler de la mort de Lazare, mais ils pensaient qu'il parlait de l'assoupiss ement du sommeil». - S. Chrys. (hom. 62). Mais, dira-t-on, comment les disciples ne comprirent-ils pas que Lazare était mort, lorsque Jésus leur dit: «Je vais le réveiller de son sommeil ?» N'était-il pas ridicule de faire un voyage de plusieurs stades pour le réveiller simplement de son sommeil? Nous répondrons que les disciples virent dans cette manière de parler un langage figuré qui était très-ordinaire au Sauveur. - S. Aug. Il ne tarde pas du reste à expliquer ce qu'il y avait d'obscur dans cette expression: «Alors Jésus leur dit clairement: Lazare est mort». - S. Chrys. (hom. 62). Il n'ajoute pas ici: Je vais le ressusciter, car il ne voulait point proclamer par ses paroles ce que ses oeuvres devaient suffisamment établir; et il nous apprend ainsi tout à la fois à fuir la vaine gloire, et à ne pas nous contenter de faire de simples promesses.

«Et je me réjouis à cause de vous, de ce que je n'étais pas là». - S.Aug. (Traité 49). On lui avait annoncé la maladie et non la mort de Lazare; ma is que pouvait ignorer celui qui l'avait créé, et entre les mains duquel son âme était retournée au sortir de son corps? «Il leur dit donc: Je me réjouis à cause de vous de ce que je n'étais pas là, afin que vous croyiez». Ce devait être déjà pour eux un premier sentiment d'étonnement d'entendre le Seigneur leur annoncer une chose qu'il n'avait ni vue, ni entendue, la mort de Lazare. Nous devons ici nous rappeler que la foi des Apôtres eux-mêmes s'appuyait encore sur les miracles, non pour commencer d'être, mais pour se développer. Ces paroles: «Afin que vous croyiez», signifient donc: Afin que votre foi devienne plus ferme et plus robuste.

Théophyl. Voici une autre explication: «Je me réjouis à cause de vous», car mon absence, lors de la mort de Lazare, doit être pour vous un nouveau motif de foi. En effet, si j'eusse été présent, je l'aurais guéri de sa maladie, ce qui n'eût donné qu'une faible idée de ma puissance. Mais comme sa mort est arrivée en mon absence, votre foi en moi n'en deviendra q ue plus forte, lorsque vous verrez que je puis ressusciter un mort qui tombe déjà en pourriture.

S. Chrys. (hom. 62). Tous les disciples avaient une grande crainte des Juifs, mais par-dessus tout Thomas: «Sur quoi Thomas, qui est appelé Didyme, dit aux autres disciples: Allons et mourons avec lui». Il était le plus faible de tous et celui qui avait le moins de foi, mais il devint par la suite le plus fort et le plus indomptable, parcourant seul le monde entier, et se trouvant tous les jours au milieu de peuples qui voulaient le mettre à mort. - Bède. On peut encore dire que les disciples, instruits par les paroles qui précèdent, n'osèrent plus contredire leur divin Maître; mais Thomas entre tous exhorte les autres disciples à suivre leur Maître et à mourir avec lui. Il donne en cela une grande preuve de courage; car il parle ainsi comme un homme qui était disposé à faire ce qu'il conseille aux autres, et qui, comme plus tard Pierre, oubliait sa propre fragilité.


vv. 17-27

13117 Jn 11,17-27

Alcuin. Le dessein de Notre-Seigneur en retardant son départ, était de laisser passer quatre jours et de rendre plus glorieuse la résurrection de Lazare: «Jésus vint donc et il le trouva mis dans le sépulcre depuis quatre jours». - S. Chrys. (hom. 62). Le Sauveur était encore resté deux jours dans le même endroit, et l'envoyé était arrivé deux jours auparavant, le jour même de la mort de Lazare, c'est donc le quatrième jour que Notre-Seigneur vint à Béthanie.

S. Aug. On peut expliquer ces quatre jours de plusieurs manières différentes, car une même chose peut avoir diverses significations. Le péché que l'homme reçoit avec la transmission de la vie est un premier jour de mort; la transgression de la loi naturelle est un second jour de mort; le troisième c'est le mépris de la loi écrite, que Dieu a donnée par Moïse, et la violation de la loi de l'Évangile est le quatrième jour de mort. Or, le Seigneur ne dédaigne pas de venir pour ressusciter de semblables morts. - Alcuin. Ou bien encore, le premier péché qui a existé, c'est l'enflure du coeur; le second, le consentement; le troisième, l'acte; le quatrième, l'habitude.

«Or, Béthanie était près de Jérusalem, à quinze stades environ», c'est-à-dire à deux mille. L'Évangéliste fait cette remarque pour montrer qu'il était très-naturel qu'un grand nombre de Juifs fussent venus de Jérusalem: «Beaucoup de Juifs étaient venus près de Marthe et de Marie pour les consoler de la mort de leur frère»; Mais comment les Juifs purent-ils venir consoler les amies de Jésus, après avoir décidé que celui qui le reconnaîtrait pour le Christ, serait chassé de la synagogue? Ils vinrent les consoler ou à cause des convenances dues au malheur, ou par égard pour la condition élevée des deux soeurs de Lazare. Ou bien encore, ceux qui vinrent n'étaient pas de ceux qui s'étaient déclarés contre Jésus; car un grand nombre d'entre eux croyaient en lui. Or, l'Évangéliste fait mention de cette circonstance, comme preuve que Lazare était véritablement mort.

Bède. Notre-Seigneur n'était pas encore entré dans le bourg de Béthanie, et c'est au dehors du bourg que Marthe vient au-devant de lui: «Marthe ayant donc appris que Jésus venait, alla au-devant de lui». - S. Chrys. Elle n'a point pris sa soeur avec elle pour aller au-devant de Jésus-Christ, elle veut lui parler en particulier, l'informer de ce qui est arrivé, et ce n'est qu'après que Jésus lui a donné bon espoir qu'elle retourne appeler Marie. - Théophyl. Elle ne fait pas connaître d'abord son dessein à sa soeur, parce qu'elle veut le laisser ignorer à ceux qui étaient présents. Si, en effet, Marie eut appris que Jésus approchait, elle eût été à sa rencontre, et les Juifs qui étaient Tenus l'auraient accompagnés. Or, Marthe ne voulait pas leur faire connaître l'arrivée de Jésus.

«Marthe dit donc à Jésus: Seigneur, si vous eussiez été ici, mon frère ne serait pas mort». - S. Chrys. (hom. 62). Elle croyait en Jésus-Christ, mais sa foi n'était pas encore ce qu'elle devait être; elle ne savait pas encore qu'il était Dieu, voilà pourquoi elle lui disait: «Si vous eussiez été ici, mon frère ne serait pas mort». - Théophyl. Elle paraît douter que Jésus tout absent qu'il était, eût pu, s'il l'eût voulu empêcher son frère de mourir. - S. Chrys. Elle ne savait pas encore non plus que Jésus agirait ici en vertu de sa propre puissance, comme nous le voyons dans ce qu'elle dit au Sauveur: «Cependant, maintenant encore, je sais que tout ce que vous demanderez à Dieu, Dieu vous le donnera», elle regarde ici Jésus comme un homme vertueux et aimé de Dieu. - S. Aug. (Traité 49). Elle ne lui dit pas: Je vous prie de ressusciter mon frère; car comment pouvait-elle savoir qu'il serait utile à son frère de ressusciter? Elle se contente de dire au Sauveur: «Je sais que vous pouvez le faire, si vous le voulez, mais ce n'est pas à moi, c'est à vous seul qu'il appartient de juger, s'il est utile de le faire». - S. Chrys. Notre-Seigneur lui enseigne alors la vérité qu'elle ne savait point: «Jésus lui répondit: Votre frère ressuscitera». Il ne lui dit pas: Je demanderai à Dieu qu'il ressuscite. Il ne dit pas non plus: Je n'ai pas besoin de secours, je fais tout de moi-même, ce qui eût paru surprenant à cette femme; il prend un moyeu terme et lui dit: «Votre frère ressuscitera». - S. Aug. Il y avait cependant quelque ambiguïté dans cette expression: «Il ressuscitera», puisque Jésus ne disait pas: Il va ressusciter actuellement. Aussi Marthe lui dit: «Je sais qu'il ressuscitera à la résurrection, au dernier jour», je suis certaine de cette résurrection, mais je ne le suis pas de celle qui aurait lieu immédiatement.

S. Chrys. (hom. 62). Marthe avait souvent entendu Jésus-Christ parler de la résurrection; il lui fait donc connaître ici clairement sa puissance: «Jésus lui dit: Je suis la résurrection et la vie». Il loi prouve ainsi qu'il n'a point besoin d'un secours étranger, car si ce secours lui était nécessaire, comment serait-il la résurrection? S'il est lui-même la vie, il n'est limité par aucun espace, il existe partout, et partent aussi il peut faire sentir sa vertu bienfaisante. - Alcuin. Je sois la résurrection, par la même raison que je suis la vie, et celui qui un jour doit ressusciter votre frère avec tous les autres hommes, peut aussi bien le ressusciter dès aujourd'hui. - S. Chrys. Marthe lui a dit: «Tout ce que vous demanderez, Dieu vous le donnera»; et Jésus lui répond: «Celui qui croit en moi, fût-il mort, vivra», il lui apprend ainsi qu'il est le dispensateur de tous les biens, et que c'est à lui qu'il faut les demander, et il élève en même temps son intelligence à de plus hautes pensées, car il ne se proposait pas seulement de ressusciter Lazare, mais de rendre tous ceux qui étaient présents témoins de sa résurrection. - S. Aug. Voici donc l'explication des paroles du Sauveur: «Celui qui croit en moi, fût-il mort (dans son corps), vivra (dans son âme), jusqu'au jour où son corps ressuscitera pour ne plus mourir, car la vie de l'âme c'est la foi». Il ajoute: «Et quiconque vit (de la vie du corps) et croit en moi (quand bien même il viendrait à perdre pour un temps cette vie du corps), il ne mourra point pour toujours. - Alcuin. A cause de la vie de l'esprit et de l'immortalité de la résurrection. Le Seigneur, pour qui rien n'est caché, savait que Marthe croyait ces vérités, mais il voulait qu'elle fit extérieurement la profession de foi qui sauve. Il lui demande donc: «Croyez-vous cela ?» Elle lui répondit: «Oui, Seigneur, je crois que vous êtes le Christ, le Fils du Dieu vivant, qui êtes venu en ce monde». - S. Chrys. (hom. 62). Marthe ne me parait pas avoir compris entièrement ce que Jésus lui avait dit; elle comprit qu'il s'agissait d'un grand mystère, mais elle ne savait encore ce que c'était; aussi ne ré-pond-elle pas directement à la question que lui fait le Sauveur. - S. Aug. Ou bien encore: en croyant que vous êtes le Fils de Dieu, je crois que vous êtes la vie, car celui qui croit en vous, vivra alors même qui perdra la vie du corps.


vv. 28-32

13128 Jn 11,28-32

S. Chrys. (hom. 63). Les paroles de Jésus-Christ eurent la puissance de mettre fin à la douleur de Marthe, car la pieuse affection qu'elle avait pour le divin Maître ne lui permettait pas de se livrer à l'affliction que lui causait la mort de son frère: «Lorsqu'elle eut parlé ainsi, elle s'en alla et appela à voix basse Marie, sa soeur». - S. Aug. (Traité 49). L'Évangéliste dit qu'elle l'appela en silence, c'est-à-dire, à voix basse, car comment dire qu'elle a fait tout en silence, puisqu'elle lui dit: «Le Maître est là, il vous appelle ?» - S. Chrys. (hom. 63). Elle appelle sa soeur en secret, car si les Juifs eussent appris l'arrivée de Jésus, ils se seraient retirés et n'eussent pas été témoins du miracle.

S. Aug. Il est à remarquer que l'Évangéliste ne dit ni le lieu, ni le moment où le Seigneur appela Marie, ni de quelle manière; pour abréger son récit, il ne nous fait connaître cette circonstance que par les paroles de Marthe. - Théophyl. Peut-être aussi Marthe regarda-t-elle la présence seule de Jésus-Christ comme un appel, et semble-t-elle dire à sa soeur: Vous ser iez inexcusable si, le Seigneur étant là, vous n'alliez pas à sa rencontre.

S. Chrys. (hom. 63). Un cercle d'amis entouraient Marie, plongée dans la douleur et dans les larmes. Cependant elle n'attend pas que le Maître vienne la trouver, elle n'est retenue ni par les bienséances de sa condition, ni par son profond chagrin, elle se lève aussitôt pour aller à sa rencontre: «Ce que celle-ci ayant entendu, elle se leva aussitôt et vint à lui». - S. Aug. Nous voyons par-là que Marthe n'eût pas eu besoin de prévenir sa soeur, si Marie eût connu l'arrivée de Jésus.

«Car Jésus n'était pas encore entré dans le bourg». - S. Chrys. Notre-Seigneur approchait lentement, il ne voulait point paraître se jeter au-devant du miracle, mais il attendait qu'on vînt l'en prier, c'est ce que l'Évangéliste semble vouloir indiquer en termes couverts, lorsqu'il dit que Marie se leva aussitôt, ou bien il veut nous apprendre qu'elle vint à sa rencontre pour prévenir son arrivée. Or elle vint, non pas seule, mais accompagnée de tous les Juifs qui étaient avec elle: «Cependant les Juifs, qui étaient dans la maison avec Marie, et la consolaient, la suivirent», etc. - S. Aug. L'Évangéliste a pris soin de mentionner cette circonstance, pour nous apprendre la raison pour laquelle il y avait tant de monde, lorsque Lazare fut ressuscité; c'était pour qu'un plus grand nombre fussent témoins d'un aussi grand miracle que la résurrection d'un mort de quatre jours.

«Lorsque Marie fut arrivée au lieu où était Jésus, le voyant, elle se jeta à ses pieds». - S. Chrys. (hom. 63). Marie était plus ardente que sa soeur, elle n'est arrêtée ni par la multitude, ni par les préjugés que les Juifs avaient contre Jésus-Christ, ni par la présence de plusieurs de ses ennemis personnels, la vue du Sauveur lui fait mépriser toutes les considérations humaines, et elle n'est préoccupée que d'une seule pensée, l'honneur de son divin Maître. - Théophyl. Cependant elle ne parait pas avoir de lui une idée encore assez relevée, en lui disant: «Seigneur, si vous eussiez été ici, mon frère ne fût pas mort». - Alcuin. Tant que vous êtes demeuré avec nous, aucune maladie, aucune infirmité n'ont osé apparaître chez celles qui avaient pour hôte et pour habitant la vie elle-même. - S. Aug. (serm. 52 sur les paroles du Seigneur). Quel pacte déloyal ! Lazare, votre ami, meurt pendant que vous êtes encore sur cette terre, et si vous laissez mourir votre ami de la sorte, à quoi doit s'attendre votre ennemi? C'est peu que les cieux ne vous obéissent point, voici que les enfers vous ont enlevé celui que vous aimez. - Bède. Marie parle moins à Jésus que n'avait fait sa soeur, car par un effet ordinaire de la douleur et des larmes, elle ne put épancher les sentiments dont son coeur était plein.


vv. 33-40

13133 Jn 11,33-40

S. chris, (hom. 63 sur S. Jean). Jésus ne répond rien à Marie, il ne lui tient pas le même langage qu'à sa soeur, il était environné d'une grande multitude, et ce n'était pas le moment de faire de longs discours, mais il s'abaisse, il s'humilie, et dévoile en lui les sentiments de la nature humaine. Comme il allait opérer un grand miracle qui devait lui gagner beaucoup de disciples, il s'entoure d'un grand nombre de témoins, et montre qu'il a véritablement pris notre nature: «Jésus la voyant pleurer, et les Juifs, qui étaient venus avec elle pleurer aussi, fut ému en lui-même et se troubla». - S. Aug. (Traité 49 sur S. Jean). Qui pourrait le troubler, si ce n'est lui-même? Jésus-Christ a été troublé parce qu'il l'a voulu, il a eu faim parce qu'il l'a voulu, il était en son pouvoir de se prêter ou de se soustraire à ces impressions, car le Verbe a pris une âme et un corps, et s'est uni la nature humaine tout entière en unité de personne; or, là où se trouve une puissance souveraine, la faiblesse humaine ne peut être troublée qu'autant que cette puissance souveraine y consent. - Théophyl. C'est afin de prouver la vérité de sa nature humaine, qu'il lui commande de manifester les sentiments qui lui sont propres, et c'est par la vertu de l'Esprit saint qu'il lui donne cet ordre, et qu'il réprime ses trop vives émotions. Le Seigneur veut que la nature humaine subisse ces épreuves, pour nous prouver qu'il était homme en réalité et non-seulement en apparence, et aussi pour nous enseigner à mettre des bornes à la tristesse comme à la joie, car n'être accessible à aucun sentiment de compassion ou de tristesse, c'est l'insensibilité de la brute, comme aussi il n'appartient qu'aux caractères efféminés de se livrer sans mesure à ces affections.

«Et il dit: Où l'avez-vous mis ?» - S. Aug. (serm. sur les par. du Seig). Ce n'est pas qu'il ignorât le lieu où Lazare était enseveli, mais il voulait éprouver la foi de ce peuple. - S. Chrys. (hom. 63). Il ne veut pas se mettre en avant, et il veut être instruit par les autres et ne rien faire que sur leur prière, pour ne laisser aucune place au soupçon. - S. Aug. (Liv. des 83 quest., quest. 65). Cette question du Sauveur est comme le symbole de notre vocation qui se passe dans le secret, car la prédestination de notre vocation est une chose cachée, et la marque qu'elle est secrète, c'est la question que fait le Seigneur sur ce sujet comme s'il l'ignorait, alors que c'est nous-mêmes qui l'ignorons. Ou bien peut-être est-ce parce que le Seigneur déclare dans un autre endroit qu'il ne connaît pas les pécheurs auxquels il dit: «Je ne vous connais pas», (Mt 7, 25) parce que les péchés se commettent en dehors de la loi et de ses préceptes: «Ils lui répondirent: Seigneur, venez et voyez». - S. Chrys. (hom. 63). Il n'avait encore fait aucun miracle de résurrection, il leur paraissait donc ne se diriger vers le tombeau que pour pleurer sur Lazare, et non pour le ressusciter, c'est pour cela qu'ils lui disent: «Venez et voyez».
- S. Aug. Le Seigneur voit lorsqu'il a compassion, c'est pour cela que le Psalmiste lui dit: «Voyez mon humiliation et ma douleur, et pardonnez-moi tous mes crimes» (Ps 24)

«Et Jésus pleura». - Alcuin. Il était la source inépuisable de la bonté, et il pleurait comme homme celui qu'il pouvait ressusciter par un acte de sa puissance divine. - S. Aug. Or, pourquoi Jésus a-t-il pleuré? pour enseigner aux hommes à verser eux-mêmes des larmes. - Bède. Les hommes ont coutume de pleurer les personnes chères que la mort leur a enlevées. Les Juifs crurent que Jésus pleurait sons l'impression de ce sentiment, et c'est ce qui leur fait dire: «Voyez comme il l'aimait !» - S. Aug. Que signifient ces paroles: Il l'aimait ?» «Je ne suis pas venu appeler les justes mais les pécheurs à la pénitence». «Mais quelques-uns d'entre eux dirent: Ne pouvait-il pas, lui qui a ouvert les yeux d'un aveugle-né, faire que cet homme ne mourût point ?» Il fera bien plus, puisqu'il va le ressusciter après sa mort. - S. Chrys. Ceux qui parlèrent ainsi étaient de ses ennemis, ils se servent pour le calomnier d'un fait qui aurait dû leur faire admirer sa puissance, c'est-à-dire, la guérison de l'aveugle-né, et ils se plaignent que Jésus n'ait pas empêché par un miracle Lazare de mourir. Une nouvelle preuve de leur perversité, c'est qu'ils prennent le rôle d'accusateurs avant même que Jésus soit arrivé au tombeau, et sans attendre l'issue de l'événement: «Jésus donc, frémissant de nouveau en lui-même, vint au tombeau». L'Évangéliste prend soin de répéter que Jésus pleura, et frémit en lui-même pour vous convaincre qu'il a pris véritablement notre nature. L'Évangéliste saint Jean nous a décrit les grandeurs du Verbe incarné, bien plus magnifiquement que ne l'ont fait les autres évangélistes, et par une même raison, il s'appesantit davantage sur ses humiliations. - S. Aug. Frémissez aussi en vous-même si vous voulez reprendre une nouvelle vie, c'est, ce qu'on peut dire à tout homme qui est accablé sous le poids d'une habitude criminelle: «C'était une grotte et une pierre était posée dessus». Ce mort étendu sous la pierre, c'est l'homme coupable sous la loi, car la loi qui fut donnée aux Juifs, était écrite sur la pierre. Tous les coupables sont sous la loi, mais la loi n'a pas été établie pour le juste. (1Tm 1) - Bède. Une grotte est une excavation pratiquée dans un rocher. On appelle monuments ces grottes qui servent de tombeau, parce qu'ils avertissent notre âme (mentem monet), et leur rappellent le souvenir des morts.

«Jésus leur dit: Otez la pierre». - S. Chrys. Pourquoi le Sauveur n'a-t-il pas ressuscité Lazare sans que la pierre fût ôtée? Celui qui, d'une seule parole, rendit la vie et le mouvement à ce cadavre, ne pouvait-il pas, à plus forte raison, ôter la pierre qui fermait le tombeau? Oui, sans doute, mais il ne l'a pas fait, parce qu'il voulait rendre les Juifs témoins de ce miracle, et les empêcher de dire ce qu'ils avaient dit de l'aveugle-né: «Ce n'est pas lui», car leurs mains qui roulaient cette pierre et leur présence au tombeau attestaient d'une manière infaillible que c'était bien Lazare. - S. Aug. Dans le sens allégorique, ces paroles: «Otez la pierre»,signifient: Enlevez le poids de la loi, et annoncez la grâce de la loi nouvelle. - S. Aug. (Lim. des 83 quest., quest. 65). Ceux à qui le Sauveur donne cet ordre, me paraissent figurer les Juifs qui voulaient imposer le fardeau de la circoncision aux Gentils, qui entraient dans l'Eglise; ou bien, les chrétiens qui, au sein de l'Eglise même, mènent une vie corrompue et sont un scandale pour ceux qui veulent embrasser la foi.

S. Aug. (serm. 82 sur les par. Du Seign). Cependant Marie et Marthe, soeurs de Lazare, qui avaient va souvent Jésus ressusciter des morts ne croient pas entièrement qu'il puisse ressusciter leur frère: «Marthe, la soeur de celui qui était mort, lui dit: «Seigneur, il sent déjà mauvais», etc. - Théophyl. Marthe parle de la sorte sous l'impression d'un sentiment de défiance qui lui fait regarder comme impossible la résurrection de son frère après quatre jours qu'il était dans le tombeau. - Bède. On peut dire encore que ces paroles sont l'expression de J'étonnement et de l'admiration plutôt que de la défiance. - S. Chrys. Elles peuvent servir aussi à fermer la bouche aux incrédules, et nous voyons ainsi concourir à la démonstration de ce miracle les mains qui ont ôté la pierre, les oreilles qui ont entendu la voix de Jésus-Christ, les yeux qui ont vu Lazare sortir du tombeau, et l'odorat qui sentait l'odeur que son cadavre exhalait.

Théophyl. Notre-Seigneur rappelle à la soeur de Lazare ce qu'il lui avait déjà dit, et qu'elle paraissait avoir presque oublié: «Jésus lui répondit: Ne vous ai-je pas dit que si vous croyiez, vous verriez la gloire de Dieu ?» - S. Chrys. (hom. 63). Marthe ne se souvenait plus en effet de ce que Jésus-Christ lui avait dit: «Celui qui croit en moi fût-il mort, vivra». En parlant à ses disciples, il leur avait dit: «Afin que le Fils de Dieu soit glorifié par cette maladie». Ici il ne parle que de Dieu le Père, les dispositions imparfaites de ceux qui l'écoutaient le forçaient ainsi de modifier son langage. Il ne voulait point jeter le trouble dans l'âme de ceux qui étaient présents, et c'est pour cela qu'il dit à Marthe: «Vous verrez la gloire de Dieu». - S. Aug. (Traité 49). La gloire de Dieu parut en effet dans la résurrection d'un mort de quatre jours exhalant déjà l'odeur infecte du tombeau.

«Ils ôtèrent donc la pierre». - Orig. (Traité 28 sur S. Jean). Le retard que l'on mit à enlever cette pierre, vint de la soeur de Lazare; si elle n'avait pas dit: «Il sent déjà mauvais, car il y a quatre jours qu'il est là», Jésus n'eût pas été obligé de donner l'ordre d'ôter la pierre. Ils enlevèrent donc cette pierre, mais plus tard qu'elle n'aurait du l'être. Il est souverainement utile de ne mettre aucun intervalle entre les ordres de Jésus et leur exécution.



Catena Aurea 13039