Catena Aurea 12313

vv. 13

12313 Jn 3,13

S. Aug. (Du bapt. des enfants, 1, 31). Après avoir relevé l'ignorance de ce pharisien qui s'élevait au-dessus des autres à cause de son titre de docteur, et blâmé l'incrédulité de ceux qui refusent de recevoir le témoignage de la vérité, Notre-Seigneur ajoute qu'il en est cependant qui croiront malgré l'incrédulité des autres, et à cette question: «Comment cela peut-il se faire ?» il répond: «Et personne n'est monté au ciel que celui qui est descendu du ciel, le Fils de l'homme qui est dans le ciel», paroles dont voici le sens: L'effet de la génération spirituelle est de rendre les hommes célestes de terrestres qu'ils étaient, grâce qu'ils ne peuvent obtenir qu'en devenant mes membres, de manière que celui qui monte soit le même qui est descendu, c'est-à-dire que Notre-Seigneur regarde son corps ou son Eglise comme lui-même. - S. Grég. (Moral,, 27, 11). Comme nous sommes devenus une seule chose avec lui, il remonte seul avec nous dans le ciel d'où il est descendu seul en lui-même; et ainsi celui qui reste toujours dans le ciel, ne cesse de monter tous les jours dans le ciel. - S. Aug. (Du bapt. des enfants). Bien que ce soit sur la terre qu'il soit devenu Fils de l'homme, il n'a point jugé indigne de sa divinité qui est descendue jusqu'à nous de porter le nom de Fils de l'homme, tout en restant dans le ciel, de même qu'il a honoré son humanité du nom de Fils de Dieu, car l'unité de personne qui existe entre les deux natures fait qu'il n'y a qu'un seul Christ et fils de Dieu qui s'est rendu visible sur la terre, de même que le Fils de l'homme demeurait dans les deux. La foi a des mystères plus incroyables, prépare à croire des vérités moins difficiles; car si la nature divine si éloignée de nous a pu cependant s'unir à la nature humaine, de manière à ne former qu'une seule personne; il est bien plus facile de croire que les hommes sanctifiés ne fassent qu'un avec le Fils de Dieu fait homme, et que tandis que tous montent au ciel par un effet de sa grâce, il monte lui seul au ciel d'où il est descendu.

S. Chrys. (hom. 27). Ou bien encore, comme Nicodème l'avait abordé en lui disant: «Nous savons que vous êtes un docteur envoyé de Dieu», Notre-Seigneur veut détruire l'idée qui faisait de lui un maître à la manière des nombreux prophètes qui avaient paru sur la terre, et c'est pour cela qu'il ajoute: «Et personne n'est monté au ciel que celui qui est descendu du ciel, le Fils de l'homme qui est dans le ciel». - Théophyl. Lorsque vous entendez dire que le Fils de l'homme est descendu du ciel, n'allez pas croire que la chair elle-même en est descendue, c'est là une erreur des hérétiques qui enseignaient que le Christ avait pris son corps dans le ciel, et n'avait fait que passer par le sein de la Vierge. - S. Chrys. (hom. 27). La dénomination de Fils de l'homme ici ne comprend pas seulement la chair du Sauveur, mais désigne toute sa personne par celle des deux natures qui est inférieure. Maintes fois Notre-Seigneur la désigne tout entière sous le nom de sa divinité, ou sous celui de son humanité. - Bède. Qu'un homme descende sans vêtements du sommet d'une montagne dans une vallée, et qu'il remonte sur cette montagne après s'être revêtu de ses habits et de ses armes, on pourra dire avec raison que celui qui remonte est le même qui est descendu.

S. Hil. (De la Trin., 10). Ou bien encore, en tant qu'il est descendu du ciel, il est le principe de sa conception dans le sein de Marie, car ce n'est pas d'elle-même qu'elle a donné naissance au corps du Sauveur, bien qu'elle ait contribué pour toute la part naturelle à son sexe au développement et à l'enfantement de ce corps. Or, il est devenu le Fils de l'homme par suite de la chair qu'il a prise dans le sein de la Vierge. Il est dans le ciel en vertu de cette nature divine et immuable dont l'infinité ne fut jamais resserrée dans les limites étroites d'un corps matériel, mais qui, tout en demeurant par la puissance du Verbe, sous la forme d'un serviteur, ne laissa pas comme maître du ciel et de la terre d'être présent par son immensité dans toutes les parties de ce vaste univers. Il est donc descendu du ciel, parce qu'il est le Fils de l'homme, et il est dans le ciel, parce que le Verbe en se faisant chair n'a point perdu sa nature de Verbe de Dieu. - S. Aug. (Traité 12). Vous êtes surpris qu'il soit à la fois sur la terre et dans le ciel, mais il communique le même privilège à ses disciples. Ecoutez saint Paul: «Notre vie, dit le grand Apôtre, est dans les cieux». Or, si saint Paul qui n'était qu'un homme vivait à la fois sur la terre et dans les cieux, le Dieu du ciel et de la terre ne pouvait-il pas être en même temps dans le ciel et sur la terre? - S. Chrys. (hom. 27). Voyez comme ce qui nous parait élevé est indigne de la grandeur du Fils de Dieu. Non-seulement il est dans le ciel, mais il remplit tout de son immensité. Cependant il condescend à la faiblesse de celui à qui il parle, et il l'élève peu à peu à des idées plus sublimes.


vv. 14-15

12314 Jn 3,14-15

S. Chrys. (hom. 27). Le Sauveur vient d'exposer les grands bienfaits du baptême, il en découvre maintenant la cause, c'est-à-dire la croix: «Et comme Moïse a élevé le serpent», etc. - Bède. Il attire ce docteur de la loi mosaïque dans le sens spirituel de cette loi, et il lui rappelle un fait de l'ancienne histoire de sa nation qu'il lui présente comme la figure de sa passion et du salut du genre humain. - S. Aug. (du bap. des enf., 32). Un grand nombre d'Israélites moururent par suite des morsures des serpents; ce fut donc par ordre du Seigneur, que Moïse éleva dans le désert un serpent d'airain, et ceux qui le regardaient étaient aussitôt guéris. Ce serpent élevé, c'est le symbole de la mort de Jésus-Christ, avec cette particularité que c'est ce qui produit le mal qui devient ici le signe de ce qui doit la réparer. C'est le serpent, en effet, qui a été l'auteur de la mort, en persuadant à l'homme le péché qui a été la cause de sa mort. Or, Notre-Seigneur n'a point transporté dans sa chair le péché qui était le venin du serpent, mais seulement la mort. Ainsi sa chair qui n'avait que la ressemblance du péché a souffert la peine séparée du péché, pour détruire dans la vraie chair du péché et la peine et la faute.

Théophyl. Considérez maintenant le rapport de la figure à la vérité. Ce serpent d'airain avait la forme d'un serpent sans en avoir le venin, et c'est ainsi que Notre-Seigneur est venu avec la ressemblance de la chair de péché, mais sans le moindre péché. Il a été élevé, c'est-à-dire suspendu dans les airs, pour sanctifier l'air après avoir sanctifié la terre en la parcourant. On peut encore entendre par cette élévation la gloire de Jésus-Christ; car cette élévation de la croix sur laquelle il a été attaché, est devenue la gloire du Sauveur. Il veut être jugé par les hommes, et la sentence qu'ils prononcent contre lui devient le jugement qu'il porte lui-même contre le prince du monde. Adam a été soumis justement à la mort parce qu'il a péché, mais le Seigneur, en souffrant injustement la mort, a triomphé de celui qui l'avait livré à la mort et a délivré ainsi Adam de la mort. Mais le démon s'est trouvé complètement vaincu; car il n'a pu inspirer au Sauveur attaché sur la croix aucun sentiment de haine contre ceux qui crucifiaient; au contraire, son amour pour eux semblait s'en accroître, et le portait à prier son Père pour eux. C'est ainsi que la croix de Jésus-Christ est devenue son exaltation et sa gloire. - S. Chrys. (hom. 27). Notre-Seigneur ne dit pas: Il faut que le Fils de l'homme soit suspendu, mais: «Il faut qu'il soit élevé», cette dernière expression est plus convenable, et le Sauveur s'en sert pour montrer le rapport intime de l'Ancien Testament avec le Nouveau, nous apprendre que ce n'est point malgré lui qu'il a souffert la mort, et que cette mort a été pour un grand nombre un principe de vie et de salut.

S. Aug. (du bapt. des enf). Ceux qui regardaient le serpent d'airain élevé dans les airs, étaient guéris de la maladie, et délivrés de la mort; de même celui qui reproduit en lui la ressemblance de la mort de Jésus-Christ en croyant en lui et en recevant le baptême, est délivré tout à la fois du péché par la justification, et de la mort par la résurrection. C'est ce que le Sauveur exprime par les paroles suivantes: «Afin que tout homme qui croit en lui ne périsse point, mais qu'il ait la vie éternelle». Quel besoin pour l'enfant de reproduire en lui la mort de Jésus-Christ par le baptême, si son âme n'était point infectée par la morsure du serpent ?

S. Chrys. (hom. 27). Il n'est pas sans intérêt de remarquer que Notre-Seigneur jette comme un voile sur sa passion, pour ne point répandre la tristesse dans l'âme de celui qui l'écoutait; mais il parle ouvertement du fruit de sa passion; car si ceux qui croient au crucifié ne périssent pas, à plus forte raison celui qui a été crucifié ne doit point périr.

S. Aug. (Traité 12 sur S. Jean). Il y a cette différence entre la figure et la réalité, que les Israélites étaient guéris de la mort pour cette vie temporelle, tandis que les autres le sont pour la vie éternelle.


vv. 16-18

12316 Jn 3,16-18

S. Chrys. (hom. 27). Notre-Seigneur venait de dire: «Il faut que le Fils de l'homme soit élevé», paroles qui sont une prédiction voilée de sa mort, il craint donc qu'elles ne jettent la tristesse dans l'âme de Nicodème, qu'elles ne lui donnent de sa personne une idée toute humaine, et ne lui fassent regarder la mort comme le terme définitif de son existence; il redresse donc ses idées, en lui enseignant que c'est le Fils de Dieu qui est livré à la mort, et que sa mort a été la cause de la vie éternelle. Il ajoute donc: «C'est ainsi que Dieu a aimé le monde, qu'il lui a donné son Fils unique». Ne soyez donc pas surpris, s'il est nécessaire que je sois élevé en croix pour votre salut, telle est la volonté de mon Père, qui vous a aimés à ce point, de livrer son Fils pour des serviteurs ingrats et impies: «C'est ainsi que Dieu a aimé le monde !» Il ne pouvait exprimer plus fortement la grandeur de cet amour; car ces deux termes: Dieu et le monde, sont sépares par une distance infinie. En effet, c'est celui qui est immortel, qui est sans commencement, dont la grandeur est infinie, qui a aimé ceux qui sont sortis de la terre et de la cendre, et qui sont pleins de péchés innombrables. Mais ce qui suit exprime plus fortement encore cet amour: Ce n'est pas un serviteur, ce n'est pas un ange, ce n'est pas un archange, c'est son propre Fils qu'il a donné. S'il eût eu plusieurs fils, et qu'il en eût sacrifié un, ce serait déjà la preuve d'un amour immense, mais c'est son Fils unique qu'il nous a donné. - S. Hil. (de la Trin., 6). Donner une créature à une autre créature est un témoignage d'amour, et cependant le don d'une chose de si peu d'importance, et que nous devons bientôt perdre, n'a pas grand mérite. Les présents d'un grand prix attestent une charité plus étendue, et les grands dons sont la preuve d'un grand amour. Dieu a aimé le monde, et lui a donné non pas un fils adoptif, mais son Fils unique, son Fils propre, son Fils par naissance, son Fils véritable. Ce n'est point ici un fils par création, par adoption, un fils qui ne le serait pas en réalité. Quel plus grand témoignage d'amour et de charité que d'avoir donné pour le salut du monde un Fils, son Fils propre, son Fils unique !

Théophylacte. Notre-Seigneur a dit plus haut que le Fils de l'homme est descendu du ciel, bien que la chair n'en soit point descendue; et il s'exprime de la sorte, parce qu'en vertu de l'unité de personne qui est en Jésus-Christ, il attribue à l'homme toutes les propriétés de la nature divine. De même ici, il attribue au Verbe de Dieu les propriétés de la nature humaine. En effet, le Fils de Dieu est toujours demeuré impassible, mais comme en vertu de l'union hypostatique le Fils de Dieu et l'homme qui a souffert la mort ne faisaient qu'une seule personne, on dit que le Fils de Dieu a été livré à la mort, parce qu'il a souffert véritablement, non pas dans sa propre nature, mais dans la chair qu'il s'était rendue propre. Or, les plus grands avantages découlent pour nous de ce don qui dépasse la portée de l'esprit humain. Ecoutez la suite: «Afin que tout homme qui croit en lui, ne périsse pas, mais qu'il ait la vie éternelle». En effet, l'Ancien Testament promettait aux fidèles observateurs de la loi de longs jours sur la terre, l'Évangile promet une vie impérissable et éternelle.

Bède. Remarquez que Notre-Seigneur applique au Fils unique de Dieu les mêmes paroles qu'il avait dites précédemment du Fils de l'homme élevé sur la croix: «Afin que tout homme qui croit en lui», etc., parce qu'en effet, notre Créateur et notre Rédempteur, le Fils de Dieu qui existe avant tous les siècles, s'est fait homme à la fin des siècles. Il nous avait créés par un acte de sa puissance divine pour jouir de la félicité de la vie éternelle, il nous a rachetés par la faiblesse de la nature humaine qu'il s'est unie pour nous remettre en possession de la vie que nous avons perdue.

Alcuin. On ne peut douter que le Fils de Dieu ne donne la vie au monde, puisque c'est l'unique raison pour laquelle il est venu en ce monde, comme il le déclare lui-même: «Car Dieu n'a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde», etc. - S. Aug. (Traité 12 sur S. Jean). Pourquoi a-t-il été appelé le Sauveur du monde, si ce n'est parce qu'il devait sauver le monde? Le médecin a donc fait tout ce qui dépendait de lui pour guérir le malade et celui qui ne veut pas suivre les prescriptions du médecin, ne doit attribuer sa mort qu'à lui-même. - S. Chrys. (hom. 28). Il est beaucoup d'âmes lâches et sans force qui, pour multiplier plus librement leurs transgressions et s'endormir au sein de la plus profonde indifférence, abusent de la miséricorde de Dieu, et s'autorisent de ces paroles du Sauveur pour dire: «Il n'y a point d'enfer, il n'y a point de supplice, Dieu nous pardonne tous nos péchés». II faut donc nous rappeler qu'il y a deux avènements de Jésus-Christ: le premier, qui est accompli; le second, qui doit avoir lieu plus tard. Le premier a eu pour objet, non pas de juger nos crimes, mais de nous les pardonner; dans le second, Notre-Seigneur viendra, non plus pour pardonner, mais pour juger. C'est du premier de ces deux avènements qu'il dit: «Je ne suis pas venu pour juger le monde». Comme il est la bonté même, il ne veut pas juger, il nous remet tous nos péchés dans le baptême d'abord, et ensuite dans le sacrement de pénitence; et s'il avait agi autrement, tous les hommes auraient péri sans exception, car tous ont péché, et ont besoin de la grâce de Dieu. Mais que personne ne s'autorise de ces paroles pour pécher avec impunité, et qu'il apprenne quel sera le châtiment de celui qui ne croit pas: «Il est déjà jugé». Il dit précédemment: «Celui qui croit, n'est pas condamné», remarquez, celui qui croit, non pas celui qui cherche avec curiosité. Mais qu'en sera-t-il de ceux dont la vie aura été souillée par le crime? Saint Paul déclare qu'ils ne sont pas au nombre des vrais fidèles: «Ils font profession, dit-il, de connaître Dieu, mais ils le renoncent par leurs oeuvres». (Tt 1,16). Ces paroles signifient que celui qui croit ne sera pas jugé sur le point de la foi, il sera puni plus sévèrement pour les crimes qu'il aura commis, mais il ne le sera pas pour les crimes d'infidélité dont il n'est point coupable. -
Alcuin. Ou bien encore, celui qui croit en lui, et s'attache à lui comme le membre à son chef, ne sera pas jugé.

S. Aug. (Traité 12). Mais que va-t-il dire de celui qui ne croit pas, et quelle sentence attendez-vous de sa bouche, si ce n'est qu'il est jugé? Ecoutez, en effet, ce que dit le Sauveur: «Celui qui ne croit pas est déjà jugé». Le jugement n'a pas encore été rendu public, mais il a déjà eu lieu, car le Seigneur connaît ceux qui lui appartiennent, il connaît ceux à qui est réservée la couronne et ceux qu'attendent les flammes éternelles.
- S. Chrys. (hom. 28). Ou bien encore, il s'exprime de la sorte, parce que l'incrédulité est elle-même un châtiment pour l'âme impénitente, car quel plus grand supplice en soi que d'être placé en dehors de la lumière? Ou bien Notre-Seigneur ne fait que prédire ce qui doit arriver: celui qui s'est rendu coupable d'homicide avant même la sentence du juge qui le condamne, est déjà condamné par la nature même de son crime; il en est de même de l'incrédule, et c'est ainsi qu'Adam mourut le jour où il mangea du fruit de l'arbre de la science du bien et du mal.

S. Grég. (Mor., 26, 20). On peut encore donner cette explication. Au dernier jugement, il en est qui périront sans être jugés, et c'est d'eux qu'il est dit ici: «Celui qui ne croit pas est déjà jugé», car alors on ne discutera pas la cause de ceux qui se présenteront devant le tribunal du Juge sévère avec la condamnation que leur aura méritée leur incrédulité; ce sont ceux qui ont toujours professé la vraie foi, mais dont les oeuvres ne seront pas conformes à la foi qui seront jugés et condamnés. Quant à ceux qui n'ont jamais cru aux mystères de la foi, ils n'entendront point les reproches du juste Juge au dernier jour, ils ont été jugés par avance au milieu des ténèbres de leur incrédulité, et ils ne méritent même pas d'être convaincus et condamnés par celui qu'ils ont dédaigné de connaître. Le prince qui se trouve à la tête d'un royaume, punit différemment un de ses sujets coupables, et l'ennemi qui l'attaque au dehors; pour le premier, il examine et discute ses droits; quant à l'ennemi, il lui déclare la guerre, et lui inflige le châtiment que mérite sa méchanceté sans examiner les prescriptions de la loi contre son crime, car pourquoi punir au nom de la loi celui qui n'a jamais pu se soumettre à la loi ?

Alcuin. Mais pour quelle raison celui qui ne croit point est-il déjà jugé? La voici: «Parce qu'il ne croit point au nom du Fils unique de Dieu», car c'est par ce nom seul qu'on peut être sauvé. Dieu n'a pas un grand nombre de Fils qui puissent sauver, il n'a que ce Fils unique pour être le Sauveur des hommes. - S. Aug. (du bapt. des enf., chap. 33). Où donc placerons-nous les enfants qui ont reçu le baptême, si ce n'est parmi ceux qui ont fait profession de la foi chrétienne? c'est une grâce qui leur est acquise, et par la vertu du sacrement, et par l'engagement que contractent ceux qui les présentent. Par la même raison, nous plaçons les enfants qui n'ont pas été baptisés parmi ceux qui n'ont pas eu la foi.


vv. 19-21

12319 Jn 3,19-21

Alcuin. Notre-Seigneur fait connaître à la fois la cause de l'incrédulité des hommes et celle de leur condamnation: «Or, la cause de cette condamnation est que la lumière est venue dans le monde», etc. - S. Chrys. (hom. 28). C'est-à-dire, ils n'ont eu besoin ni de recherches, ni d'efforts pour trouver la lumière, la lumière elle-même est venue vers eux sans qu'ils aient été à sa rencontre: «Et ils ont mieux aimé les ténèbres que la lumière». Voilà ce qui rend les hommes tout à fait inexcusables. Le Sauveur est venu les arracher aux ténèbres et les conduire à la lumière, comment donc peut-on avoir pitié de celui que la lumière vient trouver et qui refuse de s'approcher de cette lumière ?

Bède. Cette lumière, c'est Notre-Seigneur lui-même, dont l'Évangéliste a dit plus haut: «Il était la vraie lumière», etc. (Jn 1,9). Les ténèbres sont les péchés. - S. Chrys. (hom. 28). Cette haine de la lumière devait paraître une chose incroyable pour plusieurs (car il n'est personne qui préfère les ténèbres à la clarté), il fait donc connaître la cause de cet aveuglement: «Car leurs oeuvres, ajoute-t-il, étaient mauvaises». S'il était venu pour juger les hommes, cette haine de la lumière aurait eu quelque raison, car celui qui a conscience de ses crimes, cherche à fuir le juge qui doit le condamner; mais les coupables se présentent sans crainte devant celui qui n'a pour eux que des paroles de pardon. Quoi de plus naturel donc pour les hommes dont la conscience était chargée de si grands crimes, d'aller au-devant du Sauveur, qui leur apportait le pardon? C'est ce que plusieurs ont fait, et nous voyons les publicains et les pécheurs venir s'asseoir à la même table que Jésus. Mais il en est dont la mollesse est si grande, que leurs mains tombent de langueur devant les travaux de la vertu, et qu'ils persévèrent dans le mal jusqu'à la fin de leur vie; Notre-Seigneur flétrit ouvertement cette lâcheté: «Quiconque fait le mal, hait la lumière», ce qui est vrai de ceux qui veulent obstinément persévérer dans le mal. - Alcuin. «Tout homme qui fait le mal hait la lumière, c'est-à-dire, que celui qui est dans la résolution de pécher, qui aime le péché, hait par-là même la lumière qui découvre le péché. - S. Aug. (Confess., 10, 23). Les hommes ne peuvent souffrir d'être trompés, et ils veulent tromper, voilà pourquoi ils aiment la lumière quand elle se découvre, et la détestent quand elle les découvre eux-mêmes. La juste punition de cet aveuglement sera que la lumière les mettra en évidence malgré eux, pendant qu'elle-même leur sera cachée. Ils aiment donc la lumière de la vérité, mais ils ne peuvent souffrir ses censures: «Et il ne vient point à la lumière, de peur que ses oeuvres ne soient découvertes». - S. Chrys. (hom. 28). On ne songe point à reprendre de ses vices celui qui vit dans l'idolâtrie, les dieux qu'il adore sont esclaves des mêmes vices, et ses oeuvres sont conformes à ses croyances. Les disciples de Jésus-Christ, au contraire, qui mènent une vie déréglée, sont accusés par tous les gens de bien; mais y a-t-il des païens qui soient vraiment vertueux? Je n'en connais point quant à moi. Ne me citez pas, en effet, des hommes qui sont naturellement doux et honnêtes (ce n'est point là de la vertu), mais montrez-moi un homme qui soutient un rude combat contre ses passions, et vit selon les règles de la sagesse, cela vous est impossible. La promesse d'un royaume éternel, la menace de l'enfer, et tant d'autres vérités non moins importantes suffisent à peine pour retenir les hommes dans la pratique du bien, comment voulez-vous que ceux qui n'ont aucune de ces convictions aient quelque ardeur pour la vertu? Vous rencontrez peut-être chez quelques-uns d'entre eux des vertus apparentes, qui n'ont pour motif que l'amour de la gloire. Aussi dès qu'ils peuvent espérer qu'ils ne seront point découverts, ils ne se font aucun scrupule de suivre tous leurs mauvais désirs. Or, à quoi leur sert d'être tempérants, de ne point ravir le bien d'autrui, s'ils sont esclaves de la vaine gloire? Ce n'est point là de la vertu, l'esclave de la vaine gloire n'est pas moins coupable que le fornicateur, et cette passion lui fait commettre des fautes, et plus nombreuses et plus graves. Mais admettons qu'il y ait chez les païens quelques hommes vertueux, cela ne contredit nullement ce que nous disons, parce que ces hommes vertueux sont rares et forment l'exception.

Bède. Dans le sens moral, ceux qui préfèrent les ténèbres à la lumière, sont ceux qui poursuivent de leur haine et de leurs calomnies, les prédicateurs qui leur enseignent la saine doctrine.

«Mais celui qui fait la vérité vient à la lumière, afin que ses oeuvres apparaissent». - S. Chrys. (hom. 28). Notre-Seigneur ne veut point parler ici de ceux qui sont devenus chrétiens dès le commencement, mais uniquement de ceux qui, parmi les Juifs et les Gentils, devaient embrasser la vraie foi, et il veut nous enseigner qu'il est impossible à celui qui vit dans l'erreur, de prendre la résolution d'embrasser la vraie foi, à moins d'être décidé tout d'abord à mener une vie vertueuse et pure. - S.Aug. (du bapt. des enf). Notre-Seigneur dit que les oeuvres de celui qui vient à la lumière sont faites en Dieu, parce qu'il comprend que sa justification est l'oeuvre, non de ses mérites, mais de la grâce de Dieu.

S. Aug. (Traité 12 sur S. Jean). Mais si Dieu a trouvé mauvaises toutes les oeuvres des hommes, comment se fait-il que quelques-uns ont obéi à la vérité, et sont venus à la lumière qui est Jésus-Christ? «Ils ont mieux aimé, dit plus haut le Sauveur, les ténèbres que la lumière», là est le point important. Il en est beaucoup qui ont aimé leurs péchés, il en est beaucoup qui les ont confessés. Dieu accuse vos péchés, si vous les accusez vous-même, vous faites cause commune avec Dieu. Il faut que vous haïssiez en vous ce qui est votre oeuvre, et que vous aimiez en vous l'oeuvre de Dieu. Le commencement des bonnes actions, c'est de confesser les mauvaises: alors vous faites la vérité, vous ne vous écoutez pas, vous ne vous flattez pas; vous approchez volontiers de la lumière, car jamais votre péché ne vous déplairait, si Dieu ne faisait briller sa lumière à vos yeux et ne vous découvrait sa vérité. Or, on peut se placer dans la vérité de la confusion et s'approcher de la lumière par la pratique des bonnes oeuvres, même quand il ne s'agit que de ces péchés légers de paroles ou de pensées, ou de l'usage immodéré des choses permises, parce qu'en effet, ces péchés légers, s'ils se multiplient et qu'on n'y fasse aucune attention, donnent la mort. Bien petites sont les gouttes d'eau qui remplissent le fleuve, bien petits sont les grains de sable, et cependant, ayez à porter une masse de grains de sable, c'est un poids qui vous écrasera. Une ouverture qu'on néglige dans la cale d'un vaisseau, produit les mêmes effets qu'une masse d'eau qui fait irruption; cette eau entre peu à peu dans la cale, mais à force d'entrer sans qu'on songe à l'épuiser, elle coule à fond le vaisseau. Or, au sens moral, épuiser l'eau c'est empêcher par nos bonnes oeuvres, par nos gémissements, nos jeûnes, nos aumônes, le pardon des injures, que nous ne soyons accablés sous le poids écrasant de nos fautes.


vv. 22-26

12322 Jn 3,22-26

S. Chrys. (hom. 29). Rien qui marche plus à découvert, comme aussi rien de plus fort que la vérité; elle ne cherche pas à se cacher, elle ne craint aucun danger, ne redoute aucune embûche, elle ne désire point la gloire que donne le grand nombre, et n'est soumise à aucune des faiblesses humaines. C'est ainsi que Notre-Seigneur venait à Jérusalem aux jours de fête, non pour se produire ou par amour de la gloire, mais pour communiquer à un plus grand nombre ses divins enseignements, et opérer des miracles dans leur intérêt. Après que les fêtes étaient passées, il se rendait ordinairement sur les bords du Jourdain, où une foule considérable se réunissait: «Après cela, Jésus vint avec ses disciples dans la terre de Judée», etc. - Bède. Ces paroles: «Après cela», ne signifient pas immédiatement après l'entretien avec Nicodème, qui eut lieu à Jérusalem; et il s'écoula un certain espace de temps, avant que Jésus revînt de la Galilée en Judée.

Alcuin. Le mot Judée signifie ceux qui confessent et qui reçoivent la visite de Jésus-Christ, car là où il trouve la confession des péchés ou des louanges divines, Jésus s'y rend avec ses disciples (c'est-à-dire suivi de sa doctrine et de ses lumières), et il demeure dans cette âme pour la purifier de ses crimes: «Et il y demeurait avec eux et il baptisait». - S. Chrys. (hom. 29). Gomme l'Évangéliste déclare plus bas que Jésus ne baptisait pas, mais ses disciples, il est évident qu'il faut entendre également que ses disciples seuls baptisaient. - S. Aug. (Traité 13 sur S. Jean) .. Le baptême que donnait le Sauveur après qu'il fut baptisé n'était pas celui qu'il avait reçu; il avait voulu être baptisé par son serviteur pour nous tracer la voie de l'humilité et nous conduire jusqu'au baptême du Seigneur, c'est-à-dire à son baptême, mais Jésus baptisait comme étant lui-même Seigneur, le Fils de Dieu.

Bède. Jean continue de baptiser alors même que Jésus baptise, les ombres ne sont pas encore entièrement dissipées, et le précurseur ne doit cesser son ministère que lorsque la vérité se manifestera dans tout son jour: «Or, Jean baptisait à AEnon,» etc. AEnon veut dire eau, en hébreu et l'Évangéliste donne pour ainsi dire la signification de ce nom en ajoutant: «Parce qu'il y avait là beaucoup d'eau». Salem est une petite ville située sur les bords du Jourdain, et où Melchisédech régna autrefois. - S. Jer. (Lettre 126 à Evagr). Peu importe qu'on dise Salem ou Salim, les Hébreux emploient très rarement les voyelles au milieu des mots, et les mêmes mots ont une prononciation et un accent tout différents suivant la volonté personnelle des lecteurs ou la diversité des pays.

«Et plusieurs y venaient se faire baptiser». - Bède. Le baptême de Jean avait avant le baptême de Jésus-Christ la même efficacité que les enseignements de-la foi qui sont donnés aux catéchumènes, Il prêchait la pénitence, annonçait le baptême de Jésus-Christ, et attirait les hommes à la connaissance de la vérité qui venait de se manifester au monde; c'est ainsi que les ministres de l'Eglise commencent par enseigner ceux qui veulent embrasser la foi, ils leur font voir ensuite l'énormité de leurs péchés, leur en promettent la rémission par le baptême de Jésus-Christ, et les attire ainsi à la connaissance et à l'amour de la vérité.

S. Chrys. (hom. 29). Pendant que les disciples de Jésus baptisent, Jean Baptiste continue de baptiser lui-même jusqu'à son incarcération, comme l'indique l'Évangéliste en ajoutant: «Car Jean n'avait pas encore été mis en prison». - Bède. Nous voyons ici clairement que cet Évangéliste raconte les faits de la vie de Jésus-Christ qui ont précédé la captivité de Jean-Baptiste. Ces faits ont été passés sous silence, par les autres Évangélistes qui commencent leur récit par les événements qui suivirent cette incarcération. - S. Aug. (Traité 13 sur S. Jean). Or pourquoi Jean baptisait-il? Parce qu'il fallait que le Christ fût baptisé. Mais le Sauveur ne fut pas le seul qui fut baptisé par le précurseur, afin que le baptême de Jean ne parût point supérieur au baptême du Seigneur. - S. Chrys. (hom. 29). Pourquoi encore continuait-il de baptiser jusqu'alors? S'il avait cessé débaptiser, on eût attribué sa conduite à un sentiment de jalousie ou de mécontentement. Au contraire en continuant de baptiser, il ne cherchait point sa propre gloire, mais il envoyait de nouveaux disciples à Jésus-Christ; et sa parole avait mille fois plus d'efficacité que celle des disciples du Sauveur, car son témoignage était à l'abri de tout soupçon, et sa réputation était beaucoup plus grande aux yeux de tous. Il baptisait encore pour ne pas augmenter l'esprit de rivalité de ses disciples. Je pense du reste que Dieu permit la mort de Jean-Baptiste, et que Jésus ne commença qu'après la mort du précurseur le cours de ses prédications, afin que l'affection du peuple tout entier lui fût acquise, les esprits n'étant plus partagés sur le mérite respectif de l'un et de l'autre. En effet, les disciples de Jean nourrissaient des sentiments de jalousie contre les disciples de Jésus-Christ, et contre Jésus-Christ lui-même; dès qu'ils virent que les disciples du Sauveur baptisaient, ils engageront une discussion avec ceux qui recevaient leur baptême, discussion qui avait pour objet la supériorité du baptême de Jean sur celui des disciples de Jésus-Christ: «Or, il s'éleva une question entre les disciples de Jean et les Juifs», etc. Ce furent les disciples de Jean et non les Juifs qui soulevèrent cette question. Ce que l'Évangéliste fait entendre en disant que cette question s'éleva, non parmi les Juifs, mais entre les disciples de Jean et les Juifs.

S. Aug. (Traité 13). Les Juifssoutenaient probablement que Jésus était supérieur à Jean, et qu'on devait recevoir son baptême; les disciples du précurseur, au contraire, ne comprenant pas encore cette supériorité, défendaient le baptême de leur maître. On vint donc trouver Jean-Baptiste pour qu'il décidât la question: «Les premiers étant venus trouver Jean, lui dirent: Maître, celui qui était avec vous au delà du Jourdain, baptise», etc. - S. Chrys. (hom. 29). C'est-à-dire, celui que vous avez baptisé; mais ils se gardent bien de s'exprimer de la sorte, car alors ils eussent été forcés de rappeler aussi la voix qui se fit entendre au-dessus de lui; ils se contentent donc de dire: «Celui qui était avec vous, celui qui était confondu avec vos disciples, qui n'avait rien qui le distinguât de nous, se sépare maintenant de vous, et baptise lui-même. Ils ajoutent: A qui vous avez rendu témoignage». C'est-à-dire celui dont vous avez manifesté la gloire, sur qui vous avez attiré les regards, ose remplir le même ministère que vous; car que signifient ces paroles: «Voilà qu'il baptise ?» Et ce n'est point le seul grief qu'ils formulent contre Jésus auprès de son précurseur, ils se plaignent encore de voir ses disciples perdre de leur considération, et leur nombre diminuer de jour en jour. «Et tous vont à lui». - Alcuin. C'est-à-dire, tous vous abandonnent et courent se foire baptiser par celui que vous avez baptisé.



Catena Aurea 12313