Catena Aurea 12714

vv. 14-19

12714 Jn 7,14-19

S. Chrys. (hom. 49). Notre-Seigneur, en ne se rendant pas à la fête dans les premiers jours, mais vers le milieu de la fête, comme l'Évangéliste le remarque, voulait par ce retard rendre les Juifs plus attentifs à sa doctrine. En effet, ceux qui l'avaient cherché dans les premiers jours, en le voyant tout à coup sous leurs yeux, quelles que fussent d'ailleurs leurs dispositions, qu'ils le considérassent comme un homme de bien ou comme un séducteur, étaient naturellement portés à donner une plus grande attention à ses enseignements, les uns pour admirer sa doctrine, et en profiter, les autres pour le surprendre et se saisir de sa personne. - Théophyl. Dans les premiers jours de la fête, l'attention était presque tout entière à la solennité elle-même; mais dans les jours suivants, les esprits étaient plus disposés à écouter attentivement le Sauveur. - S. Aug. (Traité 28). Cette fête, comme le récit le donne à entendre, se célébrait durant plusieurs jours; voilà pourquoi l'Évangéliste dit: «Vers le milieu de la fête», c'est-à-dire, lorsqu'il restait encore autant de jours qu'il s'en était écoulé. Notre-Seigneur agit de la sorte pour tenir la parole qu'il a donnée: «Je ne vais point à ce jour de fête que vous m'indiquez», c'est-à-dire le premier ou le second, mais il se rend à Jérusalem vers le milieu de la fête.
- S. Aug. (Quest. sur le Nouv. et l'Anc. Test., quest. 78). Jésus se rendit alors à Jérusalem, moins pour la solennité que pour manifester sa divine lumière. Ses parents s'y rendirent pour y jouir des plaisirs de cette fête, mais le vrai jour de fête pour Jésus-Christ, fut celui où il racheta le monde par sa passion.

S. Aug. (Traité 29) Voilà celui qui avait voulu d'abord se couvrir des voiles de l'obscurité qui enseigne, et parle en public, et personne ne s'empare de lui, car s'il a voulu rester caché, c'est pour notre instruction, et s'il se manifeste, c'est pour donner des preuves de sa puissance. - S. Chrys. (hom. 49). Quel était le sujet de son enseignement? L'Évangéliste n'en dit rien, il rapporte seulement qu'il instruisait d'une manière admirable, car son enseignement-avait un tel caractère d'autorité, que ceux mêmes qui l'accusaient de séduire le peuple étaient complètement changés et dans un profond étonnement: «Et les Juifs étonnés disaient: Comment sait-il les Écritures, puisqu'il ne les a pas apprises ?» Voyez comme leur étonnement est plein de malice; l'Évangéliste ne nous dit pas en effet que ce fut sa doctrine qui excitât leur étonnement, c'était une autre cause, le désir de savoir comment il pouvait avoir tant de science. - S. Aug. (Traité 28). Tous sans doute partageaient cet étonnement, mais tous ne se convertissaient pas. Et d'où venait donc cet étonnement? C'est qu'un grand nombre d'entre eux connaissaient le lieu de sa naissance et le genre de son éducation. Ils ne l'avaient jamais vu apprendre les lettres, et ils l'entendaient cependant discuter la loi, citer les textes de la loi, ce qu'on ne peut faire sans avoir lu la loi, que personne ne peut lire avant d'avoir fait des études littéraires, et c'est ce qui causait leur étonnement.

S. Chrys. (hom. 49). Cette incertitude et ce doute devaient leur faire conclure que la science du Sauveur n'était pas d'origine humaine, mais qu'elle était divine. Ils ne vont pas au delà de l'étonnement, parce qu'ils ne veulent pas tirer cette conclusion. Notre-Seigneur va donc s'en charger: «Jésus lui répondit: Ma doctrine n'est pas de moi, mais de celui qui m'a envoyé». - S. Aug. (Traité 29) Il semble y avoir une contradiction dans ces paroles: «Ma doctrine n'est pas la mienne, mais la doctrine de celui qui m'a envoyé». S'il avait dit: Cette doctrine n'est pas la mienne, il n'y aurait eu aucune difficulté. Quelle est donc la doctrine du Père, si ce n'est le Verbe du Père? Jésus-Christ est donc la doctrine du Père, s'il est le Verbe du Père. Mais comme le Verbe ou la parole doivent nécessairement avoir un auteur, Notre-Seigneur s'identifie avec sa doctrine, et déclare cependant qu'elle n'est pas de lui, parce qu'il est le Verbe du Père. Qu'y a-t-il de plus à vous que vous-même? Et qu'y a-t-il de moins à vous que vous-même, si vous tenez d'un antre tout ce que vous avez? En un mot, voici ce que le Sauveur a voulu dire: «Ma doctrine n'est pas de moi».Ce qui revient à cette proposition: Je ne viens pas de moi-même».Ces paroles renversent l'hérésie des Sabelliens, qui ont osé avancer que le Fils était le même que le Père, et qu'il y avait deux noms pour exprimer une seule chose. - S. Chrys. (hom. 49). Ou bien encore, il dit: «Ma doctrine», parce qu'il l'avait enseignée, et il déclare qu'elle n'est pas de lui, parce que c'était la doctrine du Père. Mais si tout ce qui appartient au Père lui appartient également, dès lors que cette doctrine est la doctrine du Père, elle devrait être la sienne? Sans doute, mais en disant: «Elle n'est pas la mienne». Il affirme énergiquement que son Père et lui n'ont qu'une seule et même doctrine; comme s'il disait: Il n'y a aucune différence entre la doctrine de mon Père et la mienne; et dans mes paroles comme dans mes actions, je fais en sorte qu'on ne remarque rien qui soit contraire, soit aux paroles, soit à la manière d'agir de mon Père. - S. Aug. (De la Trin., 1, 12). Ou bien encore, il dit qu'elle est sa doctrine dans un sens, et qu'elle ne l'est pas dans un autre sens; si on le considère comme Dieu, c'est sa doctrine; si on le considère comme homme, elle n'est plus sa doctrine, mais celle de son Père. - S. Aug. (Traité 29). Si l'intelligence dé ces paroles laisse encore à désirera quelques-uns, qu'ils écoutent le conseil que leur donne le Sauveur: «Si quelqu'un veut faire la volonté de Dieu, il reconnaîtra si ma doctrine est de Dieu». Mais, que signifient ces paroles: «Si quelqu'un veut faire la volonté de Dieu ?» C'est-à-dire, s'il veut croire en Jésus-Christ, car il a dit lui-même précédemment: «L'oeuvre de Dieu est que vous croyiez en celui qu'il a envoyé»; or, qui ne sait qu'accomplir la volonté de Dieu, c'est faire son oeuvre? De même encore, connaître c'est comprendre. Ne cherchez donc pas à comprendre pour arriver à la foi, mais commencez par croire pour arriver à l'intelligence, car si vous ne croyez pas, vous ne comprendrez pas. (Is 5, 9, selon la vers. des Sept). - S. Chrys. (hom. 49). Ou bien encore, tel est le sens de ces paroles: Bannissez de vos coeurs la colère, l'envie, la haine que vous nourrissez injustement contre moi, et rien alors ne vous empêchera de connaître que mes paroles sont-les paroles mêmes de Dieu. Il apporte ensuite une autre preuve non moins forte qu'il puise pour notre instruction dans la conduite ordinaire des hommes: «Celui qui parle de soi-même cherche sa propre gloire», c'est-à-dire, celui qui veut établir une doctrine qui lui est personnelle, n'a point d'autre but que d'acquérir de la gloire. Si donc je cherche la gloire de celui qui m'a envoyé, pour quelle raison voudrais-je vous enseigner une doctrine étrangère? c'est le sens des paroles qui suivent: «Mais qui cherche la gloire de celui qui l'a envoyé est digne de foi, et il n'y a point en lui d'imposture». - Théophyl. C'est-à-dire, je suis digne de foi, parce que ma doctrine est l'expression de la vérité, il n'y a point en moi d'imposture, parce que je ne cherche pas à usurper la gloire d'autrui. - S. Aug. (Traité 29). Celui qui cherche sa propre gloire est un Antéchrist. Notre-Seigneur nous a donné un grand exemple d'humilité, lorsque s'étant rendu semblable à nous par ce qui a paru de lui au dehors, il a cherché non point sa gloire, mais celle de son Père; pour vous, au contraire, faites-vous quelque bonne action, vous n'y cherchez que votre gloire; faites-vous le mal, vous le rejetez injustement sur Dieu. - S. Chrys. (hom. 49). Remarquez donc qu'une des causes de ce langage si humble dans la bouche du Sauveur, c'est de bien persuader les Juifs qu'il ne désire ni la gloire, ni la puissance; c'est aussi de s'accommoder à la faiblesse de ses auditeurs, et enfin d'enseigner aux hommes la fuite de l'orgueil et la pratique de l'humilité dans les pensées comme dans les paroles.


vv. 20-24

12720 Jn 7,20-24

S. Chrys. (hom. 49 sur S. Jean). Les Juifs formulaient deux accusations contre Jésus-Christ, l'une qu'il violait le sabbat, l'autre qu'il appelait Dieu son Père, et se faisait ainsi l'égal de Dieu. Il confirme cette dernière proposition en montrant qu'il n'est nullement opposé à Dieu, et qu'il enseigne la même doctrine. Quant à la violation du sabbat, voici comment il y répond: «Est-ce que Moïse ne vous a pas donné la loi? et personne de vous n'accomplit la loi», paroles dont voici le sens: La loi dit: Vous ne tuerez pas, et cependant vous vous rendez coupables de meurtre, comm e il le leur reproche ouvertement: «Pourquoi cherchez-vous à me faire mourir ?» c'est-à-dire, supposons que j'aie violé la loi en guérissant cet homme, au moins cette transgression a-t-elle eu pour objet de le sauver; vous, au contraire, vous violez le sabbat pour commettre le mal; je vous récuse donc pour juges dans cette question. Il leur oppose donc deux moyens de défense, et en leur reprochant de chercher à le mettre à mort, et en leur prouvant que le meurtre qu'ils méditent, les rend indignes de se constituer les juges d'un autre. - S. Aug. (Traité 30). Ou bien encore, Notre-Seigneur leur parle de la sorte, parce que s'ils observaient la loi, ils auraient trouvé et reconnu Jésus-Christ dans les Écritures, et ne chercheraient point à le mettre à mort, alors qu'il est au milieu d'eux. La réponse que fait la foule au Sauveur, lui est inspirée non par le désir de la paix, mais par un esprit de désordre: «Le peuple lui répondit: Vous êtes possédé du démon, qui cherche à vous mettre à mort ?» Ils accusent d'être possédé du démon celui qui chassait les démons. Mais le Seigneur, sans se troubler, et avec ce calme que donne la vérité, ne leur rend pas injure pour injure, et leur fait une réponse pleine de modération. - Bède. Il nous donne ici un exemple d e la patience avec laquelle nous devons supporter les fausses accusations dont nous sommes victimes, sans faire connaître la vérité qui peut nous justifier, et en nous contentant de donner de salutaires avis: «Jésus répliquaet leur dit: J'ai fait une seule oeuvre (le jour du sabbat), et vous en êtes tous surpris». - S. Aug. (Traité 29). C'est-à-dire, que serait-ce s'il vous était donné de voir toutes mes oeuvres? Ses oeuvres, c'était tout ce qu'ils voyaient dans le monde, mais ils ne voyaient pas celui qui a fait toutes choses. Il a fait une seule oeuvre sous leurs yeux, il a guéri un homme le jour du sabbat, et ils en sont tous surpris, comme si tout malade, guéri le jour du sabbat, pouvait l'être par un autre que celui dont ils se sont scandalisés, parce qu'il avait rendu la santé à un homme le jour du sabbat. - S. Chrys. (hom. 49). «Vous êtes surpris, étonnés», c'est-à-dire, vous êtes en proie au trouble, à l'agitation. Voyez avec quelle prudence il raisonne contre eux en s'appuyant sur la loi même. Il veut leur prouver qu'en guérissant cet homme, il n'a point transgressé la loi, car il est beaucoup d'autres points plus importants que le précepte du sabbat, et dont l'observation accomplit la loi, loin de la violer. Il ajoute donc: «Cependant Moïse vous a donné la circoncision (bien qu'elle soit non de Moïse, mais des patriarches), et vous la pratiquez le jour du sabbat». - S. Aug. (Traité 29). Comme s'il leur disait: Vous avez bien fait en recevant la circoncision, non point parce qu'elle vient de Moïse, mais des patriarches. Ce fut, en effet, Abraham qui, le premier, reçut du Seigneur le précepte de la circoncision: «Et vous pratiquez la circoncision le jour même du sabbat». Vous êtes convaincus par Moïse lui-même, la loi vous fait un devoir de circoncire les enfante le huitième jour, elle vous oblige également à vous abstenir d'oeuvre servile le septième jour. Si le huitième jour qui suit la naissance d'un enfant, tombe justement le septième jour de la semaine, vous ne laissez pas de le circoncire, parce que la circoncision est un moyen de salut, et qu'il n'est pas défendu aux hommes de travailler à leur salut le jour du sabbat. - Alcuin. La circoncision a été établie pour trois raisons, la première pour être un signe de la grande foi d'Abraham; la seconde pour être un signe distinctif entre les Juifs et les autres nations; la troisième, afin que la circoncision qui était faite sur l'organe de la virilité, rappelât l'obligation d'observer la chasteté du corps et de l'âme. La circoncision conférait alors la même grâce que le baptême confère aujourd'hui, avec cette différence que la porte du ciel n'était pas encore ouverte. Notre-Seigneur tire donc la conclusion des propositions qui précèdent: «Or, si un homme reçoit la circoncision le jour du sabbat, pour ne pas violer la loi de Moïse, comment vous indignez-vous contre moi, parce que le jour du sabbat, j'ai rendu un homme sain dans tout son corps ?» - S. Chrys. C'est-à-dire, violer la loi du sabbat pour donner la circoncision, c'est observer la loi; c'est ainsi que j'ai moi-même observé la loi en guérissant un homme le jour du sabbat; et vous qui n'êtes point des législateurs, vous défendez la loi outre mesure. Moïse, au contraire, ordonne de transgresser la loi pour observer un précepte qui ne vient pas de la loi, mais qui a été donné aux patriarches. En disant: «J'ai rendu un homme sain tout entier», il montre que la circoncision ne rendait l'homme sain qu'en partie.

S. Aug. (Traité 30). Peut-être encore cette circoncision était la figure du Seigneur, car qu'est-ce que la circoncision, sinon le dépouillement de la chair? Elle signifiait donc que le coeur était dépouillé de toutes les convoitises charnelles. Et ce n'est pas sans raison que la circoncision était opérée sur le membre qui sert à la génération, «car c'est par un seul homme que le péché est entré dans le monde». (Rm 5) Tout homme naît avec le prépuce de sa chair, parce qu'il naît avec le vice qu'il tire de son origine, et c'est par Jésus-Christ seul, que Dieu le purifie, soit de ce vice originel, soit de ceux qu'il ajoute volontairement par une vie criminelle. La circoncision s'opérait avec des couteaux de pierre, et la pierre est la figure de Jésus-Christ. La circoncision avait lien le huitième jour, parce que c'est après le septième jour de la semaine que Notre-Seigneur est ressuscité le dimanche. C'est cette même résurrection qui nous circoncit, c'est-à-dire qui nous dépouille de tous les désirs charnels. Comprenez donc que cette circoncision était la figure de cette bonne oeuvre, par laquelle j'ai guéri un homme tout entier le jour du sabbat, je l'ai guéri pour rendre la santé à son corps, et sa foi lui a procuré la santé de l'âme. La loi vous interdit les oeuvres serviles le jour du sabbat. Est-ce donc une oeuvre servile que de guérir un homme le jour du sabbat? Vous mangez et vous buvez le jour du sabbat, parce que le soin de votre santé l'exige, et vous prouvez ainsi que ce qui est nécessaire à la conservation de la santé n'est nullement défendu le jour du sabbat.

S. Chrys. (hom. 49). Notre-Seigneur ne dit pas: J'ai fait une oeuvre plus grande que la circoncision, il se contente d'exposer le fait, et leur en laisse l'appréciation: «Ne jugez pas selon l'apparence, mais jugez selon la justice». C'est-à-dire, vous avez pour Moïse une plus grande estime que pour moi, mais ce n'est point sur l'importance des personnes que vous devez appuyer votre jugement, c'est sur la nature même des choses; car c'est là juger selon la justice. Or, personne n'a accusé Moïse d'avoir ordonné que le précepte d'observer le jour du sabbat, le céderait au précepte de la circoncision qui avait été établi en dehors de la loi. Moïse doit donc être plus digne de foi à vos yeux, lui qui vous commande de violer la loi pour observer un commandement établi antérieurement à la loi.

S. Aug. (Traité 30). La recommandation que fait ici Notre-Seigneur, de ne point juger d'après les personnes, est très-difficile à observer en ce monde. Cet avertissement qu'il donne aux Juifs, il nous le donne à nous-mêmes. C'est pour nous que toute parole importante, tombée des lèvres du Sauveur, a été écrite, qu'elle est conservée, et qu'elle est répétée. Le Seigneur est dans les cieux, mais il continue d'être la vérité sur la terre: le corps qu'il a ressuscité peut n'être que dans un seul lien, mais sa vérité est répandue par toute la terre. Quel est donc celui qui ne juge point sur l'apparence et d'après les personnes? Celui qui a pour tous les hommes une même charité. Ce n'est pas que nous ayons à craindre de faire acception de personnes, lorsque nous rendons aux hommes les honneurs qui sont dus à leur position. Ainsi, par exemple, un père est en litige avec son fils, nous ne rendons pas au fils un honneur égal à celui du père, nous lui faisons simplement justice, si sa cause est bonne. Egalons le père au fils dans la vérité, et de cette manière nous rendrons à chacun l'honneur qui lui est dû, sans sacrifier les droits de la justice et de l'équité.


vv. 25-30

12725 Jn 7,25-30

S. Aug. (Traité 31 sur S. Jean). L'Évangéliste nous a dit précédemment que Notre-Seigneur se rendit à cette fête comme en secret, non pas dans la crainte qu'on se saisit de sa personne, lui qui, par sa puissance, était à l'abri de tonte violence, mais pour figurer qu'il était comme caché dans ce jour de fête célébré par les Juifs, et qu'elle renfermait son mystère. Il fait maintenant éclater son pouvoir qu'on regardait comme de la timidité, et il parle publiquement au milieu de la fête, de manière que le peuple en est tout étonné: «Alors quelques-uns de Jérusalem commencèrent à dire», etc. Ils connaissaient avec quelle méchanceté on cherchait à s'emparer de lui, et ils s'étonnaient de la puissance qui le dérobait à la violence de ses ennemis. - S Chrys. (hom. 50). L'Évangéliste dit: «Quelques-uns de Jérusalem», parce qu'en effet, c'étaient ceux sous les yeux desquels il avait opéré ses plus grands miracles, qui se conduisaient de la manière la plus misérable, et qui, témoins d'une des plus grandes preuves de sa divinité, laissaient toute liberté aux chefs corrompus de leur nation, pour l'accomplissement de leurs projets. Quelle plus grande preuve, en effet, de la puissance divine du Sauveur, que de voir ces hommes ivres de fureur, et qui cherchaient à le mettre à mort, s'arrêter tout à coup et laisser tomber leur colère, alors qu'il était en leur pouvoir ?

S. Aug. (Traité 31). Le peuple qui ne comprenait point parfaitement encore la puissance du Sauveur, attribua cette modération des chefs de la nation à la connaissance qu'ilsavaient que Jésus était le Christ: «Les princes du peuple, dirent-ils, auraient-ils reconnu qu'il est vraiment le Christ ?» - S.Chrys. (hom. 50). Cependant loin de partager ce sentiment qu'ils prêtent aux princes du peuple, ils émettent leur opinion personnelle aussi fausse qu'insensée: «Celui-ci, cependant, nous savons d'où il est, mais quand le Christ viendra, personne ne saura d'où il est». - S. Aug. (Traité 30). Cette opinion ne s'était point produite sans fondement parmi les Juifs. Les Écritures ont prédit que le Christ serait appelé Nazaréen; (Mt 2) elles ont donc annoncé le lieu d'où il viendrait. Les Juifs, interrogés par Hérode, lui ont répondu qu'il devait naître à Bethléem, ville de Juda, et ont cité à l'appui un témoignage prophétique. D'où pouvait donc venir cette opinion parmi les Juifs, que lorsque le Christ viendrait, personne ne saurait d'où il viendrait? C'est que les Écritures avaient exprimé ces deux vérités, elles avaient prédit d'où il viendrait comme homme, mais en tant que Dieu, son avènement restait caché aux impies, et ne se dévoilait qu'aux âmes pieuses. Ce qui avait donné lieu à cette opinion parmi les Juifs, c'était cette prophétie d'Isaïe: «Qui racontera sa génération ?» (Is 8) Notre-Seigneur répond en affirmant les deux choses, et qu'ils savaient d'où il était, et qu'ils ne le savaient pas: «Jésus enseignait donc à haute voix dans le temple, disant: Et vous savez qui je suis, et vous savez d'où je suis»; c'est-à-dire, vous savez d'où je suis, et vous ne le savez pas. Vous savez d'où je suis, Jésus de Nazareth dont vous connaissez les parents, car la seule chose qu'ils ignoraient ici, c'est l'enfantement virginal de sa mère, et sauf cette circonstance, ils connaissaient en Jésus tout ce qui avait rapport à son humanité. C'est donc avec raison qu'il leur dit: «Et vous savez qui je suis, et vous savez d'où je suis», selon la chair, et cette forme humaine dont je suis revêtu, mais comme Dieu: «Je ne suis pas venu de moi-même, mais celui qui m'a envoyé est véritable». - S. Chrys. (hom. 50). C'est ainsi qu'il révèle les secrètes pensées de leur coeur: Je ne suis pas, semble-t-il leur dire, du nombre de ceux qui sont venus sans mission comme sans raison, celui qui m'a envoyé est véridique, et s'il est véridique, il m'a envoyé dans la vérité, et par conséquent celui qu'il a envoyé doit être également digne de foi. Il les convainc ensuite par leurs propres paroles. Ils disaient: «Lorsque le Christ sera venu, personne ne saura d'où il vient», et il leur prouve qu'il est véritablement le Christ, parce qu'il vient du Père qu'ils ne connaissaient pas, comme il le leur reproche: «Et vous ne le connaissez pas».

S. Hil. (de la Trin., 6) Est-ce que tout homme, bien qu'il ait reçu de Dieu une naissance qu'on peut appeler charnelle, ne vient pas de Dieu, selon l'opinion commune? Comment donc le Sauveur peut-il nier que les Juifs sachent ce qu'il est, ou bien d'où il vient, s'il n'a ici dans l'esprit l'auteur même de sa nature? Il fait voir la nature d'où il provient, en affirmant qu'ils ignorent d'où il vient. On ne peut ignorer, en effet, d'où vient ce qui est tiré du néant, car par là même qu'où sait que cette chose a été tirée du néant, on n'ignore pas le principe de son existence. Mais pour le Sauveur, ils ignorent ce qu'il est, parce qu'ils ignorent d'où il vient. Ce n'est point reconnaître le Fils, que de nier sa naissance éternelle, et on ne reconnaît point sa naissance quand on croit qu'il a été tiré du néant.

S. Chrys (hom. 50) Ou bien encore, Notre-Seigneur veut parler ici de l'ignorance qui se traduit par les oeuvres, et dont saint Paul a dit: «Ils font profession de connaître Dieu, mais ils le renoncent par leurs oeuvres. (Tt 1, 16). Remarquez que le Sauveur les confond de deux manières: premièrement, il révèle an grand jour ce qu'ils n'osaient dire qu'en secr et, et en second lieu il les enseigne et les confond à haute voix pour les couvrir de honte.

S. Aug. (Traité 31) Enfin, il leur indique le moyen qu'ils doivent prendre pour savoir ce qu'il est et d'où il vient: «Moi je le connais, dit-il (celui qui m'a envoyé), c'est donc à moi qu'il faut vous adresser pour le connaître vous-mêmes»; car personne ne connaît le Père, si ce n'est le Fils, et celui à qui le Fils aura voulu le révéler (Mt 11). Et si je dis que je ne le connais point, je serai semblable à vous, c'est-à-dire un menteur. - S. Chrys. (hom. 50). Or, cela est impossible, celui qui m'a envoyé est véridique, il est donc nécessaire que son envoyé soit également véridique et digne de foi; partout il s'attribue exclusivement la connaissance du Père, parce qu'il vient du Père. C'est pour cela qu'il ajoute: «Moi je le connais, parce que je suis de lui». - S. Hil. (de la Trin., 6) Je me demande si ce qui vient du Père, dans le sens du Sauveur, a le caractère de création ou de génération. Si c'est une création, toutes les choses créées viennent de Dieu, et comment se fait-il que toutes ces choses ne connaissent point le Père, alors que le Fils affirme qu'il le connaît, par cela seul qu'il vient de lui? Si, au contraire, la connaissance du Père est le privilège spécial et réservé de ce qui vient de lui, comment ce qui vient de lui pourrait-il n'être pas le vrai Fils de Dieu ayant avec lui une même nature? Le privilège de la connaissance vient donc ici du privilège de la génération, mais de peur que l'hérésie n'interprète ces paroles: «Parce que je suis de lui», de son avènement temporel, il ajoute: «Et il m'a envoyé». Il conserve ainsi l'ordre des mystères que nous révèle l'Évangile, il proclame à la fois sa naissance et sa mission. - S. Aug. (Traité 31). Je suis de lui, parce que je suis le Fils qui vient du Père, mais en tant que vous me voyez revêtu d'un corps mortel, c'est lui qui m'a envoyé, paroles où il faut voir non la diversité de nature, mais l'autorité de celui qui a engendré.

S. Chrys. (hom. 50). Les Juifs furent irrités de ce que le Sauveur leur reprochait de ne point connaître le Père, alors qu'ils faisaient semblant d'avoir cette connaissance: «Ils cherchaient donc à le prendre», etc. Voyez comme leur fureur se trouve invisiblement enchaînée. Cependant l'Évangéliste, pour parler un langage plus rapproché de nos idées et plus conforme à l'humilité du Sauveur, et confirmer la foi à son incarnation, ne dit pas qu'il les retint par une puissance invisible, mais a parce que, dit-il, son heure n'était pas encore venue». - S.Aug. (Traité 30). C'est-à-dire, parce qu'il ne le voulait pas, car le Seigneur n'a pas été soumis au destin à sa naissance; vous-même n'y avez pas été soumis, combien moins celui par lequel vous avez été fait? Si votre heure n'est autre que sa volonté, que sera son heure si ce n'est cette même volonté? L'heure dont il est ici question n'est donc pas celle où il serait forcé de mourir, mais où il daignerait se soumettre à la mort.


vv. 31-36

12731 Jn 7,31-36

S. Aug. (Traité 31 sur S. Jean). Notre-Seigneur sauvait de préférence les pauvres et les humbles: «Beaucoup d'entre le peuple crurent en lui», etc. Le peuple, en effet, reconnut- aussitôt ses infirmités, et embrassa sans retard les moyens de guérison qui lui étaient offerts. - S. Chrys. (hom. 50). Cependant sa foi n'était pas encore pure, et son langage était bien le langage vulgaire de la multitude: «Et ils disaient: Quand le Christ viendra, fera-t-il plus de miracles que celui-ci ?» Ce langage, en effet: «Lorsque le Christ viendra», n'indiquait pas qu'ils croyaient bien fermement que Jésus fut le Christ; ou bien si l'on veut, c'était dans leur esprit une espèce de preuve qu'il le fût, comme s'ils disaient: Lorsque le Christ viendra, sera-t-il supérieur à celui-ci, et fera-t-il un plus grand nombre de miracles? Le peuple, en effet, se laissé bien plus facilement gagner par l'éclat des miracles que par l'excellence de la doctrine. - S. Aug. (Traité 3l). Ou bien ils veulent dire: S'il ne peut y avoir deux christs, celui-ci doit nécessairement l'être. Mais les princes du peuple, loin de partager ce sentiment, se livraient aux transports d'une fureur insensée. Non-seulement ils refusaient de reconnaître le médecin, mais ils voulaient le mettre à mort: «Les pharisiens entendirent que le peuple murmurait ainsi à son sujet, et ils envoyèrent des gardes pour le prendre». - S. Chrys. (hom. 50). Bien des fois précédemment, il leur avait annoncé sa doctrine, et jamais ils ne s'étaient portés à cette extrémité. Ce qui les blessait au vif, c'est que le peuple glorifiait Jésus comme le Christ; la violation du sabbat n'était que le prétexte qu'ils mettaient en avant. Ils n'osent cependant eux-mêmes s'emparer de sa personne, dans la crainte du danger qu'ils pourraient courir, et ils délèguent ce soin à leurs gardes, comme étant habitués à braver les dangers.

S. Aug. (Traité 31) Comme ils ne pouvaient se saisir du Sauveur contre sa volonté, leur mission n'eut d'autre effet que de les rendre témoins de ses enseignements: «Jésus donc leur dit: Je suis encore avec vous un peu de temps». - S. Chrys. (hom. 50). Ces paroles respirent une profonde humilité, ne semble-t-il pas leur dire: Pourquoi vous empresser de me mettre à mort? attendez un peu de temps. - S. Aug. (Traité 31). Ce que vous voulez faire actuellement vous le ferez, mais pas aujourd'hui, parce que je ne le veux pas, il me faut auparavant remplir l'objet de ma mission, et parvenir ainsi au temps de ma passion. - S. Chrys. (hom. 50). Il calmait ainsi la fureur des plus audacieux, et excitait vivement l'attention de la partie du peuple plus zélée pour l'entendre, eu lui annonçant qu'il lui restait peu de temps pour profiter de ses enseignements. Remarquez qu'il ne dit pas: Je suis, mais: «Je suis avec vous», c'est-à-dire, bien que vous me persécutiez, je ne cesserai de m'occuper de vos intérêts et de vous prodiguer les enseignements qui peuvent vous conduire au salut. Ces paroles qu'il ajoute: «Je m'en vais à celui qui m'a envoyé», suffisaient pour les remplir d'effroi. - Théophyl. Il s'en allait à son Père, comme pour les accuser; car en couvrant d'outrages l'envoyé, nul doute qu'ils n'aient également outragé celui qui l'a envoyé. - Bède. «Je m'en vais à celui qui m'a envoyé», c'est-à- dire, je remonte vers mon Père qui m'a commandé de m'incarner pour votre salut; il dit qu'il s'en va vers celui dont il ne s'est jamais séparé.

S. Chrys. (hom. 50). Il leur fait connaître ensuite le besoin qu'ils auraient de lui, en ajoutant: «Vous me chercherez et vous ne me trouverez point». Mais où donc les Juifs l'ont-ils cherché? Saint Luc (Lc 23) nous rapporte que les femmes le suivaient eu pleurant et en se lamentant. Il est vraisemblable qu'un grand nombre d'autres furent tourmentés du même désir, et qu'au moment surtout du siège et de la prise de Jérusalem, ils se souvinrent de Jésus-Christ, de ses miracles, et qu'ils recherchèrent sa présence. - S. Aug. (Traité 31). Ou bien encore, le Sauveur prédit ici sa résurrection, parce que les Juifs devaient le chercher alors dans les sentiments de la plus vive componction. Ils refusèrent de le reconnaître, alors qu'il était au milieu d'eux, et ils le cherchèrent lorsqu'ils virent que la multitude croyait en lui, et un grand nombre, pénétrés de repentir, s'écrièrent: «Que ferons-nous ?» Ils virent le Christ expirer, victime de leur haine impie et criminelle, et ils crurent au Christ qui leur accordait le pardon de leurs crimes; ils ne désespérèrent de leur salut que jusqu'au moment où ils consentirent à boire le sang qu'ils avaient répandu.

S. Chrys. (hom. 50). Le Sauveur ne veut pas laisser croire qu'il sortira de ce monde par la mort, suivant les règles ordinaires, et il ajoute: «Et où je suis, vous ne pouvez venir». S'il demeurait au sein de la mort, ils pourraient aller le rejoindre, car c'est vers ce terme que nous nous dirigeons tous. - S. Aug. (Traité 31). Il ne dit pas: Où je serai, mais: «Où je suis», car le Christ n'a jamais quitté le lieu où il retournait, et il y est retourné sans nous abandonner; Jésus eu tant que revêtu d'une chair visible était sur la terre; mais par son invisible majesté, il était à la fois dans le ciel et sur la terre. Il ne dit pas non plus: Vous ne pourrez pas, mais: «Vous ne pouvez pas venir», car l'état où ils se trouvaient ne leur permettait pas de le suivre alors; mais pour vous bien convaincre qu'il ne voulait point par ces paroles, les jeter dans le désespoir, nous lui voyons tenir à peu près le même langage à ses disciples: «Vous ne pouvez venir là où je vais», et il en explique le sens à Pierre, lorsqu'il lui dit: «Vous ne pouvez maintenant me suivre où je vais, mais vous me suivrez un jour» (Jn 13, 36).

S. Chrys. (hom. 50). En s'exprimant de la sorte, Jésus veut les attirer à lui, le peu de temps qu'il devait passer avec eux, le désir qu'ils devaient éprouver de le revoir après qu'il les aurait quittés, l'impossibilité pour eux de le retrouver, étaient des raisons bien suffisantes pour leur persuader de venir à lui. En leur disant d'ailleurs: «Je vais à celui qui m'a envoyé», il fait voir qu'il n'a rien à redouter de leurs embûches, et que sa passion est tout à fait volontaire. Cependant les Juifs furent impressionnés de ces paroles, et ils se demandent entre eux où il devait aller, question qui ne peut guère s'expliquer, s'ils désiraient être délivrés de lui: «Les Juifs dirent donc entre eux, où doit-il aller, que nous ne le trouverons pas ?» Doit-il aller chez les nations dispersées, et enseigner les Gentils? C'est ainsi que les Juifs appelaient les nations par un sentiment de mépris pour elles, et dans la haute idée qu'ils avaient d'eux-mêmes, parce que les nations étaient dispersées par tout l'univers et peu unies entre elles. Mais cette dénomination injurieuse pesa plus tard sur les Juifs eux-mêmes, qui furent dispersés par toute la terre. Autrefois, toute la nation ne formait qu'un seul corps, mais au temps de Jésus-Christ, les Juifs étaient disséminés parmi toutes les nations, le Sauveur n'aurait donc pas dit: «Vous ne pouvez venir là où je vais», si par ces mots, il eut voulu entendre les Gentils. - S. Aug. (Traité 31). Ces paroles: «Où je vais», signifiaient le sein du Père. C'est ce qu'ils ne comprirent en aucune façon, et cependant, à l'occasion de ces paroles, ils prédiront notre salut en annonçant que le Sauveur irait vers les Gentils, non par sa présence corporelle, mais cependant par ses pieds, car ce sont ses propres membres qu'il a envoyés pour nous mettre nous-mêmes au rang de ses membres.

S. Chrys. (hom. 50). Leur intention n'est pas de dire qu'il doit aller vers les nations pour leur causer du mal, mais pour les enseigner. Déjà en effet, leur colère s'était calmée, et ils avaient ajouté foi à ses paroles, car s'ils n'y avaient point cru, ils ne se seraient pas fait cette question: «Qu'est-ce que cette parole qu'il a dite: «Vous me chercherez, et vous ne me trouverez point, et là où je vais, vous ne pouvez venir ?»



Catena Aurea 12714