Catena Aurea 12737

vv. 37-39

12737 Jn 7,37-39

S. Chrys. (hom. 51 sur S. Jean). Au moment où la fête étant terminée ils allaient retourner chez eux, Notre-Seigneur leur donne pour le voyage la nourriture du salut: «Le dernier jour de la fête, qui en est le plus solennel», etc. - S. Aug. (Traité 32) C'est en ce jour qu'avait lieu la fête de la Scénopégie, c'est-à-dire de la construction des tentes. - S. Chrys. (hom. 51). Cette fête, comme nous l'avons vu, durait sept jours, le premier jour et le dernier étaient les plus solennels, comme l'Évangéliste nous l'apprend, lorsqu'il dit: «Le dernier jour de la fête, qui en est le plus solennel»; les jours intermédiaires étaient surtout consacrés aux délassements. Le Sauveur s'est donc abstenu de leur parler le premier jour et les jours suivants, parce que ses enseignements eussent été perdus pour des cens livrés aux divertissements et aux plaisirs, il élève la voix à c ause du grand concours de peuple qui se pressait autour de lui. - Théophyl. Il élève la voix pour se faire entendre, leur inspirer de la confiance, et montrer qu'il ne craint personne.

S. Chrys. (hom. 51). Notre-Seigneur crie à haute voix: «Si quelqu'un a soif», c'est-à-dire, je n'attire personne par nécessité ou par violence, je n'appelle que celui qui éprouve un vif désir de se rendre à mon appel. - S. Aug. (Traité 32). Il y a une soif intérieure, parce qu'il y a un homme intérieur. Il est certain d'ailleurs que l'homme intérieur est l'objet d'un plus grand amour que l'homme extérieur. Si donc nous éprouvons cette soif, approchons, non avec les pieds du corps, mais avec les affections de l'âme, non pas en marchant, mais en aimant. - S.Chrys. (hom. 51) Il leur fait comprendre qu'il s'agit ici d'une boisson intellectuelle par les paroles qui suivent: «Celui qui croit en moi, des fleuves d'eau vive, comme dit l'Ecriture, couleront de son sein». Mais où donc l'Ecriture parle-t-elle de la sorte? nulle part. Comment donc expliquer cette citation du Sauveur? Il faut séparer de cette manière les deux membres de la proposition: «Celui qui croit en moi», comme dit l'Ecriture, et ajouter comme venant du Sauveur: «Des fleuves d'eau vive couleront de son sein». Notre-Seigneur leur apprend qu'il faut avoir des idées plus droites, et croire en lui bien plus sur le témoignage des Écritures que sur celui des miracles. C'est pourquoi il les avait renvoyés précédemment aux Écritures, on leur disant: «Approfondissez les Écritures». - S. Jer. (Prol. de la Genèse). On peut dire encore que ce témoignage est emprunté au livre des Proverbes, où nous lisons: «Que tes eaux jaillissent au dehors, et que tes eaux coulent sur les places publiques». (Pr 5, 16). - S. Aug. (Traité 32). Le sein de l'homme intérieur, c'est la conscience de son coeur. Lorsque la conscience a bu cette divine liqueur, elle est purifiée et reprend une nouvelle vie, et en puisant de nouveau de cette eau, elle devient elle-même une source d'eau vi ve. Or, quelle est cette source, ou bien quel est ce fleuve qui coule du sein de l'homme intérieur? C'est la bonté qui le porte à se consacrer aux intérêts du prochain. Celui qui boit de cette eau est celui qui croit au Seigneur, mais s'il pense que cette eau qui lui est donnée, n'est que pour lui seul, l'eau vive ne coulera point de son sein; si, au contraire, il prodigue à son prochain les soins empressés de la charité, cette source intérieure ne tarit point, parce qu'elle coule au dehors. - S. Grég. (sur Ezéch). Lorsque les paroles sacrées de la prédication évangélique coulent de l'âme des fidèles, ce sont comme autant de fleuves d'eau vive qui sortent de leur âme. Les entrailles, qu'est-ce autre chose que ce qu'il y a de plus intime dans l'âme, c'est-à-dire l'intention droite, les saints désirs, l'humilité envers Dieu et la volonté d'être utile au prochain? - S. Chrys. (hom. 51) Il dit «des fleuves» et non un fleuve, pour exprimer sous cette image l'abondance et la fécondité de la grâce; ce sont «des fleuves d'eau vive», et qui ne cesse d'agir. En effet, lorsque la grâce de l'Esprit entre dans une âme et s'y affermit, elle coule plus abondamment que toutes les sources, elle ne tarit point, ni ne se dessèche ni ne s'arrête, comme on peut s'en convaincre en considérant la sagesse d'Etienne, la parole éloquente de Pierre, la fécondité abondante des discours de Paul; rien ne les arrêtait; mais semblables à des fleuves au cours rapide, ils entraînaient tout avec eux.

S. Aug. (Traité 32). L'Évangéliste explique ensuite quel était ce breuvage que le Seigneur les invitait à venir boire: «Il disait cela de l'Esprit que devaient recevoir ceux qui croiraient en lui». Quel est cet esprit, si ce n'est l'Esprit saint? car tout homme a en lui-même son propre esprit. - Alcuin. Le Sauveur avait promis avant son ascension l'Esprit saint à ses Apôtres, et il le leur envoya après l'ascension sous la forme de langues de feu, c'est pour cela que l'Évangéliste dit: «L'Esprit que devaient recevoir ceux qui croiraient en lui». - S. Aug. (Traité 32). Cet esprit était donc l'Esprit de Dieu, mais il n'était pas encore dans ceux qui croyaient en Jésus-Christ, car le Seigneur avait résolu de ne leur donner l'Esprit saint qu'après sa résurrection: «L'Esprit n'avait pas encore été donné», parce que Jésus-Christ n'était pas encore glorifié. - S. Chrys. (hom. 51). Les Apôtres chassaient d'abord les démons, non par la vertu de l'Esprit-Saint, mais par la puissance qu'ils avaient reçue de Jésus-Christ. En effet, lorsqu'il leur donnait leur mission, on ne lit pas qu'il leur donna l'Esprit saint, mais le pouvoir de chasser les démons. Quant aux prophètes, tous reconnaissent que l'Esprit saint leur était donne, mais cette grâce avait cessé de se répandre sur la terre. - S. Aug. (d e la Trin., 4, 20). Mais comment est-il dit de Jean-Baptiste: «Il sera rempli du Saint-Esprit dès le sein de sa mère ?» Comment Zacharie est-il inspiré par ce divin Esprit pour prédire la mission future du Précurseur? Comment Marie elle-même est remplie de l'Esprit saint pour annoncer les destinées de son divin Fils, aussi bien que Siméon et Anne pour proclamer la grandeur de Jésus-Christ dès son berceau. La seule explication qu'on puisse donner des paroles de l'Évangéliste, c'est que l'Esprit saint devait être donné après la glorification de Jésus-Christ, comme il ne l'avait jamais été auparavant, c'est-à-dire que l'effusion de ce divin Esprit devait avoir un caractère d'efficacité qu'elle n'avait jamais été précédemment. En effet, nous ne lisons nulle part que sous l'action de l'Esprit saint qui descendait en eux, les hommes aient parlé des langues qu'ils ne connaissaient pas, comme il arriva lors de la descente de l'Esprit saint, dont l'avènement devait être démontré par des prodiges extérieurs et sensibles.

S. Aug. (Traité 32). Mais comment se fait-il que l'Esprit saint qui est encore actuellement reçu par les fidèles, ne donne à personne de parler les langues de tous les peuples? C'est que l'Eglise parle elle-même la langue de toutes les nations; et on ne peut recevoir l'Esprit saint qu'autant qu'on est dans l'Eglise. Si vous aimez l'unité, tout ce que possède chacun de vos frères est à vous. Bannissez l'envie de votre coeur, et ce que j'ai vous appartient. L'envie sépare, la charité unit; ayez la charité, et vous posséderez tout avec elle, et au contraire, tout ce que vous pourrez avoir sans elle, ne vous servira de rien. Or, la charité de Dieu a été répandue dans nos coeurs par l'Esprit saint qui nous a été donné. (Rm 5) Mais pourquoi le Sauveur n'a-t-il voulu donner le Saint-Esprit qu'après sa résurrection? C'est pour nous apprendre qu'après cette résurrection spirituelle, notre charité doit être ardente, nous séparer entièrement de l'amour du siècle, et se diriger toute entière vers Dieu, car celui qui nous a dit: «Celui qui croit en moi, qu'il vienne et qu'il boive, et des fleuves d'eau vive couleront de son sein», nous a promis la vie éternelle où nous serons délivrés de tout danger, et affranchis de la crainte de la mort. C'est donc à raison de ces magnifiques promesses qu'il a faites à ceux que l'Esprit saint embraserait des feux de la charité, que le Sauveur n'a point voulu donner ce divin Esprit avant d'être glorifié, pour nous donner dans son corps ressuscité, un modèle de la vie que nous n'avons pas encore maintenant, mais dont nous espérons jouir après notre résurrection.

S. Aug. (cont. Faust., 32, 17). Si donc la raison pour laquelle le Saint-Esprit n'était pas donné, c'est que Jésus n'était pas encore glorifié, il devait l'envoyer aussitôt qu'il serait glorifié. Les Cataphrygiens ont prétendu que c'est sur eux que le Saint-Esprit est descendu en vertu de cette promesse, et sont tombés par là dans l'hérésie. Les Manichéens affirment aussi que la promesse du Sauveur d'envoyer l'Esprit saint s'est accomplie dans Manès et dans leur secte, comme si ce divin Esprit n'avait pas été donné auparavant. - S. Chrys. (hom. 51). Ou bien encore, cette gloire dont parle ici Jésus, c'est sa croix. Nous étions les ennemis de Dieu, et comme ce sont nos amis et non pas nos ennemis que nous comblons de nos dons, il était nécessaire que le Sauveur offrit à Dieu la victime d'expiation, qu'il détruisît les inimitiés dans sa chair, et que devenus ainsi les amis de Dieu, nous fussions capables de recevoir ses dons.


vv. 40-53

12740 Jn 7,40-53

S. Aug. (Traité 33 sur S. Jean). Lorsque le Seigneur eut invité ceux qui croyaient en lui, à venir s'abreuver aux sources de l'Esprit saint, le peuple fut divisé à son sujet: «Dès ce moment, parmi cette multitude qui avait entendu ses paroles, quelques-uns disaient: Celui-ci est vraiment le prophète». - Théophyl. C'est-à-dire, le prophète que l'on attendait. Les autres, au contraire, c'est-à-dire le peuple, disaient: C'est le Christ. - Alcuin. Ils avaient déjà commencé à puiser à cette source spirituelle, ils n'étaient plus tourmentés par la soif de l'infidélité, tandis que les autres demeuraient dans la sécheresse de leur incrédulité: «Mais, disaient les autres, est-ce que le Christ viendra de la Galilée? L'Ecriture ne dit-elle pas que c'est de la race de David et de la petite ville de Bethléem, où naquit David, que le Christ doit venir ?» Ils connaissaient donc les prophéties qui avaient le Christ pour objet, mais ils ne savaient pas qu'elles avaient leur accomplissement en Jésus, ils savaient qu'il avait été élevé à Nazareth, mais ils ne songeaient pas à s'informer du lieu de sa naissance, et ils ne croyaient pas que la prophétie qu'ils avaient sous les yeux était accomplie en lui. - S. Chrys. (hom. 51) Admettons toutefois qu'ils ign oraient le lieu de sa naissance, pouvaient-ils ignorer également la race d'où il sortait, sa naissance de la maison et de la famille de David? Pourquoi donc cette réflexion: «Est-ce que le Christ ne doit pas sortir de la race de David ?» Mais c'est justement cette circonstance qu'ils voulaient cacher, en alléguant son éducation à Nazareth, et toutes leurs paroles sont inspirées par une profonde malice. Aussi voyez, ils ne viennent pas trouver Jésus pour lui faire cette observation: Les Écritures disent que le Christ doit sortir de Bethléem, comment se fait-il que vous venez de la Galilée? Non encore une fois, et la malignité seule conduit leur langue et dicte leurs paroles. Comme ils ne prêtaient aucune attention aux enseignements du Sauveur et qu'ils n'avaient aucun désir de s'instruire, Jésus-Christ ne leur fit aucune réponse, tandis qu'il avait donné les plus grands éloges à Nathanaël, qui lui disait: «Est-ce qu'il peut venir quelque chose de bon de Nazareth ?» (Jn 1) Parce qu'il était un vrai Israélite, qu'il cherchait la vérité et qu'il était instruit à fond dans la science des Écritures de l'ancienne loi.

«Le peuple était donc partagé à son sujet». - Théophyl. Ce n'étaient pas les princes du peuple, ils étaient trop bien d'accord pour ne pas le reconnaître comme le Christ. Ceux dont la malice était moins profonde, se contentaient d'attaquer par leurs paroles la gloire du Sauveur, mais ceux dont la méchanceté était extrême, désiraient vivement se saisir de sa personne, et c'est de ces derniers dont l'Évangéliste ajoute: «Quelques-uns d'entre eux voulaient le prendre». - S. Chrys. (hom. 51). L'Évangéliste fait cette remarque, pour montrer qu'ils ne manifestaient dans leur langage ni le désir de chercher la vérité, ni le désir de la dire: «Mais personne ne mit la main sur lui». - Alcuin. C'est-à-dire qu'ils eu furent empêchés par celui qui avait la puissance de réprimer leurs efforts. - S. Chrys. (hom. 51). Cette seule circonstance aurait dû suffire pour leur inspirer un profond repentir, ils n'en firent rien. Tel est le caractère propre de la méchanceté, elle ne veut céder à personne, et n'a qu'une chose en vue, c'est de mettre à mort celui à qui elle tend des embûches.

S. Aug. (Traité 33). Ceux qui avaient été envoyés pour se saisir de Jésus, revinrent sans s'être souillés de ce crime et remplis d'admiration: «Lors donc que les gardes revinrent vers les pontifes et les pharisiens, ceux-ci leur dirent: Pourquoi ne l'avez-vous pas amené ?» - Alcuin. Ils n'ont pu eux-mêmes se saisir de sa personne lorsqu'ils ont voulu le lapider, et ils reprochent à leurs émissaires de ne l'avoir point amené. - S. Chrys. (hom. 52). Les pharisiens et les scribes, témoins des miracles de Jésus, et versés dans la science des Écritures, n'en tirent aucun profit; leurs gardes, qui n'ont en aucun de ces avantages, sont gagnés par un seul des discours du Sauveur; ils étaient envoyés pour le charger de chaînes, et ils reviennent enchaînés par l'admiration dont ils sont remplis. Et ils ne disent pas: Nous n'avons pu nous saisir de sa personne à cause de la foule, mais ils proclament hautement la sagesse de Jésus-Christ: «Jamais homme n'a parlé comme cet homme». - S. Aug. (Traité 33). Or, il parlait de la sorte, parce qu'il était Dieu et homme tout ensemble. - S. Chrys. (hom. 52). Nous ne devons pas seulement admirer la prudence de ces hommes qui, sans avoir besoin de miracles, se laissent gagner par l'attrait de la doctrine du Sauveur (en effet, ils ne disent pas: Jamais homme n'a fait de tels miracles, ils disent: «Jamais homme n'a parlé comme cet homme»,) mais encore leur courage, la liberté avec laquelle ils s'expliquent de la sorte devant les pharisiens qui étaient les ennemis de Jésus-Christ. Le Sauveur cependant ne leur avait point parlé longuement, mais lorsque l'âme n'est pas viciée, elle n'a pas besoin de longs discours.

S. Aug. (Traité 33). Mais les pharisiens ne se rendirent point à leur témoignage: «Les pharisiens leur répliquèrent: Avez-vous été séduits, vous aussi ?» C'est-à-dire, nous voyons que vous avez trouvé un véritable charme dans ses discours. - Alcuin. Et en effet, ils avaient été heureusement séduits, parce qu'ils avaient renoncé au malheur de l'incrédulité pour embrasser la foi. - S. Chrys. (hom. 52). Voyez quel raisonnement insensé et pitoyable leur font les pharisiens: «Est-il quelqu'un d'entre les chefs du peuple ou d'entre les pharisiens qui aient cru en lui? Pour cette populace qui ne connaît point la loi, ce sont des gens maudits».Mais c'est justement le plus grand chef d'accusation contre eux, que la foule ait cru en Jésus-Christ, tandis qu'ils ont eux-mêmes refusé de croire. - S. Aug. (Traité 33). Ceux qui n'avaient point la connaissance de la loi, croyaient en celui qui avait donné la loi, et les docteurs de la loi ne craignaient pas de condamner l'auteur même de la loi, accomplissant ainsi ces paroles du Seigneur: «Je suis venu en ce monde pour le jugement, afin que ceux qui ne voient point voient, et que ceux qui voient deviennent aveugles» (Jn 9, 39).
- S. Chrys. (hom. 52). Comment peut-on appeler maudits ceux qui se laissent persuader par la loi (ou qui obéissent à la loi)? Les maudits sont bien plutôt ceux qui, comme vous, n'observent pas la loi. - Théophyl. Les pharisiens gardent quelque modération et quelque douceur dans leur réponse à ceux qu'ils avaient envoyés, dans la crainte de les voir se séparer complètement d'eux pour s'attacher à Jésus-Christ.

S. Chrys. (hom. 52). Ils venaient d'objecter qu'aucun des princes du peuple n'avait cru en Jésus, raison dont l'Évangéliste fait voir la fausseté, en ajoutant: «Nicodème, l'un d'entre eux, celui qui était venu de nuit trouver Jésus, leur dit:» - S. Aug. (Traité 33). Il n'était pas incrédule mais timide dans sa foi, c'est pour cela qu'il était venu de nuit trouver la lumière; il voulait être éclairé, mais il craignait d'être connu. Il répondit donc aux Juifs: «Notre loi condamne-t-elle un homme sans l'avoir entendu et sans avoir instruit sa cause? Il espérait que si les pharisiens consentaient seulement à l'entendre patiemment, ils éprouveraient la même impression que ceux qu'ils avaient envoyés pour se saisir de lui, et qui aimèrent mieux croire en lui; mais ces hommes, profondément pervers, voulaient condamner avant de connaître. - S.Aug. (de la Cité de Dieu, 22, 1). Nicodème appelle la loi de Dieu, «notre loi», parce que Dieu l'a donnée aux hommes.

S. Chrys. (hom. 52). Nicodème leur prouve donc à la fois qu'ils ne connaissent point la loi et qu'ils ne l'observent point. Mais les pharisiens, au lieu de mo ntrer, comme ils auraient dû le faire, qu'ils avaient eu raison d'envoyer se saisir de la personne de Jésus, se laissent aller aux propos injurieux et outrageants: «Ils lui répondirent: Est-ce que vous êtes aussi Galiléen ?» - S. Aug. (Tr. 33). C'est-à-dire, séduit par le Galiléen, car le Sauveur était appelé Galiléen, parce que ses parents habitaient Nazareth; je dis ses parents du côté de Marie et non du côté d'un père qu'il n'eut point sur la terre. - S. Chrys. (hom. 52). Ils ajoutent ce reproche ble ssant pour Nicodème, d'ignorer les Écritures: «Examinez les Écritures, lui disent-ils, et vous verrez que de la Galilée il ne sort point de prophète»; absolument comme s'ils lui disaient: Allez et instruisez-vous. - Alcuin. Leur attention ne se portait que sur le lieu où il passait sa vie, et non sur le lieu de sa naissance, c'est pourquoi ils refusaient de le reconnaître, non-seulement pour le Messie, mais pour un simple prophète». - S. Aug. (Traité 33). La Galilée ne voit point sortir de prophète de son sein, mais elle a vu s'élever au milieu d'elle le Seigneur, des prophètes.

«Et il s'en retournèrent, chacun eu sa maison. - Alcuin. Ils retournèrent dans la maison de leur incrédulité et de leur impiété, sans avoir rien fait, vides de foi et sans aucun résultat utile pour le salut de leurs âmes.


CHAPITRE VIII


vv. 1-11

12801 Jn 8,1-11

alguin. (1) Notre-Seigneur, aux approches de sa passion, avait coutume de passer le jour dans le temple de Jérusalem pour y prêcher la parole de Dieu et y opérer dos miracles en prouve de sa divinité; il retournait le soir à Béthanie où il demeurait chez les soeurs de Lazare, et le lendemain il revenait à Jérusalem pour y recommencer les mêmes oeuvres. C'est d'après cette coutume qu'après avoir enseigné tout le jour dans le temple l e dernier jour de la fête des Tabernacles, nous le voyons se retirer le soir sur le mont des Oliviers, selon la remarque de l'Évangéliste. - S. Aug. (Traité 33 sur S. Jean). Où convenait-il que le Christ enseignât, si ce n'est sur le mont des Oliviers, sur la montagne des parfums, sur la montagne de l'onction? En effet, le nom de Christ vient d'onction, et le mot grec ñßìá chre me veut dire en latin unctio onction. Or, Dieu nous a donné cette onction pour faire de nous de forts lutteurs contre le démon. - Alcuin. L'onction procure du soulagement aux membres fatigués et souffrants. Le mont des Oliviers signifie aussi la sublimité de la bonté du Sauveur, parce que le mot grec ëåïò veut dire en latin misericordia, miséricorde. La nature de l'huile se prête par faitement à cette signification mystérieuse, car elle surnage au-dessus de tous les autres liquides, et comme le chante le Psalmiste: Ses miséricordes sont au-dessus de toutes ses oeuvres: «Et dès le point du jour il retourna dans le temple», pour nous donner un symbole de sa miséricorde qu'il faisait éclater aux yeux des fidèles, concurremment avec la lumière naissante du Nouveau Testament. En effet, en revenant au point du jour, il annonçait l'aurore de la grâce de la loi nouvelle.

Bède. Il voulait encore signifier que dès qu'il commença d'habiter par sa grâce dans son temple, c'est-à-dire dans son Eglise, la foi en lui trouva des adhérents dans toutes les nations: «Et tout le peuple vint à lui, dit l'Évangéliste, et s'étant assis, il les enseignait». - Alcuin. L'action de s'asseoir signifie l'humilité de l'incarnation. Lors donc que Je Seigneur fut assis, le peuple vint à lui, parce qu'en effet, lorsqu'il se fut rendu visible par son incarnation, un grand nombre commencèrent à écouter ses enseignements et à croire en celui que son humanité rapprochait d'eux. Mais tandis que les simples et les humbles sont dans l'admiration des paroles du Sauveur, les scribes et les pharisiens lui font des questions, non pour s'instruire, mais pour tendre des pièges à la vérité: «Alors les scribes et les pharisiens lui amenèrent une femme surprise en adultère, et ils la placèrent au milieu de la foule, et ils lui dirent: Maître, cette femme vient d'être surprise en adultère». - S. Aug. (Traité 33). Ils avaient remarqué l'excessive douceur du Sauveur, car c'est de lui que le Roi-prophète avait prédit: «Avancez-vous, soyez heureux, et établissez votre règne par la vérité, parla douceur et par la justice» (Ps 44, 5) Il nous a donc apporté la vérité comme docteur, la douceur comme notre libérateur, et la justice comme celui qui connaît tout. Lorsqu'il ouvrait la bouche, la vérité éclatait dans ses paroles; on admirait sa douceur dans le calme et la modération qu'il gardait vis-à-vis de ses ennemis, ils cherchent donc à lui tendre un piège sur le troisième point, celui de la justice. Voilà, en effet, ce qu'ils se dirent entre eux: S'il déclare qu'il faut renvoyer cette femme, il n'observera pas les prescriptions de la justice; car la loi ne pouvait commander de faire quelque chose d'injuste; aussi ont-ils soin d'apporter le témoignage de la loi: «Or, Moïse, dans la loi, nous a ordonné de lapider les adultères». Mais Jésus, pour ne point perdre la réputation de douceur qui l'a rendu aimable au peuple, déclarera qu'il faut la renvoyer sans la punir. Ils lui demandent son avis sur ce point: «Vous donc que dites-vous ?» En agissant de la sorte, se disaient-ils, nous trouverons l'occasion de l'accuser, et nous le traduirons comme coupable et prévaricateur de la loi. C'est la réflexion que fait l'Évangéliste: «C'était pour le tenter qu'ils l'interrogeaient ainsi, afin de pouvoir l'accuser».

Mais le Seigneur, dans la réponse qu'il leur fait, restera fidèle à la justice, sans s'écarter de sa douceur habituelle: «Mais Jésus, se baissant, écrivait du doigt sur la terre». - S. Aug. (de l'acc. Des Evang., 4, 18). Il signifiait ainsi que le nom de ces hommes ne serait pas écrit dans le ciel, où ses disciples devaient se réjouir de voir leurs noms écrits; ou bien, il voulait montrer que c'est en s'humiliant (comme l'indiquait l'action de se baisser), qu'il opérait des miracles sur la terre; ou bien enfin, il voulait enseigner que le temps était venu d'écrire la loi, non plus sur une pierre stérile, mais sur une terre qui pourrait produire des fruits. - Alcuin. La terre est en effet le symbole du coeur humain qui produit ordinairement le fruit des bonnes et des mauvaises actions; le doigt qui doit sa souplesse à la flexibilité des articulations, figure la subtilité du discernement. Jésus nous apprend donc à ne pas condamner aussitôt et avec précipitation le mal que nous pouvons apercevoir dans nos frères, mais à rentrer humblement dans notre conscience, et à l'examiner à fond et avec le plus grand soin, comme avec le doigt du discernement. - Bède. Quant au sens qu'on peut appeler historique, Jésus, en écrivant de son doigt sur la terre, prouvait que c'était lui qui avait autrefois écrit la loi sur la pierre.

«Comme ils continuaient à l'interroger, il se redressa». - S. Aug. (Traité 34). Il ne leur dit pas: Elle ne doit pas être lapidée, pour ne pas se mettre en opposition avec la loi; encore moins leur dit-il: Qu'elle soit lapidée, car il n'est point venu perdre ce qu'il avait trouvé, mais chercher ce qui avait péri. Quelle est donc sa réponse? «Que celui de vous qui est sans péché, jette le premier la pierre contre elle». C'est la voix de la justice elle-même: Que la pécheresse soit punie, mais non point par les pécheurs, que la loi soit exécutée, mais non par les prévaricateurs de la loi. - S. Grég. (Moral., 14, 13 ou 15). Celui qui ne commence point par se juger tout d'abord, est incapable de porter un jugement juste sur les autres; malgré les renseignements extérieurs qu'il peut recueillir, il ne peut apprécier avec, équité le mérite des actions du prochain, si la conscience de son innocence personnelle ne lui donne pas une règle sûre de jugement.

S. Aug. (Traité 34). Après les avoir ainsi percés du trait de la justice, le Sauveur ne daigne même pas jeter un regard sur leur humiliation, il détourne les yeux: «Et se baissant de nouveau, il écrivait sur la terre». - Alcuin. On peut dire encore que le Sauveur, comme cela arrive souvent, paraissait faire une chose, tout en fixant son attention sur une autre, pour leur laisser la liberté de se retirer. Il nous apprend on même temps d'une manière figurée qu'avant de reprendre nos frères de leurs fautes, comme après avoir rempli le devoir de la correction, nous devons examiner sérieusement si nous ne sommes pas coupables des mêmes fautes ou d'autres semblables. - S. Aug. (Traité 34). Frappés tous par la voix de la justice comme par un trait perçant et se reconnaissant coupables, ils se retirèrent les uns après les autres: «Ayant entendu cette parole, ils s'en allèrent l'un après l'autre, à commencer par les plus anciens». - La Glose. C'étaient peut-être les plus coupables, ou du moins ceux qui connaissaient plus leurs crimes.

S. Aug. (Traité 34). Ils restèrent deux, la misère et la miséricorde, c'est-à-dire qu'il ne resta que Jésus et la femme qui était au milieu de la foule. Cette femme, je le suppose, fut saisie d'effroi, elle pouvait craindre d'être punie par celui qu'il lui était impossible de convaincre de péché. Mais ce bon Sauveur qui avait confondu ses ennem is par le langage de la justice, leva sur elle les yeux de la douceur et lui fit une question: «Alors, Jésus, se relevant, lui dit: Femme, où sont ceux qui vous accusaient? Personne ne vous a condamnée? Elle répondit: Personne, Seigneur». Nous avons entendu la voix de la justice, entendons maintenant la voix de la douceur: «Et Jésus lui dit: Ni moi non plus je ne vous condamnerai», bien que vous ayez pu le craindre, parce que vous n'avez pas trouvé de péché en moi. Quelle est donc, cette conduite, Seigneur? Vous vous montrez favorable au péché? Non, assurément. Ecoutez ce qui suit: «Allez, et ne péchez plus». Vous le voyez donc, le Seigneur condamne le péché, mais il ne condamne pas l'homme; s'il favorisait le péché, il aurait dit à cette femme: Allez et vivez comme vous l'entendez. Soyez assurée que je serai votre libérateur, quelque énormes que soient vos crimes, je vous délivrerai de l'enfer et de ses supplices, mais tel n'est point son langage. Que ceux qui aiment dans le Seigneur la dou ceur et craignent la vérité, pèsent avec attention ces paroles: «Car le Seigneur est plein de douceur et de droiture» (Ps 24)


v. 12

12812 Jn 8,12

Alcuin. Le pardon que Notre-Seigneur venait d'accorder à cette femme, pouvait faire naître dans l'esprit de ceux qui ne voyaient en lui qu'un homme le doute qu'il pût remettre les péchés, aussi croit-il devoir mettre dans un plus grand jour sa puissance divine: «Jésus leur parla de nouveau, disant: Je suis la lumière du monde». - Bède. Remarquez qu'il ne dit pas: Je suis la lumière des anges, ou la lumière du ciel, mais: «La lumière du monde», c'est-à-dire des hommes qui demeurent dans les ténèbres, selon cette prophétie de Zacharie dans saint Luc: «Pour éclairer ceux qui sont assis dans les ténèbres et dans l'ombre de la mort». - S. Chrys. (hom. 52 sur S. Jean). Ou bien encore, comme ils avaient toujours à la bouche la Galilée, et qu'ils doutaient s'il n'était pas un prophète, il veut leur prouver qu'il n'est pas un des prophètes, mais qu'il est le maître de l'univers entier: «Jésus leur parla de nouveau, disant: Je suis la lumière du monde», et non pas seulement la lumière de la Galilée, de la Palestine, de la Judée.

S. Aug. (Traité 34). Les Manichéens ont cru que le soleil qui éclaire les yeux de notre corps était Notre-Seigneur Jésus-Christ; mais l'Eglise catholique condamne cette interprétation, car Notre-Seigneur Jésus-Christ n'est point ce soleil qui a été créé, mais celui par lequel le soleil a été créé. Toutes choses, en effet, ont été faites par lui, et cette lumière qui a créé le soleil s'est faite visible pour nous sous le soleil, elle s'est couverte de la chair comme d'un nuage, non pour obscurcir, mais pour tempérer son éclat, c'est donc en parlant à travers le nuage de la chair, que la lumière indéfectible, la lumière de la sagesse a dit aux hommes: «Je suis la lumière du monde». - Théophyl. Vous pouvez vous servir de ces paroles pour combattre l'erreur de Nestorius. Notre-Seigneur, en effet, n'a pas dit: La lumière du monde est en moi, mais: «Je suis la lumière du monde»; car celui qui paraissait être un homme ordinaire, était en même temps le Fils de Dieu et la lumière du monde; et le Fils de Dieu n'habitait pas seulement dans l'homme, comme le prétendait sans fondement Nestorius.

S. Aug. (Traité 31). Le Sauveur vous rappelle des yeux du corps aux yeux du coeur par les paroles qui suivent: «Celui qui me suit ne marche pas dans les ténèbres, mais il aura la lumière de vie; car il ne lui suffisait pas de dire: «Il aura la lumière», mais il ajoute: «De vie». Ces paroles du Sauveur s'accordent avec ces autres du psaume 33: «Nous verrons la lumière dans votre lumière, parce qu'en vous est une source de vie». Dans les choses extérieures qui sont à l'usage du corps, la lumière est différente de la source. La gorge altérée cherche la source, les yeux demandent la lumière; mais en Dieu la lumière est la même chose que la source, Dieu est tout à la fois la lumière qui brille pour vous éclairer, et la source qui coule pour étancher votre soif. L'effet de la promesse est au futur, dans les paroles du Sauveur, ce que nous devons faire est au présent: «Celui qui me suit, aura», il me suit actuellement par la foi, il me possédera plus tard dans ma nature. Suivez ce soleil visible, vous irez nécessairement à l'Occident, où il se dirige lui-même; et quand vous ne voudriez pas l'abandonner, il vous abandonnera lui-même. Votre Dieu, au contraire, est tout entier en tout lieu, et il n'aura jamais pour vous de couchant, si vous n'avez pas pour lui de défaillance. Les ténèbres les plus à craindre sont celles des moeurs et non les ténèbres des yeux, on du moins ce ne sont que les ténèbres des yeux intérieurs à l'aide desquels on distingue non le blanc du noir, mais le juste de l'injuste. - S. Chrys. (hom. 52). C'est dans un sens spirituel qu'il faut entendre ces paroles: «Il ne demeure pas dans les ténèbres», c'est-à-dire, il ne demeure pas dans l'erreur. Le Sauveur donne ici des éloges à Nicodème et aux serviteurs envoyés par les pharisiens, tandis que pour ces derniers il laisse à entendre qu'ils sont des artisans de ruses et de fraudes, qu'ils sont dans les ténèbres et dans l'erreur, mais que cependant ils ne triompheront point de la lumière.



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