Catena Aurea 13606

vv. 6-11

13606 Jn 16,6-11

S. Chrys. (hom. 78 sur S. Jean). La tristesse s'était emparée de l'esprit des disciples encore bien imparfaits, en entendant les dernières paroles de leur divin Maître; il les en reprend, et leur en fait un reproche. «Et maintenant je vais à celui qui m'a envoyé, et aucun de vous ne me demande: Où allez-vous ?» En effet, lorsqu'ils l'entendirent déclarer que celui qui les mettrait à mort croirait faire une chose agréable à Dieu, ils gardèrent un profond silence, et ne lui adressèrent plus aucune question, c'est pour cela qu'il ajoute: «Mais parce que je vous ai dit ces choses, la tristesse a rempli votre coeur», etc. Ce n'était pas pour eux une consolation médiocre que de voir que le Seigneur connaissait la grandeur de leur tristesse produite par la pensée de son départ prochain, par la perspective des maux qu'ils devaient souffrir, et l'ignorance où ils étaient s'ils pourraient les supporter courageusement.

S. Aug. (Traité 94 sur saint Jean). Ou bien encore, ils lui avaient demandé précédemment où il allait, et il leur avait répondu qu'il allait où ils ne pouvaient le suivre actuellement; maintenant il leur déclare qu'il s'en ira, sans qu'aucun d'eux lui demande où il va: «Aucun de vous ne me demande: Où allez-vous ?» Car lorsqu'il monta aux cieux, ils l'accompagnèrent de leurs regards, mais sans chercher à savoir où il allait. Or, le Seigneur voyait l'effet que produisaient ses paroles dans leur coeur; comme ils n'avaient pas encore cette consolation intérieure que le Saint-Esprit devait répandre dans leur âme, ils craignaient de perdre la présence visible de Jésus-Christ; et comme d'après sa déclaration, ils ne pouvaient douter qu'ils la perdraient, leur affection encore tout humaine s'attristait de ce que leurs yeux allaient être privés de ce qui faisait leur consolation: «Mais parce que je vous ai dit ces choses, la tristesse a rempli votre coeur». Jésus savait ce qui leur était le plus avantageux; car la vue intérieure que l'Esprit saint devait leur donner comme consolation, était bien préférable: «Cependant je vous dis la vérité, il vous est avantageux que je m'en aille». - S. Chrys. C'est-à-dire, dût votre tristesse être mille fois plus grande, il vous faut entendre cette vérité, c'est qu'il vous est utile, que je me sépare de vous. Or, quelle est cette utilité? «Car si je ne m'en vais pas, le Paraclet ne viendra pas à vous». S. Aug. (de la Trin., 1, 9) S'il parle de la sor te, ce n'est point qu'il y ait inégalité entre le Verbe de Dieu et l'Esprit saint, mais parce que la présence du Fils de l'homme au milieu d'eux était comme un empêchement à la venue de celui qui ne lui était pas inférieur, parce qu'il ne s'était pas anéanti lui-même jusqu'à prendre la forme d'esclave. (Ph 2) Il fallait donc faire, disparaître à leurs yeux la forme de serviteur, qui les portait à croire que Jésus-Christ n'était pas ce qu'ils voyaient des yeux au corps: «mais si je m'en vais, je vous l'enverrai». - S. Aug. Est-ce qu'il ne pouvait l'envoyer, tout en demeurant sur la terre, lui sur qui nous savons que l'Esprit saint descendit et demeura lorsqu'il fut baptisé et qui ne fut jamais séparé de lui? Quel est donc le sens de ces paroles: «Si je ne m'en vais, le Paraclet ne viendra pas à vous», si ce n'est, vous n'êtes pas capables de recevoir le Saint-Esprit, tant que vous continuez à ne connaître Jésus-Christ que selon la chair. Mais lorsque Jésus-Christ les eut privés de sa présence corporelle, non-seulement l'Esprit saint, mais le Père et le Fils vinrent fixer spirituellement en eux leur séjour.
- S. Grég. (Moral., 8, 13 ou 17 dans les anc. éd). Il semble leur dire ouvertement: «Si je ne dérobe pas mon corps aux yeux de votre affection, il me sera impossible de vous conduire à l'intelligence invisible par l'Esprit consolateur. - S. Aug. (sur les par. du Seig). Or, après que la forme de serviteur que le Sauveur a prise dans le sein de la Vierge, eut été éloignée des yeux de la chair, l'Esprit consolateur leur procura ce bonheur singulier de pouvoir contempler avec les yeux purifiés de leur intelligence la nature de Dieu elle-même, par laquelle le Fils était égal à son Père, alors même qu'il daigna se manifester dans la chair.

S. Chrys. Mais quelle est donc l'objection que font ici ceux qui ne se forment point de l'Esprit saint des idées justes et convenables? Est-il donc utile que le Seigneur s'en aille pour que le serviteur vienne? Or, le Sauveur répond, en nous faisant connaître les avantages de la venue de l'Esprit saint: «Et lorsqu'il sera venu, il convaincra le monde en ce qui touche le péché», etc. - S. Aug. (Traité 95 sur S. Jean). Est-ce donc que Jésus-Christ n'a pas convaincu le monde? Serait-ce parce qu'il n'a fait entendre sa voix qu'aux Juifs, qu'on ne pourrait dire qu'il a convaincu le monde, tandis que l'Esprit saint, au contraire, dans la personne de ses disciples répandus par tout l'univers, n'a pas seulement convaincu une nation, mais le monde tout entier? Mais qui oserait dire que l'Esprit saint a convaincu le monde par la bouche des disciples, tandis que Jésus-Christ ne peut le convaincre; alors que l'Apôtre s'écrie: «Est-ce que vous voulez éprouver la puissance du Jésus-Christ qui parle par ma bouche ?» (2Co 13,3). Jésus-Christ peut donc convaincre ceux que l'Esprit saint convainc lui-même. Mais Notre-Seigneur dit: «Il convaincra le monde», c'est-à-dire, il répandra la charité dans vos coeurs, et en dissipant toutes vos craintes, vous donnera la liberté de convaincre le monde. Il explique, ensuite ce qu'il venait de dire: «En ce qui touche le péché, parce qu'ils n'ont pas cru en moi». Notre-Seigneur ne parle que de ce péché à l'exclusion de tous les autres, parce que tant qu'il reste, les autres péchés ne peuvent être pardonnés, et que s'il vient à être effacé, tous les autres le sont avec lui. - S. Aug. (serm. 61 sur les par. du Seig). Mais il y a une grande différence entre croire que Jésus est le Christ, et croire en Jésus-Christ; les démons eux-mêmes n'ont pu s'empêcher de croire qu'il était le Christ, mais celui qui croit en Jésus-Christ, espère eu même temps en Jésus-Christ, aime Jésus-Christ. - S. Aug. (Traité 95). Le monde est donc convaincu de péché, parce qu'il ne croit pas en Jésus-Christ, et il est convaincu aussi en ce qui touche la justice de ceux qui croient, car le seul exemple des fidèles est la condamnation des infidèles: «Il convaincra le monde en ce qui touche la justice, parce que je m'en vais à mon Père». Nous entendons souvent sortir de la bouche des infidèles cette question: Comment pouvons-nous croire ce que nous ne voyons pas? Il fallait donc définir de la sorte le caractère de la justice des croyants: «Parce que je m'en vais à mon Père, et que vous ne me verrez plus». Bienheureux, en effet, ceux qui ne voient point et ne laissent pas de croire, car si la foi de ceux qui ont vu Jésus-Christ a reçu des éloges, ce n'est point parce qu'ils croyaient ce qu'ils voyaient (c'est-à-dire, le Fils de l'homme), mais parce qu'ils croyaient ce qu'ils ne voyaient pas (c'est-à-dire, le Fils de Dieu). Lorsqu'au contraire, la forme de serviteur eut disparu à leurs regards, alors cette, parole du prophète fut entièrement accomplie: «Le juste vit de la foi». Votre justice donc qui convaincra le monde, consistera à croire en moi, alors que vous ne me verrez plus; et lorsque vous me verrez tel que je serai alors, vous ne me verrez plus tel que je suis maintenant au milieu de vous, c'est-à-dire, vous ne me verrez plus soumis à la mort, mais environné d'immortalité. Et en effet, en leur disant: «Vous ne me verrez plus», il leur prédit qu'ils ne verront plus désormais le Christ tel qu'ils le voient.

S. Aug. (serm. 61 sur les par. du Seigneur). On peut donner encore cette explication: Il n'ont pas cru en lui, et il s'en va vers son Père; le péché est donc pour eux, et la justice pour lui. En effet, lorsqu'il est venu du sein de son Père vers nous; c'est un acte de miséricorde, mais c'est par un effet de sa justice qu'il retourne à son Père, selon ces p aroles de l'Apôtre: «C'est pour cela que Dieu l'a exalté». (Ph 2) Mais s'il s'en va seul à son Père, quelle utilité pouvons-nous en retirer? S'en est-il allé seul, parce que le Christ ne fait qu'un avec tous ses membres, comme le chef ne fait qu'un avec son corps? Le monde est donc convaincu de péché dans la personne de ceux qui ne croient pas en Jésus-Christ, et il est convaincu en ce qui touche la justice dans ceux qui ressuscitent comme membres de Jésus-Christ: «Et en ce qui touche le jugement, parce que le prince de ce monde est déjà jugé», c'est-à-dire, le démon, le prince des méchants, dont le coeur est tout entier fixé dans ce monde, objet de leurs affections. Par-là même qu'il a été jeté dehors, il a été jugé, et le monde est convaincu de ce j ugement, parce qu'il se plaint inutilement du démon, lui qui ne veut point croire en Jésus-Christ. En effet, ce prince du monde qui est jugé, c'est-à-dire, jeté dehors, et à qui Dieu permet de nous attaquer extérieurement pour nous exercer à la vertu, a été vaincu, non-seulement par des hommes, mais par de simples femmes, par des enfants, par de tendres vierges qui ont souffert le martyre pour Jésus-Christ. - S. Aug. (Tr. 95 sur S. Jean). Ou bien encore, il est déjà jugé, parce qu'il est irrévocablement condamné au feu éternel. Or, le monde est convaincu de ce jugement, parce qu'il est jugé lui-même avec son chef dont il imite l'orgueil et l'impiété. Que tous les hommes croient donc en Jésus-Christ, pour n'être point convaincus du péché d'incrédulité qui est comme un lien qui retient tous les autres péchés; qu'ils passent au nombre des fidèles, pour n'être point convaincus en ce qui touche la justice de ceux dont ils n'imitent point la conduite, et qu'ils se mettent en garde contre le jugement à venir, afin de n'être pas jugé avec le prince du monde qu'ils ont imité malgré son jugement et sa condamnation.

S. Chrys. (hom. 78 sur S. Jean). Ou bien encore: «Il convaincra le monde de pêché», c'est-à-dire, il leur ôtera toute excuse, et leur prouvera qu'ils sont coupables de n'avoir pas voulu croire en moi, alors qu'ils verront l'Esprit saint descendre sur les fidèles d'une manière ineffable par la seule invocation de mon nom. - S. Aug. (Quest. sur le Nouv. et l'Anc. Test., quest. 89) L'Esprit saint a encore convaincu le monde de péché par les prodiges qu'il a opérés au nom du Sauveur, que le monde avait rejeté. Pour le Sauveur lui-même, ayant réservé la justice, il n'a point hésité de retourner à celui qui l'avait envoyé, et en retournant vers lui, il a prouvé qu'il en était venu: «Et en ce qui touche la justice, parce que je m'en vais à mon Père». - S. Chrys. C'est-à-dire, qu'un retournant à mon Père, je leur prouverai que ma vie était irréprochable, et qu'ils ne pourront dire encore comme autrefois: «Cet homme est un pécheur, et ne vient pas de Dieu». Lorsqu'ils verront d'ailleurs que j'ai triomphé de mon ennemi (ce que je n'aurais pu faire si j'avais été un pécheur), il leur sera impossible de dire que je suis possédé du démon, que je suis un séducteur. En apprenant que le démon a été condamné à cause de ce qu'il avait fait à mon égard, ils sauront qu'ils pourront désormais le fouler aux pieds, et ils seront convaincus à n'en pouvoir douter de ma résurrection, parce qu'il n'a pu me retenir dans les liens de la mort. - S. Aug. (Quest. de l'Anc. et du Nouv. Test). Les démons eux-mêmes en voyant les âmes délivrées des enfers monter vers les cieux, ont connu que le prince de ce monde était déjà jugé, et que par suite du crime qu'il avait commis dans le jugement du Sauveur, il était condamné lui-même à perdre tout ce qu'il avait en sa possession, c'est ce que les Apôtres virent à l'ascension de Jésus-Christ, mais ce qui leur fut pleinement découvert, lorsque l'Esprit saint descendit sur eux.


vv. 12-15

13612 Jn 16,12-15

Théophyl. Notre-Seigneur développe les paroles qu'il vient de leur dire: «Il vous est utile que je m'en aille», ou ajoutant: «J'ai encore beaucoup de choses à vous dire», mais vous ne pouvez pas les porter maintenant». - S. Aug. (Traité 97 sur S. Jean). Tous les hérétiques se sont efforcés d'étayer sur ces paroles de l'Évangile leurs audacieuses inventions que la raison repousse avec horreur, comme si ces inventions étaient justement les vérités que les disciples ne pouvaient porter, et que l'Esprit saint leur eut enseigné ce que l'esprit immonde rougit d'enseigner et de prêcher en public. (Tr. 96) Mais on ne peut établir de comparaison entre les infamies qu'aucune pudeur humaine ne peut supporter, et les vérités salutaires que la faiblesse de l'esprit humain n'est pas capable de comprendre. Les unes ne se trouvent que dans les corps livrés à l'impureté, les autres sont au-dessus de toute nature corporelle et sensible. (Même Traité). Mais qui de nous se croira capable de comprendre les vérités que les disciples ne pouvaient porter alors? Il ne faut donc point s'attendre à ce que je les explique. On me dira peut-être, il en est beaucoup maintenant qui pourraient comprendre ce que saint Pierre n'était pas alors même qu'il en est beaucoup qui sont aujourd'hui capables de recevoir la couronne du martyre, surtout depuis qu'ils ont reçu l'Esprit saint qui, alors n'avait pas encore été envoyé. J'accorde qu'il en soit beaucoup qui, depuis la venue du l'Esprit saint, puissent porter les vérités dont les disciples étaient incapables avant de l'avoir reçu. Est-ce une raison pour que nous sachions ce qu'il n'a pas voulu dire? Et puisqu'il a cru devoir les taire, qui de nous entreprendra de les dire? (Plus bas). Savons-nous pour cela les vérités qu'il n'a pas cru devoir révéler? Il est également de la dernière absurdité de dire que les disciples étaient alors incapables de porter les hautes vérités que renferment leurs Epîtres écrites beaucoup plus tard, et dont on ne voit pas que le Seigneur leur ait parlé. Ces hommes qui appartiennent à des sectes perverses et corrompues, comme les Manichéens, les Sabelliens, les Ariens, ne peuvent supporter les vérités de la foi catholique qui se trouvent dans les saintes Écritures et condamnent leurs erreurs, de, même que nous ne pouvons supporter leurs mensonges sacrilèges. Qu'est-ce, en effet, que de ne pouvoir supporter quelque chose? C'est ne pouvoir l'envisager avec un esprit égal et tranquille. Mais quel est le fidèle, quel est même le catéchumène qui, avant d'avoir reçu avec le baptême le Saint-Esprit, ne lise pas ou n'entende pas d'un esprit égal, bien qu'il ne les comprenne pas, les vérités qui n'ont été écrites qu'après l'ascension du Sauveur? (Traité 97 vers la fin). On me dira encore: Est-ce que les hommes verses dans la spiritualité n'ont pas dans leur doctrine des vérités qu'ils taisent aux hommes charnels, et qu'ils font connaître à ceux qui se conduisent selon l'esprit? (Traité 98, avant le milieu). Il n'y a aucune nécessité de taire aux fidèles qui ne font que commencer les secrets de la doctrine chrétienne, pour les exposer en particulier aux âmes plus avancées. (Le milieu). Les hommes spirituels ne doivent pas garder devant les chrétiens même charnels, un secret absolu sur les vérités spirituelles, parce qu'elles font partie de la foi catholique qui doit être annoncée à tous les hommes. Cependant, dans l'exposé qu'ils en font, ils doivent prendre garde qu'en voulant faire entrer ces vérités dans l'esprit de ceux qui n'en sont pas capables, ils leur inspirent le dégoût pour la parole de vérité plutôt que de leur en donner l'intelligence. (Même imité après le commencement). Ne soupçonnons donc pas dans ces paroles du Seigneur, je ne sais quelles vérités secrètes qui pourraient être dites par celui qui enseigne, mais que ne pourrait supporter son disciple; mais comprenons que pour les choses mêmes qui, dans la doctrine chrétienne, font partie de l'enseignement commun des fidèles, si Jésus-Christ voulait nous les expliquer comme il les développe à ses anges, quels sont ceux qui pourraient supporter cette révélation, fussent-ils des plus avancés dans la spiritualité, ce que n'étaient pas encore les Apôtres? Certainement tout ce qu'on peut savoir de la créature est au-dessous du Créateur, et cependant qui garde le silence sur le Créateur? Dans quel endroit du monde n'est-il pas connu de tous les hommes? Etcependant alors que tous parlent de lui, quel est celui qui le comprend comme il doit être compris? (Traité 96). Et quel est celui qui, pendant cette vie, peut connaître toute la vérité? Est-ce que l'Apôtre ne dit pas: «Nous ne connaissons maintenant qu'imparfaitement ?» (1Co 13) Disons donc que comme l'Esprit Saint nous conduit à cette plénitude de vérité dont parle le même Apôtre, en ajoutant: «Mais alors nous le verrons face àface»; ce n'est pas seulement ce qui doit se faire en cette vie; mais la révélation pleine et entière qui doit avoir lieu dans la vie future que Notre-Seigneur nous promet par ces paroles: «Lorsque l'Esprit de vérité sera venu, il vous enseignera toute vérité», ou: «Il vous fera parvenir àtoute vérité». Ces paroles nous font comprendre que la plénitude de la vérité nous est réservée pour l'autre vie, et que dans celle-ci l'Esprit saint enseigne aux fidèles les choses spirituelles d'une manière proportionnée à leurs dispositions, tout en excitant dans leur coeur un désir de plus en plus vif pour ces mêmes vérités. - Didyme. (de l'Esprit saint, 2) Ou bien Notre-Seigneur veut dire que ses disciples ne savaient pas encore tout ce qu'ils auraient à souffrir dans la suite pour son nom; il ne leur en faisait connaître qu'une partie, réservant pour plus tard la connaissance des épreuves plus grandes qu'ils ne pouvaient porter alors, avant que leur chef leur en eut donné l'exemple par l'enseig nement de sa croix. Ils étaient encore asservis aux figures, à l'ombre et aux images de la loi, et ils ne pouvaient regarder la vérité dont la loi n'était que l'ombre. Mais lorsque l'Esprit de vérité sera venu, il vous enseignera toute vérité; et par sa doctrine et par son enseignement, vous fera passer de la mort de la lettre à l'esprit de vie dans lequel seul se trouve la vérité de tontes les Écritures.

S. Chrys. (hom. 78). Ces paroles: «Vous ne pouvez porter maintenant ces vérités», (mais vous le pourrez plus tard) et ces autres: «L'Esprit saint vous conduira à toute vérité», pouvaient donner aux Apôtres la pensée que l'Esprit saint était plus grand que lui, il se hâte donc d'ajouter: «Car il ne parlera pas de lui-même», etc. - S. Aug. (Traité 99 sur S. Jean). Ces paroles sont semblables à celles que le Sauveur dit de lui-même: «Je ne puis faire rien de moi-même, mais je juge suivant ce que j'entends», toutefois il parlait ainsi en tant qu'homme. - Or, comme l'Esprit saint n'est pas devenu créature par son union à un être créé, comment entendre en lui ces paroles de Notre-Seigneur? Nous devons les entendre dans ce sens que l'Esprit saint n'existe point par lui-même, car le Fils est né du Père, et l'Esprit saint procède du Père; or quelle différence entre procéder et naître, c'est ce qui demanderait de longues discussions et ce qu'il serait téméraire de définir. Entendre pour l'Esprit-Saint, c'est savoir, et savoir, c'est être. Puisque donc l'Esprit saint n'existe pas de lui-même, mais par celui de qui il procède, il reçoit la science et la propriété d'entendre de celui duquel il reçoit l'être. L'Esprit saint entend donc, toujours parce qu'il sait toujours; c'est donc de celui qui lui a donné l'être qu'il a entendu, qu'il entend et qu'il entendra.

Didyme. (De l'Esprit saint). Notre-Seigneur dit donc: «Il ne parlera pas de lui-même», c'est-à-dire sans la volonté de mon Père et la mienne; parce qu'il tire son existence de mon Père et de moi, et c'est de mon Père et de moi qu'il a reçu d'être, et de parler. Pour moi, je dis la vérité, c'est-à-dire je lui inspire ce que je dis, car il est l'Esprit de vérité. Lorsqu'il s'agit de la Trinité, il ne faut point entendre ces expressions dire et parler dans leur signification ordinaire, mais dans le s ens qui seul peut convenir aux natures incorporelles, et surtout à la Trinité qui inspire sa volonté dans le coeur des fidèles et de ceux qui sont dignes d'entendre sa voix. Pour le Père parler, et pour le Fils entendre, est le signe d'une entière égalité de nature, et d'une parfaite unité de volonté. Quant à l'Esprit-Saint, qui est l'Esprit de vérité, l'Esprit de sagesse, lorsque le Fils parle, on ne peut dire qu'il entend ce qu'il ne sait pas, puisqu'il est lui-même ce qui sort du Fils, la vérité qui procède de la vérité, le consolateur qui émane du consolateur, le Dieu esprit de vérité qui procède de Dieu. Et afin que personne ne lui attribuât une volonté différente de celle du Père et du Fils, Notre-Seigneur ajoute: «Ce qu'il entendra, il le dira».

S. Aug. (De la Trin., 2, 43) On ne peut conclure delà que l'Esprit saint soit inférieur au Père et au Fils, car ces paroles doivent s'entendre de lui en tant qu'il procède du Père. - S. Aug. (Traité 99 sur S. Jean). Il ne faut pas s'étonner que le verbe «il entendra» soit au futur, le Saint-Esprit entend de toute éternité parce qu'il sait de toute éternité. Or quand il s'agit d'un être éternel sans commencement comme sans fin, quel que soit le temps qu'on emploie, il n'est pas contraire à la vérité. Quoiqu e cette nature immuable ne soit pas susceptible de passé et de futur, mais seulement du présent, cependant on ne parle point contre la vérité en disant: «Il a été, il est, et il sera», il a été, car il n'a jamais cessé d'être; il sera, parce que son existence n'aura jamais de fin; il est, parce qu'il existe toujours.

Didyme. (De l'Esprit saint). C'est encore par l'Esprit de vérité que la science certaine de l'avenir est accordée à de saints personnages, c'est sous l'inspiration de cet Esprit dont ils étaient remplis que les prophètes prédisaient, et voyaient comme présents des événements qui ne devaient arriver que bien longtemps après: «Et il vous annoncera les choses à venir». - Bède. Il est certain qu'un grand nombre de saints personnages remplis de la grâce de l'Esprit saint ont connu et annoncé les événements à venir. Mais comme il en est un grand nombre aussi en qui brille l'éclat des plus pures vertus, et à qui la science des choses à venir n'est point donnée, on peut entendre ces paroles: «Il vous annoncera les choses à venir» dans ce sens qu'il vous remettra en mémoire les joies de la céleste patrie. L'Esprit saint fait connaître encore aux apôtres les épreuves qu'ils devaient endurer pour le nom de Jésus-Christ, et les biens qui devaient être la récompense de ces mêmes épreuves.

S. Chrys. (hom. 78). C'est ainsi que Notre-Seigneur élève l'esprit et les pensées de ses disciples, car rien n'excite à un plus haut degré la curiosité et les désirs de la nature humaine, comme la connaissance do l'avenir. Il les délivre donc de cette sollicitude en leur révélant les épreuves qui les attendent, afin qu'ils n'y tombent point sans y être préparés. Il leur explique ensuite quelle est cette vérité dont il a dit: «L'Esprit saint vous enseignera toute vérité», en ajoutant: «Il me glorifiera», etc. - S. Aug. (Traité 6 sur S. Jean). C'est-à-dire qu'en répandant la charité dans les meurs des fidèles, et en les rendant des hommes spirituels, l'Esprit saint leur a fait connaître que le Fils était égal au Père, lui qu'ils ne connaissaient auparavant que selon la chair, et que dans leurs pensées tout humaines, ils ne considéraient que comme un homme. Ou bien encore: «Il me glorifiera», parce que la charité remplissant les apôtres de confiance, et bannissant la crainte de leurs coeurs, ils ont annoncé Jésus-Christ aux hommes, et répandu la connaissance de son nom dans tout l'univers, car le Sauveur attribue ici à l'Esprit Saint ce que les apôtres devaient faire sous son inspiration. - S. Chrys. Et comme il leur avait dit précédemment: «Vous n'avez qu'un seul maître, qui est le Christ»; (Mt 23) pour les disposer à recevoir les leçons de l'Esprit saint, il ajoute: «Il recevra de ce qui est à moi, et vous l'annoncera». - Didyme. Il faut entendre ce mot recevoir dans un sens qui puisse convenir à la nature divine; car de même que le Fils en donnant, ne perd point ce qu'il donne, et n'éprouve aucun dommage de ce qu'il accorde aux autres; ainsi l'Esprit saint ne reçoit point ce qu'il n'avait pas auparavant, car s'il a reçu ce qu'il n'avait pas, en communiquant lui-même cette même grâce à un autre, il s'est appauvri de ce qu'il donnait. Comprenons donc que l'Esprit saint a reçu du Fils ce qui était propre à sa nature, qu'il n'y a point ici une personne qui donne et une personne qui reçoit, mais une seule et même nature, car le Fils lui-même reçoit du Père les propriétés qui font sa nature; en effet, le Fils n'est rien en dehors de ce qui lui est donné par son Père, de même qu'on ne peut concevoir la nature de l'Esprit saint en dehors de ce qui lui est donné par le Fils.

S. Aug. (Traité 6 sur S. Jean). Il ne faut point toutefois penser, comme l'ont fait quelques hérétiques, que l'Esprit saint soit moindre que le Fils, parce que le Fils reçoit du Père, et que le Saint-Esprit reçoit du Fils en suivant certains degrés qui établiraient une différence entre leurs natures, aussi le Sauveur se hâte de résoudre cette difficulté et d'expliquer ces paroles en ajoutant: «Tout ce qu'a mon Père est à moi. - Didyme. C'est-à-dire, quoique l'Esprit de vérité procède du Père, cependant, comme tout ce qui est à mon Père est à moi, l'Esprit du Père est le mien, et il recevra de ce qui est à moi. Gardez-vous, en entendant ces paroles de soupçonner ici une chose ou une propriété quelconque qui serait possédée par le Père et par le fils; tout ce que le Père a dans sa nature, c'est-à-dire dans son éternité, dans son immutabilité, dans sa bonté, le Fils l'a également. Rejetons donc bien loin tous ces filets des raisonneurs et des sophistes qui viennent nous dire: «Donc le Père est le Fils»; s'il avait dit: Tout ce qu'a Dieu est à moi, leur impiété pourrait y trouver matière à ces inventions sacrilèges, mais comme il a dit: «Tout ce qu'a mon Père est à moi», en proclamant le nom de son Père, il déclare lui-même qu'il est Fils, et il se garde bien, lui qui est le Fils, d'usurper la paternité, bien que par la grâce de l'adoption, il soit lui-même le Père d'un grand nombre de saints.

S. Hil. (De la Trin., 8) Notre-Soigneur n'a donc point laissé dans l'incertitude si le Saint-Esprit venait du Père ou du Fils; il a reçu du Fils d'être envoyé, et il procède du Père. Mais je demande si c'est une même chose pour l'Esprit saint de recevoir du Fils et de procéder du Père? On devra certainement reconnaître que c'est une seule et même chose de recevoir du Fils et de recevoir du Père; car lorsque Notre-Seigneur dit: «Tout ce qu'a mon Père est à moi», et qu'il dit eu même temps que l'Esprit saint recevra de ce qui est à lui, il enseigne par-la même qu'il doit recevoir également du Père. Il dit cependant qu'il recevra de ce qui est à lui, parce que tout ce qui est à son Père est à lui. Cette unité ne peut donc admettre de différence, peu importe de qui on reçoit, puisque ce qui est donné par le Père est considéré comme donné par le Fils.


vv. 16-22

13616 Jn 16,16-22

S. Chrys. (hom. 79 sur S. Jean). Après avoir répandu la joie dans l'âme de ses disciples, par la promesse qu'il leur a faite de leur envoyer l'Esprit saint, le Sauveur les attriste de nouveau en leur disant: «Encore un peu de temps, et vous ne me verrez plus». Il agit de la sorte pour les préparer, par ce langage triste et sévère, à l'idée de sa séparation prochaine; car rien n'est plus propre à calmer l'âme plongée dans la tristesse et l'affliction, comme la pensée fréquente des motifs qui ont produit en elle cette tristesse. - Bède. (hom. 1, pour le 2 Dim. ap. l'oct. de Pâq). Il dit: «Encore un peu de temps, et vous ne me verrez plus,» parce qu'il fut arrêté cette nuit par les Juifs, crucifié le jour suivant, enseveli vers le soir, et qu'il disparut ainsi aux regards des hommes. - S. Chrys. En méditant sérieusement ces paroles: «Parce que je m'en vais à mon Père», on y trouve un motif de consolation, car Notre-Seigneur montre ainsi qu'il ne doit point périr sans retour, et que sa mort n'est qu'un passage de ce monde à son Père. Il les console, encore en ajoutant: «Et encore un peu de temps, et vous me verrez»; car il leur apprend ainsi qu'il reviendra, que la séparation sera courte, et que la réunion avec eux durera éternellement.

S. Aug. (Traité 100 sur S. Jean). Ces paroles du Sauveur étaient obscures pour les disciples avant l'accomplissement des événements qu'elles avaient pour objet. Aussi: «Plusieurs de ses disciples se dirent l'un à l'autre: Qu'est-ce qu'il nous dit: Encore un peu de temps, et vous ne me verrez plus: et encore un peu de temps, et vous me verrez, parce que je vais à mon Père ?» - S. Chrys. Ils ne comprenaient pas, soit à cause de la tristesse qui les empêchait de penser à ce qu'il leur disait, soit à cause de l'obscurité des paroles elles-mêmes, qui paraissaient renfermer deux choses contradictoires, mais qui ne l'étaient pas en réalité; car, si nous vous voyons, pouvaient-ils dire, comment vous en allez-vous? Et si vous vous en allez, comment pourrons-nous vous voir? C'est pour cela qu'ils se demandent l'un à l'autre: «Qu'est-ce qu'il nous dit: Encore un peu de temps? Nous ne savons ce qu'il veut dire». - S. Aug. Dans ce qui précède, Notre-Seigneur, en leur disant: «Je vais à mon Père», sans ajouter: «Dans un peu de temps, vous ne me verrez plus», leur avait parlé ouvertement. Mais ce qui put alors leur paraître obscur, et qui leur fut bientôt dévoilé, nous est aussi parfaitement connu. En effet, la passion et la mort du Sauveur arrivèrent quelque temps après, et ils ne le virent plus; puis, peu de temps après, il ressuscita et ils le virent de nouveau. Il leur dit aussi: «Et vous ne me verrez plus», parce qu'ils ne devaient plus voir Jésus-Christ dans la nature mortelle dont il était revêtu.

Alcuin. On peut dire encore que ce peu de temps pendant lequel ils ne le verront pas, ce sont les trois jours qu'il fut déposé dans le sépulcre, et que ce peu de temps après lequel ils le reverront, c e sont les quarante jours qui suivirent sa passion et sa résurrection, et pendant lesquels il leur apparut plusieurs fois jusqu'au jour de son ascension. Pendant ce court espace de temps, vous me verrez, jusqu'au jour où je m'eu irai à mon Père; car je ne dois pas toujours rester corporellement sur cette terre, mais je dois remonter dans le ciel avec l'humanité que j'ai prise dans mon incarnation.

«Jésus, connaissant qu'ils voulaient l'interroger, leur dit: Vous vous demandez les uns aux autres ce que j'ai dit: Encore un peu de temps, et vous ne me verrez plus; et encore un peu de temps, et vous me verrez.

«En vérité, en vérité, je vous le dis, vous pleurerez et vous gémirez». Ce bon Maître, qui voit leur ignorance, répond au doute que ses paroles avaient fait naître, en leur expliquant le sens de ce qu'il vient de leur dire. - S. Aug. On peut entendre ces paroles de la tristesse des apôtres après la mort du Sauveur, et de la joie que leur fit éprouver sa résurrection; et le monde alors (c'est-à-dire les ennemis de Jésus-Christ, qui le firent mourir), se réjouit de la mort du Sauveur, tandis que ses disciples étaient dans la tristesse. «Le monde se réjouira», etc.
- Alcuin. Ces paroles du Seigneur peuvent s'appliquer à tous les chrétiens qui tendent aux joies éternelles par les larmes et les souffrances de cette vie; tandis que les justes pleurent, le monde se réjouit, parce qu'il ne connaît que les joies de la vie présente, et n'espère en aucune façon les joies de l'autre vie.

S. Chrys. Notre-Seigneur voulant ensuite leur montrer que la tristesse engendre la joie, comme aussi que cette tristesse sera courte, tandis que leur joie n'aura point de fin, emprunte cette comparaison aux choses du monde: «Une femme, lorsqu'elle enfante, a de la tristesse, parce que son heure est venue; mais lorsqu'elle a mis un enfant au jour, elle ne se souvient plus de ses douleurs, à cause de sa joie, parce qu'un homme est né au monde». - S. Aug. Cette comparaison n'est pas difficile à comprendre, parce que les termes en sont connus, puisque c'est celui même qui la propose qui enfait l'application: «Vous donc aussi, vous avez maintenant de la tristesse; mais je vous reverrai, et votre coeur se réjouira». Le travail de l'enfantement est ici comparé à la tristesse, et la délivrance à la joie, qui est ordinairement d'autant plus grande, que ce n'est pas une fille, mais un garçon qu'on a mis au monde. Il ajoute: «Et personne ne vous ravira votre joie», parce que Jésus est lui-même leur joie, et que, comme le dit l'Apôtre: «Jésus-Christ, ressuscité d'entre les morts, ne meurt plus, et la mort n'a plus d'empire sur lui». (Rm 6, 9). - S. Chrys. Par la comparaison qui précède, il veut aussi exprimer, d'une manière figurée, qu'il s'est délivré des étreintes de la mort, et qu'il a lui-même régénéré le nouvel homme. Et il ne dit pas qu'il n'aura point de tribulation, mais qu'il ne s'en souviendra point, tant sera grande la joie qui lui succédera: et il en sera de même pour les saints. Il ne dit pas non plus: Parce qu'un enfant, mais: «Parce qu'un homme est venu au monde», annonçant ainsi, en termes couverts, sa résurrection. - S. Aug. Mais je crois qu'il est mieux d'entendre de la vision et de la joie des cieux, ces paroles: «Encore un peu de temps, et vous ne me verrez plus»; et alors, ce peu de temps, c'est toute la durée du siècle présent. C'est pour cela que Notre-Seigneur ajoute: «Parce que je vais à mon Père», paroles qui se rapportent à la première proposition: «Encore un peu de temps, et vous ne me verrez plus»; et non à la seconde: «Encore un peu de temps, et vous me verrez», car c'est en allant à son Père qu'il est devenu invisible pour eux. Il leur dit donc, à ceux qui le voyaient corporellement: «Encore un peu de temps, et vous ne me verrez plus», parce qu'il devait aller à son Père, et qu'ils ne devaient plus le voir désormais dans cette nature mortelle, qu'ils voyaient de leurs yeux, lorsqu'il leur tenait ce langage. Ce qu'il ajoute: «Et encore un peu de temps, et vous me verrez», est une promesse qui s'adresse à toute l'Eglise. Ce peu de temps nous paraît bien long, parce qu'il dure encore; mais lorsqu'il sera écoulé, nous comprendrons alors combien courte a été sa durée.

Alcuin. Cette femme, c'est la sainte Eglise qui est féconde en bonnes oeuvres, et qui engendre à Dieu des enfants spirituels. Cette femme, tant que dure pour elle le travail de l'enfantement (c'est-à-dire, tant qu'elle s'applique à faire des progrès dans la vertu, tant qu'elle est exposée aux tentations et aux épreuves), a de la tristesse, parce que l'heure de la souffrance est venue pour elle; car il n'est personne qui ait de la haine pour sa propre chair (Ep 5, 30). - S. Aug. Et cependant jusque dans l'enfantement de cette joie, notre tristesse elle-même n'est pas s ans quelque joie, car, comme le dit l'Apôtre: «Nous nous réjouissons en espérance» (Rm 12), parce qu'en effet, la femme à laquelle Jésus-Christ nous compare, se réjouit beaucoup plus de l'enfant qu'elle doit mettre au monde, qu'elle n'est triste des douleurs actuelles qu'elle ressent. - Alcuin. Mais lorsqu'elle a mis au monde son enfant (c'est-à-dire, lorsqu'ayant triomphé de toutes ses épreuves, elle arrive à recueillir les palmes de la victoire), elle ne se souvient plus des douleurs qui ont précédé, tant est grande la joie de la récompense qui lui est donnée, en effet de même qu'une femme se réjouit d'avoir mis un homme au monde, ainsi l'Eglise est remplie d'une juste allégresse, en voyant le peuple des fidèles qu'elle a enfanté à la vie éternelle. - Bède. Il ne doit point nous paraître étrange d'entendre parler de la naissance de celui qui sort de cette vie, car de même qu'on dit de celui qui sort du sein de sa mère pour voir cette lumière sensible, qu'il naît à la vie; ainsi on peut dire de celui qui, délivré des liens de la chair, est élevé jusqu'à la contemplation de la lumière éternelle, qu'il naît à une nouvelle vie, et c'est pour cela que les fêtes des saints sont appelées les anniversaires, non de leur mort, mais de leur naissance.

Alcuin. Notre-Seigneur dit à ses Apôtres: «Je vous verrai de nouveau», c'est-à-dire, je vous prendrai avec moi, ou bien: «Je vous verrai de nouveau», c'est-à-dire, j'apparaîtrai de nouveau à vos regards, «et votre coeur se réjouira». - S. Aug. (Traité 1) L'Eglise enfante maintenant par ses désirs le fruit de tous ses travaux, elle l'enfantera alors par la contemplation, elle enfantera par conséquent un enfant mâle, parce que tous les devoirs de la vie active se rapportent à ce fruit de la contemplation; le seul fruit vraiment libre est celui qu'on recherche pour soi, et qui ne se rapporte pas à un autre, la vie active lui est subordonnée, car toutes les bonnes oeuvres se rapportent à lui, c'est la fin qui nous suffit; ce fruit sera donc éternel, car la seule fin qui puisse nous suffire est celle qui n'a pas de fin. C'est de cette fin qui doit combler tous nos désirs que le Sauveur nous dit à juste titre: «Et personne ne vous ravira votre joie».



Catena Aurea 13606