Catena Aurea 13706

vv. 6-8

13706 Jn 17,6-8

S. Chrys. (hom. 81 sur S. Jean). Notre-Seigneur explique ensuite à ses disciples quelle est cette oeuvre qu'il a consommée, c'est-à-dire, la manifestation du nom de Dieu: «J'ai manifesté votre nom aux hommes que vous m'avez donnés». - S. Aug. (Traité 106 sur S. Jean). S'il veut seulement parler ici des disciples avec lesquels il vient de célébrer la cène, il ne peut être question de cette glorification dont il a parlé précédemment, et par laquelle le Fils glorifie le Père. Quelle gloire, en effet, pour Dieu, d'avoir pu être connu de onze ou de douze mortels? Si au contraire ces paroles: «J'ai manifesté votre nom aux hommes que vous m'avez donnés du monde», comprennent dans la pensée du Sauveur, tous ceux qui devaient croire en lui; c'est vraiment alors cette glorification par laquelle le Fils donne la gloire au Père. Cette proposition: «J'ai manifesté votre nom», doit donc s'entendre comme cette autre: «Je vous ai glorifié», c'est-à-dire, que le passé est mis ici pour le futur. Cependant la suite nous autorise à regarder comme plus probable que le Sauveur parlait ici de ceux qui étaient déjà ses disciples, et non de tous ceux qui devaient croire en lui. Dès le commencement de sa prière, le Sauveur veut nous faire comprendre sous le nom de siens, tous ceux à qui il a fait connaîtra le nom de son Père qu'il a glorifié en leur donnant cette connaissance; ce qu'il a dit précédemment: «Afin que votre Fils vous glorifie», se trouve expliqué par les paroles qui suivent: «Puisque vous lui avez donné la puissance sur toute chair». Ecoutons maintenant ce qu'il dit de ses disciples: «J'ai manifesté votre nom aux hommes que vous m'avez donnés du monde». Est-ce donc, qu'ils ne connaissaient pas le nom de-Dieu, lorsqu'ils étaient Juifs? Etoùdonc lisons-nous: Dieu est connu dans la Judée, et son nom est grand dans Israël? Voici donc comme il faut entendre ces paroles: «J'ai manifesté votre nom aux hommes que vous m'avez donnés du monde», c'est-à-dire, à ceux qui, m'écoutent en ce moment; non pas ce nom de Dieu que vous donnent communément les hommes, mais le nom de Père, nom qui ne peut être manifesté qu'autant que le Fils est manifesté lui-même. Il n'est, en effet, aucune nation qui, avant même du croire en Jésus-Christ, n'ait eu une connaissance quelconque de Dieu, comme étant le Dieu de toutes lus créatures. Comme créateur du monde, Dieu était donc connu dans toutes les nations, avant même qu'elles eussent embrassé la foi de Jésus-Christ. Il était connu dans la Judée comme le Dieu, dont le culte était exclusif de toutes les fausses divinités. Mais son nom de Père de Jésus-Christ, par lequel il efface les péchés du monde, n'était nullement connu, et c'est ce nom qu'il manifeste à ceux que son Père lui a donnés du monde. Mais comment l'a-t-il manifesté? Si le temps dont il a dit précédemment: «L'heure vient où je ne vous parlerai plus en paraboles n'était pas encore venue, il faut admettre que le Sauveur a employé ici le passé pour le futur. - S. Chrys. On peut dire encore qu'il leur avait déjà fait connaître par ses paroles comme par ses actions, que Dieu le Père avait Jésus-Christ pour Fils. - S. Aug. Enleur disant: «Vous me les avez donnés du monde», il leur fait comprendre qu'ils n'étaient pas du monde; toutefois ce n'est pas à leur naissance, mais à la grâce de la régénération qu'ils en étaient redevables. Mais que veulent dire les paroles qui suivent: «Ils étaient à vous, et vous me les avez donnés ?» Est-ce que le Père a jamais rien possédé que le Fils n'ait possédé lui-même? Non sans doute; cependant le Fils de Dieu a eu en cette qualité ce qu'il n'avait pas encore comme Fils de l'homme, alors qu'il ne s'était pas encore fait homme dans le sein de sa mère. Lors donc qu'il dit: «Ils étaient à vous», le Fils de Dieu ne se sépare point de son Père, mais il a coutume de rapporter toute sa puissance à celui de qui il tire cette puissance avec son origine. Et en ajoutant: «Vous me les avez donnés», il nous montre que c'est comme homme qu'il les a reçus de son Père. Il se les est aussi donnés à lui-même, c'est-à-dire, que Jésus-Christ Dieu a donné avec son Père à Jésus-Christ homme ce qui n'est pas avec le Père, c'est-à-dire, les hommes. En s'exprimant ainsi, il nous fait voir l'étroite union qui existe entre lui et son Père, et que la volonté de son Pure est que les hommes croient au Fils, c'est pour cela qu'il ajoute: «Et ils ont gardé votre parole. - Bède. Cette parole du Père, c'est lui-même, parce que c'est par lui que le Père a créé toutes choses, et qu'il contient en lui-même toutes les paroles, comme s'il disait: Ils m'ont confié à leur souvenir, de manière à ne jamais m'oublier. Ou bien «ils ont gardé ma parole», en ce sens qu'ils ont cru en moi: «Et maintenant ils savent que tout ce que vous m'avez donné vient de vous». Il en est qui prétendent qu'il faut lire: «Maintenant j'ai connu que tout ce que vous m'avez donné vient de vous», mais ce langage n'aurait pas de sens, car comment le Fils pouvait-il ignorer ce qui appartient au Père? Au contraire, on comprend très bien qu'il ait dit de ses disciples: «Ils ont appris qu'il n'y a rien en moi qui vous soit étranger, et que toutes les vérités que j'enseigne viennent de vous». S. Aug. Le Père lui a tout donné lorsqu'il l'a engendré, pour qu'il possédât tout ce qu'il possède lui-même. - S. Chrys. Et comment les disciples l'ont-ils appris? Par mes paroles, qui leur enseignaient que je suis sorti de vous; c'est, en effet, ce à quoi nous le voyons s'appliquer dans tout son Évangile: «Parce que je leur ai donné les paroles que vous m'avez données, et ils les ont reçues». - S. Aug. C'est-à-dire, ils les ont comprises et retenues, car on revoit véritablement la parole lorsqu'on la comprend intérieurement: «Et ils ont reconnu véritablement que je suis sorti de vous». Et pour ne pas donner à penser que cette connaissance était déjà le fruit de la claire vision, et non de la foi, il explique quelle est cette connaissance, en ajoutant: «Et ils ont cru (sous-entendez véritablement) que vous m'avez envoyé». Ils ont donc cru véritablement ce qu'ils ont reconnu véritablement. Car ces paroles: «Je suis sorti de vous», ont la même signification que ces autres: «Vous m'avez envoyé». Il ne faut pas entendre ce que le Sauveur dit ici: «Ils ont cru, en vérité», dans le même sens que ce qu'il a dit précédemment à ses disciples: «Vous croyez maintenant, l'heure est venue où vous serez dispersés chacun de votre côté»; mais ils ont cru en vérité, c'est-à-dire comme il faut croire, d'une foi ferme, inébranlable, forte, persévérante, qui devait les empêcher de s'enfuir chacun chez eux, et d'abandonner Jésus-Christ. Les disciples n'étaient donc pas encore tels que le Sauveur les représente, en employant le passé pour le futur, et en prédisant l'admirable changement que le Saint-Esprit devait opérer en eux. Il est facile d'expliquer comment le Père a donné ces paroles à son Fils, si l'on entend qu'il les a reçues du Père comme Fils de l'homme, si l'on entend, au contraire, qu'il a reçu ces paroles du Père comme Fils unique, il faut éloigner toutes idée de temps, et se garder de croire que le Fils de Dieu ait pu exister un seul instant sans que son Père lui ait donné ces paroles; car tout ce que le Père a donné au Fils, il le lui a donné en l'engendrant.


vv. 9-13

13709 Jn 17,9-13

S. Chrys. (hom. 81 sur S. Jean). Tant de paroles consolantes, que le Seigneur avait prodiguées à ses disciples, n'avaient pu encore pénétrer leurs coeurs; il s'adresse donc pour eux à son Père, afin de leur montrer la grandeur de son amour. «C'est pour eux que je vous prie», c'est-à-dire je ne me contente pas de leur donner tout ce que j'ai, je me rends encore leur intercesseur près d'un autre, pour leur témoigner un plus grand amour. - S. Aug. (Traité 107 sur S. Jean). Ce monde, dont le Sauveur ajoute: «Je ne prie point pour le monde», ce sont ceux qui suivent dans leur vie la concupiscence du monde, et qui ne sont point compris dans les décrets de la grâce pour être choisis par lui du milieu du monde. Ce sont ces discrets auxquels le Sauveur fait allusion par ces paroles: «Mais je prie pour ceux que vous m'avez donnés». Par là même, en effet, que son Père les lui a donnés, ils n'appartiennent plus à ce monde pour lequel il ne prie point. Ne croyons pas, du reste, que parce que le Père les a donnés à son Fils, il ait perdu ceux qu'il a donnés; aussi ajoute-t-il: «Parce qu'ils sont à vous». - S. Chrys. Notre-Seigneur répète souvent ces paroles: «Vous me les avez donnés», pour bien convaincre ses disciples que telle était bien la volonté de son Père, qu'il n'est point venu comme un étranger pour les tromper, mais qu'il les a revus comme étant à lui. Loin de nous encore la pensée que son pouvoir sur eux est un pouvoir nouveau, et que c'est récemment que son Père les lui a donnés, car il ajoute: «Et tout ce qui est à moi est à vous, et tout ce qui est à vous est à moi». Que personne donc ne croie, parce que mon Père me les a donnés, qu'ils soient devenus étrangers à mon Père, car tout ce qui est à moi est à lui; ni qu'ils m'étaient étrangers à moi-même, parce qu'ils m'ont été donnés, car ce qui est à lui est à moi.

S. Aug. Nous voyons assez clairement ici comment tout ce qui est au Père est aussi au Fils unique; c'est parce qu'il est Dieu lui-même, qu'il est né du Père, et qu'il est égal au Père. Ce n'est donc point dans le même sens que le père de l'enfant prodigue disait à l'aîné de ses fils: «Tout ce que j'ai est à vous»; (Lc 15, 31) car ces paroles doivent s'entendre de tous les biens créés qui sont au-dessous de la créature raisonnable. Les paroles du Sauveur, au contraire, comprennent la créature raisonnable elle-même qui ne peut être soumise qu'à Dieu. Comme elle appartient à Dieu le Père, elle ne pourrait appartenir en même temps au Fils qu'autant qu'il serait égal au Père; car on ne peut sans crime assujettir les saints, dont il parle ici, à un autre qu'à celui qui les a créés, qui les a sanctifiés. Mais lorsqu'on parlant de l'Esprit saint le Sauveur dit aussi: «Tout ce qu'a mon Père est à moi», il entend les perfections qui sont de l'essence même de la divinité du Père, car ce n'est point d'une créature soumise au Père et au Fils que le Saint-Esprit aurait pu recevoir ce que le Sauveur exprime en ces termes: «Il recevra de ce qui est à moi».

S. Chrys. Notre-Seigneur donne la preuve de ce qu'il vient d'avancer: «Et j'ai été glorifié en eux». La preuve, en effet, qu'ils sont sous ma puissance, c'est qu'ils me glorifient en croyant en moi et en vous, car personne ne peut être glorifié en ceux qui ne seraient point soumis à sa puissance. - S. Aug. En leur représentant cette glorification comme un fait accompli, il leur fait voir qu'elle entrait dans les desseins de la prédestination divine, et il voulait qu'on regardât comme certain ce qui devait nécessairement arriver. Cependant il nous faut examiner s'il s'agit ici de cette glorification dont le Sauveur a dit plus haut: «Et maintenant, mon Père, glorifiez-moi en vous»; car s'il a été glorifié dans son Père, comment l'a-t-il été dans ses disciples? Est-ce lorsqu'il s'est manifesté aux apôtres, et par eux à tous ceux qui ont cru à leur témoignage? Notre-Seigneur ajoute, en effet: «Et déjà je ne suis plus dans le monde, et eux sont dans le monde». - S. Chrys. C'est-à-dire, alors même que je ne serai plus présent sous une forme sensible, je serai glorifié dans la personne de ceux qui donnent leur vie pour moi, comme pour mon Père, et qui me font connaître par leurs prédications, comme ils font connaître mon Père. - S. Aug. Si vous ne considérez que le moment où le Sauveur parlait de la sorte, ses apôtres et lui étaient encore dans le monde. Nous ne pouvons pas entendre ces paroles: «Déjà je ne suis plus dans le monde», du détachement du coeur et du progrès de l'âme dans la vie divine; car, peut-on admettre que Jésus ait jamais eu de l'affection pour les choses du monde? Il ne reste donc plus qu'un sens possible à ces paroles, c'est que Notre-Seigneur affirme qu'il n'est plus présent dans le monde corporellement comme il l'était auparavant. Est-ce que nous ne disons pas tous les jours, d'un homme qui est sur le point de partir, et surtout de celui qui va mourir: Il n'est plus ici? Jésus explique d'ailleurs le sens de ces paroles, en ajoutant: «Et je vais à vous». Il recommande donc à son Père ceux qu'il allait priver de sa présence corporelle: «Père saint, lui dit-il, conservez dans votre nom ceux que vous m'avez donnés»; c'est-à-dire qu'il prie Dieu en tant qu'homme, pour les disciples que Dieu lui a donnés. Mais pesez bien les paroles qui suivent: «Afin qu'ils soient un comme nous». Il ne dit pas: Afin qu'eux et nous, nous soyons un, comme nous sommes un nous-mêmes; mais qu'ils soient un dans leur nature, comme nous sommes un nous-mêmes dans notre nature. En effet, comme en Jésus-Christ Dieu et l'homme ne font qu'une seule et même personne, nous comprenons qu'il est homme, parce qu'il prie, nous comprenons qu'il est Dieu, parce qu'il ne lait qu'un avec celui qu'il prie. - S. Aug. (De la Trin., 4, 8). Notre-Seigneur, comme chef de l'Eglise, qui est son corps, aurait pu dire: Eux et moi, nous sommes non pas une seule chose, mais un seul être, car la tête et le corps ne font qu'un en Jésus-Christ. Mais on nous montrant sa consubstantialité divine avec son Père, il veut que nous soyons un en Jésus-Christ, non-seulement dans cette nature qui nous est commune, dans laquelle nous voyons des hommes mortels s'élever à une glorieuse égalité avec les anges, mais qu'ils soient un comme nous, par les sentiments d'un amour réciproque, qui les fonde en un seul esprit dans les ardeurs du feu de la charité, et les fasse tendre au même bonheur par les efforts d'une volonté unanime. Voilà ce que signifient ces paroles: «Afin qu'ils soient un comme nous sommes un», c'est-à-dire, de même que le Père et le Fils sont un, non-seulement dans une même et simple nature individuelle, mais dans l'unité d'une même volonté; ainsi ceux qui ont le Fils pour médiateur entre bien et eux, doivent aussi être un, non-seulement par la communauté d'une même nature, mais par l'union d'une même charité.

S. Chrys. Notre-Seigneur parle ici de nouveau comme homme: «Pendant que j'étais avec eux, je les conservais en votre nom»; c'est-à-dire par votre puissance; il parle ici, je le répète, d'une manière humaine, en rapport avec les dispositions d'esprit de ses disciples, qui croyaient que la présence corporelle leur était de la plus grande utilité. - S. Aug. (Traité 107 sur S. Jean). Le Fils de Dieu, fait homme conservait les disciples au nom de son Père, lorsqu'il était présent corporellement au milieu d'eux; mais alors même le Père conservait au nom du Fils ceux dont il exauçait les prières qui lui étaient faites au nom du Fils. Il ne faut point prendre ces paroles dans ce sens matériel, que le Père et le Fils gardent tour à tour les disciples, car le Père, le Fils et le Saint-Esprit nous environnent ensemble d'une égale protection; mais la sainte Ecriture ne peut nous être utile qu'en descendant jusqu'à nous. Comprenons donc qu'en s'exprimant ainsi, Notre-Seigneur établit la distinction des personnes divines, mais non la séparation dans la nature. Lors donc, que le Fils gardait ses disciples par sa présence corporelle, le Père n'attendait pas, pour les garder lui-même, que son Fils cessât de remplir cet office, mais tous deux les conservaient en les couvrant de leur puissance divine. Et quand le Fils les priva de sa présence corporelle, il continua de les garder spirituellement avec son Père. Car en les recevant comme homme des mains de son Père, il ne les a pas soustraits à la garde du Père; et le Père, en les confiant à la garde de son Fils, ne les a point donnés sans le concours de celui-là même qui les a reçus; car il les a donnés à son Fils fait homme, mais conjointement avec ce même Fils, Dieu comme lui. «J'ai gardé ceux que vous m'avez donnés, et aucun d'eux n'a péri, si ce n'est l'enfant de perdition», (c'est-à-dire le traître disciple prédestiné à la perdition), afin que l'Ecriture fût accomplie, c'est-à-dire la prophétie qui a pour objet le perfide Judas (surtout dans le Psaume 108).

S. Chrys. Il fut le seul qui périt alors, mais un grand nombre l'imitèrent dans la suite. Notre-Seigneur dit: «Aucun d'eux n'a péri, autant qu'il dépendait de moi», c'est ce qu'il exprime plus clairement ailleurs, lorsqu'il dit: «Je ne jetterai pas dehors celui qui vient a moi» (Jn 10). Mais s'ils veulent sortir d'eux-mêmes, je ne veux pas les retenir de vive force et malgré eux: «Et maintenant je viens à vous». Mais, pourrait-on lui dire, ne pouvez-vous donc pas les conserver tout en vous éloignant d'eux? Il le peut sans doute, mais il leur explique pourquoi il parle ainsi: «Et je dis ces choses étant dans le monde, afin qu'ils aient en eux la plénitude de ma joie», c'est-à-dire, afin qu'ils ne se laissent point aller au trouble naturel à leurs dispositions encore imparfaites. Il leur fait voir ainsi que c'est pour leur procurer le repos de la joie intérieure qu'il tient ce langage. - S. Aug. Le Sauveur a déjà expliqué plus haut quelle est cette joie dont il dit ici: «Afin qu'ils aient en eux la plénitude de ma joie», lorsqu'il a dit: «Qu'ils soient un comme nous sommes un». Cette joie qui est la sienne (c'est-à-dire, qu'il leur a donnée), il leur en prédit l'accomplissement parfait dans leurs coeurs, et c'est pour cela qu'il a dit ces choses étant dans le monde. Cette joie, c'est la paix et la félicité de la vie future. Jésus qui avait dit précédemment qu'il n'était plus dans le monde, nous déclare maintenant qu'il dit ces choses étant dans le monde, il y était encore, parce qu'il n'était pas encore sorti du monde, et il n'y était plus dans un autre sens, parce qu'il devait bientôt le quitter.


vv. 14-19

13714 Jn 17,14-19

S. Chrys. (hom. 82 sur S. Jean). Notre-Seigneur donne une seconde raison qui rend ses disciples dignes de la protection toute spéciale de son Père: «Je leur ai donné votre parole, et le monde les a eus en haine», etc., c'est-à-dire, ils ont été un objet de haine à cause de vous et à cause de votre parole. - S. Aug. Ils n'avaient pas encore éprouvé cette haine par les persécutions auxquelles ils furent en butte dans la suite, mais le Sauveur, suivant sa coutume, annonce les événements qui doivent avoir lieu, en termes qui semblent signifier qu'ils sont déjà arrivés. Il fait connaître ensuite la cause de la haine du monde contre eux: «Parce qu'ils ne sont pas du monde». C'est par la régénération que cette grâce de séparation leur a été donnée; car par leur naissance naturelle, ils étaient du monde. Dieu leur a donné de n'être plus du monde, comme lui-même n'est plus du monde: «Comme moi-même, ajoute-t-il, je ne suis point du monde». Le Sauveur n'a jamais été du monde, car même dans sa nature de serviteur, il est né de l'Esprit saint, qui a été le principe de la régénération des autres. Cependant bien qu'ils ne fussent plus du monde, il était nécessaire qu'ils restassent encore dans le monde; aussi Notre-Seigneur ajoute: «Je ne demande pas que vous les ôtiez du monde». - Bède. C'est-à-dire, le temps approche où je disparaîtrai du monde, il est donc nécessaire qu'ils n'en soient pas enlevés eux-mêmes: «Mais je vous prie de les sauver du mal». Quoiqu'on puisse l'entendre de toute sorte de mal, Notre-Seigneur a surtout en vue le mal qui doit résulter de son éloignement. - S. Aug. Il répète la même pensée qu'il vient d'exprimer: «Ils ne sont pas du monde, comme moi-même je ne suis pas du monde. - S. Chrys. (hom. 83 sur S. Jean). Pourquoi donc a-t-il dit précédemment: «Que vous m'avez donnés du monde ?» Il parlait alors de la nature, et sous rapport ils étaient du monde, tandis qu'ici il veut parler des actions mauvaises. Sous ce rapport, ils ne sont point du monde, parce qu'ils n'ont rien de commun avec la terre, et qu'ils sont par avance citoyens des cieux; il leur montre ainsi son amour pour eux on faisant leur éloge à son Père. Lorsqu'on parlant de son Père et de lui, il emploie la particule comme, il veut exprimer l'égalité absolue qui résulte de l'unité de nature, mais lorsqu'il emploie ce même mot on parlant de nous et de lui, il laisse une grande distance entre les deux termes de comparaison. La prière qu'il adresse précédemment à son Père: «Sauvez-les du mal», a pour objet de leur obtenir, non-seulement d'être délivrés de tous les dangers, mais aussi la persévérance dans la foi, c'est pour cela qu'il ajoute: «Sanctifiez-les dans la vérité». - S. Aug. Car c'est ainsi qu'ils sont sauvés de tout mal, ce qui vient de faire l'objet de sa prière. On peut demander comment ils n'étaient plus du monde, s'ils n'étaient pas encore sanctifiés dans la vérité; est-ce parce que tout sanctifiés qu'ils sont, ils font des progrès dans cette même sainteté avec le secours de la grâce de Dieu? Ces héritiers du Nouveau Testament sont sanctifiés dans la vérité, vérité dont les sanctifications légales de l'Ancien Testament n'étaient que l'ombre, et lorsqu'ils sont sanctifiés dans la vérité, ils sont sanctifiés en Jésus-Christ, qui a dit: «Je suis la voie, la vérité et la vie» (Jn 14). Aussi le Sauveur ajoute: «Votre parole est vérité, le texte de l'Évangile grec porte üãïò, c'est-a -dire, le Verbe. Le Père a donc sanctifié dans la vérité (c'est-à-dire, dans son Verbe unique), ses héritiers et ses cohéritiers.

S. Chrys. Ou bien encore: «Sanctifiez-les dans la vérité», c'est-à-dire, sanctifiez-les en leur donnant l'Esprit saint, et la saine doctrine, car la saine doctrine sur Dieu contribue à la sanctification de l'âme, et comme preuve qu'il est ici question de doctrine, il ajoute: «Votre parole est vérité, c'est-à-dire, elle ne renferme point de mensonge, il n'y a rien en elle de simplement figuratif ou de corporel. Cette prière: «Sanctifiez-les dans la vérité», a encore, ce me semble, une autre signification, c'est-à-dire, séparez-les pour le ministère de la parole et de la prédication. Aussi ajoute-t-il: «Comme vous m'avez envoyé dans le monde, je les ai envoyés moi-même». - La Glose. Les Apôtres ont été envoyés pour remplir la même mission que Jésus-Christ, voilà pourquoi saint Paul dit: «Dieu était dans le Christ, se réconciliant le monde, et il a placé en nous la parole de réconciliation». (2Co 5,19). L'expression comme n'a pas la même signification pour lui et pour les Apôtres, elle n'établit la parité qu'autant qu'elle est possible en parlant du Fils de Dieu et des hommes. Notre-Seigneur dit qu'il les a envoyés dans le monde, en employant, selon sa coutume le passé, pour le futur.

S. Aug. Nous avons ici eu une preuve évidente que le Sauveur veut parler des apôtres; car le nom d'apôtres, qui vient du grec, veut dire en latin, envoyés. Or, comme ils sont les membres du corps de l'Eglise, dont Jésus-Christ est le chef, il continue ainsi sa prière: «Et je me sanctifie moi-même pour eux», c'est-à-dire je les sanctifie en moi-même, puisqu'ils font partie du corps dont je suis le chef. Et pour nous faire mieux comprendre que ces paroles: «Je me sanctifie moi-même pour eux», veulent dire qu'il les sanctifie en lui-même, il ajoute: «Afin qu'ils soient eux-mêmes sanctifiés en vérité», c'est-à-dire en moi, puisque le Verbe est la vérité; c'est dans ce Verbe que le Fils de l'homme a été sanctifié dès le commencement de son existence, lorsque le Verbe s'est fait chair. Il s'est alors sanctifié lui-même en lui-même, c'est-à-dire qu'il s'est sanctifié comme homme en lui-même, comme Verbe, parce que le Verbe et l'homme ne font qu'un seul Christ. Et c'est à cause de ses membres qu'il ajoute: «Et je me sanctifie moi-même pour eux», (c'est-à-dire je les sanctifie eux-mêmes eu moi, parce qu'ils ne font qu'un avec moi), afin qu'ils soient eux-mêmes sanctifiés en vérité. Que signifie cette expression: «Eux-mêmes ?» c'est-à-dire comme moi, et dans la vérité, qui n'est autre que moi-même. - S. Chrys. Ou bien encore: «Je me sanctifie moi-même pour eux»; c'est-à-dire, je m'offre à vous comme victime; car toutes les victimes sont saintes, aussi bien que tout ce qui est consacré à Dieu. Sous l'ancienne loi, cette sanctification n'existait qu'en figure (comme par exemple dans les brebis qu'on immolait), mais maintenant elle existe dans la vérité, c'est pour cela qu'il ajoute: «Afin qu'ils soient sanctifiés en vérité»; car je veux aussi vous les offrir on sacrifice. Il s'exprime de la sorte, ou parce que lui, qui s'offre, est notre chef, ou parce qu'ils sont eux-mêmes appelés à s'immoler comme victimes: «Offrez vos corps, dit l'Apôtre, comme une hostie vivante, sainte, et agréable à ses yeux», etc. (Rm 13, 1)


vv. 20-23

13720 Jn 17,20-23

S. Aug. ( Traité 109 sur S. Jean). Après avoir prié pour ses disciples, auxquels il avait donné le nom d'apôtres, il comprend aussi dans sa prière tous les autres qui dévoient croire en lui:» Je ne prie pas pour eux seulement, mais encore pour ceux qui, par leur parole, doivent croire en moi». - S. Chrys. ( hom. 82 sur S. Jean). Il donne en même temps un nouveau motif de consolation, en leur apprenant qu'ils seront eux-mêmes la cause du salut d'un grand nombre d'autres: «Mais encore pour ceux qui, par leur parole, doivent croire en mon nom». - S. Aug. Le Sauveur comprend ici tous ses élus, ceux qui vivaient alors, et aussi ceux qui devaient exister dans la suite, et non-seulement qui ont entendu les prédications des apôtres lorsqu'ils étaient encore sur la terre, mais encore tous ceux qui ne sont venus qu'après leur mort, et nous-mêmes, qui sommes nés si longtemps après; mais qui avons été amenés à la foi en Jésus-Christ par la parole des Apôtres, en effet, les apôtres, qui vivaient avec Jésus-Christ, ont annoncé aux autres ce qu'ils avaient appris de lui, et c'est ainsi que leur parole est parvenue jusqu'à nous, et qu'elle parviendra à tous ceux qui, dans la suite, doivent croire, en lui. Il peut sembler, au premier abord, qu'il n'a point compris dans sa prière quelques-uns des siens, ceux par exemple qui n'étaient pas alors avec, lui, qui n'ont pas cru par la parole des apôtres, mais qui avaient cru en Jésus-Christ bien auparavant. En effet, Nathanaël, Joseph d'Arimathie, et un grand nombre d'autres, dont saint Jean dit qu'ils crurent en Jésus-Christ, n'étaient pas alors avec lui. Je ne parle pas du vieillard Siméon, de la prophétesse Anne, de Zacharie, d'Elisabeth, du saint Précurseur, parce qu'on pourrait me répondre qu'il n'était pas besoin de prier pour ces saints personnages, qui étaient sortis de cette vie avec de grands mérites, ce que l'on peut dire également de tous les anciens justes. Quant aux premiers, il faut admettre que leur foi en Jésus-Christ n'était pas encore aussi parfaite qu'il la voulait. Ce ne fut qu'après sa résurrection, lorsque l'Esprit saint eut éclairé l'ignorance et fortifié la faiblesse des apôtres, que la foi des autres atteignit toute sa perfection. Mais la difficulté existe encore pour l'apôtre saint Paul, qui déclare qu'il a été fait apôtre non de la part des hommes, ni par un homme, et le bon larron, qui crut en Jésus-Christ, alors qu'on vit défaillir, dans les docteurs, leur foi, encore si imparfaite. La seule solution que nous puissions donner, c'est de dire que la parole des apôtres c'est la parole de foi qu'ils ont prêchée dans le monde. Notre-Seigneur l'appelle leur parole, parce qu'ils en ont été les premiers et les principaux organes, car depuis longtemps ils l'annonçaient par toute la terre, quand Paul la reçut lui-même par une révélation particulière de Jésus-Christ, et c'est encore cette même parole qui était le fondement de la foi du bon larron. Notre divin Rédempteur a donc compris dans sa prière tous ceux qu'il a rachetés, ceux qui vivaient alors comme ceux qui ne devaient exister que dans la suite. - (Traité 112) Quel était l'objet ou le motif de cette prière? Le voici: «Afin que tous ils soient un». Il demande ici pour tous ce qu'il a demandé précédemment pour ses apôtres, afin que nous tous, c'est-à-dire eux et nous, nous soyons un. - S. Chrys. Notre-Seigneur termine son discours par des voeux d'unité, c'est-à-dire comme il l'avait commencé lorsqu'il disait: «Je vous donne un commandement nouveau, c'est de vous aimer les uns les autres».

S. Hil. (de la Trin., 8) Il explique, plus distinctement ce qu'il a dit de cette unité, en lui donnant pour exemple, le plus sublime modèle d'unité: «Comme vous, mon Père, êtes un en moi, et moi en vous, qu'eux aussi soient un en nous»; c'est-à-dire, que de même le Père est dans le Fils, et le Fils dans le Père, nous devons, à leur exemple, être un dans le Père et le Fils. - S. Chrys. Cette expression comme ne signifie pas ici une ressemblance exacte et parfaite elle doit être prise en tenant compte de la distance qui existe entre les hommes et Dieu, comme lorsque le Sauveur nous dit, dans un autre endroit: «Soyez miséricordieux comme votre Père céleste est miséricordieux» (Lc 6, 36).

S. Aug. Il est très-important de remarquer ici que Notre-Seigneur n'a pas dit: Afin que tous nous soyons un, mais: «Afin qu'ils soient un, comme vous, mon Père, vous êtes en moi, et moi en vous». Sous-entendu: «Nous sommes un». Le Père est, en effet, dans le Fils, et le Fils dans le Père, de manière à ne faire qu'un, parce qu'ils n'ont qu'une seule et même nature. Qu ant à nous, nous pouvons bien être un en eux, mais nous ne pouvons pas être un avec eux, parce que nous n'avons pas avec eux une même nature. Ils sont donc en nous, et nous en eux, de manière à ne faire qu'un dans leur nature, comme nous ne faisons qu'un dans la nôtre; car le Père et le Fils sont en nous comme Dieu est dans son temple, et nous sommes en eux comme la créature est dans le Créateur. Il ajoute: «En nous», pour nous faire bien comprendre que cette unité, que produit la charité parfaite, doit être attribuée à la grâce de Dieu comme à son principe. - S. Aug. (de la Trin., 4, 9) Ou bien il parle ainsi, parce que les hommes ne peuvent être un en eux-mêmes, séparés qu'ils sont par diverses passions, par la cupidité, par les souillures qui, dans leurs péchés, couvrent leur âme. Il demande donc qu'ils soient purifiés par le Médiateur, afin qu'ils puissent être un on lui. - S. Hil. (de la Trin., 8) Les hérétiques font tous leurs efforts pour nous induire en erreur, en nous persuadant que ces paroles: «Mon Père et moi, ne sommes qu'un», ne signifient pas l'unité parfaite de nature, et l'identité de substance divine dans le Père et le Fils, mais une simple union, qui résulte de leur amour mutuel et du parfait accord de leurs volontés; et ils appuient leur opinion sur ce terme de comparaison pris par Notre-Seigneur lui-même: «Afin qu'ils soient tous un, comme nous sommes un nous-mêmes». Mais malgré les efforts de l'impiété pour détourner le sens véritable de ces paroles, ce sens n'en reste pas moins le seul qu'on puisse admettre. - Si, en effet, les hommes, par la grâce de la régénération prennent, comme une nouvelle nature, qui leur communique une même vie, une même éternité, on ne peut plus dire qu'ils ne sont un que par la communauté des mêmes sentiments, puisqu'ils le sont par la communauté de la même nature régénérée. - Mais au Père et au Fils seuls il appartient d'être un, en vertu de leur nature; parce qu'un Dieu qui naît d'un Dieu comme son Fils unique, ne peut exister qu'en recevant une seule et même nature de celui qui l'a engendré.

S. Aug. (Traité 110 sur S. Jean). Mais que signifient ces paroles qu'il ajoute: «Afin que le monde croie que vous m'avez envoyé ?» Est-ce que le monde embrassera la foi, lorsque tous nous ne ferons plus qu'un avec le Père et le Fils? Est-ce que cette union parfaite n'est pas cette paix perpétuelle, qui est plutôt la récompense de la foi que la foi elle-même? Dans cette vie, bien que tous nous soyons un, par les liens d'une même foi, cependant cette unité est bien plutôt l'effet que la cause de notre foi. Que veut-il donc dire par ces paroles: «Qu'ils soient tous un, afin que le monde croie ?» Car ils forment eux-mêmes le monde qui doit croire, et c'est d'eux qu'il a dit: «Je ne prie pas pour eux seulement, mais pour ceux qui, par leur parole, doivent croire en moi». Comment donc devons-nous entendre ces paroles: «Qu'ils soient un en nous, afin que le monde croie que vous m'avezenvoyé ?» Le Sauveur ne veut pas dire que leur parfaite unité sera la cause pour laquelle le monde embrassera la foi; mais c'est une prière qu'il fait à Dieu: «Que le monde croie», comme lorsqu'il dit: «Qu'ils soient un». Et sinous suppléons partout le mot: «Je demande», le sens de cette proposition sera des plus clairs: Je demande que tous ils ne soient qu'un: Je demande qu'ils soient tous un en nous: Je demande que le monde croie que vous m'avez envoyé. - S. Hil. (de la Trin., 4) Ou bien le monde doit croire que le Fils a été envoyé par le Père, parce que tous ceux qui doivent croire en lui seront un dans le Fils et dans le Père. - S. Chrys. Rien n'est plus scandaleux, en effet, que la division entre les chrétiens; tandis que l'union parfaite entre ceux qui ont une même foi, est un sujet d'édification, et un motif de foi pour ceux qui ne croient point. C'est ce que le Sauveur avait dit dès le commencement: «Tous connaîtront que vous êtes mes disciples, si vous avez de la charité les uns pour les autres»; si la division règne parmi eux, on ne les reconnaîtra plus pour les disciples d'un Maître pacifique; et si je ne suis point moi-même ami de la paix, ils ne reconnaîtront point que vous m'avez envoyé.

S. Aug. Notre-Seigneur qui, en priant son Père, venait de donner une preuve de son humanité, prouve maintenant qu'il est Dieu comme son Père, et qu'il peut accorder lui-même ce qu'il demande: «Et je leur ai donné la gloire que vous m'avez donnée», etc. Quelle est cette gloire? C'est l'immortalité, que la nature humaine devait recevoir dans la personne de Jésus-Christ; car en vertu des décrets immuables de la prédestination, il se sert du temps passé pour annoncer les événements futurs. Mais cette gloire de l'immortalité, qu'il déclare lui avoir été donnée par son Père, il faut entendre qu'il se l'est aussi donnée à lui-même; car toutes les fois que le Fils parle d'une oeuvre du Père sans s'y associer lui-même, il fait acte d'humilité; et lorsqu'en parlant de ses propres oeuvres il n'y comprend pas le Père, il veut établir l'égalité qui règne entre lui et son Père. D'après cette règle, il ne se met pas ici en dehors des oeuvres du Père, en disant: «La gloire que vous m'avez donnée», et ne présente pas non plus son Père comme étranger à son action, bien qu'il déclare que c'est lui-même qui donne cette gloire. Or, de même qu'en priant son Père pour tous les siens, son dessein a été que «tous fussent un»; ainsi, en disant: «Je leur ai donné la gloire que vous m'avez donnée», il a voulu que cette unité parfaite fût un effet de sa grâce, car il ajoute aussitôt: «Afin qu'ils soient un en nous, comme nous sommes un». - S. Chrys. Ou bien, par cette gloire, il entend la gloire qui vient des miracles et de la doctrine, et qui doit avoir pour fin la parfaite union entre eux: «Afin qu'ils soient un en nous, comme nous sommes un». Car cette gloire, d'être aussi parfaitement unis, est plus grande que la gloire qui vient des miracles. Eneffet, tous ceux qui ont cru par la prédication des apôtres, sont un, et si la division a régné parmi quelques-uns d'entre eux, ils ne doivent l'imputer qu'à leur négligence, ce que Notre-Seigneur n'a pu ignorer.

S. Hil. (de la Trin., 8) Tous les fidèles sont donc un, par le moyen de cette gloire, tour à tour reçue et donnée; mais je ne comprends pas encore comment cette gloire a été la cause de cette unité parfaite entre tous les fidèles. Notre-Seigneur a voulu établir en quelque sorte les degrés et l'ordre par lesquels ou peut arriver à cette unité consommée, lorsqu'il dit: «Qu'ils soient un en nous», c'est-à-dire, que notre divin Médiateur nous enseigne l'unité parfaite, parce qu'il est en son Père par sa nature divine, ce que nous sommes en lui par suite de son incarnation et de sa naissance corporelle, et qu'il est encore en nous par le mystère de son sacrement. - S. Chrys. Dans un autre endroit, il dit de lui et de son Père: «Nous viendrons à lui, et nous ferons en lui notre demeure», (Jn 14) et il ferme ainsi la bouche aux Sabelliens, par la distinction qu'il fait des deux personnes; en même temps qu'il détruit l'erreur des Ariens, en affirmant que son Père ne vient point par lui dans ses disciples, mais qu'il vient lui-même en eux avec son Père.

S. Aug. Cependant il ne veut pas dire que le Père n'est pas en nous, ou que nous ne sommes pas dans le Père; le Sauveur a voulu simplement marquer en peu de mots l'office de médiateur qu'il remplit entre Dieu et les hommes. Il ajoute: «Afin qu'ils soient consommés dans l'unité»; et il nous montre ainsi que la réconciliation qui a lieu par ce divin Médiateur, nous conduit à la j ouissance de la félicité parfaite. Aussi, je ne crois pas qu'on doive entendre les paroles qui suivent: «Afin que le monde connaisse que vous m'avez envoyé», dans le même sens que s'il disait, comme précédemment: «Afin que le monde croie»; car, tant que nous croyons ce que nous ne voyons pas, nous ne sommes pas encore consommés dans l'unité comme nous le serons lorsque nous mériterons de voir ce qui fait ici-bas l'objet de notre foi. La connaissance qui sera le fruit de cette consommation n'est donc plus celle que donne la foi, mais celle que produira la claire vue, et les croyants dont parle ici le Sauveur, c'est le monde lui-même, qui d'ennemi qu'il était est devenu l'ami de Dieu. C'est pour cela que Notre-Seigneur ajoute: «Et que vous les avez aimés comme vous m'avez aimé». En effet, c'est dans son Fils que le Père nous aime, parce que c'est en lui qu'il nous a choisis. Mais nous ne sommes pas pour cela les égaux du Fils unique; car cette locution: De même que, ainsi, n'expriment pas toujours l'égalité, mais simplement: Telle chose est, parce que telle autre chose est également. Ces paroles: «Vous les avez aimés comme je vous ai aimé», signifient donc: Vous les avez aimés parce que vous m'avez aimé; car, la seule raison pour laquelle le Père aime les membres de son Fils, c'est l'amour qu'il a pour son Fils lui-même. Or, qui pourrait dire combien ce Dieu, qui ne peut rien haïr de ce qu'il a fait, aime les membres de son Fils unique, et combien plus encore il aime le Fils unique lui-même ?



Catena Aurea 13706