Catherine de Sienne, Lettres - Lettre n. 264, A ETIENNE DE CORRADO MACONI

Lettre n. 265, A ETIENNE DE CORRADO MACONI

CCLXV (257).- A ETIENNE DE CORRADO MACONI.- Du mépris du monde et de soi-même.



AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE


1. Très cher Fils dans le Christ Jésus, moi, Catherine, la servante et l'esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je t'écris dans son précieux sang, avec le désir de te voir mourir pour l'honneur de Dieu, de cette mort qui donne la vie à l'homme: c'est-à-dire que, pour l'honneur de Dieu, tu ne t'inquiètes plus de toi-même, mais que je te voie courir généreusement là où tu pourras mieux accomplir sa sainte volonté, Il est temps, mon doux Fils, de se perdre soi-même et de tout négliger pour rendre honneur à Dieu par tous les moyens. Je n'en dis pas davantage maintenant. Je te prie et je te commande de la part de Jésus crucifié, si le Prieur, ou d'autres pour lui, te demandent un service, de leur obéir comme à moi-même, voyant ma volonté dans tout ce qu'ils te demanderont. Qu'il en soit de même pour Thomas (Le B. Raymond de Capoue était alors prieur de la Minerve. Il allait en France pour les intérêts d'Urbain VI).

2. Efforce-toi de quitter réellement le monde, afin d'observer en vérité les commandements et les conseils de Jésus crucifié. Tous ceux qui sont ici vous saluent et vous demandent de prier pour eux. Demeure dans la sainte et douce dilection de Dieu [1375]. Oblige de nouveau tous mes fils à prier tous les jours spécialement pour la sainte Eglise et pour le Pape Urbain VI. Il vient encore d'accorder cent jours d'indulgences à tous ceux qui prient pour la sainte Eglise (Voir la lettre C). Doux Jésus, Jésus amour.






Lettre n. 266, A ETIENNE DE CORRADO MACONI

CCLXVI (258). - A ETIENNE DE CORRADO MACONI, son ignorant et très ingrat fils. - Il faut préférer les tribulations aux consolations spirituelles.



AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE


1. Très cher Fils dans le Christ, le doux Jésus, moi Catherine, la servante et l'esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je t'écris dans son précieux sang, avec le désir de te voir sortir de l'enfance, et être un homme courageux, te détachant du lait des consolations mentales et actuelles pour manger le pain dur et moisi des tribulations spirituelles et temporelles, pour souffrir les combats du Démon, les injures des créatures, de quelque manière que Dieu veuille te les envoyer, té réjouissant alors, les désirant même, et remerciant doucement la Bonté divine quand il lui plaît de te faire de si grands présents, ce qui arrivera toujours lorsqu'il te verra bien disposé. Que ton coeur, mon Fils, ne soit plus tiède; plonge-le dans le précieux Sang, afin qu'il brûle dans la fournaise [1376] de la divine charité. Qu'il aie en horreur les oeuvres de l'enfance, et qu'il s'enflamme d'ardeur pour courir sur le champ de bataille et y faire de grandes choses en combattant généreusement pour Jésus crucifié. Saint Paul dit que celui qui n'aura pas bien combattu ne sera pas couronné. Ne faut-il pas plaindre celui qui fuit même le champ de bataille? Je ne t'en dis pas davantage ici.

2. J'ai reçu ta lettre, et je l'ai lue avec plaisir. Quant au projet, je te répondrai que tes dispositions me plaisent beaucoup. J'admire les ingénieux moyens que notre Dieu prend A l'égard de ses créatures pour les conduire à la fin pour laquelle nous sommes créés. Quand il ne réussit pas par les médecins agréables et la douceur des consolations, il nous envoie la tribulation: il brûle la plaie avec le feu pour qu'elle ne se corrompe pas. Je m'occuperai bien volontiers de cette affaire pour l'amour de Dieu et de ton salut, après les saints jours de fête.

3. Les indulgences que tu désires, je tâcherai de les joindre aux premières que je demanderai; je ne sais quand, parce que j'importune les écrivains de la cour; il faut patienter un peu. J'écris une lettre à Mathieu; en la lui donnant, encourage-le, et va le voir quelquefois pour soutenir et exciter son zèle dans l'entreprise commencée. J'ai appris l'infirmité que Dieu lui a envoyée, parce qu'il en avait besoin. Je te prie et te conjure de faire tout ton possible avec tes frères pour obtenir le secours de la Compagnie de la Vierge Marie. Il faut aussi avoir grande compassion de Catherine, qui est seule, pauvre et sans ressources Sois charitable à son égard. Je n'écris pas [1377] encore à Pietro. Faites en sorte que je ne m'aperçoive pas de vos négligences. Je termine. Demeure dans sa sainte et douce dilection de Dieu. Toute la famille te salue dans le Christ, et le secrétaire ingrat se recommande à toi (Néri ou Barduccio, ses secrétaires les plus ordinaires.). Doux Jésus, Jésus amour.






Lettre n. 267, A ETIENNE DE CORRADO MACCONI

CCLXVII (259).- A ETIENNE DE CORRADO MACCONI.- De la lumière qu'il faut avoir pour connaître la vérité.



AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE


Très cher Fils dans le Christ, le doux Jésus, moi, Catherine, la servante et l'esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je t'écris dans son précieux sang, avec le désir de te voir sortir des ténèbres pour te diriger vers la lumière, sans tarder davantage; car le temps fuit, et nous ne nous en apercevons pas dans notre aveuglement; il faut écarter le nuage, et contempler la vérité. La vérité est que Dieu ne veut et ne cherche autre chose que notre sanctification; c'est pour cela qu'il nous a créés à son image et ressemblance, et que le doux et tendre Verbe a voulu donner oea vie avec tant d'amour; il nous a manifesté ainsi sa vérité. L'âme qui la regarde à la lumière ne reste plus à dormir, mais elle secoue le sommeil et cherche avec un grand zèle la manière, la voie, le temps pour [1378] l'accomplir; et elle ne compte pas pour le faire sur le lendemain, parce qu'elle n'est pas sûre de l'avoir. Je veux que tu agisses ainsi; chasse de toi les ténèbres qui pourraient te priver de cette lumière. Apprends que Dieu te l'a montrée pour que tu sortes des ténèbres; car il t'a choisi pour connaître cette vérité; tu serais vraiment trop coupable si tu résistais: et tu résisterais si, par négligence, tu voulais dénouer au lieu de trancher. Il veut que tu tranches. puisqu'il t'a fait la grâce de terminer tes affaires, ce qui m'a causé une grande joie. Maintenant, mon Fils, presse-toi comme ceux qui sont à court de temps, et termine ce qui te reste à faire, afin d'accomplir la volonté de Dieu en toi. Je ne t'en dis pas davantage. Recommande à Pietro de n'être pas négligent à se débarrasser de lui-même pour être libre et courir dans la voie de Jésus crucifié. Pour l'affaire de messire...- Demeure dans la sainte et douce dilection de Dieu. Doux Jésus, Jésus amour.






Lettre n. 268, A ETIENNE DE CORRADO MACCONI

CCLXVIII (260).- A ETIENNE DE CORRADO MACCONI, pauvre de toute vertu.- Il ne faut pas résister à la voix de Dieu.



AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE


1. Très cher Fils dans le Christ, le doux Jésus, moi. Catherine, la servante et l'esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je t'écris dans son précieux Sang, avec [1379] le désir de te voir éclairé d'une si grande lumière et connaissance, que tu comprennes qu'il faut trancher et non pas dénouer; car celui qui ne tranche pas reste lié, et celui qui ne fuit pas reste toujours prisonnier. Ne résiste plus à l'Esprit-Saint qui t'appelle; il te serait dur de lutter contre lui. Ne te laisse pas engourdir par la tiédeur dans un amour lâche et dans une compassion de femme, qui prend souvent l'apparence de la vertu; mais sois comme un homme fort, qui combat généreusement sur le champ de bataille. Fixe le regard de ton intelligence sur ce sang répandu avec tant d'amour, et tu seras libre et plein d'ardeur pour le combat. Réponds, Fils négligent; ouvre la porte de ton coeur, car c'est une honte que Dieu se tienne à la porte de ton âme, et que tu ne lui ouvres pas. Ne sois donc pas mercenaire, mais fidèle. Baigne-toi dans le sang de Jésus crucifié, où tu trouveras le glaive de la haine et de l'amour pour trancher tous les liens qui te retiennent en dehors de la volonté de Dieu, et qui t'arrêtent dans la perfection. Tu trouveras aussi la lumière dont tu as besoin pour voir où il est nécessaire de trancher. Je ne t'en dis pas davantage. Demeure dans la sainte et douce dilection de Dieu. Doux Jésus, Jésus amour [1381].






Lettre n. 269, A ETIENNE DE CORRADO MACONI

CCXIX (261).- A ETIENNE DE CORRADO MACONI.- Combien on doit éviter la tiédeur qui vient de l'ingratitude.



AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE


1. Très cher Fils dans le Christ, le doux Jésus, moi, Catherine, la servante et l'esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je t'écris dans son précieux sang, avec le désir de te voir sortir de la tiédeur, afin que tu ne sois pas vomi de la bouche de Dieu, et que tu n'entendes pas ce reproche: Malheur à vous qui êtes tièdes, il vaudrait mieux que vous fussiez glacés. Cette tiédeur vient de l'ingratitude, et l'ingratitude vient du peu de lumière, qui ne laisse pas voir l'ardent amour de Jésus crucifié, et les bienfaits infinis que nous en avons reçus; car si nous les avions vus en vérité, notre coeur s'enflammerait d'amour, et nous serions avides de temps pour l'employer avec zèle à l'honneur de Dieu et au salut des âmes. Je t'y invite, très cher Fils, car voici une occasion nouvelle de travailler.

2. Je t'envoie une lettre que j'écris aux Seigneurs, et une autre à la Compagnie de la Vierge Marie. Tu les liras, et tu en feras ton profit; tu les remettras ensuite, et tu parleras à chacun selon l'occasion, d'après le contenu de ces lettres, conjurant tout le monde, de la part de Jésus crucifié et de la mienne, de travailler de tout leur pouvoir avec les Seigneurs et [1381] avec ceux que la chose regarde, à faire ce qu'il faut faire pour la sainte Eglise et le Vicaire du Christ, le Pape Urbain VI. Quant à moi, je regrette qu'il faille tout ce tourment lorsqu'il s'agit de l'honneur de Dieu et de l'intérêt spirituel et temporel de la ville. Tâche de n'être pas tiède, mais ardent à exciter les frères et les chefs de la Compagnie, pour qu'ils fassent tout leur possible au sujet de ce que j'écris. En étant ce que vous devez être, vous enflammerez toute l'Italie; ce n'est pas si difficile. Je termine. Demeure dans la sainte et douce dilection:de Dieu. Courage... Tous les frères et soeurs te saluent dans le Christ, et t'attendent. Doux Jésus, Jésus amour.






Lettre n. 270, A ETIENNE DE CORRADO MACONI

CCLXX (262).- A ETIENNE DE CORRADO MACONI, son très indigne et ingrat fils, lorsqu'elle était à Rome.- Du renoncement au monde, et des moyens d'y parvenir.



AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE


1. Très cher Fils dans le Christ, le doux Jésus, moi, Catherine, la servante et l'esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je t'écris dans son précieux sang, avec le désir de te voir trancher et non pas dénouer; car dénouer prend du temps, et tu n'es pas sûr d'en avoir, le temps passe si vite; il vaut donc mieux trancher avec un véritable et saint zèle. Oh! que mon [1382] âme sera heureuse quand je te verrai ainsi séparé réellement et spirituellement du monde et de l'amour de toi-même, et uni à la vie éternelle. Cette union est si bonne et si douce, qu'elle détruit toute amertume, et qu'elle rend tous les fardeaux légers. Qui ne voudrait donc prendre le glaive de la haine et de l'amour pour se séparer de soi-même, avec la main du libre arbitre; et la vertu de ce glaive est si grande, qu'aussitôt qu'il a tranché; il unit. Mais tu me diras, très cher Fils: Où trouver et préparer ce glaive? Je te répondrai: Tu le trouveras dans la cellule de la connaissance de toi-même, où tu concevras la haine du vice et de la faiblesse, et l'amour de ton Créateur et de ton prochain avec les vraies et solides vertus. où est-il préparé? dans le feu de la divine charité, en prenant pour enclume le corps du doux et tendre Verbe, du Fils de Dieu. Qu'ils sont ignorants et coupables, ceux qui ont de telles armes pour se défendre, et qui les jettent loin d'eux,

2. Non, je ne veux pas que tu sois de ces ignorants, mais je veux que tu te décides généreusement, et que tu répondes à Marie qui t'appelle avec tant d'amour. Le sang des glorieux martyrs qui sont morts ici à Rome (Sainte Catherine vénérait sans cesse le sang des martyrs qui a baigné la terre de Rome. Cornélius à Lapide. dans son commentaire sur Is 26, dit: Sancta Catharina Senensis, obiens Romae stationes, aiebat: Ego calco sanguinem martyrum.) avec tant d'ardeur, et qui ont donné leur vie par amour de la Vie, ce sang bout encore pour vous inviter, toi et les autres, à venir souffrir pour la gloire et l'honneur du nom de Dieu [1383] et de la sainte Eglise, à venir pratiquer la vertu sur cette sainte terre où Dieu a montré sa grandeur en la nommant son jardin, où il appelle ses serviteurs, en leur disant que voici le moment de venir éprouver l'or de la vertu. Ne faisons pas la sourde oreille; et si le froid nous empêche d'entendre, prenons ce sang brûlant d'ardeur, et lavons-nous avec, pour nous guérir de notre surdité. Cache-toi dans les plaies de Jésus crucifié, fuis le monde, sors de la maison de tes parents, retire-toi dans le côté de Jésus crucifié; c'est le moyen d'arriver à la terre promise. Je dis la même chose à Pietro. Asseyez-vous à la table de la sainte Croix; et là, tout enivrés du précieux Sang, prenez la nourriture des âmes en souffrant les peines, les opprobres, les injures, la faim, la soit, la nudité, en vous glorifiant avec le doux saint Paul, ce beau vase d'élection, dans les opprobres de Jésus crucifié. Si tu tranches, comme je te l'ai dit, souffrir sera ta gloire, mais pas autrement; tu seras au contraire dans la peine, et ton ombre même te fera peur. C'est parce que mon âme le sait, et qu'elle a faim de ton salut, que je désire te voir trancher, et non pas dénouer, afin que tu puisses plus vite courir. Demeure dans la sainte et douce dilection de Dieu.

3. J'ai reçu tes lettres, et j'ai été bien consolée au sujet de Baptiste, qui est guéri, parce que j'espère que ce sera une bonne plante, et parce que j'avais compassion de dame Giovanna (Baptiste était frère d'Etienne Maconi, et Giovanna sa mère.); mais je me suis plus réjouie encore de ce que Dieu te donne le moyen [1384] de quitter le monde, et aussi de ce que tu m'écris de la bonne disposition des Seigneurs de Sienne et de nos concitoyens à l'égard de notre doux Père, le Pape Urbain VI. Que Dieu dans son infinie miséricorde le conserve et augmente toujours le respect et l'obéissance pour lui. Soyez maintenant pleins de zèle pour répandre la vérité et confondre le mensonge autant que vous le pourrez.

4. Recommande-moi bien à dame Giovanna, à Corrado; encourage aussi Baptiste et le reste de la famille. Encourage tous mes Fils, et dis-leur surtout qu'ils me pardonnent si je ne leur écris pas; j'en suis très peinée moi-même. Encourage messire Matthieu; dis-lui qu'il nous envoie une note sur ce qu'il veut, car je l'ai oubliée, et frère Raymond part si promptement que nous ne pourrons l'avoir de lui (Sainte Catherine arriva à Rome le 28 novembre. et le bienheureux Raymond partit dans les premiers jours de décembre 1378.). Je ferai ensuite tout mon possible. Quant à frère Thomas, que je ne lui écris pas, parce que je ne sais où il se trouve, mais s'il est prêt de toi, encourage-le et dis-lui de me donner sa bénédiction. Notre Lisa et toute la famille se recommandent à toi. Néri ne t'écrit pas, parce qu'il a été bien près de mourir; mais maintenant il est guéri. Que Dieu te donne sa douce, son éternelle bénédiction. Dis à Pierre que, s'il peut venir, il nous vienne pour une affaire qui est très urgente. Doux Jésus, Jésus amour. Donne ou fais donner toutes ces lettres, et prie Dieu pour nous. Il y a aussi d'autres lettres scellées; donne-les dans cet état à dame Catherine de Giovanni: elle les distribuera [1385].






Lettre n. 271, A ETIENNE DE CORRODA MACONI

CCLXXI (263). - A ETIENNE DE CORRODA MACONI, lorsqu'elle était à Rome. Ce fut la dernière lettre qu'elle lui écrivit.- Il faut se parer de vertu pour attirer les âmes à Dieu par l'exemple et par le talent reçu de Dieu.

(Cette lettre est de 1380. Sainte Catherine était près de mourir lorsque le bienheureux Etienne Maconi reçut miraculeusement l'ordre d'aller la rejoindre a Rome. Il obéit sur-le-champ. (Gigli, t. II, p. 388.)



AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE


1. Très cher et très doux Fils dans le Christ, le doux Jésus, moi, Catherine, la servante et l'esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je t'écris dans son précieux sang, avec le désir de te voir un miroir de vertus, afin que par l'exemple de ta vie, l'enseignement de ta parole, par tes humbles et continuelles prières, tu deviennes un instrument pour tirer les âmes des mains du démon et les amener à la vertu, au Christ, le doux Jésus, comme Dieu nous. le demande; car il faut faire valoir le talent que Dieu nous a donné pour pratiquer la vertu et développer la vie de l'âme. Sans cela nous serons privés de la vie de la grâce, et dès cette vie nous goûterons les arrhes de l'enfer.

2. Oh! combien est douce et utile la vertu qu'on acquiert par le moyen de la prière faite dans la cellule de la connaissance de soi-même! Nous trouvons dans cette connaissance, le feu de la divine charité [1386], en voyant notre misère, notre ignorance, notre ingratitude. Nous y trouverons la source de l'humilité par la connaissance que nous aurons de nous-mêmes dans l'infinie bonté de Dieu; et par l'épreuve et la foi, nous nourrirons notre coeur du feu de la charité. Alors notre prière sera humble, fidèle, persévérante, pleine du souvenir et de l'amour de l'humble Agneau, et nous arriverons ainsi à la vertu parfaite.

3. Et je ne m'étonne pas si par la connaissance que l'âme a d'elle-même, elle arrive â l'amour parfait et h la vertu; car en aucun lieu nous ne trouvons l'amour de Dieu comme en nous-mêmes, puisque toutes les choses créées, Dieu les a faites pour la créature raisonnable, et cette créature raisonnable, il l'a créée pour lui-même, pour qu'elle l'aime, le serve de tout son coeur, de toutes ses forces. Aussi l'âme qui se voit tant aimée ne peut se défendre d'aimer, car c'est une loi de l'amour. L'amour de Dieu pour nous a été si grand, si incompréhensible, qu'il a voulu nous rendre ses amis lorsque nous étions devenus ses ennemis par la faute commise, et il nous a envoyé le Verbe son Fils, afin qu'il payât la dette que la créature avait contractée, nous montrant par la valeur du prix la grandeur de notre dignité et l'énormité de la faute. Ne doit-il pas vaincre et détruire la dureté du coeur de la créature raisonnable, lorsqu'elle voit à la lumière de la raison et de la très sainte Foi, l'amour de Dieu à son égard et le prix de la rançon qu'il a payée pour elle? Mais celui qui vit sans raison ne peut jamais le voir, le connaître ne le connaissant pas, il ne l'aime pas, et ne l'aimant pas, il lui est impossible d'arriver à aucune vertu [1387].

4. Toute vertu tire sa vie de l'amour acquis dans l'ardeur de la charité. Lorsque nous avons la charité en nous, il faut nous en servir à l'égard de notre prochain, spirituellement et temporellement, selon ses besoins et selon que Dieu nous en charge, avec un ardent désir du salut du monde entier pour l'honneur de Dieu, nous réjouissant de. souffrir les peines, les fatigues, la mort, s'il le faut, pour la gloire et la louange de son nom; c'est ainsi que nous deviendrons semblables au doux Agneau. Voici maintenant le temps, très cher Fils, ou Dieu nous demande ce sacrifice, puisque nous voyons le monde dans de si épaisses ténèbres, et principalement la douce Epouse du Christ. Je veux que tu te donnes à lui avec ardeur; et comme sans le moyen des vertus tu ne le pourrais pas, j'ai dit que je désirais te voir un miroir de vertus; et je veux que tu fasses tous tes efforts pour le devenir. Je ne te dis rien de plus ici.

5. Hier j'ai reçu une de tes lettres, à laquelle je réponds en peu de mots. Pour les indulgences que je t'avais promises, je te réponds de ne rien attendre de moi, pas plus qu'un autre service, si tu ne viens toi-même. Je ne dis pas que je refuse de t'assister dans tes besoins spirituels; jamais je n'ai plus désiré le faire et t'instruire selon ce que Dieu mettra dans mon âme; jamais je ne t'ai offert avec plus d'ardeur en sa douce présence, car je vois que jamais tu n'en as eu plus besoin. Tu dis que ton état te déplaît; quand il te déplaira en vérité, je m'en apercevrai, tu le quitteras tout à fait. Alors tu montreras que tu connais ton état; mais jusqu'à présent il parait peu que tu le connaisses. J'espère dans la douce bonté de [1388] Dieu que, comme tu as un peu commencé à écarter le voile qui couvre tes yeux, tu l'ôteras enfin entièrement. Tu verras alors ton état, et ce sera bientôt, pourvu que tu ne fasses pas résistance, ou que mes péchés ne soient pas un obstacle.

6. Je te réponds, au sujet de messire Mathieu, que je suis bien affligée des peines et des ennuis qu'il a supportés à cause de mon ignorance et de ma négligence. Sois persuadé que sa peine est plus la mienne que la sienne. Que Dieu me fasse la grâce de nous en délivrer bientôt, lui et moi. Si cette lettre, etc. Ayez patience, etc. J'ai reçu une lettre de l'abbé, qui me parle des plantes qu'il a plantées dans son jardin et dans le mien. Il espère en planter d'autres, parmi lesquelles il vous compte, vous et vos compagnons. Vous seriez déjà engagés... C'est une grande joie pour moi de vous voir sortir de l'imperfection et avancer vers la perfection; mais je suis bien surprise que tu te sois engagé sans nous en rien faire savoir; il y a là quelque mystère (Etienne Maconi ne s'était pas engagé, et l'abbé, qui était celui des Olivétains, prenait ses espérances pour une certitude.). Je prie la Bonté divine de faire ce qui sera le mieux pour son honneur et pour ton salut.

7. Je n'ai jamais voulu ni désiré autre chose depuis Je jour où je t'ai connu, que de te voir sortir de la fange du monde. J'ai encore aujourd'hui le même désir, et j'espère, avec la grâce de Dieu, le conserver jusqu'à la fin, si tu crois que le Saint-Esprit t'appelle et te choisit pour cet état, tu as bien fait de ne pas [1389] résister, et j'en serai consolée. Dès que tu t'entends appeler, il faut répondre. J'aurais beaucoup de choses à te dire, mais je ne puis et ne veux pas te les écrire. Néri est à Naples, où il a été envoyé avec l'abbé Lisolo. Je crois qu'ils ont bien des peines, surtout spirituelles, à cause de toutes les offenses qu'ils voient commettre contre Dieu. Je termine. Demeure dans la sainte et douce dilection de Dieu. Encourage tous mes enfants, et surtout Pierre; dis-lui qu'en disant que Dieu aime peu de paroles et beaucoup d'oeuvres, je ne lui impose pas silence, et je ne l'empêche pas de parler et de m'écrire, si c'est sa paix et sa consolation. J'ai été même quelquefois surprise de ce qu'il ne m'avait pas écrit. Doux Jésus, Jésus amour.






Lettre n. 272, A PIERRE

CCLXXII (264). - A PIERRE, fils de Jean Venture, et à Etienne de Corrado, lorsqu'elle était à Rome.- Des trois grands ennemis de l'homme, qui sont le monde, le démon et la chair.

(Voir la lettre LIII.)



AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE


1. Très chers Fils dans le Christ, le doux Jésus, moi, Catherine, la servante et l'esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je vous écris dans son précieux sang, avec le désir de vous voir des chevaliers généreux, capables de vaincre vos trois grands ennemis. O très [1390] doux Fils, ces trois ennemis sont le démon, le monde et la chair. Les deux premiers sont faciles à vaincre, car le démon a perdu la puissance qu'il avait sur nous, et, grâce au sang du Fils de Dieu, il peut nous attaquer et nous troubler par des pensées mauvaises, mais il ne peut nous forcer à la moindre faute, parce que le sang de l'Agneau sans tache nous a fortifiés et délivrés de la servitude. Que peut faire aussi le monde? absolument rien. Il peut frapper l'écorce et accabler notre corps de persécutions, d'injures, d'opprobres et de mauvais traitements. Mais qu'est-ce que reçoit le serviteur de Dieu de toutes ces choses dans le fond de son âme? rien. Le monde se fatigue à le persécuter, et lui se réjouit, parce qu'il a mis son amour en Dieu, d'où vient toute sa joie; il a choisi de souffrir avec Jésus crucifié, et plus il souffre sans le mériter, plus il est heureux, parce qu'il ressemble plus alors à son modèle.

2. Il est donc vrai que ces deux ennemis sont faciles à vaincre, Mais il n'en est pas de même du troisième, qui est la chair, c'est-à-dire la sensualité, cette loi mauvaise qui combat toujours contre l'esprit. Il n'y a pour ainsi dire pas un instant où elle ne veuille en quelque manière se révolter contre la volonté de Dieu, c'est-à-dire contre toutes les bonnes inspirations que la Bonté divine nous envoie dans notre coeur; elle les écarte tellement, que nous ne pouvons en suivre aucune tant que nous l'écoutons. Mais, au contraire, toutes les pensées coupables que le démon nous donne et que Dieu permet pour augmenter la perfection et la grâce en nous, et non pas pour que nous nous laissions vaincre, cette malheureuse passion [1391] sensitive nous les fait écouter; c'est elle, en un mot, qui nous prive de Dieu, et qui dans cette vie nous cause des peines continuelles. Nous devons donc bien nous armer contre cet ennemi.

3. Je veux que chacun de vous sépare en lui la sensualité et la raison, et qu'il en fasse des ennemis irréconciliables. Que la raison s'arme du glaive de la haine et de l'amour cette guerre ne doit pas être entreprise avec mollesse, mais avec vigueur; il faut absolument tuer la sensualité, parce que. c'est elle qui nous ôte la vie de la grâce, en nous faisant résister à Dieu. Cette loi maudite use quelquefois d'un grand artifice pour nous faire tomber plus dangereusement. Elle sommeille et paraît morte en nous; nous ne ressentons aucun combat; nous sommes, au contraire, pleins de ferveur, tous nos actes, toutes nos pensées sont dirigées vers Dieu avec une douceur qui semble un avant-goût de la vie éternelle; mais si nous ralentissons la guerre, si nous déposons le glaive et si nous manquons de vigilance, elle se lève plus forte que jamais et nous fait faire des chutes terribles. Je veux donc, mes enfants, que vous entrepreniez cette guerre avec l'intention de ne jamais faire la paix. Combattez toujours, faites toujours ce qui lui déplaît, et ne lui accordez jamais ce qui lui plaît. Que le chien de la conscience fasse bonne garde, et qu'il ne laisse entrer aucune pensée dans le coeur sans que la raison l'examine, et qu'aucun mouvement coupable ne passe sans qu'il soit sévèrement puni; que cette misérable sensualité soit servante, et que la raison soit maîtresse,. comme cela doit être. Mais si vous étiez négligents ou tièdes, vous ne vaincriez [1392] jamais cet ennemi ni les deux autres. Aussi je vous ai dit que je désirais vous voir de généreux chevaliers, afin que vous soyez vainqueurs. Courage donc, mes Enfants; prenez ce glaive, et qu'il ne sorte jamais de votre libre arbitre jusqu'à la mort. Votre ennemi ne vous quittera pas jusqu'au dernier moment. Dieu nous le laisse pour notre bien, pour que nous acquerrions la vertu avec peine au moyen de sa grâce. Je ne vous en dis pas davantage maintenant.

4. Je réponds aux lettres que toi, Pierre, tu m'as envoyées. Je suis persuadée que, si tu avais le désir de quitter ta maison et de venir ici, tu te hâterais de terminer promptement tout ce qui te reste à faire, afin de pouvoir suivre librement et entièrement Jésus crucifié. Mais tu es négligent, et tu n'as pas pris l'arme dont j'ai parlé; aussi, tu ne mets pas à exécution le saint désir que Dieu t'a donné. Je sais bien que tu ne crois pas que je veuille t'abandonner et que je te laisse périr; toi et les autres; car chaque jour je vous enfante de nouveau, en présence de Dieu, par de continuelles prières, et je prie surtout pour ceux qui en ont plus grand besoin. Tâche donc de te renouveler. Je te dis la même chose, Etienne. Appliquez-vous avec zèle à quitter le monde et à courir vers Dieu, qui vous attend les bras ouverts. Venez bien vite.

5. La sainte Eglise et le Pape Urbain VI, grâce à la douce Bonté divine, ont reçu, ces jours-ci, les meilleures nouvelles qu'ils aient reçues depuis bien longtemps (Il s'agit sans doute des lettres d'adhésion de l'Empereur, des rois de Hongrie et d'Angleterre.). Je vous envoie avec cette lettre une [1392] autre lettre pour le Bachelier (Fr. Guillaume d'Angleterre. (Voir la lettre CLXX.), dans laquelle vous pouvez voir comment Dieu commence à répandre ses grâces sur sa douce l'Epouse. J'espère de sa miséricorde qu'il continuera, et qu'il multipliera ses bien. faits de jour en jour. Je sais que sa vérité ne peut mentir, et il a promis de réformer l'Eglise par les souffrances de ses serviteurs, par leurs humbles et continuelles prières, faites avec les larmes et les angoisses du désir. Aussi je vous invite à frapper de nouveau à la porte de sa miséricorde avec persévérance; et je vous promets que si nous continuons à frapper, il nous sera ouvert. Dites-le bien à mes autres fils, et bénissez-les de notre part. Nonna, Lisa et toute la pauvre famille vous saluent dans le Christ, etc. Demeurez tous dans la sainte et douce dilection de Dieu. Toi, Etienne, tu ne viens pas... Doux Jésus, Jésus amour. Donnée à Rome, le 1er janvier 1378.






Lettre n. 273, A NICOLACCIO CATERINO PETRONI

CCLXXIII (265).- A NICOLACCIO CATERINO PETRONI, de Sienne.- De l'obéissance aux divins préceptes nécessaire pour avoir la vie de la grâce.



AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE


1. Très cher Frère dans le Christ, le doux Jésus, moi, Catherine, la servante et l'esclave des serviteurs [1394] de Jésus-Christ, je vous écris dans son précieux sang, avec le désir de vous voir Observer les doux commandements de Dieu, afin que vous puissiez participer à la vie de la grâce. Mais vous ne pourrez le faire en méprisant et en haïssant votre prochain, car le second commandement est d'aimer le prochain comme nous-mêmes. Cet amour de la créature a sa source dans la charité divine, et celui qui n'est pas dans la charité de Dieu, n'est pas dans celle du prochain; et n'y étant pas, il est comme un membre retranché du corps, qui perd aussitôt la vie et se dessèche, parce qu'il est séparé de son principe. De même l'âme séparée par la haine de la charité divine meurt aussitôt à la grâce, et le bien qu'elle fait ne lui sert pas pour la vie éternelle.

2. Il ne faut pas cependant cesser de faire le bien dans quelque état qu'on se trouve, parce que tout bien est récompensé, et toute faute est punie. Si le bien n'est pas récompensé dans la vie éternelle, Dieu le récompense en celle-ci, en accordant le temps de se convertir à celui qui le fait, en le retirant des mains du démon par le moyen de ses serviteurs, ou en le comblant de biens temporels; et s'il meurt, lors même qu'il est en enfer, il le punit moins; il le punirait davantage s'il avait employé au mal le temps où il a fait un peu de bien. Aussi pour cette raison et pour d'autres, il ne faut jamais cesser le bien, dans quelque état qu'on se trouve. Il faut penser que Dieu est si généreux, qu'il récompense une bonne oeuvre, même lorsqu'elle est faite en péché mortel. Il veut toujours la récompenser en quelque manière.

3. Mais combien sera plus grande la récompense de [1395] ceux qui font le bien en état de grâce, avec un bon et saint désir dans la charité de Dieu et l'amour du prochain! Ils en reçoivent un fruit infini, puisqu'ils reçoivent la grâce en cette vie, et la vie éternelle dans l'autre. Je veux donc que vous vous appliquiez avec zèle à conserver la grâce, en observant les doux commandements de Dieu: vous ne le pourriez autrement. Aussi je vous ai dit que je désirais vous voir observer ces commandements. Je ne vous en dis pas davantage ici, et je verrai à ce que je vous demande, si vous êtes vraiment dans cette charité. Ce que je vous demande, c'est la paix. Demeurez dans la sainte et douce dilection de bleu. Doux Jésus, Jésus amour.







Catherine de Sienne, Lettres - Lettre n. 264, A ETIENNE DE CORRADO MACONI