Catherine de Sienne, Lettres - Lettre n. 170, A FRERE GUILLAUME D'ANGLETERRE

Lettre n. 171, A FRERE GUILLAUME D'ANGLETERRE

CLXXI (125). - A FRERE GUILLAUME D'ANGLETERRE, bachelier de l'Ordre de Saint-Augustin, demeurant à Lecceto. - Des appels que Dieu fait à l'âme.

(Le couvent de Lecceto, à trois milles de Sienne, remonte à la plus haute antiquité. Saint Augustin y aurait trouvé des ermites en 391, et leur aurait donné sa règle. Ce couvent, qui était le chef-lieu de l'Ordre, a été souvent visité par sainte Catherine, et il en conserve le souvenir. Une petite chambre voisine de l'église a été changée en chapelle, et porte cette inscription: Siste hic, viator, et has aedes ereclas a B. Joanne Incontrio, anno 1330, ubi seraphica Catharina Senensis sponsum receptavit Christum, venerare memento. (Gigli, t. I. p. 730.)



AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE


1. Mon très cher et très aimé Père et Fils dans le Christ Jésus, votre indigne et misérable fille Catherine se recommande à vous dans le précieux sang du Fils de Dieu, avec le désir d'entendre cette parole que Dieu dit à Abraham: «Sors de ta maison et de ta terre (Gn 12, 1).» Abraham, obéissant, ne fit pas de résistance au commandement de Dieu, qui lui disait de le [988] suivre, et il le suivit. Oh que notre âme sera heureuse quand nous entendrons cette douce parole, et que nous quitterons la terre de notre misérable corps. Il y a deux manières pour l'homme de se lever et de suivre la Vérité suprême, qui nous appelle. La première est de retirer notre affection de la demeure de notre passion sensitive, de l'amour de nous-mêmes et de notre terre, c'est-à-dire que l'affection doit se séparer de tout amour terrestre, pour suivre l'Agneau immolé sur le bois de la sainte Croix. Cet Agneau nous invite et nous appelle à le suivre dans la voie des opprobres, des peines et des outrages, qui sont d'une douceur extrême pour l'âme qui les goûte. Dieu nous y attire par son infinie bonté et miséricorde.

2. Mais quelle parole l'âme peut-elle attendre lorsqu'elle a entendu la première, et qu'elle y a répondu en abandonnant le vice et en suivant les vertus, qui font goûter Dieu par la grâce en cette vie? Savez vous, mon Père, l'a parole qu'elle attend? cette douce parole du Cantique «Viens, mon Epouse bien-aimée (Ct 2,10)!» Et alors s'accomplit véritablement, entre l'âme et le corps, la parole que le Christ disait à ses disciples: «Laissez les petits venir à moi, car c'est à eux qu'appartient le royaume du ciel (Mc 10,14).» C'est ce que fait Dieu avec ses serviteurs, quand il les tire de cette vie misérable et qu'il les mène au lieu du repos, en commandant et en disant à notre chair, qui était servante et disciple de l'âme laisse cette âme venir [989] à moi, car le royaume de la vie éternelle lui appartient. O ineffable, très douce et très ardente charité vous parlez comme si l'âme vous avait servie par elle-même, tandis qu'elle a tout fait par vous. Vous êtes l'ouvrier et le bienfaiteur, vous êtes Celui qui êtes, et, sans vous, nous ne sommes pas. L'Apôtre le disait: «Nous ne pouvons avoir une bonne pensée si elle ne nous vient d'en haut (2 Co 3,5)». Oui, vous nous donnez tout par grâce, et non par obligation; c'est votre amour sans borne qui fait tout et qui veut nous en récompenser. Aussi, quand l'âme contemple tant d'amour, elle en est enivrée au point qu'elle se perd elle-même, et qu'elle ne sent et ne voit rien qu'en son Créateur.

3. Oui, c'est cette parole par laquelle mon âme désire nous entendre appeler. Mais il me semble que je ne pourrais être bienheureuse, si avant je n'entendais cette autre parole, que tous les serviteurs de Dieu désirent entendre: Sortez, mes enfants, de votre terre et de votre demeure; suivez-moi, et venez faire le sacrifice de votre corps. Aussi, quand je considère, mon Père, que Dieu nous fait la grâce de l'entendre et de pouvoir donner notre vie pour le nom infini de l'Agneau, il semble qu'à cette pensée mon âme veut quitter mon corps. Courons donc, mes Fils et mes Frères dans le Christ Jésus; excitons nos doux et tendres désirs, priant et suppliant la Bonté divine de nous en rendre bientôt dignes; il ne faut plus commettre de négligence, mais avoir toujours un grand zèle pour nous et pour les autres [990].

4. Il semble que le temps s'approche, car nous trouvons d'excellentes dispositions dans les créatures. Vous savez que nous avions envoyé le frère Jacomo au Juge d'Arboré avec une lettre où il était question de la croisade (Cette lettre de sainte Catherine a été perdue comme tant d'autres. Arboré, dont le nom est maintenant Oristagni, est une ville de Sardaigne. Les gouverneurs de cette île, donnée à Jacques II d'Aragon par Boniface VIII, en 1297, étaient appelés des juges. Mariano, juge d'Arboré, se rendit indépendant vers 1364, et ses successeurs prirent le titre de marquis d'Oristagni.); il m'a répondu gracieusement qu'il voulait venir en personne, et fournir pendant dix années deux galères, mille cavaliers, trois mille piétons et six cents arbalétriers. Je vous annonce aussi que Génes est dans l'enthousiasme, et que tous offrent leur fortune et leur personne. Soyez donc persuadé que Dieu tirera sa gloire de ceci et d'autre chose.

5. Je termine en vous recommandant avec instance un jeune homme qui a nom Matthieu Forestani; agissez le plus promptement possible pour qu'il soit reçu en religion; appliquez-vous tant que vous le pourrez à lui faire acquérir de vraies et solides vertus, surtout en mortifiant en lui le goût du monde et la volonté propre. Il m'a semblé qu'il était mieux pour lui de ne pas faire un nouveau voyage, parce que son esprit peut plus facilement se dissiper qu'un autre. Frère Onufre me dit que frère Etienne était malade, que vous l'aviez appris, et que vous craignez de n'avoir personne pour vous écrire. Ne craignez pas, mais soyez persuadé que quand Dieu ôte [991] d'un côté il donne d'un autre. Encouragez et bénissez mille fois frère Antoine dans le Christ Jésus. Demeurez dans la sainte et douce dilection de Dieu. Doux Jésus, Jésus amour.








Lettre n. 172, A FRERE GUILLAUME A LECCETO

CLXXII (126). - A FRERE GUILLAUME A LECCETO, pendant que sainte Catherine était à Florence. - De l'amour envers Dieu, et du désir que donne la lumière de la vérité.



AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE


1. Mon très cher Fils dans le Christ, le doux Jésus, moi, Catherine, la servante et l'esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je vous écris dans son précieux sang, avec le désir de vous voir baigné et noyé dans le sang de l'humble et doux Agneau sans tache. Ce sang nous ôte la mort et nous donne la vie, il dissipe les ténèbres et répand la lumière, car dans le sang de Jésus crucifié nous connaissons la lumière de l'éternelle vérité de Dieu, qui nous a créés à son image et ressemblance par amour et par grâce, et non par obligation. Cette Vérité nous créa pour la gloire et l'honneur de son nom, pour que nous possédions et que nous goûtions l'éternel et souverain Bien; mais, après la faute d'Adam, cette vérité était obscurcie, et alors cet amour ineffable, qui avait forcé Dieu à nous tirer de lui-même en nous créant à son image et ressemblance, ce même amour s'émut; non pas que Dieu change en lui-même, car il [992] est immuable, mais son amour à notre égard nous fit donner le Verbe, son Fils unique, qui, pour obéir, voulut punir sur lui nos fautes, et laver dans son sang la face de cet âme, qu'il avait créée si noble avec tant d'amour. Il voulut que dans son sang brillât sa vérité. Aussi nous voyons bien clairement que s'il ne nous avait pas vraiment créés pour nous donner la vie éternelle, pour que nous jouissions de l'infini et souverain Bien, il ne nous aurait pas donné un tel Rédempteur, il ne se serait pas donné lui-même, Dieu et homme tout ensemble. il est donc bien vrai que le sang du Christ nous manifeste et nous rend évidente la vérité de sa douce volonté; et, si j'y réfléchis bien, aucune vertu n'a la vie en elle si elle n'est faite et développée dans l'âme avec cette lumière de la Vérité.

2. O Vérité ancienne et nouvelle! l'âme qui vous possède est affranchie de la pauvreté des ténèbres, elle a la richesse de la lumière; je ne parle pas de la lumière des visions et des consolations spirituelles, mais de la lumière de la Vérité; car, dès que l'âme connaît la Vérité dans le sang, elle s'enivre en goûtant Dieu par le mouvement de l'a charité, avec la lumière de la très sainte Foi; et cette foi doit accompagner toutes nos oeuvres et nous faire goûter la nourriture des âmes, pour l'amour de Dieu, sur la table de la très sainte Croix, et non sur la table du plaisir et des consolations spirituelles et temporelles: oui, sur la Croix, en rompant et en détruisant notre volonté, en supportant les coups, les mépris, les opprobres, les affronts pour Jésus crucifié, et pour mieux se conformer à sa douce volonté. Alors l'âme [993] se réjouit quand elle se voit une même chose avec lui par l'union de l'amour quand elle se voit revêtue de son vêtement; et elle aime tant souffrir pour la gloire et l'honneur de son nom, que, s'il était possible de posséder Dieu et de goûter la nourriture des âmes sans peine, elle aimerait mieux en jouir avec peine, par amour pour son Créateur. D'où lui vient ce désir? de la Vérité. Comment la voit-elle? la connaît-elle? avec la lumière de la Foi. Où porte-t-elle son regard pour la voir? sur le sang de Jésus crucifié. Dans quel vase le trouve-t-elle? dans son âme, quand elle se connaît. C'est la voie véritable pour connaître la Vérité, et je n'en vois pas d'autre. Aussi, je vous ai dit que je désirais vous voir baigné et noyé dans le sang de l'humble Agneau sans tache.

3. Dans ce sang, nous jouissons et nous espérons que, par amour du Sang, Dieu fera miséricorde au monde et à sa douce Epouse; il dissipera les ténèbres de l'esprit des hommes. Il me semble que les premières lueurs de l'aurore commencent à paraître, et que notre Sauveur a éclairé ce peuple pour le retirer de cet aveuglement coupable, où il était tombé en faisant célébrer de force les saints mystères. Maintenant, grâces à Dieu, ils observent l'interdit (Sainte Catherine avait été envoyée à Florence par Grégoire XI. Elle ramena le peuple à l'obéissance du Saint-Siège par ses paroles et ses prières. Etienne Maconi, qui l'avait accompagnée, en rend témoignage dans ses notes manuscrites ajoutées à sa légende: Et gratia divina tanta est per eam operata, quod ubi cum maximo contemptu Sedis Apostolicae fregerant interdictum, ad psius virginis exhortationem iterum assumpserunt atque servaverunt.), et [994] commencent à revenir sous l'obéissance de leur Père. Aussi, je vous conjure, par l'amour de Jésus crucifié, vous, frère Antoine, le Maître, frère Félix et les autres, de prier particulièrement pour forcer la Bonté divine d'envoyer, par l'amour du Sang, le soleil de sa miséricorde, afin que la paix se fasse; ce sera bien vraiment un doux et bon soleil. Je termine. Demeurez dans la sainte et douce dilection de Dieu. Doux Jésus, Jésus amour.








Lettre n. 173, A FRERE GUILLAUME D'ANGLETERRE

CLXXIII (127).- A FRERE GUILLAUME D'ANGLETERRE, et à frère ANTOINE DE NICE, à Lecceto.- Il faut sacrifier son propre repos à la gloire de Jésus-Christ.



AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE


Mes très chers Fils dans le Christ, le doux Jésus, moi, Catherine, la servante et l'esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je vous écris dans son précieux sang, avec le désir de vous voir perdre vous-mêmes de telle manière que vous ne cherchiez la paix et le repos qu'en Jésus crucifié, ayant faim sur la table de la Croix de l'honneur de Dieu, du salut des âmes et de la réforme de la sainte Eglise. Nous la voyons aujourd'hui dans une telle nécessité, que pour la secourir il faut sortir de la solitude, et s'abandonner soi-même; car, si on veut faire quelque bien, on ne doit pas s'arrêter et dire: Je ne trouverai pas ainsi la paix. Dieu nous a fait la grâce de donner à la [995] sainte Eglise un bon et saint pasteur, qui aime les serviteurs de Dieu, et les attire à lui (Les éloges que sainte Catherine donne à Urbain VI sont confirmés par un grand nombre de témoignages contemporains. La rudesse de son caractère lui attira seulement des ennemis qui le calomnièrent pour justifier leur opposition et leur schisme (Voir Gigli, t. I, p. 735.)). Il s'applique à détruire et à arracher les vices, et à faire naître les vertus sans aucune crainte humaine; il agit en homme juste et courageux. Nous devons lui venir en aide, et je verrai que nous avons réellement l'amour de la réforme de la sainte Eglise. S'il en est vraiment ainsi, vous suivrez la volonté de Dieu et de son Vicaire; vous sortirez de la solitude, et vous accourrez sur le champ de bataille; mais si vous ne le faites pas, vous oublierez la volonté de Dieu. Je vous prie donc pour l'amour de Jésus crucifié, de vous rendre promptement et sans hésiter à la demande que le Saint-Père vous a faite (D'après les conseils de sainte Catherine, le Pape Urbain VI avait appelé à Rome les hommes les plus recommandables par leurs sciences et leurs vertus. Le bref du Souverain Pontife était du 13 décembre 1378. Cette lettre est écrite deux jours après. ( Voir la lettre C)). Ne craignez pas de perdre la solitude, car il y a, ici, des bois et des retraites. Courage donc, mes Fils bien-aimés, ne dormez plus, car c'est le temps de veiller. Je ne vous en dis pas davantage. Demeurez dans la sainte et douce dilection de Dieu. Doux Jésus, Jésus amour.

Rome, le 15 décembre 1378 [996].






Lettre n. 174, AU VENERABLE RELIGIEUX FRERE GUILLAUME D'ANGLETERRE

CLXXIV (128). AU VENERABLE RELIGIEUX FRERE GUILLAUME D'ANGLETERRE, bachelier de l'Ordre des Frères Ermites de Saint-Augustin, dans la forêt du Lac. - De l'union avec Dieu, et des obstacles que cause l'amour-propre.



AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE


1. Mon très révérend et très cher Père dans le Christ Jésus, moi, Catherine, la servante et l'esclave des serviteurs du Fils de Dieu, je vous encourage et je vous exhorte dans son précieux sang, avec le désir de vous voir uni et transformé dans son ineffable charité, afin que nous, qui sommes des arbres stériles et sauvages, nous soyons greffés sur l'Arbre de vie. Nous porterons alors des fruits doux et savoureux, non par nous-mêmes, mais par le Maître de la grâce qui est en nous; car, de même que le corps vit par l'âme, l'âme vit par Dieu. Le Verbe incarné ne pouvait, comme homme seulement, nous rendre la vie de la grâce; mais, comme Dieu, la divine Essence l'a voulu, et a pu le faire par amour. O feu, abîme de charité! pour que nous ne soyons pas séparés de vous, vous avez voulu vous greffer sur notre nature, et vous l'avez fait en semant votre parole dans le sein fécond de Marie; il est bien vrai que l'âme vit par vous. Le prix de ce sang répandu en abondance pour moi me profite par l'amour de la divine Essence.

2. Je ne m'étonne pas, mon très cher Père, de ce [997] que la Sagesse du Père, la Parole incarnée a dit: «Si je suis élevé en haut, j'attirerai tout à moi.» O coeurs endurcis, fils égarés d'Adam! il faudrait être bien misérable pour ne pas se laisser attirer par un si doux Père. Il dit: Si je suis élevé, pourquoi cela? Pour que nous accourions. Je ne vois pas, mon très cher Père, d'autres obstacles que l'amour et l'ignorance que nous avons de nous-mêmes, notre peu de lumière et de connaissance de Dieu. Qui ne connaît pas, ne peut aimer; celui qui connaît aime. Je ne veux pas que nous restions plus longtemps dans cette ignorance, car nous ne serions pas unis à la vie; mais je veux que l'oeil de l'intelligence se lève au-dessus de nous pour voir et connaître l'éternelle et souveraine Vie. Dieu ne peut vouloir autre chose que notre sanctification; ce qu'il nous donne, ce qu'il permet, le lieu, le moment, la mort, la vie, les persécutions des hommes et des démons, tout cela n'a d'autre but que notre sanctification. Je vous le dis, dès que l'âme a ouvert son entendement, elle aime l'honneur de Dieu et des créatures; elle aime les peines, et ne se plaît que sur la Croix avec lui. Ce n'est pas étonnant, parce qu'elle a vu que la bonté de Dieu ne peut vouloir que le bien, et que toute chose vient de lui; elle est affranchie de l'amour-propre qui cause les ténèbres, et empêche de voir la lumière.

3. O mon Père! ne tardons plus, et attachons-nous à l'arbre fertile, afin que le Maître ne s'élève pas sans nous. Prenons le lien, la chaîne de son ardente charité qui le tient fixé et cloué sur le bois de la très sainte Croix; frappons, frappons avec amour, parce [998] que le Bien infini veut un désir infini. C'est la condition de l'âme d'appartenir à l'infini; aussi elle désire sans fin, et elle n'est jamais rassasiée, tant qu'elle n'est pas unie à l'Infini. Que notre coeur s'applique de toutes ses forces à aimer Celui qui aime sans être aimé. O amour ineffable! pour façonner nos âmes, vous avez fait une enclume de votre corps, afin que le corps satisfît à la peine, l'âme du Christ à la haine du péché, et pour que la nature divine en triomphât par sa puissance (). Voyez comment nous avons été fidèlement rachetés. Pourquoi? Parce qu'il a été élevé en haut. Soumettons donc notre volonté perverse sous le joug de la volonté de Dieu, qui ne veut autre chose que notre bien; et recevons avec respect les peines, nous jugeant indignes d'une si faveur.

4. Je vous dis, de la part de Jésus crucifié, que vous devez célébrer la sainte messe plus d'une fois la semaine dans le couvent, comme le veut le prieur; et j'ajoute même qu'il faut la célébrer tous les jours, si vous voyez que c'est sa volonté. En perdant les consolations, vous ne perdrez pas la grâce, vous l'acquerrez même à mesure que vous perdrez votre volonté.

5. Je veux que, pour montrer que nous avons faim des âmes et que nous aimons le prochain, nous ne nous attachions pas aux consolations. Nous devons écouter les plaintes du prochain, et avoir surtout compassion de ceux qui nous sont unis par les liens d'une même charité; si vous ne le faites pas [999], ce sera une grande faute. Oui, je veux que vous compatissiez aux peines et aux besoins de frère Antoine; je veux que vous ne refusiez pas de l'entendre; je veux aussi, et je demande que frère Antoine vous écoute. Je vous conjure de le faire de la part du Christ et de la mienne: c est le moyen de conserver entre vous la vraie charité; et en ne le faisant pas, vous donneriez au démon l'occasion de semer la discorde. Je termine en vous priant, en vous conjurant d'être uni à l'Arbre divin et transformé en Jésus crucifié. Doux Jésus, Jésus amour.






Lettre n. 175, AU MEME FRERE GUILLAUME

CLXXV (129). - AU MEME FRERE GUILLAUME, à MESSIRE MATTHIEU, recteur de la Miséricorde, à FRERE SANTINI et à ses autres fils spirituels. - Des liens de la charité parfaite. - Jésus crucifié modèle de l'amour que nous devons avoir les uns pour les autres.

(Le Père Mathieu fut guéri miraculeusement de la peste, en 1374, par les prières de sainte Catherine. (Vie de sainte Catherine, IIe p., ch. 8. ) Sainte Catherine sauva également le frère Santi, en lui commandant au nom de Jésus-Christ de ne pas mourir. Le B. Raymond fait le plus grand éloge de ca saint ermite dans sa Légende, 1110 part., ch. 1.)



AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE


1. Mes très chers Fils dans le Christ le doux Jésus, moi, Catherine, la servante et l'esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je vous écris dans son précieux [1000] sang, avec le désir de vous voir unis par les liens de la charité car je vois que sans ses liens, nous ne pouvons plaire à Dieu; c'est à ce doux signe que se reconnaissent les serviteurs et les enfants du Christ; mais pensez, mes enfants, que ces liens doivent être purs et sans mélange d'amour-propre. Si vous aimez votre Créateur, aimez-le et servez-le comme le Bien suprême et éternel, digne d'être aimé, et non pour votre propre utilité; car ce serait un amour mercenaire, l'amour de l'avare qui aime l'argent par avarice; l'amour du prochain ne doit pas être ainsi. Aimez-vous, aimez-vous mutuellement, vous êtes le prochain les uns des autres; mais faites attention que si votre amour est fondé sur votre intérêt ou sur le plaisir que vous avez l'un de l'autre, il ne durera pas, mais il disparaîtra, et votre âme se trouvera vide.

2. L'amour fondé en Dieu doit être tel qu'on doit s'aimer à cause de la vertu, et parce que la créature est créée à l'image de Dieu. Lorsque le plaisir ou l'utilité diminue pour celui qui aime, son amour ne diminue pas s'il est fondé en Dieu; car il aime par amour pour la vertu, pour l'honneur de Dieu et non pour le sien propre. On ne peut aimer la vertu là où elle n'est pas; mais on aime on tant que la créature de Dieu est un membre uni au corps mystique de la sainte Eglise. Alors se développent les sentiments d'une grande et sincère compassion, qui enfante par le désir les larmes, les soupirs et les prières persévérantes en la douce présence de Dieu. C'est cet amour que le Christ a laissé à ses disciples. Cet amour ne s'affaiblit, ne se ralentit jamais; il ne s'impatiente [1001] pas pour une injure qu'il reçoit, et ne tombe pas dans les murmures et le dégoût, parce qu'il n'aime pas pour lui, mais pour Dieu. Il ne juge pas, et ne veut pas juger la volonté des hommes; et ne s'occupe que de la volonté de son Créateur, qui ne cherche et ne veut que notre sanctification; il se réjouit de tout ce que Dieu permet, de quelque manière que ce soit, parce qu'il ne cherche autre chose que l'honneur de son Créateur et le salut de son prochain. On peut véritablement dire que ceux qui aiment ainsi sont unis dans le lien qui attacha et cloua l'Homme-Dieu sur l'arbre de la très sainte et très douce Croix.

3. Mais pensez, mes chers Fils, que jamais vous n'arriverez à cette parfaite union, si vous ne prenez pour modèle Jésus crucifié. En suivant ses traces, vous trouverez en lui cet amour dont il vous 'aime par bonté et non par obligation: et perce qu'il nous aime par bonté, son amour ne s'est pas arrêté à notre ingratitude, à notre ignorance, à notre orgueil, à notre vanité, mais il a persévéré jusqu'à la mort honteuse de la Croix; il nous a délivrés de la mort, et nous a donné la vie. Faites de même, mes enfants, suivez, suivez son exemple; aimezvous, aimez-vous les uns les autres d'un amour pur et saint dans le Christ, le doux Jésus. Je ne vous en dis pas davantage, parce que j'espère bientôt vous revoir, s'il plaît à la Bonté divine. Demeurez dans la sainte et douce dilection de Dieu. Doux Jésus, Jésus amour [1002].






Lettre n. 176, A FRERE ANTOINE, DE NICE

CLXXVI (130). - A FRERE ANTOINE, DE NICE, des Ermites de Saint-Augustin, au couvent de Lecceto, près Sienne. - Nous devons toujours chercher le salut des âmes pour la gloire de Dieu, et non pour notre propre consolation.

(Frère Antoine, de Nice, fut un des plus aimés disciples de sainte Catherine. Il mourut en odeur de sainteté, en 1192.)



AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE


1. Mon très cher Fils dans le Christ, le doux Jésus, moi, Catherine, la servante et l'esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je vous écris dans son précieux sang, avec le désir de vous voir fondé sur la Pierre vive, le Christ, le doux Jésus, afin que l'édifice que vous bâtirez dessus ne soit jamais ébranlé par les vents contraires qui le frapperont; mais que ferme, solide, inébranlable, il persévère jusqu'à la mort dans la voie de vérité. Oh! combien est nécessaire ce vrai et solide fondement que je n'ai pas connu dans mon ignorance; car si je l'avais connu véritablement, je n'aurais pas bâti sur moi-même, qui suis pire que le sable, mais sur la pierre vive dont je parle, en suivant le Christ dans la voie des opprobres, des mépris, des affronts; je me serais privée de toute consolation pour pouvoir devenir semblable à lui. De quelque côté que vienne l'épreuve, de l'intérieur ou du dehors, je ne me serais pas cherchée moi-même; mais je n'aurais pensé qu'à l'honneur de Dieu, au salut des âmes, à la réforme de l'Eglise, que je [1003] vois dans de si grands besoins. Malheureuse! j'ai fait tout le contraire; j'ai mal fait, mon cher Fils, mais je ne voudrais pas vous voir faire de même, vous et les autres, et je désire vous voir fondés sur cette Pierre vive.

2. Voici le moment où se montrent les serviteurs de Dieu et ceux qui se cherchent eux-mêmes, qui aiment Dieu pour leur consolation, et le prochain pour leur intérêt; ils regardent où est la consolation et où elle n'est pas, comme 51 nous pensions que Dieu est dans un lieu et non dans un autre. Non, il n'en est pas ainsi; mais je vois que, pour le serviteur de Dieu, tous les lieux et les temps sont acceptables. Quand il est temps d'abandonner la consolation et d'embrasser la fatigue pour l'honneur de Dieu, il le fait; quand il est temps de quitter la solitude pour le service de Dieu, il le fait, et paraît en public comme le faisait le glorieux saint Antoine, qu'aimait certainement bien la solitude, mais qui la quittait souvent pour fortifier les chrétiens. On pourrait citer aussi beaucoup d'autres saints. La règle des vrais serviteurs de Dieu a toujours été de se montrer dans le temps de la nécessité et du malheur, mais non dans le temps de la prospérité, car ils la fuient. Il n'y a pas lieu de fuir maintenant, de peur que la trop grande prospérité ne laisse entraîner nos coeurs au vent de l'orgueil et de la vaine gloire; personne ne peut se glorifier que dans les souffrances. Mais il me semble que la lumière nous manque, quand nous nous laissons aveugler par les consolations, et que nous plaçons nos espérances dans des révélations qui nous empêchent de bien [1004] connaître la verité. Nos motifs peuvent être bons, mais il n'y a que Dieu, qui est l'éternelle et souveraine Bonté, qui nous donne la parfaite et vraie lumière. Je ne m'étendrai pas d'avantage sur ce sujet.

3. Il paraît, d'après la lettre que frère Guillaume m'a envoyée, que ni lui ni vous ne viendrez. Je ne veux pas répondre à cette lettre; mais je gémis du fond du coeur de sa simplicité, car il recherche bien peu l'honneur de Dieu et l'édification du prochain. S'il ne veut pas venir par humilité et par crainte de perdre la paix, il devrait pratiquer la vertu d'humilité, en demandant humblement et avec douceur la permission du Vicaire de Jésus-Christ, en suppliant Sa Sainteté de vouloir bien le laisser dans la solitude pour qu'il soit plus tranquille, mais en s'en remettant à s'a volonté, comme le veut la véritable obéissance. Cela serait certainement plus agréable à Dieu et plus utile à son âme; mais il me semble qu'il fait tout le contraire, en prétendant que celui qui est lié à l'obéissance de Dieu ne doit pas obéir aux créatures. Il peut en effet ne pas s'inquiéter des hommes; mais qu'il mette au même rang le Vicaire de Jésus-Christ, c'est ce qui m'afflige profondément. Il oublie la vérité, car l'obéissance à Dieu ne nous éloigne jamais de celle du Souverain Pontife; plus celle-ci est parfaite, plus celle-là l'est aussi; nous devons toujours être soumis à ses ordres, et lui obéir jusqu'à la mort. Lorsque ces ordres nous semblent indiscrets et capables de nous ôter la paix et les consolations spirituelles, nous devons cependant leur obéir; et si nous faisons le contraire, je suis persuadée que [1005] c'est une grande imperfection et une erreur du démon.

4. Il paraît, d'après ce qu'il écrit, que deux serviteurs de Dieu ont eu une grande révélation; le Christ sur terre et l'a personne qui l'a conseillé, en appelant ces serviteurs de Dieu, auraient suivi une inspiration plus humaine que divine, et c'est plutôt le démon que Dieu qui a voulu tirer ces serviteurs de leur paix et de leurs consolations. On prétend que si vous et les autres, vous veniez, vous perdriez l'a dévotion; vous ne pourriez plus vous livrer à la prière et être unis de coeur au Saint-Père. Votre dévotion n'est guère solide, si elle se perd en changeant de résidence; il semble que Dieu fait attention aux lieux, et qu'il se trouve seulement dans la solitude, et non ailleurs, dans le temps de la nécessité.

5. Ainsi, nous commençons par dire que nous désirons la réforme de l'Eglise, que nous souhaitons qu'on y arrache les épines, et qu'on y plante les fleurs odoriférantes, qui sont les serviteurs de Dieu; et nous prétendrons ensuite que les appeler, les tirer de la paix et du repos de leur esprit pour qu'ils viennent en aide à la barque de saint Pierre, est une erreur du démon. Il faut au moins parler pour soi seulement, et de ne pas parler des autres serviteurs de Dieu, que nous ne devons pas confondre avec les serviteurs du monde. Frère André de Lucques et frère Paulin n'ont pas agi de la sorte; ces grands serviteurs de Dieu étaient âgés et mal portants, et ils n'ont pas ainsi recherché leur repos, mais ils se sont mis bien vite en route, malgré la fatigue et les difficultés; ils sont venus, ils ont obéi; et, quoiqu'ils désirent beaucoup [1006] retourner dans leurs cellules, ils ne veulent pas se soustraire au joug de l'obéissance, mais ils rétractent ce qu'ils avaient dit; ils renoncent à leur volonté pour ce qui est des consolations. Ils sont venus pour souffrir, non pour commander, mais pour se perfectionner dans la peine, au milieu des larmes, des veilles et des prières continuelles. C'est ainsi qu'il faut faire. N'en disons pas davantage. Que Dieu dans sa miséricorde nous purifie, et nous conduise par la voie de la vérité; qu'il nous donne la vraie et parfaite lumière, afin que nous ne marchions pas dans les ténèbres. Je vous conjure, vous, le Bachelier et les autres Serviteurs de Dieu, de demander a l'humble Agneau qu'il me fasse aller par ses voies. Demeurez dans la sainte et douce dilection de Dieu. Doux Jésus, Jésus amour.






Lettre n. 177, AU VENERABLE RELIGIEUX FRERE ANTOINE

CLXXVII (131).- AU VENERABLE RELIGIEUX FRERE ANTOINE, de Nice, de l'Ordre des Ermites de Saint-Augustin, au Bois du Lac. - Des deux volontés propres pour les choses sensibles et pour les choses spirituelles. - Comment il faut se conformer à la volonté divine.



AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE


1. Mon très cher Père et bien aimé Frère dans le Christ Jésus, moi, Catherine la servante et l'esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je vous écris et je vous recommande dans le précieux sang du Fils de Dieu, avec le désir de vous voir embrasé et consumé [1007] dans la fournaise de la divine charité. Que là aussi soit brûlée et consumée votre volonté propre, cette volonté qui nous ôte la vie et nous donne la mort. Ouvrons les yeux, mon très cher Frère, et considérons que nous avons deux volontés: l'une sensitive, qui cherche les choses sensibles; l'autre spirituelle, qui, sous l'apparence de vertu, tient beaucoup à son sentiment; elle le montre quand elle veut choisir le lieu, le temps et les consolations à son gré, et qu'elle dit: Je voudrais ceci pour jouir de Dieu davantage. C'est là une grande erreur et une illusion du démon. Lorsque le démon ne peut tromper les serviteurs de Dieu avec la première volonté, parce que les serviteurs de Dieu l'ont mortifiée dans les choses sensibles extérieures, il tente la seconde volonté au moyen des choses spirituelles.

2. L'âme reçoit souvent des consolations; Dieu l'en prive ensuite, et lui donne une chose moins douce, mais plus utile. Alors l'âme qui s'était attachée à cette douceur souffre de sa privation, et en conçoit de l'ennui. Pourquoi de l'ennui? Parce qu'elle De voudrait pas en être privée. Elle dit: Je crois que j'aimerais plus Dieu de cette manière que de l'autre, ou encore: Je retire du fruit de cette consolation, tandis que je ne reçois de ceci que de la peine, beaucoup de combats, et il me semble que j'offense Dieu. Je vous assure, mon Fils et mon Frère dans le Christ Jésus, que cette âme se trompe avec Sa propre volonté qui ne voudrait pas être privée de cette douceur; le démon l'abuse par cette amorce. Les hommes bien souvent perdent le temps en voulant le choisir à leur gré, et en ne se servant [1008] pas de celui qu'ils ont dans la peine et les ténèbres. Une fois notre doux Sauveur disait à une de ses filles bien-aimées (A Sainte Catherine de Sienne elle-même): «Sais-tu ce que font ceux qui veulent accomplir ma volonté dans la consolation, la douceur et le plaisir? Quand ils en sont privés, ils veulent sortir de ma volonté, croyant bien faire et éviter le péché; mais il y a là une sensualité cachée; et pour fuir la peine, ils tombent dans la faute, et ne s'en aperçoivent pas. Mais si l'âme avait été sage, si elle avait eu intérieurement la lumière de ma volonté, elle aurait regardé au fruit et non à la douceur.

3. «Quel est ce fruit de l'âme? La haine de soi et l'amour de moi. Cette haine et cet amour viennent de la connaissance de soi-même. L'âme connaît ses défauts, son néant, et voit en elle ma bonté qui lui conserve sa bonne volonté; elle voit que je l'ai faite pour qu'elle me serve dans la perfection, et elle juge que tout arrive pour le mieux et pour son plus grand bien. Celui-là, ma chère fille, ne cherche pas le temps selon son bon plaisir, parce qu'il est humble et qu'il connaît sa faiblesse; il n'écoute pas sa volonté, mais il m'est fidèle. Il se revêt de ma volonté suprême et éternelle, parce qu'il voit que je ne donne ou que je n'ôte rien, si ce n'est pour votre sanctification; il voit que c'est l'amour seul qui me porte à vous donner la douceur ou à vous en priver; et à cause de cela, il ne peut se plaindre de la perte de la consolation, qu'elle lui vienne de l'intérieur ou du dehors, du démon ou des créatures, parce qu'il [1009] voit que si ce n'avait pas été pour son bien, je ne l'aurais pas permis.

4. «Il se réjouit parce que la lumière lui vient du dedans et du dehors; et quand le démon remplit son esprit de ténèbres et de confusion, en lui disant: Cela arrive à cause de tes péchés, il répond comme une personne qui ne craint pas la peine: Je remercie mon Créateur, qui s'est souvenu de moi au milieu des ténèbres, et qui veut bien me punir dans le temps qui passe; c'est une grande preuve de son amour, de ne pas vouloir me punir pendant l'éternité. Oh! quelle paix profonde possède l'âme quand elle s'affranchit de la volonté qui cause les tempêtes! Il n'en est pas ainsi de celui dont la volonté vit encore, et qui cherche les choses selon son bon plaisir; il semble qu'il croit mieux savoir que moi ce dont il a besoin. - Il me semble que c'est offenser Dieu; ôtez-moi cette occasion, et je ferai ce qu'il veut.- La preuve qu'il n'y a pas d'offense, c'est que vous voyez en vous la bonne volonté de ne pas offenser Dieu et l'horreur du péché.

5. «Vous devez donc conserver l'espérance; car si tous les secours extérieurs et toutes les consolations intérieures venaient à vous manquer, que la volonté de plaire à Dieu soit toujours inébranlable en vous; c'est sur cette pierre qu'est fondée la grâce. Si vous dites: Il me semble que je ne l'ai pas, vous êtes dans l'erreur; car si vous ne l'aviez pas, vous ne craindriez pas d'offenser Dieu c'est le démon qui veut vous faire croire le contraire pour que votre âme tombe dans le trouble et dans une tristesse déréglée, et qu'elle s'obstine à vouloir les [1010] consolations, le moment et le lieu, selon son bon plaisir. Ne le croyez pas, ma fille bien-aimée; mais que votre âme soit toujours prête à supporter les peines comme Dieu vous les envoie: autrement vous seriez semblable à celui qui tient le flambeau dehors pour éclairer l'extérieur, et qui laisse l'intérieur obscur. Ainsi fait celui qui se soumet à la volonté de Dieu pour les choses extérieures, et qui méprise le monde, mais qui à l'intérieur conserve une volonté spirituelle, vive et cachée sous l'apparence de la vertu.» Voilà ce que Dieu disait à sa servante; c'est pourquoi je vous répète que je veux et désire que votre volonté soit anéantie et transformée en lui, et que vous soyez toujours prêt à supporter les peines et les fatigues, de la manière que Dieu voudra vous les donner. Nous serons ainsi délivrés des ténèbres, et nous aurons la lumière. Amen! Béni soit Jésus crucifié, avec la douce Marie.







Catherine de Sienne, Lettres - Lettre n. 170, A FRERE GUILLAUME D'ANGLETERRE