Catherine de Sienne, Lettres - Lettre n. 359, A MADAME MONTAGNA

Lettre n. 360, A MADAME AGNES TOSCANELLA

CCCLX.- A MADAME AGNES TOSCANELLA, servante de Dieu d'une grande pénitence.- Du vrai fondement que nous devons donner à l'édifice de notre âme. - La pénitence n'est qu'un moyen.



AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE


1. Très chère Soeur dans le Christ, le doux Jésus, moi, Catherine, la servante et l'esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je vous écris dans son précieux sang, avec le désir de vous voir creuser un vrai et solide fondement, de manière qu'il puisse supporter un grand et bel édifice, qu'aucun vent contraire ne puisse renverser. Ne vous étonnez pas si je vous dis que je désire vous voir creuser un véritable fondement. Il semblerait, à m'entendre, que nous commençons maintenant seulement à bâtir la cité de notre âme: il y a tant de temps cependant que nous paraissons vouloir creuser ce fondement, bien que, je le confesse, je ne l'aie jamais fait; mais, ce qui me fait dire de commencer maintenant, c'est que l'âme, tous les jours, doit commencer à y travailler. Puisque nous avons vu qu'il faut creuser ce fondement, voyons où, comment et avec quoi. Le lieu est la vraie connaissance de nous-mêmes, et cette connaissance se creuse dans la vallée de la véritable humilité. De quelle manière? avec la lumière de la très sainte Foi, en ôtant avec les mains de la haine, la terre qui encombre l'âme, c'est-à-dire l'amour déréglé de nous-mêmes [1710], en y mettant les pierres des vraies et solides vertus avec la main de l'amour, avec un ardent et saint désir.

2. Et que mettrons-nous dessus? la faim de l'honneur de Dieu et du salut des âmes, en écoutant l'humble Agneau sans tache, en suivant sa doctrine. Cette doctrine ne nous enseigne qu'à aimer Dieu par-dessus toute chose, et le prochain comme nous-mêmes. Mais l'âme prudente qui a creusé son fondement dans la sainte connaissance d'elle-même, y a connu la grande bonté de Dieu et l'amour ineffable qu'il nous porte; elle s'attache alors à lui et à tout oe qu'il aime, c'est-à-dire à la créature raisonnable; et elle s'asseoit aussitôt à la table du saint désir pour y prendre la nourriture des âmes, pour tuer en elle la volonté propre, et se revêtir de vertus pour l'honneur de Dieu; cette volonté doit se tuer tout entière, et non pas à moitié.

3. Savez-vous quand elle se tue à moitié? quand l'âme se détache des choses passagères en retranchant l'amour sensitif, et quand elle se met à faire la volonté de Dieu, qui veut que nous nous en dépouillions. Elle reste à moitié morte en mourant à ces choses, mais elle reste à moitié vivante dans les choses spirituelles, recherchant sa propre consolation, choisissant le lieu, le temps et les consolations à sa convenance, et ne les acceptant pas selon le bon plaisir de Dieu. Nous ne devons pas agir ainsi, nous devons servir notre Créateur sincèrement, généreusement, lui laissant discerner les lieux, les temps et les consolations comme il le veut, Il est le médecin, et nous sommes les malades; c'est de lui que nous devons recevoir et [1711] prendre la médecine. Elle est bien folle et bien insensée, l'âme qui veut se conduire elle-même! Il semble qu'elle croit en savoir plus que Dieu, et elle ne s'en aperçoit pas. Il en est ainsi parce qu'elle s'imagine être plus agréable en faisant ce quelle veut qu'en se soumettant à ce que Dieu permet; et de cette manière elle tombe souvent dans de grandes erreurs.

4. D'où vient que la volonté n'est pas morte en cela? de l'amour qu'elle a pour les consolations, dont elle a fait son fondement. D'autres âmes le placent dans les visions et les révélations; elles y trouvent un grand plaisir quand elles les reçoivent, et elles souffrent beaucoup quand elles en sont privées. Ce fondement n'est pas bon; car souvent nous croyons que cet état vient de Dieu, et il vient du démon; le démon nous prend avec l'amorce qu'il sait être la plus propre à nous séduire. Quelquefois Dieu permettra que nous goûtions beaucoup de consolations spirituelles, non pas pour que nous y attachions notre coeur, mais pour que nous considérions plus l'amour de celui qui donne, que ce qu'il donne. Il nous les refusera dans un autre moment, et nous livrera aux combats, aux ténèbres et à la sécheresse de l'esprit, tellement que l'âme en souffre beaucoup, et croit être privée de Dieu, parce qu'elle est privée de ce qu'elle aime. Dieu le permet pour 1a retirer de l'imperfection et la conduire à la perfection, pour la guérir de l'amour des révélations, et la faire asseoir à la table du sincère désir, qui doit être le principe de toute sa conduite.

5. Il y en a beaucoup aussi qui se trompent au sujet de la pénitence. Souvent la créature met tout son zèle dans la pénitence, et s'applique plus à tuer le [1712] corps que la volonté propre, tandis qu'elle devrait tuer la volonté, et mortifier seulement son corps; mais elle s'attache tellement à la pénitence, qu'il lui semble ne pas pouvoir sans elle posséder Dieu. Ce fondement n'est pas suffisant pour porter un grand édifice: il est dangereux et nuisible à l'âme de s'appuyer uniquement sur la pénitence; mais elle doit prendre pour base la charité et les vertus intérieures de l'âme, qui ne détruisent ni le lieu ni le temps, si nous ne le voulons pas, et qui ne peuvent nous être enlevées par aucune créature. La pénitence doit se prendre comme instrument, et servir à augmenter la vertu en mortifiant le corps, mais elle ne doit pas être l'objet principal de l'âme. Celui qui ferait autrement se tromperait beaucoup lui-même. Il faut reconnaître que la pénitence dépend du temps, parce qu'il n'est pas toujours possible de continuer celle qu'on a commencée. Le corps mortifié et macéré dans un moment, ne peut l'être dans un autre: et l'âme souffre de cette impuissance; elle s'imagine être réprouvée de Dieu, et se remplit de ténèbres, parce qu'elle a perdu la voie ou il lui semblait recevoir la lumière et la consolation; et cela lui arrive parce qu'elle a pris la pénitence pour fondement. Ceux qui agissent ainsi sont exposés à se fatiguer beaucoup pour recueillir peu de fruits; ils sont disposés aux murmures et aux jugements à l'égard de ceux qui ne suivent pas la même voie qu'eux; ils ne s'aperçoivent pas qu'ils semblent vouloir donner des lois à l'Esprit-Saint, qui nous appelle et nous conduit par des voix différentes, les uns par la pénitence, les autres par d'autres moyens; les uns se [1713] mortifient peu ou beaucoup, selon que le permet la nature; les autres avancent seulement par l'ardeur du désir.

6. Ce sont ceux-là qui gagnent davantage; ils courent dans la lumière et la liberté sans connaître la peine, parce que leur volonté est morte; ils ne jugent pas, mais ils se réjouissent de la diversité des moyens que prennent les serviteurs de Dieu, parce qu'ils voient que, dans la maison du Père céleste, il y a plusieurs logements, et que Dieu a de quoi donner. Ils ne s'affligent pas de la perte des consolations, mais ils s'en réjouissent à cause de la haine qu'ils ont pour eux-mêmes, se jugeant dignes de la peine, et indignes de la récompense qui suit la peine. Ils ne se cherchent pas pour eux, mais pour Dieu; et ils n'aiment pas Dieu pour la douceur qu'ils y trouvent, mais pour sa bonté, parce qu'il est digne de tout notre amour. Ils aiment le prochain parce que Dieu l'a commandé, et qu'ils ont vu à la lumière de la Foi vive, que Dieu l'aime d'une manière ineffable; et alors ils l'aiment aussi. Dès cette vie, ils goûtent les arrhes de la vie éternelle, parce que leur volonté est morte non pas à moitié, mais entièrement, dans les choses spirituelles et temporelles. O très chère Soeur, ne Croyez pas que je méprise la pénitence corporelle: je la recommande au contraire comme moyen, mais non pas comme but principal. Autrement nous tomberions dans bien des erreurs.

7. Nous devons donc prendre pour fondement la connaissance de nous-mêmes et de Dieu, et nous devons courir simplement et généreusement à la table de la très sainte Croix, où nous trouverons le feu de [1714] la divine charité, et là prendre avec empressement la nourriture de l'honneur de Dieu et du salut des âmes, nous rassasiant d'opprobres, de mépris, d'injures et de souffrances jusqu'à la mort. De cette manière nous suivrons la doctrine de Jésus crucifié, qui est la voie, la vérité, la vie; et celui qui va par lui ne va pas par les ténèbres, mais il arrive à la lumière. Le Christ est vraiment la vérité; celui qui suit sa doctrine reçoit la lumière de la, grâce, qui dissipe les ténèbres de l'amour-propre et de l'ignorance. Il reçoit une lumière surnaturelle, qui lui fait voir et comprendre où il doit creuser ses fondements; il a fait et il a bâti la cité de son âme. Il a vu avec une grande prudence. la cause qui empêche sa perfection, et il l'a éloignée de lui; il a pris et embrassé ce qui pouvait l'aider à se conserver et à grandir dans la perfection. Il dilate son coeur et son amour dans l'ardeur de la charité divine; il ne pense plus à lui, mais il pense seulement au moyen de plaire davantage à Dieu, en cherchant son honneur et le salut des âmes et, comme il voit qu'il ne pourra y réussir tant que sa volonté vivra, il s'applique à tuer et à anéantir entièrement cette volonté, à mortifier son corps, si bien qu'il ne semble occupé qu'à se revêtir de vertus.

8. Lorsque cette âme reçoit des consolations de Dieu ou des créatures pour Dieu, elle s'humilie et les reçoit avec reconnaissance, s'en jugeant indigne. Si elle éprouve des tribulations, des tentations et des ténèbres intérieures, elle les reçoit avec patience et amour, reconnaissant que tout ce que Dieu permet, de quelque source que ce soit, il le permet par amour, pour la faire arriver à la perfection qu'elle désire. Si [1715] elle est arrêtée dans les pénitences qu'elle faisait pour mortifier son corps, ou par obéissance ou par impuissance elle conserve la paix, et ne ressent ni tempête ni amertume. elle n'avait pas mis là son fondement, mais bien dans l'amour de la vertu, et elle n'éprouve alors aucune peine. Le contraire arrive à ceux qui ont pris pour base unique la pénitence, parce que leur volonté est vivante, et non pas morte. Aussi leur chagrin est extrême, lorsque les circonstances ou la faiblesse de leur nature les obligent de cesser les pénitences qu'ils avaient commencées; ils tombent dans impatience à l'égard d'eux-mêmes, et dans le murmure à l'égard de ceux qui les arrêtent; et en voulant parvenir à la perfection ils arrivent à l'imperfection

9. Oui, très chère Fille, prenons pour principe, pour fondement véritable, non pas une chose imparfaite, mais une chose parfaite, c'est-à-dire la vraie connaissance de nous-mêmes avec le désir des vertus qu'on ne peut pas nous enlever nourrissons-nous à la table du vrai et saint désir, et rassasions-nous des opprobres de l'humble Agneau. Nous ne pourrons pas autrement pleurer par d'humbles et continuelles prières sur le Fils mort de l'humanité et sur le corps mystique de la sainte Eglise, que nous voyons maintenant dans de si grandes tribulations. Je ne vois pas de meilleur moyen de travailler en nous et dans les autres que de prendre ce principe, et je vous ai dit que je désirais vous voir établir un vrai et solide fondement, afin de pouvoir y élever ensuite l'édifice des vertus véritables. Je vous conjure de le faire pour l'amour de Jésus crucifié Ne soyez pas indiscrète par défaut de lumière; ne cherchez pas à tuer votre [1716] corps, mais bien votre volonté propre, ne voulant que ce que Dieu veut, selon son bon plaisir, et non selon le nôtre. Je ne vous en dis pas davantage.

10. Quant à ce que vous m'écrivez du voyage au Saint-Sépulcre, il me semble que vous ne devez pas le faire maintenant; je crois que c'est plutôt la douce volonté de Dieu que vous restiez où vous êtes, et que vous gémissiez sans cesse en sa présence, du fond de votre coeur et avec une grande amertume, de le voir tant offensé, surtout par l'hérésie qu'ont fait naître des hommes coupables pour souiller notre foi. Ils disent que le Pape Urbain VI n'est pas le vrai Pape. Il est bien le vrai Souverain Pontife, le Vicaire de Jésus-Christ, je le déclare devant Dieu et devant toutes les créatures. Baignez-vous dans le sang répandu pour nous avec un si ardent amour, et pardonnez-moi si je vous ai parlé avec trop de présomption. Priez Dieu pour le Christ de la terre et pour moi, afin qu'il me fasse la grâce de donner ma vie pour Sa douce vérité... Demeurez dans la sainte et douce dilection de Dieu. Doux Jésus, Jésus amour [1717].






Lettre n. 361, A MADAME AGNES

CCCLXI.- A MADAME AGNES, femme de François, tailleur, de Florence .- De l'humilité, de la prière, et de l'amour du prochain.

(Sainte Catherine a adressée dix lettres au mari de cette dame. (Voir la lettre CCXCVII)



AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE.


1. Très chère Fille dans le Christ, le doux Jésus, moi, Catherine, la servante et l'esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je t'écris dans son précieux sang, avec le désir de te voir revêtue de la vraie et parfaite humilité, car c'est cette chère petite vertu qui nous fait grandes en la douce présence de Dieu. C'est elle qui a forcé et incliné Dieu à faire incarner son très doux Fils dans le sein de Marie. Elle est autant glorifiée que les superbes sont humiliés; elle brille en la présence de Dieu et des hommes; elle lie les mains du méchant et unit l'âme à Dieu; elle purifie et lave les souillures de nos fautes, et engage Dieu à nous faire miséricorde.

2. Aussi, ma très douce Fille, je veux que tu t'appliques à embrasser cette glorieuse vertu, afin que tu traverses cette mer orageuse du monde sans tempêtes et sans périls. Appuie-toi sur cette douce et solide vertu, et baigne-toi dans le sang de Jésus crucifié. Quand tu pourras consacrer du temps à la prière, je te conjure de n'y pas manquer; aime aussi [1718] avec charité toute créature raisonnable. Je te prie ensuite, et je te commande de ne pas jeûner, excepté les jours prescrits par la sainte Eglise, si tu le peux. Lorsque tu sens que tu ne peux pas jeûner, ne jeûne pas; et en autre temps ne jeûne que le samedi, si tu crois le pouvoir. Quand les chaleurs seront passées, tu jeûneras pour les fêtes de la Vierge, si tu le peux, mais pas davantage. Ne te réduis pas à boire tous les jours seulement de l'eau; efforce-toi d'augmenter tes sainte désirs, et ne te tourmente pas maintenant du reste. N'aie point de peine et de tristesse à notre sujet, car nous nous portons toutes bien. Quand il plaira à la divine Bonté nous nous reverrons. Je termine. Demeure dans la sainte et douce dilection de Dieu. Encourage de ma part mes douces filles Ursule et Ginevra. Doux Jésus, Jésus amour.





Lettre n. 362, A LA MEME

CCCLXII.- A LA MEME.- Elle l'exhorte à s'attacher à l'arbre de la croix, pour y cueillir le fruit des vertus.



AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE


Très chère Fille dans le Christ, le doux Jésus, moi, Catherine, la servante et l'esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je t'écris dans son précieux sang, avec le désir de te voir revêtue d'une vraie et solide vertu, parce que sans la vertu, nous ne pouvons plaire à Dieu. Mais cette vertu, tu ne peux la trouver que [1719] dans l'ardeur de la charité, l'ardeur de la charité se trouve dans le doux et tendre Verbe; et ces vertus se nourrissent sur l'arbre de la très sainte Croix. Attache-toi donc à cet arbre comme une vraie fille du Christ, pour y cueillir ces fruits; tu t'y enivreras et te revêtiras des vraies et solides vertus. saigne-toi dans le Sang de Jésus crucifié, cache-toi dans la plaie de son côté, et fais-toi là une douce demeure par une sainte connaissance de toi-même, par une vraie connaissance de la grandeur de sa bonté. Enflamme-toi d'amour pour son honneur et pour le salut des âmes, en offrant pour elles à Dieu de doux et tendres désirs. Je ne t'en dis pas davantage. Demeure dans la sainte et douce dilection de Dieu. Poux Jésus, Jésus amour.






Lettre n. 363, A LA MEME

CCCLXIII.- A LA MEME.- Elle l'exhorte à croître dans les saints désirs de la vertu.



AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE


Très chère Fille dans le Christ, le doux Jésus, moi, Catherine, la servante et l'esclave des Serviteurs de Jésus-Christ, je t'écris dans son précieux sang, avec le désir de te voir grandir dans un saint désir et une vraie patience, de manière, que tu n'oublies jamais la douce volonté de Dieu, mais que tu saches t'y soumettre toujours avec joie, pendant tout le temps que Dieu te donnera. Aime à t'anéantir dans le sang de Jésus crucifié, à en faire ton repos, ton [1720] unique demeure. Dans ce glorieux sang tu recevras la lumière, car dans ce sang se dissipent les ténèbres. Tu recevras dans ce sang la vie de la grâce, parce que ce sang détruit la mort; et tu goûteras dans ce sang le fruit d'une ardente charité, car il a été répandu par amour. C'est l'amour qui l'a attaché et cloué sur la Croix. Les clous n'auraient pu suffire, si l'amour ne l'avait pas retenu; mais l'amour l'a retenu. Oui, je veux que tu te revêtes de cet amour, et, pour t'en revêtir, il faut te baigner dans le sang de Jésus crucifié. Je veux que tu le fasses. Applique-toi à la sainte prière, quand et où tu pourras, car la prière est une mère qui nourrit les vertus, ses enfants. Je ne t'en dis pas davantage. Demeure dans la sainte et douce dilection de Dieu. Doux Jésus, Jésus amour.






Lettre n. 364, A LA MEME

CCCLXIV.- A LA MEME.- Elle l'exhorte à se baigner dans le sang de Jésus-Christ.



AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE


Très chère Fille dans le Christ, le doux Jésus, moi, Catherine, la servante et l'esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je t'écris dans son précieux sang, avec le désir de te voir baignée et anéantie dans le sang de Jésus crucifié, afin que tu donnes ton sang par amour du Sang et ta vie par amour de la Vie. O très chère Fille, voilà le temps de mourir d'ardeur pour l'honneur de Dieu et le salut des âmes, le temps [1721] d'offrir des larmes et d'humbles et continuelles prières pour les besoins du monde entier. Je veux donc que, pour mieux faire à Dieu le sacrifice de nous-mêmes, tu te caches dans la plaie du côté de Jésus crucifié, et que tu te baignes dans son très doux sang. Je ne t'en dis pas davantage. Demeure dans la sainte et douce dilection de Dieu. Doux Jésus, Jésus amour.






Lettre n. 365, A LA MEME

CCCLXV.- A LA MEME.- Elle l'exhorte à la persévérance et aux autres vertus.



AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE


Très chère Fille dans le Christ, le doux Jésus, moi, Catherine, la servante et l'esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je t'écris dans son précieux sang. avec le désir de te voir une servante fidèle de ton Créateur, persévérant toujours dans la vertu, afin que tu reçoives en cette vie, l'abondance de la grâce, et que dans l'autre, nous jouissions de l'éternelle vision de Dieu, unies ensemble dans les doux liens de la charité. Mais, pour mieux croître et te conserver dans l'amour des vertus, je veux que par le saint désir, toi et François, vous vous cachiez dans le côté de Jésus crucifié. Son sang alors remplira le vase de votre coeur, afin que, transportés et enivrés du sang de Jésus-Christ, vous goûtiez les effets de la charité. Alors l'éternel Epoux vous recevra et vous pressera [1722] dans ses bras avec bonté et miséricorde. Je connais, ma Fille, les mouvements de ta charité. Tu me demandes si je veux que tu viennes pour moi je ne te réponds pas, mais je te dis seulement que je remplirai ton désir, et que je consolerai ton âme quand viendra le moment choisi pour toi; et ce sera bientôt, avec la grâce de Dieu. Courage dans le Christ, le doux Jésus. Salue bien de ma part Bartholo et M. Orsa. Bénis tout le reste de la famille, et dis surtout mille choses à François. Je ne te dis rien de plus pour le moment. Demeure dans la sainte et douce dilection de Dieu. Doux Jésus, Jésus amour.






Lettre n. 366, A MADAME ORSA

CCCLXVI.- A MADAME ORSA, femme de Bartholo Usimbardi, et à madame Agnès, femme de François Pépin, tailleur, de Florence.- Elle les exhorte au mépris du monde et à l'amour de Dieu.

(Ces deux familles, qui paraissent avoir été de conditions si différentes, étaient unies par leur attachement à sainte Catherine. (Voir les lettres CCLXXXIX ET CCXC )



AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE


1. Très chères Filles dans le Christ, le doux Jésus, moi, Catherine, la servante et l'esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je vous écris dans son précieux sang, avec le désir de vous voir persévérer dans vos saints [1723] désirs, afin que vous ne tourniez jamais la tête en arrière; car vous ne recevriez pas la récompense, et vous transgresseriez la parole de notre Sauveur, qui nous dit de ne pas tourner la tête pour regarder la charrue. Soyez donc persévérantes, et regardez, non pas ce que vous avez fait, mais ce que vous avez à faire. Et qu'avons-nous à faire? à diriger sans cesse notre amour vers Dieu, à mépriser le monde avec toutes ses délices, et à aimer la vertu, en souffrant avec une vraie patience tout ce que la divine Bonté permet, sachant bien que ce que Dieu nous donne, il le donne pour notre bien, afin que nous soyons sanctifiés en lui. Nous verrons dans le Sang que c'est la vérité. Ce glorieux sang nous a manifesté cette si douce vérité; nous devons en remplir notre mémoire, afin de nous le rappeler toujours avec reconnaissance. Je veux que vous agissiez ainsi, très chères Filles, parce que de cette manière vous persévérerez jusqu'à la mort; et au dernier jour de votre vie, vous recevrez pour récompense l'éternelle vision de Dieu. Je ne vous dis rien de plus.

2. Je te gronderai, ma très douce Fille, d'avoir oublié ce que je t'ai dit. Je t'avais recommandé de ne rien répondre à ceux qui parleraient de moi d'une manière qui ne te semblerait pas avantageuse. Je ne veux plus que tu recommences, mais je vous dirai ce qu'il faut répondre à ceux qui vous parlent de mes défauts. Ils sont, hélas! si considérables, qu'il serait bien difficile de tous les confesser. Dites-leur qu'ils aient compassion de moi devant Dieu, comme ils le témoignent par leurs paroles, et qu'ils prient tant la Bonté divine, qu'enfin je change de vie. Dites-leur [1724] aussi que le souverain Juge punira tous mes défauts, et récompensera toutes les peines qu'on aura supportées pour son amour. A l'égard de Mme Paule, je ne veux pas que tu prennes de l'humeur; mais pense qu'elle fait comme une bonne mère qui veut éprouver si sa fille a de la vertu ou non. Je confesse sincèrement que je ne trouve rien de bien en moi; mais j'espère en mon Créateur, qui me changera et me corrigera. Courage donc, et ne vous tourmentez plus, car nous nous trouverons unies dans l'ardeur de la charité divine, et nous ne serons séparées ni par le démon ni par les créatures. Je finis. Demeurez dans la sainte et douce dilection de Dieu. Doux Jésus, Jésus amour.






Lettre n. 367, A TROIS DAMES DE FLORENCE

CCCLXVII.- A TROIS DAMES DE FLORENCE.- Des vertus qui s'acquièrent dans la connaissance de soi-même, et de l'amour de Dieu envers nous.



AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE


1. Très chères Filles dans le Christ, le doux Jésus, puisque la Bonté divine vous a retirées de la fange du monde, ne tournez pas la tête en arrière pour regarder la charrue, mais regardez toujours ce qu'il faut faire pour conserver en vous la sainte résolution que vous avez prise. Qu'est-ce qu'il faut voir et faire pour conserver cette volonté? Je vous dirai qu'il faut toujours rester dans la cellule de la connaissance de [1725] vous-mêmes. Vous y connaîtrez que vous n'êtes pas, et que vous tenez de Dieu seul l'existence; vous connaîtrez vos défauts et la brièveté du temps, qui est si précieux pour nous; car avec le temps on peut acquérir la vie éternelle ou la perdre, selon notre bon plaisir; et lorsque le temps est passé nous ne pouvons plus faire aucun bien. Vous devez aussi connaître en vous la grande bonté de Dieu et l'amour ineffable qu'il vous porte. Cet amour, il vous l'a montré par le moyen du Verbe, son Fils unique, et ce doux et tendre Verbe l'a montré par le moyen de son sang. Nous sommes les vases qui ont reçu ce sang, et nous sommes la pierre où a été planté l'étendard de la très sainte Croix. Ni la Croix, ni les clous, ni la terre ne pouvaient retenir, ainsi cloué et attaché, l'humble et tendre Verbe, si l'amour ne l'avait pas retenu. Mais l'amour qu'il avait pour nous l'a retenu et l'a fait rester sur l'arbre de la Croix. Il faut que notre coeur soit uni à lui par l'amour, si nous voulons participer au fruit de son sang. Alors l'âme qui connaît Dieu si doucement, aime ce qu'elle connaît de sa bonté, et déteste ce qu'elle connaît d'elle. même dans la partie sensitive.

2. C'est là qu'elle trouve l'humilité, qui est la gardienne et la nourrice de la charité. Et alors elle avance toujours, et ne retourne jamais en arrière, croissant de vertu en vertu, s'exerçant dans les vertus,, les humbles prières, les saints désirs et les bonnes oeuvres, qui sont cette prière continuelle que doit pratiquer toute personne raisonnable. Elle s'exerce aussi aux prières particulières, qui se font aux heures réglées et ordinaires; ces prières, il ne [1726] faut pas les abandonner, à moins que ce ne soit par obéissance ou par charité, mais jamais pour un autre motif, ni à cause des tentations, ni à cause de la somnolence de l'esprit ou du corps. Il faut secouer le sommeil du corps par les exercices corporels, par des prostrations et par les moyens que nous avons pour chasser le sommeil, quand nous en avons pris ce qui était nécessaire. La somnolence de l'esprit doit être chassée par la haine et le mépris de soi-même, et par une sainte résistance; il faut monter sur le tribunal de la conscience et se reprendre soi-même, en disant: Quoi! tu dors, mon âme; tu dors, et la Bonté divine veille sur toi! Le temps passe et ne t'attend pas. Veux-tu être surprise dans le sommeil par le souverain Juge, lorsqu'il te demandera de lui rendre compte de ton temps, comment tu l'as dépensé, et comment tu as été reconnaissante du bienfait de son sang?

3. Alors l'âme se réveille, et si elle ne peut s'appliquer à ce qu'elle voulait, elle travaille du moins à combattre, son amour-propre; et de cette manière elle avance toujours, elle va de l'imperfection à la perfection à laquelle, il me semble, vous voulez atteindre; l'amour n'est jamais oisif, mais il fait toujours de grandes choses. En agissant ainsi vous vous revêtirez de la vertu de patience, qui est la moelle de la charité, et vous vous réjouirez des peines, afin que vous puissiez devenir semblables à Jésus crucifié. Il vous paraîtra doux de supporter ses peines et ses opprobres; vous fuirez les conversations et vous aimerez la solitude; vous ne présumerez pas de vous-mêmes, mais vous vous confierez en Jésus crucifié, et votre [1727] esprit ne se remplira pas de fantômes, mais de vraies et solides vertus. Vous aimerez Dieu avec un coeur droit, simple, pur, généreux; vous l'aimerez pardessus toute chose, et vous aimerez le prochain comme vous-mêmes. Ni les attaques du démon, qui vous donnera de laides et mauvaises pensées, ni les faiblesses de la chair, ni les persécutions des créatures ne pourront vous troubler et vous décourager, mais vous direz avec une foi vive, comme l'apôtre saint Paul: Je puis tout par Jésus crucifié, qui est en moi et qui me fortifie (Phil 4,13). Croyez-vous dignes des peines et indignes des récompenses par humilité. Aimez-vous les unes les autres dans le Christ, le doux Jésus, aimez-vous d'une charité fraternelle puisée dans l'abîme de sa charité. Je ne vous dis rien de plus. Que Dieu vous remplisse de sa très sainte grâce.

4. Je vous prie d'une chose, c'est de ne pas rechercher beaucoup de conseils; mais prenez un conseiller qui vous conseillera simplement, et que vous écouterez. S'adresser à plusieurs est une chose dangereuse, non pas que tout conseil fondé sur la charité ne soit bon, mais, comme les serviteurs de Dieu suivent des voies différentes, ils peuvent, en étant tous dans la charité, avoir des doctrines différentes. Si vous en consultez beaucoup, vous voudrez tous les suivre; et quand vous voudrez agir vous ne trouverez que doute et incertitude, Il est meilleur, il est nécessaire que l'âme n'ait qu'un directeur, et tâche de devenir parfaite en l'écoutant. Cela ne vous empêchera pas d'estimer les avis de tout le monde, sans vous en servir pour vous-mêmes; mais vous devez admirer les moyens différents que Dieu prend avec ses créatures; vous devez les respecter en voyant que, dans la maison de notre Père, il y a bien des demeures. Baignez-vous, anéantissez-vous dans le sang de Jésus crucifié, le doux amour. Demeurez dans la sainte et douce dilection de Dieu. Doux Jésus, Jésus amour.





Lettre n. 368, A UNE DAME QUI MURMURAIT

CCCLXVIII. - A UNE DAME QUI MURMURAIT, à Florence, le 20 octobre 1378.- De la lumière nécessaire pour connaître la vérité de Dieu et la vérité des créatures.- Comment nous devons juger notre prochain.



AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE


1. Très chère Soeur et Fille dans le Christ, le doux Jésus, moi, Catherine, la servante et l'esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je vous écris dans son précieux sang, avec le désir de vous voir posséder la vraie et parfaite lumière; car sans la lumière nous ne pourrons connaître la vérité de Dieu et la vérité des créatures, et nous tomberons dans de faux et misérables jugements. Pourquoi? Parce que nous serons privés de la lumière. L'âme qui est éclairée et délivrée de la passion sensitive, discerne et connaît la vérité, et alors elle juge bien et avec discrétion [1729]. Quel jugement devons-nous porter de Dieu? quelle vérité devons-nous connaître en lui et dans le prochain? Je vous le dirai. Nous devons connaître cette vérité, qui n'est pas aperçue par les yeux du corps, mais par ceux de l'intelligence, à la lumière intérieure de la très sainte Foi. Nous devons savoir que Dieu nous aime d'un amour ineffable, et que par amour il nous a Créés 0 son image et ressemblance, pour que nous recevions et nous goûtions son suprême et éternel bonheur. Et qu'est-ce qui nous montre cette vérité? le sang de l'humble Agneau sans tache, répandu avec tant d'amour sur le bois de la très sainte Croix.

2. Dès que l'âme a vu et connu cette vérité, elle l'aime et la goûte avec amour; elle juge que tout ce que Dieu donne et permet pour la créature raisonnable, il le permet pour notre bien, pour que nous soyons sanctifiés en lui. Elle juge justement, à la lumière de la discrétion. Si elle est dans la prospérité elle reconnaît que cette prospérité vient de son Créateur, qui la lui a donnée, non à cause de son mérite, mais à cause de son infinie bonté: et cette connaissance fait qu'elle l'aime d'un amour raisonnable, l'aimant pour Dieu, et la possédant comme une chose prêtée, qui n'est pas à elle, puisqu'elle ne lui appartient pas. Nous le voyons; car, quand nous voulons la conserver, elle nous est enlevée; non seulement les biens temporels, mais la vie, la santé de l'homme et tout le reste, passent comme le vent, et personne ne peut retenir ces choses qu'autant qu'il plaît à Celui qui les a données. L'âme juge ainsi parce qu'elle est éclairée de la douce vérité. Si elle est [1730] éprouvée par la tribulation, elle la reçoit humblement, avec une vraie et parfaite patience, se jugeant digne de la peine, et Indigne de la récompense qui suit la peine; elle pense humblement qu'elle reçoit le châtiment de ses péchés, parce qu'elle sait que le souverain Juge récompense tout bien et punit tout mal. Elle est pleine de reconnaissance pour Dieu, qui est si miséricordieux à son égard, puisque ce qui méritait une peine infinie, comme offense du Bien infini, Dieu le punit d'une manière finie dans le temps fini, en nous donnant des peines et des tribulations. Quelle que soit la manière dont elle les donne, l'éternelle Vérité nous les donne, ou pour que nous nous corrigions de nos défauts, ou pour que nous arrivions à la perfection; de quelque manière qu'elle les donne, nous sommes certains qu'elle les donne par amour et non par haine. C'est ce que voit et connaît l'âme éclairée par la douce Vérité, et elle reçoit tout avec respect; elle juge justement la volonté de Dieu et sa providence envers elle, parce que sa providence pourvoit à tous nos besoins, et sa volonté ne veut pas autre chose que notre bien.

3. Lorsque l'âme a eu le bonheur de connaître ainsi la vérité dans son Créateur, et qu'elle a jugé de même en bien tous ses desseins secrets, elle applique cette même vérité à juger son prochain, parce que la charité du prochain sort de la charité de Dieu. La règle de ceux qui craignent Dieu est de ne jamais juger personne, si ce n'est en bien, à moins qu'ils ne volent évidemment commettre un péché mortel; et même alors ils ne jugent pas, mais ils ressentent une sainte compassion devant Dieu, et ils disent: Aujourd'hui [1731] c'est lui, demain ce sera moi, si la souveraine bonté de Dieu ne me conserve. Ils abandonnent tout jugement au souverain Juge, qui doit juger les bons et les méchants, et au juge de la terre, qui est établi pour rendre à chacun selon ce qu'il mérite. L'âme se garde bien de juger sur les paroles, les habitudes et les actes extérieurs des créatures, parce qu'elle voit que le Christ béni l'a défendu, dons l'Evangile, en disant: " Ne jugez pas sur le visage. " Elle aime dans le prochain la Vérité elle-même, sans songer à ses intérêts; et, avec l'amour pur qu'elle a pour Dieu, elle juge saintement la volonté de Dieu dans ses créatures, voyant en elles le bien, et laissant Dieu juger le mal. Elle ne se scandalise ni des mystères de Dieu, ni de la conduite du prochain; elle ne diminue pas sa charité, son amour et son respect, envers le Créateur à cause des tribulations qu'il permet, ou envers les créatures à cause des injures et des préjudices qu'elle en reçoit, parce qu'elle a jugé saintement que Dieu le permet pour éprouver sa charité envers ceux qui lui font injure, ou pour la punir de ses pêchés. Elle dit: Seigneur, vous permettez tout ceci justement, car, si je n'ai pas offensé cette créature qui m'outrage, je vous ai bien offensé c'est pour mon bien que vous me l'avez envoyé, comme un moyen de me corriger de mes défauts. Je vous dis, très chère Fille, que cette âme goûte, dès cette vie, la vie éternelle, parce. qu'elle juge tout en Dieu et dans le prochain avec la lumière de la vérité.

4. Je vous invite à vous appliquer tant que vous vivrez à suivre cette règle, afin que vous évitiez le souverain mal et que vous parveniez à l'éternel et [1732] souverain Bien, car comme nous jugeons les autres, nous serons jugés nous-mêmes. Ne soyons pas comme ces insensés qui font tout le contraire! ils veulent juger la volonté des hommes sans indulgence et sans raison; leurs passions les aveuglent et leur font prendre la vérité pour le mensonge, et le mensonge pour la vérité. Oh! combien leur voie est fausse! ils sont aveugles, et ils veulent juger la lumière! Ils prétendent juger à leur manière les mystères de Dieu, et ce qu'il fait dans ses serviteurs. O orgueil de l'homme! la créature ne devrait-elle pas rougir d'usurper les fonctions du Créateur, tandis qu'au lieu de juger, elle doit être elle-même jugée? Mais elle ne le voit pas, parce qu'elle est privée de la lumière de la vérité, et elle juge légèrement, elle condamne ce qu'elle a entendu dire de son prochain et ce qu'elle n'a pas vu, et elle égare ainsi sa conscience; elle se scandalise de Dieu et du prochain, elle perd la charité, et tombe dans toute sorte de fautes et d'erreurs. Son goût se gâte, et ne sait plus distinguer ce qui est bon de ce qui est mauvais, et ce qui est mauvais de ce qui est bon. Elle en vient à haïr et à mépriser les mystères de Dieu et les oeuvres des créatures; elle se prive du paix du sang de Jésus crucifié, s'éloigne du bien, et tombe dans le mal. Elle méconnaît les bienfaits qu'elle a reçus et qu'elle reçoit, et son ingratitude tarit en elle la source de la piété; elle devient insupportable à elle-même, recherchant et aimant en dehors de Dieu les richesses, les délices et les honneurs du monde. Elle souffre les peines avec impatience, ne les attribuant point à ses péchés, mais bien souvent à celui qui n'en est pas cause. C'est ce qui [1733] arrive aujourd'hui dans le monde et surtout dans votre ville. Les grandes tribulations et les révolutions que nous avons et que nous devons éprouver encore à cause de nos fautes et de nos vices (La république de Florence était alors troublée par desrévolutions continuelles.), nous voulons en charger les autres, comme ces insensés qui jugent mal les intentions les plus saintes, et qui applaudissent au contraire les desseins coupables de ceux qui n'écoutent que leur amour-propre. Cela est causé par la privation de la lumière; mais les pierres retombent sur Celui qui les jette.

5. Il ne faut pas faire ainsi, ma très chère Fille, mais il faut que chacun de nous attribue tout le mal à ses fautes. En le faisant, nous apaiserons la colère de Dieu, nous fuirons le mal et bien des peines, et nous obtiendrons miséricorde. Je suis certaine que si, vous et les autres, vous êtes affermies dans la lumière, avec cette lumière vous connaîtrez la vérité et vous vous y conformerez, mais pas autrement. C'est pourquoi je vous ai dit que je désirais vous voir fondées dans la vraie et parfaite lumière, et je vous, prie, pour l'amour de Jésus crucifié, de vous appliquer à l'acquérir. Mettez désormais un terme à votre passion, et ne prêtez plus l'oreille à ce que vous ne devez pas entendre; mais comme une personne qui ne veut pas la damnation de son âme, attachez-vous à la. vérité, et ne vous scandalisez plus si facilement. Considérez l'affection de Celui qui vous aime avec tendresse. Je suis persuadée que si vous voulez user de l'intelligence que Dieu vous a donnée, vous pourrez [1734] parfaitement comprendre ce que je vous écris pour votre salut. Je ne vous en dis pas davantage. Demeurez dans la sainte et douce dilection de Dieu. Fuyez la mort du mensonge et du faux jugement, vous et les autres; ne dormez plus, et ne comptez pas sur le temps que vous n'avez pas. Doux Jésus, Jésus amour.







Catherine de Sienne, Lettres - Lettre n. 359, A MADAME MONTAGNA