1998 Catéchisme 1812

II Les vertus théologales

1812 Les vertus humaines s'enracinent dans les vertus théologales qui adaptent les facultés de l'homme à la participation de la nature divine (cf. 2P 1,4). Car les vertus théologales se réfèrent directement à Dieu. Elles disposent les chrétiens à vivre en relation avec la Sainte Trinité. Elles ont Dieu Un et Trine pour origine, pour motif et pour objet.

1813 Les vertus théologales fondent, animent et caractérisent l'agir moral du chrétien. Elles informent et vivifient toutes les vertus morales. Elles sont infusées par Dieu dans l'âme des fidèles pour les rendre capables d'agir comme ses enfants et de mériter la vie éternelle. Elles sont le gage de la présence et de l'action du Saint Esprit dans les facultés de l'être humain. Il y a trois vertus théologales: la foi, l'espérance et la charité (cf. 1Co 13,13).


La foi

1814 La foi est la vertu théologale par laquelle nous croyons en Dieu et à tout ce qu'Il nous a dit et révélé, et que la Sainte Eglise nous propose à croire, parce qu'Il est la vérité même. Par la foi "l'homme s'en remet tout entier librement à Dieu" (DV 5). C'est pourquoi le croyant cherche à connaître et à faire la volonté de Dieu. "Le juste vivra de la foi" (Rm 1,17). La foi vivante "agit par la charité" (Ga 5,6).

1815 Le don de la foi demeure en celui qui n'a pas péché contre elle (cf. Cc. Trente: DS 1545). Mais "sans les oeuvres, la foi est morte" (Jc 2,26): privée de l'espérance et de l'amour, la foi n'unit pas pleinement le fidèle au Christ et n'en fait pas un membre vivant de son Corps.

1816 Le disciple du Christ ne doit pas seulement garder la foi et en vivre, mais encore la professer, en témoigner avec assurance et la répandre: "Tous doivent être prêts à confesser le Christ devant les hommes et à le suivre sur le chemin de la Croix, au milieu des persécutions qui ne manquent jamais à l'Eglise" (LG 42 cf. DH 14). Le service et le témoignage de la foi sont requis pour le Salut: "Quiconque se déclarera pour moi devant les hommes, je me déclarerai, moi aussi, pour lui devant mon Père qui est aux cieux; mais celui qui me reniera devant les hommes, je le renierai, moi aussi, devant mon Père qui est aux cieux" (Mt 10,32-33).


L'espérance

1817 L'espérance est la vertu théologale par laquelle nous désirons comme notre bonheur le Royaume des cieux et la Vie éternelle, en mettant notre confiance dans les promesses du Christ et en prenant appui, non sur nos forces, mais sur le secours de la grâce du Saint-Esprit. "Gardons indéfectible la confession de l'espérance, car celui qui a promis est fidèle" (He 10,23). "Cet Esprit, il l'a répandu sur nous à profusion, par Jésus Christ notre Sauveur, afin que, justifiés par la grâce du Christ, nous obtenions en espérance l'héritage de la vie éternelle" (Tt 3,6-7).

1818 La vertu d'espérance répond à l'aspiration au bonheur placée par Dieu dans le coeur de tout homme; elle assume les espoirs qui inspirent les activités des hommes; elle les purifie pour les ordonner au Royaume des cieux; elle protège du découragement; elle soutient en tout délaissement; elle dilate le coeur dans l'attente de la béatitude éternelle. L'élan de l'espérance préserve de l'égoïsme et conduit au bonheur de la charité.

1819 L'espérance chrétienne reprend et accomplit l'espérance du peuple élu qui trouve son origine et son modèle dans l'espérance d'Abraham comblé en Isaac des promesses de Dieu et purifié par l'épreuve du sacrifice (cf. Gn 17,4-8 Gn 22,1-18). "Espérant contre toute espérance, il crut et devint ainsi père d'une multitude de peuples" (Rm 4,18).

1820 L'espérance chrétienne se déploie dès le début de la prédication de Jésus dans l'annonce des béatitudes. Les béatitudes élèvent notre espérance vers le Ciel comme vers la nouvelle Terre promise; elles en tracent le chemin à travers les épreuves qui attendent les disciples de Jésus. Mais par les mérites de Jésus Christ et de sa passion, Dieu nous garde dans "l'espérance qui ne déçoit pas" (Rm 5,5). L'espérance est "l'ancre de l'âme", sûre et ferme, "qui pénètre ... là où est entré pour nous, en précurseur, Jésus " (He 6,19-20). Elle est aussi une arme qui nous protège dans le combat du salut: "Revêtons la cuirasse de la foi et de la charité, avec le casque de l'espérance du salut" (1Th 5,8). Elle nous procure la joie dans l'épreuve même: "avec la joie de l'espérance, constants dans la tribulation" (Rm 12,12). Elle s'exprime et se nourrit dans la prière, tout particulièrement dans celle du Pater, résumé de tout ce que l'espérance nous fait désirer.

1821 Nous pouvons donc espérer la gloire du ciel promise par Dieu à ceux qui l'aiment (cf. Rm 8,28-30) et font sa volonté (cf. Mt 7,21). En toute circonstance, chacun doit espérer, avec la grâce de Dieu, "persévérer jusqu'à la fin" (cf. Mt 10,22 cf. Cc. Trente: DS 1541) et obtenir la joie du ciel, comme l'éternelle récompense de Dieu pour les bonnes oeuvres accomplies avec la grâce du Christ. Dans l'espérance l'Eglise prie que "tous les hommes soient sauvés" (1Tm 2,4). Elle aspire à être, dans la gloire du ciel, unie au Christ, son Epoux:

Espère, ô mon âme, espère. Tu ignores le jour et l'heure. Veille soigneusement, tout passe avec rapidité, quoique ton impatience rende douteux ce qui est certain, et long un temps bien court. Songe que plus tu comattras, plus tu prouveras l'amour que tu portes à ton Dieu, et plus tu te réjouiras un jour avec ton Bien-Aimé, dans un bonheur et un ravissement qui ne pourront jamais finir (Ste. Thérèse de Jésus, excl. 15,3).


La charité

1822 La charité est la vertu théologale par laquelle nous aimons Dieu par-dessus toute chose pour Lui-même, et notre prochain comme nous-mêmes pour l'amour de Dieu.

1823 Jésus fait de la charité le commandement nouveau (cf. Jn 13,34). En aimant les siens "jusqu'à la fin" (Jn 13,1), il manifeste l'amour du Père qu'il reçoit. En s'aimant les uns les autres, les disciples imitent l'amour de Jésus qu'ils reçoivent aussi en eux. C'est pourquoi Jésus dit: "Comme le Père m'a aimé, moi aussi je vous ai aimés. Demeurez en mon amour" (Jn 15,9). Et encore: "Voici mon commandement: Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés" (Jn 15,12).

1824 Fruit de l'Esprit et plénitude de la loi, la charité garde les commandements de Dieu et de son Christ: "Demeurez en mon amour. Si vous gardez mes commandements, vous demeurerez en mon amour" (Jn 15,9-10 cf. Mt 22,40 Rm 13,8-10).

1825 Le Christ est mort par amour pour nous alors que nous étions encore "ennemis" (Rm 5,10). Le Seigneur nous demande d'aimer comme Lui jusqu'à nos ennemis (Mt 5,44), de nous faire le prochain du plus lointain (cf. Lc 10,27-37), d'aimer les enfants (cf. Mc 9,37) et les pauvres comme Lui-même (cf. Mt 25,40 Mt 25,45).

L'apôtre saint Paul a donné un incomparable tableau de la charité: "La charité prend patience, la charité rend service, elle ne jalouse pas, elle ne plastronne pas, elle ne s'enfle pas d'orgueil, elle ne fait rien de laid, elle ne cherche pas son intérêt, elle ne s'irrite pas, elle n'entretient pas de rancune, elle ne se réjouit pas de l'injustice, mais elle trouve sa joie dans la vérité. Elle excuse tout, elle croit tout, elle espère tout, elle endure tout" (1Co 13,4-7).

1826 "Sans la charité, dit encore l'Apôtre, je ne suis rien ...". Et tout ce qui est privilège, service, vertu même ... "sans la charité, cela ne me sert de rien" (1Co 13,1-4). La charité est supérieure à toutes les vertus. Elle est la première des vertus théologales: "Les trois demeurent: la foi, l'espérance et la charité. Mais la charité est la plus grande" (1Co 13,13).

1827 L'exercice de toutes les vertus est animé et inspiré par la charité. Celle-ci est le "lien de la perfection" (Col 3,14); elle est la forme des vertus; elle les articule et les ordonne entre elles; elle est source et terme de leur pratique chrétienne. La charité assure et purifie notre puissance humaine d'aimer. Elle l'élève à la perfection surnaturelle de l'amour divin.

1828 La pratique de la vie morale animée par la charité donne au chrétien la liberté spirituelle des enfants de Dieu. Il ne se tient plus devant Dieu comme un esclave, dans la crainte servile, ni comme le mercenaire en quête de salaire, mais comme un fils qui répond à l'amour de "celui qui nous a aimés le premier" (1Jn 4,19):

Ou bien nous nous détournons du mal par crainte du châtiment, et nous sommes dans la disposition de l'esclave. Ou bien nous poursuivons l'appât de la récompense et nous ressemblons aux mercenaires. Ou enfin c'est pour le bien lui-même et l'amour de celui qui commande que nous obéissons ... et nous sommes alors dans la disposition des enfants (S. Basile, reg. fus. prol. 3).

1829 La charité a pour fruits la joie, la paix et la miséricorde; elle exige la bienfaisance et la correction fraternelle; elle est bienveillance; elle suscite la réciprocité, demeure désintéréssée et libérale; elle est amitié et communion:

L'achèvement de toutes nos oeuvres, c'est la dilection. Là est la fin; c'est pour l'obtenir que nous courons, c'est vers elle que nous courons; une fois arrivés, c'est en elle que nous nous reposerons (S. Augustin, ep. Jo. 10,4).



III Les dons et les Fruits du Saint-Esprit

1830 La vie morale des chrétiens est soutenue par les dons du Saint-Esprit. Ceux-ci sont des dispositions permanentes qui rendent l'homme docile à suivre les impulsions de l'Esprit Saint.

1831 Les sept dons du Saint-Esprit sont la sagesse, l'intelligence, le conseil, la force, la science, la piété et la crainte de Dieu. Ils appartiennent en leur plénitude au Christ, Fils de David (cf. Is 11,1-2). Ils complètent et mènent à leur perfection les vertus de ceux qui les reçoivent. Ils rendent les fidèles dociles à obéir avec promptitude aux inspirations divines.

Que ton Esprit bon me conduise sur une terre unie (Ps 143,10).

Tout ceux qu'anime l'Esprit de Dieu sont fils de Dieu... Enfants et donc héritiers; héritiers de Dieu et cohéritiers du Christ (Rm 8,14 Rm 8,17).

1832 Les fruits de l'Esprit sont des perfections que forme en nous le Saint-Esprit comme des prémices de la gloire éternelle. La tradition de l'Eglise en énumère douze: "charité, joie, paix, patience, longanimité, bonté, bénignité, mansuétude, fidélité, modestie, continence, chasteté" (Ga 5,22-23 vulg.).



En bref

1833 La vertu est une disposition habituelle et ferme à faire le bien.

1834 Les vertus humaines sont des dispositions stables de l'intelligence et de la volonté, qui règlent nos actes, ordonnent nos passions et guident notre conduite selon la raison et la foi. Elles peuvent être regroupées autour de quatre vertus cardinales: la prudence, la justice, la force et la tempérance.

1835 La prudence dispose la raison pratique à discerner, en toute circonstance, notre véritable bien et à choisir les justes moyens de l'accomplir.

1836 La justice consiste dans la constante et ferme volonté de donner à Dieu et au prochain ce qui lui est dû.

1837 La force assure, dans les difficultés, la fermeté et la constance dans la poursuite du bien.

1838 La tempérance modère l'attrait des plaisirs sensibles et procure l'équilibre dans l'usage des biens créés.

1839 Les vertus morales grandissent par l'éducation, par des actes délibérés et par la persévérance dans l'effort. La grâce divine les purifie et les élève.

1840 Les vertus théologales disposent les chrétiens à vivre en relation avec la Sainte Trinité. Elles ont Dieu pour origine, pour motif et pour objet, Dieu connu par la foi, espéré et aimé pour Lui-même.

1841 Il y a trois vertus théologales: la foi, l'espérance et la charité (cf. 1Co 13,13). Elles informent et vivifient toutes les vertus morales.

1842 Par la foi nous croyons en Dieu et nous croyons tout ce qu'Il nous a révélé et que la Sainte Eglise nous propose à croire.

1843 Par l'espérance nous désirons et attendons de Dieu avec une ferme confiance la vie éternelle et les grâces pour la mériter.

1844 Par la charité nous aimons Dieu par-dessus toute chose et notre prochain comme nous-même pour l'amour de Dieu. Elle est le "lien de la perfection" (Col 3,14) et la forme de toutes les vertus.

1845 Les sept dons du Saint Esprit accordés aux chrétiens sont la sagesse, l'intelligence, le conseil, la force, la science, la piété et la crainte de Dieu.



Article 8 Le péché



I La miséricorde et le péché

1846 L'Evangile est la révélation, en Jésus Christ, de la miséricorde de Dieu pour les pécheurs (cf. Lc 15). L'ange l'annonce à Joseph: "Tu lui donneras le nom de Jésus: car c'est lui qui sauvera son peuple de ses péchés" (Mt 1,21). Il en va de même de l'Eucharistie, sacrement de la Rédemption: "Ceci est mon sang, le sang de l'Alliance, qui va être répandu pour une multitude en rémission des péchés" (Mt 26,28).

1847 "Dieu nous a créés sans nous, il n'a pas voulu nous sauver sans nous" (S. Augustin, serm. 169,11,13). L'accueil de sa miséricorde réclame de nous l'aveu de nos fautes. "Si nous disons: 'Nous n'avons pas de péché', nous nous abusons, la vérité n'est pas en nous. Si nous confessons nos péchés, Il est assez fidèle et juste pour remettre nos péchés et nous purifier de toute injustice" (1Jn 1,8-9).

1848 Comme l'affirme saint Paul: "Où le péché s'est multiplié, la grâce a surabondé". Mais pour faire son oeuvre, la grâce doit découvrir le péché pour convertir notre coeur et nous conférer "la justice pour la vie éternelle par Jésus Christ Notre Seigneur" (Rm 5,20-21). Tel un médecin qui sonde la plaie avant de la panser, Dieu, par sa Parole et par son Esprit, projette une lumière vive sur le péché:

La conversion requiert la mise en lumière du péché, elle contient en elle-même le jugement intérieur de la conscience. On peut y voir la preuve de l'action de l'Esprit de vérité au plus profond de l'homme, et cela devient en même temps le commencement d'un nouveau don de la grâce et de l'amour: "Recevez l'Esprit Saint". Ainsi, dans cette "mise en lumière du péché" nous découvrons un double don: le don de la vérité de la conscience et le don de la certitude de la rédemption. L'Esprit de vérité est le Consolateur (DEV 31).



II La définition du péché

1849 Le péché est une faute contre la raison, la vérité, la conscience droite; il est un manquement à l'amour véritable, envers Dieu et envers le prochain, à cause d'un attachement pervers à certains biens. Il blesse la nature de l'homme et porte atteinte à la solidarité humaine. Il a été défini comme "une parole, un acte ou un désir contraires à la loi éternelle" (S. Augustin, Faust. 22,27 S. Thomas d'A., I-II 71,6).

1850 Le péché est une offense de Dieu: "Contre toi, toi seul, j'ai péché. Ce qui est mal à tes yeux, je l'ai fait" (Ps 51,6). Le péché se dresse contre l'amour de Dieu pour nous et en détourne nos coeurs. Comme le péché premier, il est une désobéissance, une révolte contre Dieu, par la volonté de devenir "comme des dieux", connaissant et déterminant le bien et le mal (Gn 3,5). Le péché est ainsi "amour de soi jusqu'au mépris de Dieu" (S. Augustin, civ. 14, 28). Par cette exaltation orgueilleuse de soi, le péché est diamétralement contraire à l'obéissance de Jésus qui accomplit le salut (cf. Ph 2,6-9).

1851 C'est précisément dans la Passion où la miséricorde du Christ va le vaincre, que le péché manifeste le mieux sa violence et sa multiplicité: incrédulité, haine meurtrière, rejet et moqueries de la part des chefs et du peuple, lâcheté de Pilate et cruauté des soldats, trahison de Judas si dure à Jésus, reniement de Pierre et abandon des disciples. Cependant, à l'heure même des ténèbres et du Prince de ce monde (cf. Jn 14,30), le sacrifice du Christ devient secrètement la source de laquelle jaillira intarissablement le pardon de nos péchés.



III La diversité des péchés

1852 La variété des péchés est grande. L'Ecriture en fournit plusieurs listes. L'épître aux Galates oppose les oeuvres de la chair au fruit de l'Esprit: "On sait bien tout ce que produit la chair: fornication, impureté, débauche, idolâtrie, magie, haines, discorde, jalousie, emportements, disputes, dissensions, scissions, sentiments d'envie, orgies, ripailles et choses semblables - et je vous préviens, comme je l'ai déjà fait, que ceux qui commettent ces fautes là n'hériteront pas du Royaume de Dieu" (Ga 5,19-21 cf. Rm 1,28-32 1Co 6,9-10 Ep 5,3-5 Col 3,5-8 1Tm 1,9-10 2Tm 3,2-5).

1853 On peut distinguer les péchés selon leur objet, comme pour tout acte humain, ou selon les vertus auxquelles ils s'opposent, par excès ou par défaut, ou selon les commandements qu'ils contrarient. On peut les ranger aussi selon qu'ils concernent Dieu, le prochain ou soi-même; on peut les diviser en péchés spirituels et charnels, ou encore en péchés en pensée, en parole, par action ou par omission. La racine du péché est dans le coeur de l'homme, dans sa libre volonté, selon l'enseignement du Seigneur: "Du coeur en effet procèdent mauvais desseins, meurtres, adultères, débauches, vols, faux témoignages, diffamations. Voilà les choses qui rendent l'homme impur" (Mt 15,19). Dans le coeur réside aussi la charité, principe des oeuvres bonnes et pures, que blesse le péché.



IV La gravité du péché: péché mortel et véniel

1854 Il convient d'apprécier les péchés selon leur gravité. Déjà perceptible dans l'Ecriture (cf. 1Jn 5,16-17), la distinction entre péché mortel et péché véniel s'est imposée dans la tradition de l'Eglise. L'expérience des hommes la corrobore.

1855 Le péché mortel détruit la charité dans le coeur de l'homme par une infraction grave à la loi de Dieu; il détourne l'homme de Dieu, qui est sa fin ultime et sa béatitude en Lui préférant un bien inférieur.

Le péché véniel laisse subsister la charité, même s'il l'offense et la blesse.

1856 Le péché mortel, attaquant en nous le principe vital qu'est la charité, nécessite une nouvelle initiative de la miséricorde de Dieu et une conversion du coeur qui s'accomplit normalement dans le cadre du sacrement de la Réconciliation:

Lorsque la volonté se porte à une chose de soi contraire à la charité par laquelle on est ordonné à la fin ultime, le péché par son objet même a de quoi être mortel... qu'il soit contre l'amour de Dieu, comme le blasphème, le parjure, etc. ou contre l'amour du prochain, comme l'homicide, l'adultère, etc ... En revanche, lorsque la volonté du pécheur se porte quelquefois à une chose qui contient en soi un désordre mais n'est cependant pas contraire à l'amour de Dieu et du prochain, tel que parole oiseuse, rire superflu, etc., de tels péchés sont véniels (S. Thomas d'A., I-II 88,2).

1857 Pour qu'un péché soit mortel trois conditions sont ensemble requises: "Est péché mortel tout péché qui a pour objet une matière grave, et qui est commis en pleine conscience et de propos délibéré" (RP 17).

1858 La matière grave est précisée par les Dix commandements selon la réponse de Jésus au jeune homme riche: "Ne tue pas, ne commets pas d'adultère, ne vole pas, ne porte pas de faux témoignage, ne fais pas de tort, honore ton père et ta mère" (Mc 10,18). La gravité des péchés est plus ou moins grande: un meurtre est plus grave qu'un vol. La qualité des personnes lésées entre aussi en ligne de compte: la violence exercée contre les parents est de soi plus grave qu'envers un étranger.

1859 Le péché mortel requiert pleine connaissance et entier consentement. Il présuppose la connaissance du caractère peccamineux de l'acte, de son opposition à la Loi de Dieu. Il implique aussi un consentement suffisamment délibéré pour être un choix personnel. L'ignorance affectée et l'endurcissement du coeur (cf. Mc 3,5-6 Lc 16,19-31) ne diminuent pas, mais augmentent le caractère volontaire du péché.

1860 L'ignorance involontaire peut diminuer sinon excuser l'imputabilité d'une faute grave. Mais nul n'est censé ignorer les principes de la loi morale qui sont inscrits dans la conscience de tout homme. Les impulsions de la sensibilité, les passions peuvent également réduire le caractère volontaire et libre de la faute, de même que des pressions extérieures ou des troubles pathologiques. Le péché par malice, par choix délibéré du mal, est le plus grave.

1861 Le péché mortel est une possibilité radicale de la liberté humaine comme l'amour lui-même. Il entraîne la perte de la charité et la privation de la grâce sanctifiante, c'est-à-dire de l'état de grâce. S'il n'est pas racheté par le repentir et le pardon de Dieu, il cause l'exclusion du Royaume du Christ et la mort éternelle de l'enfer, notre liberté ayant le pouvoir de faire des choix pour toujours, sans retour. Cependant si nous pouvons juger qu'un acte est en soi une faute grave, nous devons confier le jugement sur les personnes à la justice et à la miséricorde de Dieu.

1862 On commet un péché véniel quand on n'observe pas dans une matière légère la mesure prescrite par la loi morale, ou bien quand on désobéit à la loi morale en matière grave, mais sans pleine connaissance ou sans entier consentement.

1863 Le péché véniel affaiblit la charité; il traduit une affection désordonnée pour des biens créés; il empêche les progrès de l'âme dans l'exercice des vertus et la pratique du bien moral; il mérite des peines temporelles. Le péché véniel délibéré et resté sans repentance nous dispose peu à peu à commettre le péché mortel. Cependant le péché véniel ne nous rend pas contraires à la volonté et à l'amitié divines; il ne rompt pas l'Alliance avec Dieu. Il est humainement réparable avec la grâce de Dieu. "Il ne prive pas de la grâce sanctifiante ou déifiante et de la charité, ni par suite, de la béatitude éternelle" (RP 17):

L'homme ne peut, tant qu'il est dans la chair, éviter tout péché, du moins les péchés légers. Mais ces péchés que nous disons légers, ne les tiens pas pour anodins: si tu les tiens pour anodins quand tu les pèses, tremble quand tu les comptes. Nombre d'objets légers font une grande masse; nombre de gouttes emplissent un fleuve; nombre de grains font un monceau. Quelle est alors notre espérance? Avant tout, la confession ... (S. Augustin, ep. Jo. 1,6).

1864 "Quiconque aura blasphémé contre l'Esprit Saint n'aura jamais de pardon; il est coupable d'une faute éternelle" (Mc 3,29 cf. Mt 12,32 Lc 12,10). Il n'y a pas de limites à la miséricorde de Dieu, mais qui refuse délibérément d'accueillir la misériorde de Dieu par le repentir rejette le pardon de ses péchés et le salut offert par l'Esprit Saint (cf. DEV 46). Un tel endurcissement peut conduire à l'impénitence finale et à la perte éternelle.



V La prolifération du péché

1865 Le péché crée un entraînement au péché; il engendre le vice par la répétition des mêmes actes. Il en résulte des inclinations perverses qui obscurcissent la conscience et corrompent l'appréciation concrète du bien et du mal. Ainsi le péché tend-il à se reproduire et à se renforcer, mais il ne peut détruire le sens moral jusqu'en sa racine.

1866 Les vices peuvent être rangés d'après les vertus qu'ils contrarient, ou encore rattachés aux péchés capitaux que l'expérience chrétienne a distingués à la suite de S. Jean Cassien et de S. Grégoire le Grand (mor. 31,45). Ils sont appelés capitaux parce qu'ils sont générateurs d'autres péchés, d'autres vices. Ce sont l'orgueil, l'avarice, l'envie, la colère, l'impureté, la gourmandise, la paresse ou acédie.

1867 La tradition catéchétique rappelle aussi qu'il existe des "péchés qui crient vers le ciel". Crient vers le ciel: le sang d'Abel (cf. Gn 4,10); le péché des Sodomites (cf. Gn 18,20 Gn 19,13); la clameur du peuple opprimé en Egypte (cf. Ex 3,7-10); la plainte de l'étranger, de la veuve et de l'orphelin (cf. Ex 22,20-22); l'injustice envers le salarié (cf. Dt 24,14-15 Jc 5,4).

1868 Le péché est un acte personnel. De plus, nous avons une responsabilité dans les péchés commis par d'autres, quand nous y coopérons:

- en y participant directement et volontairement;
- en les commandant, les conseillant, les louant ou les approuvant;
- en ne les révélant pas ou en ne les empêchant pas, quand on y est tenu;
- en protégeant ceux qui font le mal.

1869 Ainsi le péché rend les hommes complices les uns des autres, fait régner entre eux la concupiscence, la violence et l'injustice. Les péchés provoquent des situations sociales et des institutions contraires à la Bonté divine. Les "structures de péché" sont l'expression et l'effet des péchés personnels. Elles induisent leurs victimes à commettre le mal à leur tour. Dans un sens analogique elles constituent un "péché social" (cf. RP 16).



En bref

1870 "Dieu a enfermé tous les hommes dans la désobéissance pour faire à tous miséricorde" (Rm 11,32).

1871 Le péché est "une parole, un acte ou un désir contraires à la loi éternelle. Il est une offense à Dieu. Il se dresse contre Dieu dans une désobéissance contraire à l'obéissance du Christ.

1872 Le péché et un acte contraire à la raison. Il blesse la nature de l'homme et porte atteinte à la solidarité humaine.

1873 La racine de tous les péchés est dans le coeur de l'homme. Leurs espèces et leur gravité se mesurent principalement selon leur objet.

1874 Choisir délibérément, c'est-à-dire en le sachant et en le voulant, une chose gravement contraire à la loi divine et à la fin dernière de l'homme, c'est commettre un péché mortel. Celui-ci détruit en nous la charité sans laquelle la béatitude éternelle est impossible. Sans repentir, il entraîne la mort éternelle.

1875 Le péché véniel constitue un désordre moral réparable par la charité qu'il laisse subsister en nous.

1876 La répétition des péchés, même véniels, engendre les vices parmi lesquels on distingue les péchés capitaux.





Chapitre Deuxième

La communauté humaine


1877 La vocation de l'humanité est de manifester l'image de Dieu et d'être transformée à l'image du Fils Unique du Père. Cette vocation revêt une forme personnelle, puisque chacun est appelé à entrer dans la béatitude divine; elle concerne aussi l'ensemble de la communauté humaine.



Article 1 La Personne et la Société

I Le caractère communautaire de la vocation humaine

1878 Tous les hommes sont appelés à la même fin, Dieu lui-même. Il existe une certaine ressemblance entre l'union des personnes divines et la fraternité que les hommes doivent instaurer entre eux, dans la vérité et l'amour (cf. GS 24). L'amour du prochain est inséparable de l'amour pour Dieu.

1879 La personne humaine a besoin de la vie sociale. Celle-ci ne constitue pas pour elle quelque chose de surajouté, mais une exigence de sa nature. Par l'échange avec autrui, la réciprocité des services et le dialogue avec ses frères, l'homme développe ses virtualités; il répond ainsi à sa vocation (cf. GS 25).

1880 Une société est un ensemble de personnes liées de façon organique par un principe d'unité qui dépasse chacune d'elles. Assemblée à la fois visible et spirituelle, une société perdure dans le temps: elle recueille le passé et prépare l'avenir. Par elle, chaque homme est constitué "héritier", reçoit des "talents" qui enrichissent son identité et dont il doit développer les fruits (cf. Lc 19,16 Lc 19,19). A juste titre, chacun doit le dévouement aux communautés dont il fait partie et le respect aux autorités en charge du bien commun.

1881 Chaque communauté se définit par son but et obéit en conséquence à des règles spécifiques, mais "la personne humaine est et doit être le principe, le sujet et la fin de toutes les institutions sociales" (GS 25).

1882 Certaines sociétés, telles que la famille et la cité, correspondent plus immédiatement à la nature de l'homme. Elles lui sont nécessaires. Afin de favoriser la participation du plus grand nombre à la vie sociale, il faut encourager la création d'associations et d'institutions d'élection "à buts économiques, culturels, sociaux, sportifs, récréatifs, professionnels, politiques, aussi bien à l'intérieur des communautés politiques que sur le plan mondial" (MM 60). Cette "socialisation" exprime également la tendance naturelle qui pousse les humains à s'associer, en vue d'atteindre des objectifs qui excèdent les capacités individuelles. Elle développe les qualités de la personne, en particulier, son sens de l'initiative et de la responsabilité. Elle aide à garantir ses droits (cf. GS 25 CA 12).

1883 La socialisation présente aussi des dangers. Une intervention trop poussée de l'Etat peut menacer la liberté et l'initiative personnelles. La doctrine de l'Eglise a élaboré le principe dit de subsidiarité. Selon celui-ci, "une société d'ordre supérieur ne doit pas intervenir dans la vie interne d'une société d'ordre inférieur en lui enlevant ses compétences, mais elle doit plutôt la soutenir en cas de nécessité et l'aider à coordonner son action avec celle des autres éléments qui composent la société, en vue du bien commun" (CA 48 cf. Pie XI, enc. "Quadragesimo anno").

1884 Dieu n'a pas voulu retenir pour lui seul l'exercice de tous les pouvoirs. Il remet à chaque créature les fonctions qu'elle est capable d'exercer, selon les capacités de sa nature propre. Ce mode de gouvernement doit être imité dans la vie sociale. Le comportement de Dieu dans le gouvernement du monde, qui témoigne de si grands égards pour la liberté humaine, devrait inspirer la sagesse de ceux qui gouvernent les communautés humaines. Ils ont à se comporter en ministres de la providence divine.

1885 Le principe de subsidiarité s'oppose à toutes les formes de collectivisme. Il trace les limites de l'intervention de l'Etat. Il vise à harmoniser les rapports entre les individus et les sociétés. Il tend à instaurer un véritable ordre international.



II La Conversion et la Société

1886 La société est indispensable à la réalisation de la vocation humaine. Pour atteindre ce but il faut que soit respectée la juste hiérarchie des valeurs qui "subordonne les dimensions physiques et instincitives aux dimensions intérieures et spirituelles" (CA 36):

La vie en société doit être considérée avant tout comme une réalité d'ordre spirituel. Elle est, en effet, échange de connaissances dans la lumière de la vérité, exercice de droits et accomplissement des devoirs, émulation dans la recherche du bien moral, communion dans la noble jouissance du beau en toutes ses expressions légitimes, disposition permanente à communiquer à autrui le meilleur de soi-même et aspiration commune à un constant enrichissement spirituel. Telles sont les valeurs qui doivent animer et orienter l'activité culturelle, la vie économique, l'organisation sociale, les mouvements et les régimes politiques, la législation et toutes les autres expressions de la vie sociale dans sa continuelle évolution (PT 35).

1887 L'inversion des moyens et des fins (cf. CA 41), qui aboutit à donner valeur de fin ultime à ce qui n'est que moyen d'y concourir, ou à considérer des personnes comme de purs moyens en vue d'un but, engendre des structures injustes qui "rendent ardue et pratiquement impossible une conduite chrétienne, conforme aux commandements du Divin Législateur" (Pie XII, discours 1er juin 1941).

1888 Il faut alors faire appel aux capacités spirituelles et morales de la personne et à l'exigence permanente de sa conversion intérieure, afin d'obtenir des changements sociaux qui soient réellement à son service. La priorité reconnue à la conversion du coeur n'élimine nullement, elle impose, au contraire, l'obligation d'apporter aux institutions et aux conditions de vie, quand elles provoquent le péché, les assainissements convenables pour qu'elles se conforment aux normes de la justice, et favorisent le bien au lieu d'y faire obstacle (cf. LG 36).

1889 Sans le secours de la grâce, les hommes ne sauraient "découvrir le sentier, souvent étroit, entre la lâcheté qui cède au mal et la violence qui, croyant le combattre, l'aggrave" (CA 25). C'est le chemin de la charité, c'est-à-dire de l'amour de Dieu et du prochain. La charité représente le plus grand commandement social. Elle respecte autrui et ses droits. Elle exige la pratique de la justice et seule nous en rend capables. Elle inspire une vie de don de soi: "Qui cherchera à conserver sa vie la perdra, et qui la perdra la sauvera" (Lc 17,33).




1998 Catéchisme 1812