1998 Catéchisme 2426

IV L'activité économique et la justice sociale

2426 Le développement des activités économiques et la croissance de la production sont destinés à subvenir aux besoins des êtres humains. La vie économique ne vise pas seulement à multiplier les biens produits et à augmenter le profit ou la puissance; elle est d'abord ordonnée au service des personnes, de l'homme tout entier et de toute la communauté humaine. Conduite selon ses méthodes propres, l'activité économique doit s'exercer dans les limites de l'ordre moral, suivant la justice sociale, afin de répondre au dessein de Dieu sur l'homme (cf. GS 64).

2427 Le travail humain procède immédiatement des personnes créées à l'image de Dieu, et appelées à prolonger, les unes avec et pour les autres, l'oeuvre de la création en dominant la terre (cf. Gn 1,28 GS 34 CA 31). Le travail est donc un devoir: "Si quelqu'un ne veut pas travailler, qu'il ne mange pas non plus" (2Th 3,10 cf. ). Le travail honore les dons du Créateur et les talents reçus. Il peut aussi être rédempteur. En endurant la peine (cf. Gn 3,14-19) du travail en union avec Jésus, l'artisan de Nazareth et le crucifié du Calvaire, l'homme collabore d'une certaine façon avec le Fils de Dieu dans son Ouvre rédemptrice. Il se montre disciple du Christ en portant la Croix, chaque jour, dans l'activité qu'il est appelé à accomplir (cf. LE 27). Le travail peut être un moyen de sanctification et une animation des réalités terrestres dans l'Esprit du Christ.

2428 Dans le travail, la personne exerce et accomplit une part des capacités inscrites dans sa nature. La valeur primordiale du travail tient à l'homme même, qui en est l'auteur et le destinataire. Le travail est pour l'homme, et non l'homme pour le travail (cf. LE 6).

Chacun doit pouvoir puiser dans le travail les moyens de subvenir à sa vie et à celle des siens, et de rendre service à la communauté humaine.


2429 Chacun a le droit d'initiative économique, chacun usera légitimement de ses talents pour contribuer à une abondance profitable à tous, et pour recueillir les justes fruits de ses efforts. Il veillera à se conformer aux réglementations portées par les autorités légitimes en vue du bien commun (cf. CA 32 CA 34).

2430 La vie économique met en cause des intérêts divers, souvent opposés entre eux. Ainsi s'explique l'émergence des conflits qui la caractérisent (cf. LE 11). On s'efforcera de réduire ces derniers par la négociation qui respecte les droits et les devoirs de chaque partenaire social: les responsables des entreprises, les représentants des salariés, par exemple des organisations syndicales, et, éventuellement, les pouvoirs publics.

2431 La responsabilité de l'Etat. "L'activité économique, en particulier celle de l'économie de marché, ne peut se dérouler dans un vide institutionnel, juridique et politique. Elle suppose que soient assurées les garanties des libertés individuelles et de la propriété, sans compter une monnaie stable et des services publics efficaces. Le devoir essentiel de l'Etat est cependant d'assurer ces garanties, afin que ceux qui travaillent puissent jouir du fruit de leur travail et donc se sentir stimulés à l'accomplir avec efficacité et honnêteté ... L'Etat a le devoir de surveiller et de conduire l'application des droits humains dans le secteur économique; dans ce domaine toutefois, la première responsabilité ne revient pas à l'Etat mais aux institutions et aux différents groupes et associations qui composent la société" (CA 48).

2432 Les responsables d'entreprises portent devant la société la responsabilité économique et écologique de leurs opérations (cf. CA 37). Ils sont tenus de considérer le bien des personnes et pas seulement l'augmentation des profits. Ceux- ci sont nécessaires cependant. Ils permettent de réaliser les investissements qui assurent l'avenir des entreprises. Ils garantissent l'emploi.

2433 L'accès au travail et à la profession doit être ouvert à tous sans discrimination injuste, hommes et femmes, bien portants et handicapés, autochtones et immigrés (cf. LE 19 LE 22-23). En fonction des circonstances, la société doit pour sa part aider les citoyens à se procurer un travail et un emploi (cf. CA 48).

2434 Le juste salaire est le fruit légitime du travail. Le refuser ou le retenir, peut constituer une grave injustice (cf. Lv 19,13 Dt 24,14-15 Jc 5,4). Pour apprécier la rémunération équitable, il faut tenir compte à la fois des besoins et des contributions de chacun. "Compte tenu des fonctions et de la productivité, de la situation de l'entreprise et du bien commun, la rémunération du travail doit assurer à l'homme et aux siens les ressources nécessaires à une vie digne sur le plan matériel, social, culturel et spirituel" (GS 67). L'accord des parties n'est pas suffisant pour justifier moralement le montant du salaire.

2435 La grève est moralement légitime quant elle se présente comme un recours inévitable, sinon nécessaire, en vue d'un bénéfice proportionné. Elle devient moralement inacceptable lorsqu'elle s'accompagne de violences ou encore si on lui assigne des objectifs non directement liés aux conditions de travail ou contraires au bien commun.

2436 Il est injuste de ne pas payer aux organismes de sécurité sociale les cotisations établies par les autorités légitimes.

La privation d'emploi à cause du chômage est presque toujours pour celui qui en est victime, une atteinte à sa dignité et une menace pour l'équilibre de la vie. Outre le dommage personnellement subi, des risques nombreux en découlent pour son foyer (cf.
LE 18).



V Justice et solidarité entre les nations

2437 Au plan international, l'inégalité des ressources et des moyens économiques est telle qu'elle provoque entre les nations un véritable "fossé" (SRS 14). Il y a d'un côté ceux qui détiennent et développent les moyens de la croissance et, de l'autre, ceux qui accumulent les dettes.

2438 Diverses causes, de nature religieuse, politique, économique et financière confèrent aujourd'hui "à la question sociale une dimension mondiale" (SRS 9). La solidarité est nécessaire entre les nations dont les politiques sont déjà interdépendantes. Elle est encore plus indispensable lorsqu'il s'agit d'enrayer les "mécanismes pervers" qui font obstacle au développement des pays moins avancés (cf. SRS 17 SRS 45). Il faut substituer à des systèmes financiers abusifs sinon usuraires (cf. CA 35), à des relations commerciales iniques entre les nations, à la course aux armements, un effort commun pour mobiliser les ressources vers des objectifs de développement moral, culturel et économique "en redéfinissant les priorités et les échelles des valeurs" (CA 28).

2439 Les nations riches ont une responsabilité morale grave à l'égard de celles qui ne peuvent par elles-mêmes assurer les moyens de leur développement ou en ont été empêchées par de tragiques événements historiques. C'est un devoir de solidarité et de charité; c'est aussi une obligation de justice si le bien- être des nations riches provient de ressources qui n'ont pas été équitablement payées.

2440 L'aide directe constitue une réponse appropriée à des besoins immédiats, extraordinaires, causés par exemple par des catastrophes naturelles, des épidémies, etc. Mais elle ne suffit pas à réparer les graves dommages qui résultent des situations de dénuement ni à pourvoir durablement aux besoins. Il faut aussi réformer les institutions économiques et financières internationales pour qu'elles promeuvent mieux des rapports équitables avec les pays moins avancés (cf. SRS 16). Il faut soutenir l'effort des pays pauvres travaillant à leur croissance et à leur libération (cf. CA 26). Cette doctrine demande à être appliquée d'une manière très particulière dans le domaine du travail agricole. Les paysans, surtout dans le Tiers Monde, forment la masse prépondérante des pauvres.

2441 Accroître le sens de Dieu et la connaîssance de soi-même est à la base de tout développement complet de la société humaine. Celui-ci multiplie les biens matériels et les met au service de la personne et de sa liberté. Il diminue la misère et l'exploitation économiques. Il fait croître le respect des identités culturelles et l'ouverture à la transcendance (cf. SRS 32 CA 51).

2442 Il n'appartient pas aux pasteurs de l'Eglise d'intervenir directement dans la construction politique et dans l'organisation de la vie sociale. Cette tâche fait partie de la vocation des fidèles laïcs, agissant de leur propre initiative avec leurs concitoyens. L'action sociale peut impliquer une pluralité de voies concrètes. Elle sera toujours en vue du bien commun et conforme au message évangélique et à l'enseignement de l'Eglise. Il revient aux fidèles laïcs "d'animer les réalités temporelles avec un zèle chrétien et de s'y conduire en artisans de paix et de justice" (SRS 47 cf. SRS 42).



VI L'amour des pauvres

2443 Dieu bénit ceux qui viennent en aide aux pauvres et réprouve ceux qui s'en détournent: "A qui te demande, donne; à qui veut t'emprunter, ne tourne pas le dos" (Mt 5,42). "Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement" (Mt 10,8). C'est à ce qu'ils auront fait pour les pauvres que Jésus Christ reconnaîtra ses élus (cf. Mt 25,31-36). Lorsque "la bonne nouvelle est annoncée aux pauvres" (Mt 11,5 cf. Lc 4,18), c'est le signe de la présence du Christ.

2444 "L'amour de l'Eglise pour les pauvres ... fait partie de sa tradition constante" (CA 57). Il s'inspiré de l'Evangile des béatitudes (cf. Lc 6,20-22), de la pauvreté de Jésus (cf. Mt 8,20) et de son attention aux pauvres (cf. Mc 12,41-44). L'amour des pauvres est même un des motifs du devoir de travailler, afin de "pouvoir faire le bien en secourant les nécessiteux" (Ep 4,28). Il ne s'étend pas seulement à la pauvreté materielle, mais aussi aux nombreuses formes de pauvreté culturelle et religieuse (cf. CA 57).

2445 L'amour des pauvres est incompatible avec l'amour immodéré des richesses ou leur usage égoïste:

Eh bien, maintenant, les riches! Pleurez, hurlez sur les malheurs qui vont vous arriver. Votre richesse est pourrie, vos vêtements sont rongés par les vers. Votre or et votre argent sont souillés, et leur rouille témoignera contre vous: elle dévorera vos chairs; c'est un feu que vous avez thésaurisé dans les derniers jours! Voyez: le salaire dont vous avez frustré les ouvriers qui ont fauché vos champs, crie, et les clameurs des moissonneurs sont parvenues aux oreilles du Seigneur des Armées. Vous avez vécu sur terre dans la mollesse et le luxe, vous vous êtes repus au jour du carnage. Vous avez condamné le juste, il ne vous résiste pas (
Jc 5,1-6).

2446 S. Jean Chrysostome le rappelle vigoureusement: "Ne pas faire participer les pauvres à ses propres biens, c'est les voler et leur enlever la vie. Ce ne sont pas nos biens que nous détenons, mais les leurs" (Laz. 1,6). "Il faut satisfaire d'abord aux exigences de la justice, de peur que l'on n'offre comme don de la charité ce qui est déjà dû en justice" (AA 8):

Quand nous donnons aux pauvres les choses indispensables, nous ne leur faisons point de largesses personnelles, mais leur rendons ce qui est à eux. Nous remplissons bien plus un devoir de justice que nous n'accomplissons un acte de charité (S. Grégoire le Grand, past. 3,21).

2447 Les oeuvres de miséricorde sont les actions charitables par lesquelles nous venons en aide à notre prochain dans ses nécessités corporelles et spirituelles (cf. Is 58,6-7 He 13,3). Instruire, conseiller, consoler, conforter sont des oeuvres de miséricorde spirituelle, comme pardonner et supporter avec patience. Les oeuvres de miséricorde corporelle consistent notamment à nourrir les affamés, loger les sans logis, vêtir les déguenillés, visiter les malades et les prisonniers, ensevelir les morts (cf. Mt 25,31-46). Parmi ces gestes, l'aumône faite aux pauvres (cf. Tb 4,5-11 Si 17,22) est un des principaux témoignages de la charité fraternelle: elle est aussi une pratique de justice qui plaît à Dieu (cf. Mt 6,2-4):

Que celui qui a deux tuniques partage avec celui qui n'en a pas, et que celui qui a à manger fasse de même (Lc 3,11). Donnez plutôt en aumône tout ce que vous avez, et tout sera pur pour vous (Lc 11,41). Si un frère ou une soeur sont nus, s'ils manquent de leur nourriture quotidienne, et que l'un d'entre vous leur dise: "Allez en paix, chauffez-vous, rassasiez-vous", sans leur donner ce qui est nécessaire à leur corps, à quoi cela sert-il? (Jc 2,15-16 cf. ).

2448 "Sous ses multiples formes: dénuement matériel, oppression injuste, infirmités physiques et psychiques, et enfin la mort, la misère humaine est le signe manifeste de la condition native de faiblesse où l'homme se trouve depuis le premier péché et du besoin de salut. C'est pourquoi elle a attiré la compassion du Christ Sauveur qui a voulu la prendre sur lui et s'identifier aux 'plus petits d'entre ses frères'. C'est pourquoi ceux qu'elle accable sont l'objet d'un amour de préférence de la part de l'Eglise qui, depuis les origines, en dépit des défaillances de beaucoup de ses membres, n'a cessé de travailler à les soulager, les défendre et les libérer. Elle l'a fait par d'innombrables oeuvres de bienfaisance qui restent toujours et partout indispensables" ( instr. "Libertatis conscientia" 68).

2449 Dès l'Ancien Testament, toutes sortes de mesures juridiques (année de rémission, interdiction du prêt à intérêt et de la conservation d'un gage, obligation de la dîme, paiement quotidien du journalier, droit de grapillage et de glanage) répondent à l'exhortation du Deutéronome: "Certes les pauvres ne disparaîtront point de ce pays; aussi je te donne ce commandement: tu dois ouvrir ta main à ton frère, à celui qui est humilié et pauvre dans ton pays" (Dt 15,11). Jésus fait sienne cette parole: "Les pauvres, en effet, vous les aurez toujours avec vous: mais moi, vous ne m'aurez pas toujours" (Jn 12,8). Par là il ne rend pas caduque la véhémence des oracles anciens: "Parce qu'ils vendent le juste à prix d'argent et le pauvre pour une paire de sandales ..." (Am 8,6), mais il nous invite à reconnaître sa présence dans les pauvres qui sont ses frères (cf. Mt 25,40):

Le jour où sa mère la reprit d'entretenir à la maison pauvres et infirmes, sainte Rose de Lima, vita lui dit: "Quand nous servons les pauvres et les malades, nous servons Jésus. Nous ne devons pas nous lasser d'aider notre prochain, parce qu'en eux c'est Jésus que nous servons".



En bref

2450 "Tu ne voleras pas" (Dt 5,19). "Ni voleurs, ni cupides ... ni rapaces n'hériteront du Royaume de Dieu" (1Co 6,10).


2451 Le septième commandement prescrit la pratique de la justice et de la charité dans la gestion des biens terrestres et des fruits du travail des hommes.

2452 Les biens de la création sont destinés au genre humain tout entier. Le droit à la propriété privée n'abolit pas la destination universelle des biens.

2453 Le septième commandement proscrit le vol. Le vol est l'usurpation du bien d'autrui, contre la volonté raisonnable du propriétaire.

2454 Toute manière de prendre et d'user injustement du bien d'autrui est contraire au septième commandement. L'injustice commise exige réparation. La justice commutative exige la restitution du bien dérobé.

2455 La loi morale proscrit les actes qui, à des fins mercantiles ou totalitaires, conduisent à asservir des êtres humains, à les acheter, à les vendre et à les échanger comme des marchandises.

2456 La domination accordée par le Créateur sur les ressources minérales, végétales et animales de l'univers ne peut être séparé du respect des obligations morales, y compris envers les générations à venir.

2457 Les animaux sont confiés à la gérance de l'homme qui leur doit bienveillance. Ils peuvent servir à la juste satisfaction des besoins de l'homme.

2458 L'Eglise porte un jugement en matière économique et sociale quand les droits fondamentaux de la personne ou le salut des âmes l'exigent. Elle se soucie du bien commun temporel des hommes en raison de leur ordination au souverain Bien, notre fin ultime.

2459 L'homme est lui-même l'auteur, le centre et le but de toute la vie économique et sociale. Le point décisif de la question sociale est que les biens créés par Dieu pour tous arrivent en fait à tous, suivant la justice et avec l'aide de la charité.

2460 La valeur primordiale du travail tient à l'homme même, qui en est l'auteur et le destinataire. Moyennant son travail, l'homme participe à l'oeuvre de la création. Uni au Christ le travail peut être rédempteur.

2461 Le développement véritable est celui de l'homme tout entier. Il s'agit de faire croître la capacité de chaque personne de répondre à sa vocation, donc à l'appel de Dieu (cf. CA 29).

2462 L'aumône faite aux pauvres est un témoignage de charité fraternelle: elle est aussi une pratique de justice qui plait à Dieu.

2463 Dans la multitude d'êtres humains sans pain, sans toit, sans lieu, comment ne pas reconnaître Lazare, mendiant affamé de la parabole (cf. Lc 17,19-31)? Comment ne pas entendre Jésus: "A moi non plus vous ne l'avez pas fait" (Mt 25,45)?




Article 8 Le huitième commandement

Tu ne témoigneras pas faussement contre ton prochain.(Ex 20,16).

Il a été dit aux anciens: Tu ne parjureras pas, mais tu t'acquitteras envers le Seigneur de tes serments (Mt 5,33).

2464 Le huitième commandement interdit de travestir la vérité dans les relations avec autrui. Cette prescription morale découle de la vocation du peuple saint à être témoin de son Dieu qui est et qui veut la vérité. Les offenses à la vérité expriment, par des paroles ou des actes, un refus de s'engager dans la rectitude morale: elles sont des infidélités foncières à Dieu et, en ce sens, sapent les bases de l'Alliance



I Vivre dans la vérité

2465 L'Ancien Testament l'atteste: Dieu est source de toute vérité. Sa Parole est vérité (cf. Pr 8,6 2R 7,28). Sa loi est vérité (cf. Ps 118,142). "Sa fidélité demeure d'âge en âge" (Ps 119,90 Lc 1,46). Puisque Dieu est le "Véridique" (Rm 3,4) les membres de son Peuple sont appelés à vivre dans la vérité (cf. Ps 118,30).

2466 En Jésus-Christ, la vérité de Dieu s'est manifestée tout entière. "Plein de grâce et de vérité" (Jn 1,14), il est la "lumière du monde" (Jn 8,12), il est la Vérité (cf. Jn 14,6). "Quiconque croit en lui, ne demeure pas dans les ténèbres" (Jn 12,46). Le disciple de Jésus, "demeure dans sa parole" afin de connaître "la vérité qui rend libre" (Jn 8,32) et qui sanctifie (cf. Jn 17,17). Suivre Jésus, c'est vivre de "l'Esprit de vérité" (Jn 14,17) que le Père envoie en son nom (cf. Jn 14,26) et qui conduit "à la vérité tout entière" (Jn 14,17 Jn 16,13). A ses disciples Jésus enseigne l'amour inconditionel de la vérité: "Que votre langage soit: 'Oui? oui', 'Non? non'" (Mt 5,37).

2467 L'homme se porte naturellement vers la vérité. Il est tenu de l'honorer et de l'attester: "En vertu de leur dignité, tous les hommes, parce qu'ils sont des personnes ... sont pressés par leur nature même et tenus, par obligation morale, à chercher la vérité, celle tout d'abord qui concerne la religion. Il sont tenus aussi à adhérer à la vérité dès qu'ils la connaissent et à régler toute leur vie selon les exigences de la vérité" (DH 2).

2468 La vérité comme rectitude de l'agir et de la parole humaine a pour nom véracité, sincérité ou franchise. La vérité ou véracité est la vertu qui consiste à se montrer vrai en ses actes et à dire vrai en ses paroles, en se gardant de la duplicité, de la simulation et de l'hypocrisie.

2469 "Les hommes ne pourraient pas vivre ensemble s'ils n'avaient pas de confiance réciproque, c'est-à-dire s'ils ne se manifestaient pas la vérité" (S. Thomas d'A., II-II 109,3, ad 1). La vertu de vérité rend justement à autrui son dû. La véracité observe un juste milieu entre ce qui doit être exprimé, et le secret qui doit être gardé: elle implique l'honnêteté et la discrétion. En justice, "un homme doit honnêtement à un autre la manifestation de la vérité" (S. Thomas d'A., II-II 109,3).

2470 Le disciple du Christ accepte de "vivre dans la vérité", c'est-à-dire dans la simplicité d'une vie conforme à l'exemple du Seigneur et demeurant dans sa Vérité. "Si nous disons que nous sommes en communion avec lui, alors que nous marchons dans les ténèbres, nous mentons, nous n'agissons pas selon la vérité" (1Jn 1,6).



II "Rendre témoignage à la vérité"

2471 Devant Pilate le Christ proclame qu'il est "venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité" (Jn 18,37). Le chrétien n'a pas à "rougir de rendre témoignage au Seigneur" (2Tm 1,8). Dans les situations qui demandent l'attestation de la foi, le chrétien doit la professer sans équivoque, à l'exemple de S. Paul en face de ses juges. Il lui faut garder "une conscience irréprochable devant Dieu et devant les hommes" (Ac 24,16).

2472 Le devoir des chrétiens de prendre part à la vie de l'Eglise les pousse à agir comme témoins de l'Evangile et des obligations qui en découlent. Ce témoignage est transmission de la foi en paroles et en actes. Le témoignage est un acte de justice qui établit ou fait connaître la vérité (cf.
Mt 18,16):

Tous les chrétiens, partout où ils vivent, sont tenus de manifester ... par l'exemple de leur vie et le témoignage de leur parole, l'homme nouveau qu'ils ont revêtu par le baptême, et la force du Saint-Esprit qui les a fortifiés au moyen de la confirmation (AGD 11).

2473 Le martyre est le suprême témoignage rendu à la vérité de la foi; il désigne un témoigne qui va jusqu'à la mort. Le martyr rend témoignage au Christ, mort et ressuscité, auquel il est uni par la charité. Il rend témoignage à la vérité de la foi et de la doctrine chrétienne. Il supporte la mort par un acte de force. "Laissez-moi devenir la pâture des bêtes. C'est par elles qu'il me sera donné d'arriver à Dieu" (Ignace d'Antioche, Rom 4,1).

2474 Avec le plus grand soin, l'Eglise a recueilli les souvenirs de ceux qui sont allés jusqu'au bout pour attester leur foi. Ce sont les actes des Martyrs. Ils constituent les archives de la Vérité écrites en lettres de sang:

Rien ne me servira des charmes du monde ni des royaumes de ce siècle. Il est meilleur pour moi de mourir (pour m'unir) au Christ Jésus, que de régner sur les extrémités de la terre. C'est Lui que je cherche, qui est mort pour nous; Lui que je veux, qui est ressuscité pour nous. Mon enfantement approche .... (S. Ignace d'Antioche,
Rm 6,1-2).

Je te bénis pour m'avoir jugé digne de ce jour et de cette heure, digne d'être compté au nombre de tes martyrs ... Tu as gardé ta promesse, Dieu de la fidélité et de la vérité. Pour cette grâce et pour toute chose, je te loue, je te bénis, je te glorifie par l'éternel et céleste Grand-Prêtre, Jesus-Christ, ton enfant bien-aimé. Par lui, qui est avec Toi et l'Esprit, gloire te soit rendue, maintenant et dans les siècles à venir. Amen (S. Polycarpe, mart. 14,2-3).



III Les offenses à la vérité

2475 Les disciples du Christ ont "revêtu l'homme nouveau créé selon Dieu dans la justice et la sainteté qui viennent de la vérité" (Ep 4,24). "Débarrassés du mensonge" (Ep 4,25), ils ont à "rejeter toute méchanceté et toute ruse, toute forme d'hypocrisie, d'envie et de médisance" (1P 2,1).

2476 Faux témoignage et parjure. Quand il est émis publiquement, un propos contraire à la vérité revêt une particulière gravité. Devant un tribunal, il devient un faux témoignage (cf. Pr 19,9). Quand il est tenu sous serment, il s'agit d'un parjure. Ces manières d'agir contribuent, soit à condamner un innocent, soit à disculper un coupable ou à augmenter la sanction encourue par l'accusé (cf. Pr 18,5). Elles compromettent gravement l'exercice de la justice et l'équité de la sentence prononcée par les juges.

2477 Le respect de la réputation des personnes interdit toute attitude et toute parole susceptibles de leur causer un injuste dommage (cf.CIC 220). Se rend coupable


- de jugement téméraire celui qui, même tacitement admet comme vrai, sans fondement suffisant, un défaut moral chez le prochain.
- de médisance celui qui, sans raison objectivement valable, dévoile à des personnes qui l'ignorent les défauts et les fautes d'autrui (cf. Si 21,28).
- de calomnie celui qui, par des propos contraires à la vérité, nuit à la réputation des autres et donne occasion à de faux jugements à leur égard.

2478 Pour éviter le jugement téméraire, chacun veillera à interpréter autant que possible dans un sens favorable les pensées, paroles et actions de son prochain:

Tout bon chrétien doit être plus prompt à sauver la proposition du prochain qu'à la condamner. Si l'on ne peut la sauver, qu'on lui demande comment il la comprend; et s'il la comprend mal, qu'on le corrige avec amour; et si cela ne suffit pas, qu'on cherche tous les moyens adaptés pour qu'en la comprenant bien il se sauve (S. Ignace, ex. spir. 22).

2479 Médisance et calomnie détruisent la réputation et l'honneur du prochain. Or, l'honneur est le témoignage social rendu à la dignité humaine, et chacun jouit d'un droit naturel à l'honneur de son nom, à sa réputation et au respect. Ainsi, la médisance et la calomnie lèsent-elles les vertus de justice et de charité.


2480 Est à proscrire toute parole ou attitude qui, par flatterie, adulation ou complaisance, encourage et confirme autrui dans la malice de ses actes et la perversité de sa conduite. L'adulation est une faute grave si elle se fait complice de vices ou de péchés graves. Le désir de rendre service ou l'amitié, ne justifient pas une duplicité du langage. L'adulation est un péché véniel quand elle désire seulement être agréable, éviter un mal, parer à une nécessité, obtenir des avantages légitimes.

2481 La jactance ou vantardise constitue une faute contre la vérité. Il en est de même de l'ironie qui vise à déprécier quelqu'un en caricaturant, de manière malveillante, tel ou tel aspect de son comportement.

2482 "Le mensonge consiste à dire le faux avec l'intention de tromper" (S. Augustin, mend. 4,5). Le Seigneur dénonce dans le mensonge une oeuvre diabolique: "Vous avez pour père le diable ... il n'y a pas de vérité en lui: quand il dit ses mensonges, il les tire de son propre fonds, parce qu'il est menteur et père du mensonge" (Jn 8,44).

2483 Le mensonge est l'offense la plus directe à la vérité. Mentir, c'est parler ou agir contre la vérité pour induire en erreur. En blessant la relation de l'homme à la vérité et au prochain, le mensonge offense la relation fondatrice de l'homme et de sa parole au Seigneur.


2484 La gravité du mensonge se mesure selon la nature de la vérité qu'il déforme, selon les circonstances, les intentions de celui qui le commet, les préjudices subis par ceux qui en sont victimes. Si le mensonge, en soi, ne constitue qu'un péché véniel, il devient mortel quand il lèse gravement les vertus de justice et de charité.

2485 Le mensonge est condamnable dans sa nature. Il est une profanation de la parole qui a pour tâche de communiquer à d'autres la vérité connue. Le propos délibéré d'induire le prochain en erreur par des propos contraires à la vérité constitue un manquement à la justice et à la charité. La culpabilité est plus grande quand l'intention de tromper risque d'avoir des suites funestes pour ceux qui sont détournés du vrai.

2486 Le mensonge (parce qu'il est une violation de la vertu de véracité), est une véritable violence faite à autrui. Il l'atteint dans sa capacité de connaître, qui est la condition de tout jugement et de toute décision. Il contient en germe la division des esprits et tous les maux qu'elle suscite. Le mensonge est funeste pour toute société; il sape la confiance entre les hommes et déchire le tissu des relations sociales.

2487 Toute faute commise à l'égard de la justice et de la vérité appelle le devoir de réparation, même si son auteur a été pardonné. Lorsqu'il est impossible de réparer un tort publiquement, il faut le faire en secret; si celui qui a subi un préjudice ne peut être directement dédommagé, il faut lui donner satisfaction moralement, au nom de la charité. Ce devoir de réparation concerne aussi bien les fautes commises à l'égard de la réputation d'autrui. Cette réparation, morale et parfois matérielle, doit s'apprécier à la mesure du dommage qui a été causé. Elle oblige en conscience.



IV Le respect de la vérité

2488 Le droit à la communication de la vérité n'est pas inconditionnel. Chacun doit conformer sa vie au précepte évangélique de l'amour fraternel. Celui-ci demande, dans les situations concrètes, d'estimer s'il convient ou non de révéler la vérité à celui qui la demande.

2489 La charité et le respect de la vérité doivent dicter la réponse à toute demande d'information ou de communication. Le bien et la sécurité d'autrui, le respect de la vie privée, le bien commun sont des raisons suffisantes pour taire ce qui ne doit pas être connu, ou pour user d'un langage discret. Le devoir d'éviter le scandale commande souvent une stricte discrétion. Personne n'est tenu de révéler la vérité à qui n'a pas droit de la connaître (cf. Si 27,16 Pr 25,9-10).

2490 Le secret du sacrement de réconciliation est sacré, et ne peut être trahi sous aucun prétexte. "Le secret sacramentel est inviolable; c'est pourquoi il est absolument interdit au confesseur de trahir en quoi que ce soit un pénitent, par des paroles ou d'une autre manière, et pour quelque cause que ce soit" (CIC 982).

2491 Les secrets professionnels - détenus par exemple par des hommes politiques, des militaires, des médecins, des juristes - ou les confidences faites sous le sceau du secret, doivent être gardés, sauf dans les cas exceptionnels où la rétention du secret devrait causer à celui qui les confie, à celui qui les reçoit ou à un tiers des dommages très graves et seulement évitables par la divulgation de la vérité. Même si elles n'ont pas été confiées sous le sceau du secret, les informations privées préjudiciables à autrui n'ont pas à être divulguées sans une raison grave et proportionnée.

2492 Chacun doit garder la juste réserve à propos de la vie privée des gens. Les responsables de la communication doivent maintenir une juste proportion entre les exigences du bien commun et le respect des droits particuliers. L'ingérence de l'information dans la vie privée de personnes engagées dans une activité politique ou publique est condamnable dans la mesure où elle porte atteinte à leur intimité et à leur liberté.




V L'usage des Moyens de communication sociale

2493 Au sein de la société moderne, les moyens de communication sociale ont un rôle majeur dans l'information, la promotion culturelle et la formation. Ce rôle grandit, en raison des progrès techniques, de l'ampleur et de la diversité des nouvelles transmises, de l'influence exercée sur l'opinion publique.

2494 L'information médiatique est au service du bien commun (cf. IM 11). La société a droit à une information fondée sur la vérité, la liberté, la justice, et la solidarité:


Le bon exercice de ce droit requiert que la communication soit, quant à l'objet, toujours véridique et - dans le respect des exigences de la justice et de la charité - complète; qu'elle soit, quant au mode, honnête et convenable, c'est-à-dire que dans l'acquisition et la diffusion des nouvelles, elle observe absolument les lois morales, les droits et la dignité de l'homme (IM 5).

2495 "Il est nécessaire que tous les membres de la société remplissent dans ce domaine aussi leurs devoirs de justice et de vérité. Ils emploieront les moyens de communication sociale pour concourir à la formation et à la diffusion de saines opinions publiques" (IM 8). La solidarité apparaît comme une conséquence d'une communication vraie et juste, et de la libre circulation des idées, qui favorisent la connaissance et le respect d'autrui.

2496 Les moyens de communication sociale (en particulier les mass- média) peuvent engendrer une certaine passivité chez les usagers, faisant de ces derniers des consommateurs peu vigilants de messages ou de spectacles. Les usagers s'imposeront modération et discipline vis-à-vis des mass-média. Ils voudront se former une conscience éclairée et droite afin de résister plus facilement aux influences moins honnêtes.


2497 Au titre même de leur profession dans la presse, ses responsables ont l'obligation, dans la diffusion de l'information, de servir la vérité et de ne pas offenser la charité. Ils s'efforceront de respecter, avec un égal souci, la nature des faits et les limites du jugement critique à l'égard des personnes. Ils doivent éviter de céder à la diffamation.

2498 "Des devoirs particuliers reviennent aux autorités civiles en raison du bien commun. Les pouvoirs publics ont à défendre et à protéger la vraie et juste liberté de l'information" (IM 12). En promulgant des lois et en veillant à leur application, les pouvoirs publics s'assureront que le mauvais usage des média ne vienne "causer de graves préjudices aux moeurs publiques et aux progrès de la société" (IM 12). Ils sanctionneront la violation des droits de chacun à la réputation et au secret de la vie privée. Ils donneront à temps et honnêtement les informations qui concernent le bien général ou répondent aux inquiétudes fondées de la population. Rien ne peut justifier le recours aux fausses informations pour manipuler l'opinion publique par les média. Ces interventions ne porteront pas atteinte à la liberté des individus et des groupes.

2499 La morale dénonce la plaie des états totalitaires qui falsifient systématiquement la vérité, exercent par les médias une domination politique de l'opinion, "manipulent" les accusés et les témoins de procès publics et imaginent assurer leur tyrannie en jugulant et en réprimant tout ce qu'ils considèrent comme "délits d'opinion".




1998 Catéchisme 2426