1998 Catéchisme 2661

En bref

2661 C'est par une transmission vivante, la Tradition, que, dans l'Eglise, l'Esprit Saint apprend à prier aux enfants de Dieu.


2662 La Parole de Dieu, la liturgie de l'Eglise, les vertus de foi, d'espérance et de charité sont des sources de la prière.




Article 2 Le chemin de la prière

2663 Dans la tradition vivante de la prière, chaque Eglise propose à ses fidèles, selon le contexte historique, sociale et culturel, le langage de leur prière: paroles, mélodies, gestes, iconographie. Il appartient au magistère (cf. DV 10) de discerner la fidélité de ces chemins de prière à la tradition de la foi apostolique, et il revient aux pasteurs et aux catéchètes d'en expliquer le sens, toujours relatif à Jésus Christ.


La prière au Père

2664 Il n'est pas d'autre chemin de la prière chrétienne que le Christ. Que notre prière soit communautaire ou personnelle, vocale ou intérieure, elle n'a accès au Père que si nous prions "dans le Nom" de Jésus. La sainte Humanité de Jésus est donc le chemin par lequel l'Esprit Saint nous apprend à prier Dieu notre Père.


La prière à Jésus

2665 La prière de l'Eglise, nourrie par la Parole de Dieu et la célébration de la Liturgie, nous apprend à prier le Seigneur Jésus. Même si elle est surtout adressée au Père, elle comporte, dans toutes les traditions liturgiques, des formes de prière adressées au Christ. Certains psaumes, selon leur actualisation dans la Prière de l'Eglise, et le Nouveau Testament mettent sur nos lèvres et gravent dans nos coeurs les invocations de cette prière au Christ: Fils de Dieu, Verbe de Dieu, Seigneur, Sauveur, Agneau de Dieu, Roi, Fils bien-aimé, Fils de la Vierge, bon Berger, notre Vie, notre Lumière, notre Espérance, notre Résurrection, Ami des hommes...

2666 Mais le Nom qui contient tout est celui que le Fils de Dieu reçoit dans son Incarnation: JESUS. Le Nom divin est indicible par les lèvres humaines (cf. Ex 3,14 Ex 33,19-23), mais en assumant notre humanité le Verbe de Dieu nous le livre et nous pouvons l'invoquer: "Jésus", "YHWH sauve" (cf. Mt 1,21). Le Nom de Jésus contient tout: Dieu et l'homme et toute l'Economie de la création et du salut. Prier "Jésus", c'est l'invoquer, l'appeler en nous. Son Nom est le seul qui contient la Présence qu'il signifie. Jésus est Ressuscité, et quiconque invoque son Nom accueille le Fils de Dieu qui l'a aimé et s'est livré pour lui (cf. Rm 10,13 Ac 2,21 Ac 3,15-16 Ga 2,20).

2667 Cette invocation de foi toute simple a été développée dans la tradition de la prière sous maintes formes en Orient et en Occident. La formulation la plus habituelle, transmise par les spirituels du Sinaï, de Syrie et de l'Athos est l'invocation: "Jésus, Christ, Fils de Dieu, Seigneur, aie pitié de nous, pécheurs!" Elle conjugue l'hymne christologique de Ph 2,6-11 avec l'appel du publicain et des mendiants de la lumière (cf. Mc 10,46-52 Lc 18,13). Par elle, le coeur est accordé à la misère des hommes et à la Miséricorde de leur Sauveur.

2668 L'invocation du saint Nom de Jésus est le chemin le plus simple de la prière continuelle. Souvent répétée par un coeur humblement attentif, elle ne se disperse pas dans un "flot de paroles" (Mt 6,7), mais "garde la Parole et produit du fruit par la constance" (cf. Lc 8,15). Elle est possible "en tout temps", car elle n'est pas une occupation à côté d'une autre mais l'unique occupation, celle d'aimer Dieu, qui anime et transfigure toute action dans le Christ Jésus.

2669 La prière de l'Eglise vénère et honore leCoeur de Jésus, comme elle invoque son Très saint Nom. Elle adore le Verbe incarné et son Coeur qui par amour des hommes, s'est laissé transpercer par nos péchés. La prière chrétienne aime suivre le chemin de la croix à la suite du Sauveur. Les stations du Prétoire au Golgotha et au Tombeau scandent la marche de Jésus qui a racheté le monde par sa sainte Croix.


"Viens, Esprit Saint"

2670 "Nul ne peut dire: 'Jésus est Seigneur', que sous l'action de l'Esprit Saint" (1Co 12,3). Chaque fois que nous commençons à prier Jésus, c'est l'Esprit Saint qui, par sa grâce prévenante, nous attire sur le Chemin de la prière. Puisqu'il nous apprend à prier en nous rappelant le Christ, comment ne pas le prier lui- même? C'est pourquoi l'Eglise nous invite à implorer chaque jour le Saint Esprit, spécialement au commencement et au terme de toute action importante.

Si l'Esprit ne doit pas être adoré, comment me divinise-t-il par le Baptême? Et s'il doit être adoré, ne doit-il pas être l'objet d'un culte particulier? (S. Grégoire de Naz., or. theol. 5, 28).

2671 La forme traditionnelle de la demande de l'Esprit est d'invoquer le Père par le Christ notre Seigneur pour qu'il nous donne l'Esprit Consolateur (cf. Lc 11,13). Jésus insiste sur cette demande en son Nom au moment même où il promet le don de l'Esprit de Vérité (cf. Jn 14,17 Jn 15,26 Jn 16,13). Mais la prière la plus simple et la plus directe est aussi traditionnelle: "Viens, Esprit Saint", et chaque tradition liturgique l'a développée dans des antiennes et des hymnes:

Viens, Esprit Saint, emplis les coeurs de tes fidèles, et allume en eux le feu de ton amour (cf. la Séquence de Pentecôte).

Roi céleste, Esprit Consolateur, Esprit de Vérité, partout présent et emplissant tout, trésor de tout bien et source de la Vie, viens, habite en nous, purifie-nous et sauve-nous, ô Toi qui es Bon! (Liturgie byzantine, Tropaire des vêpres de Pentecôte).

2672 L'Esprit Saint, dont l'Onction imprégne tout notre être, est le Maître intérieur de la prière chrétienne. Il est l'artisan de la tradition vivante de la prière. Certes, il y a autant de cheminements dans la prière que de priants, mais c'est le même Esprit qui agit en tous et avec tous. C'est dans la communion de l'Esprit Saint que la prière chrétienne est prière dans l'Eglise.


En communion avec la Sainte Mère de Dieu

2673 Dans la prière, l'Esprit Saint nous unit à la Personne du Fils Unique, en son Humanité glorifiée. C'est par elle et en elle que notre prière filiale communie dans l'Eglise avec la Mère de Jésus (cf. Ac 1,14).


2674 Depuis le consentement apporté dans la foi à l'Annonciation et maintenu sans hésitation sous la croix, la maternité de Marie s'étend désormais aux frères et aux soeurs de son Fils "qui sont encore des pèlerins et qui sont en butte aux dangers et aux misères" (LG 62). Jésus, l'unique Médiateur, est le Chemin de notre prière; Marie, sa Mère et notre Mère, lui est toute transparente: elle "montre le Chemin" ("Hodoghitria"), elle en est "le Signe", selon l'iconographie traditionnelle en Orient et en Occident.

2675 C'est à partir de cette coopération singulière de Marie à l'action de l'Esprit Saint que les Eglises ont développé la prière à la sainte Mère de Dieu, en la centrant sur la Personne du Christ manifestée dans ses mystères. Dans les innombrables hymnes et antiennes qui expriment cette prière, deux mouvements alternent habituellement: l'un "magnifie" le Seigneur pour les "grandes choses" qu'il a faites pour son humble servante, et par elle, pour tous les humains (cf. Lc 1,46-55); l'autre confie à la Mère de Jésus les supplications et les louanges des enfants de Dieu, puisqu'elle connaît maintenant l'humanité qui en elle est épousée par le Fils de Dieu.

2676 Ce double mouvement de la prière à Marie a trouvé une expression privilégiée dans la prière de l'Ave Maria:

"Je vous salue, Marie (réjouis-toi, Marie)". La salutation de l'Ange Gabriel ouvre la prière de l'Ave. C'est Dieu lui-même qui, par l'entremise de son ange, salue Marie. Notre prière ose reprendre la salutation de Marie avec le regard que Dieu a jetté sur son humble servante (cf.
Lc 1,48) et à nous réjouir de la joie qu'Il trouve en elle (cf. So 3,17).

"Pleine de grâce, le Seigneur est avec toi": Les deux paroles de la salutation de l'ange s'éclairent mutuellement. Marie est pleine de grâce parce que le Seigneur est avec elle. La grâce dont elle est comblée, c'est la présence de Celui qui est la source de toute grâce. "Réjouis-toi ... fille de Jérusalem ... le Seigneur est au milieu de toi" (So 3,14 So 3,17). Marie, en qui vient habiter le Seigneur lui-même, est en personne la fille de Sion, l'arche de l'Alliance, le lieu où réside la gloire du Seigneur: elle est "la demeure de Dieu parmi les hommes" (Ap 21,3). "Pleine de grâce", elle est toute donnée à celui qui vient habiter en elle et qu'elle va donner au monde.

"Tu es bénie entre toutes les femmes et Jésus, le fruit de tes entrailles, est béni". Après la salutation de l'ange, nous faisons nôtre celle d'Elisabeth. "Remplie de l'Esprit Saint" (Lc 1,41), Elisabeth est la première dans la longue suite des générations qui déclarent Marie bienheureuse (cf. Lc 1,48): "Bienheureuse celle qui a cru..." (Lc 1,45); Marie est "bénie entre toutes les femmes" parce qu'elle a cru en l'accomplissement de la parole du Seigneur. Abraham, par sa foi, est devenu une bénédiction pour "toutes les nations de la terre" (Gn 12,3). Par sa foi, Marie est devenue la mère des croyants grâce à laquelle toutes les nations de la terre reçoivent Celui qui est la bénédiction même de Dieu: Jésus, le fruit bénit de tes entrailles".

2677 "Sainte Marie, Mère de Dieu, prie pour nous..." Avec Elisabeth nous nous émerveillons: "Comment m'est-il donné que vienne à moi la mère de mon Seigneur?" (Lc 1,43). Parce qu'elle nous donne Jésus son fils, Marie est la mère de Dieu et notre mère; nous pouvons lui confier tous nos soucis et nos demandes: elle prie pour nous comme elle a prié pour elle-même: "Qu'il me soit fait selon ta parole" (Lc 1,38). En nous confiant à sa prière nous nous abandonnons avec elle à la volonté de Dieu: "Que ta volonté soit faite".

"Prie pour nous, pauvres pécheurs, maintenant et à l'heure de notre mort". En demandant à Marie de prier pour nous, nous nous reconnaissons pauvres pécheurs et nous nous adressons à la "Mère de la miséricorde", à la Toute Sainte. Nous nous remettons à elle "maintenant", dans l'aujourd'hui de nos vies. Et notre confiance s'élargit pour lui abandonner dès maintenant, "l'heure de notre mort". Qu'elle y soit présente comme à la mort en Croix de son Fils et qu'à l'heure de notre passage elle nous accueille comme notre mère (cf. Jn 19,27) pour nous conduire à son Fils Jésus, en Paradis.

2678 La piété médiévale de l'Occident a développé la prière du Rosaire, en substitut populaire de la Prière des Heures. En Orient, la forme litanique de l'Acathiste et de la Paraclisis est restée plus proche de l'office choral dans les Eglises byzantines, tandis que les traditions arménienne, copte et syriaque, ont préféré les hymnes et les cantiques populaires à la Mère de Dieu. Mais dans l'Ave Maria, les théotokia, les hymnes de S. Ephrem ou de S. Grégoire de Narek, la tradition de la prière est ici fondamentalement la même.

2679 Marie est l'Orante parfaite, figure de l'Eglise. Quand nous la prions, nous adhérons avec elle au Dessein du Père, qui envoie son Fils pour sauver tous les hommes. Comme le disciple bien- aimé, nous accueillons chez nous (cf. Jn 19,27) la Mère de Jésus, devenue la mère de tous les vivants. Nous pouvons prier avec elle et la prier. La prière de l'Eglise est comme portée par la prière de Marie. Elle lui est unie dans l'espérance (cf. LG 68-69).



En bref

2680 La prière est principalement adressée au Père; de même, elle se porte vers Jésus, notamment par l'invocation de son saint Nom: "Jésus, Christ, Fils de Dieu, Seigneur, aie pitié de nous, pécheurs!"


2681 "Nul ne peut dire: 'Jésus est le Seigneur', sinon sous l'action de l'Esprit Saint" (1Co 12,3). L'Eglise nous invite à invoquer le Saint Esprit comme le Maître intérieur de la prière chrétienne.

2682 En vertu de sa coopération singulière à l'action de l'Esprit Saint, l'Eglise aime à prier en communion avec la Vierge Marie, pour magnifier avec elle les grandes choses que Dieu a réalisées en elle et pour lui confier supplications et louanges.



Article 3 Des guides pour la prière

Une nuée de témoins

2683 Les témoins qui nous ont précédés dans le Royaume (cf. He 12,1), spécialement ceux que l'Eglise reconnaît comme "saints", participent à la tradition vivante de la prière, par le modèle de leur vie, par la transmission de leurs écrits et par leur prière aujourd'hui. Ils contemplent Dieu, ils le louent et ne cessent pas de prendre soin de ceux qu'ils ont laissé sur la terre. En entrant "dans la joie" de leur Maître, ils ont été "établis sur beaucoup" (cf. Mt 25,21). Leur intercession est leur plus haut service du Dessein de Dieu. Nous pouvons et devons les prier d'intercéder pour nous et pour le monde entier.

2684 Dans la communion des saints se sont développées tout au long de l'histoire des Eglises diverses spiritualités. Le charisme personnel d'un témoin de l'Amour de Dieu pour les hommes a pu être transmis, tel "l'esprit" d'Elie à Elisée (cf. 2R 2,9) et à Jean-Baptiste (cf. Lc 1,17), pour que des disciples aient part à cet esprit (cf. PC 2). Une spiritualité est aussi au confluent d'autres courants, liturgiques et théologiques, et témoigne de l'inculturation de la foi dans un milieu humain et son histoire. Les spiritualités chrétiennes participent à la tradition vivante de la prière et sont des guides indispensables pour les fidèles. Elles réfractent, dans leur riche diversité, la pure et unique Lumière de l'Esprit Saint.

"L'Esprit est vraiment le lieu des saints, et le saint est pour l'Esprit un lieu propre, puisqu'il s'offre à habiter avec Dieu et est appelé son temple" (S. Basile, Spir. 26,62).



Serviteurs de la prière

2685 La famille chrétienne est le premier lieu de l'éducation à la prière. Fondée sur le sacrement de Mariage, elle est "l'Eglise domestique" où les enfants de Dieu apprennent à prier "en Eglise" et à persévérer dans la prière. Pour les jeunes enfants en particulier, la prière familiale quotidienne est le premier témoin de la mémoire vivante de l'Eglise éveillée patiemment par l'Esprit Saint.

2686 Les ministres ordonnés, sont aussi responsables de la formation à la prière de leurs frères et soeurs dans le Christ. Serviteurs du bon Pasteur, ils sont ordonnés pour guider le peuple de Dieu aux sources vives de la prière: la Parole de Dieu, la Liturgie, la vie théologale, l'Aujourd'hui de Dieu dans les situations concrètes (cf. PO 4-6).


2687 De nombreux religieux ont consacré toute leur vie à la prière. Depuis le désert d'Egypte, des ermites, des moines et des moniales ont donné leur temps à la louange de Dieu et à l'intercession pour son peuple. La vie consacrée ne se maintient et ne se propage pas sans la prière; elle est une des sources vives de la contemplation et de la vie spirituelle dans l'Eglise

2688 La catéchèse des enfants, des jeunes et des adultes, vise à ce que la Parole de Dieu soit méditée dans la prière personnelle, actualisée dans la prière liturgique, et intériorisée en tout temps afin de porter son fruit dans une vie nouvelle. La catéchèse est aussi le moment où la piété populaire peut être discernée et éduquée (cf. CTR 54). La mémorisation des prières fondamentales offre un support indispensable à la vie de la prière, mais il est important d'en faire goûter le sens (cf. CTR 55).

2689 Des groupes de prière, voire des "écoles de prière", sont aujourd'hui l'un des signes et l'un des ressorts du renouveau de la prière dans l'Eglise, à condition de s'abreuver aux sources authentiques de la prière chrétienne. Le souci de la communion est signe de la véritable prière dans l'Eglise.

2690 L'Esprit Saint donne à certains fidèles des dons de sagesse, de foi et de discernement en vue de ce bien commun qu'est la prière (direction spirituelle). Ceux et celles qui en sont dotés sont de véritables serviteurs de la Tradition vivante de la prière:

C'est pour celà que l'âme qui veut avancer dans la perfection, doit, selon le conseil de S. Jean de la Croix, "bien considérer entre quelles mains elle se remet, car tel sera le maître, tel sera le disciple; tel sera le père, tel sera le fils". Et encore: "Non seulement le directeur doit être savant et prudent, mais encore expérimenté... Si le guide spirituel n'a pas l'expérience de la vie spirituelle, il est incapable d'y conduire les âmes que Dieu pourtant appelle, et il ne les comprendra même pas" (Llama strophe 3).


Des lieux favorables à la prière

2691 L'église, maison de Dieu, est le lieu propre de la prière liturgique pour la communauté paroissiale. Elle est aussi le lieu privilégié de l'adoration de la présence réelle du Christ dans le Saint Sacrement. Le choix d'un lieu favorable n'est pas indifférent à la vérité de la prière:

- pour la prière personnelle, ce peut être un "coin de prière", avec les saintes Ecritures et des icônes, afin d'être "là, dans le secret" devant notre Père (cf.
Mt 6,6). Dans une famille chrétienne, ce genre de petit oratoire favorise la prière en commun.
- dans les régions où il existe des monastères, la vocation de ces communautés est de favoriser le partage de la Prière des Heures avec les fidèles et de permettre la solitude nécessaire à une prière personnelle plus intense (cf. PC 7).
- les pèlerinages évoquent notre marche sur terre vers le ciel. Ils sont traditionnellement des temps forts de renouveau de la prière. Les sanctuaires sont, pour les pèlerins en quête de leurs sources vives, des lieux exceptionnels pour vivre "en Eglise" les formes de la prière chrétienne .



En bref

2692 Dans sa prière, l'Eglise pérégrinante est associée à celle des saints dont elle sollicite l'intercession.

2693 Les différentes spiritualités chrétiennes participent à la tradition vivante de la prière et sont des guides précieux pour la vie spirituelle.

2694 La famille chrétienne est le premier lieu de l'éducation à la prière.

2695 Les ministres ordonnés, la vie consacrée, la catéchèse, les groupes de prière, la "direction spirituelle" assurent dans l'Eglise une aide pour la prière.

2696 Les lieux les plus favorables pour la prière sont l'oratoire personnel ou familial, les monastères, les sanctuaires de pèlerinage et, surtout, l'eglise qui est le lieu propre de la prière liturgique pour la communauté paroissiale et le lieu privilégié de l'adoration eucharistique.





Chapitre troisième

La vie de prière


2697 La prière est la vie du coeur nouveau. Elle doit nous animer à tout moment. Or nous oublions Celui qui est notre Vie et notre Tout. C'est pourquoi les Pères spirituels, dans la tradition du Deutéronome et des prophètes, insistent sur la prière comme "souvenir de Dieu" réveil fréquent de la "mémoire du coeur": "Il faut se souvenir de Dieu plus souvent qu'on ne respire" (S. Grégoire de Naz., or. theol. 1,4). Mais on ne peut pas prier "en tout temps" si l'on ne prie pas à certains moments, en le voulant: ce sont les temps forts de la prière chrétienne, en intensité et en durée.

2698 La Tradition de l'Eglise propose aux fidèles des rythmes de prière destinés à nourrir la prière continuelle. Certains sont quotidiens: la prière du matin et du soir, avant et après les repas, la Liturgie des Heures. Le dimanche, centré sur l'Eucharistie, est sanctifié principalement par la prière. Le cycle de l'année liturgique et ses grandes fêtes sont les rythmes fondamentaux de la vie de prière des chrétiens.

2699 Le Seigneur conduit chaque personne par les chemins et de la manière qui Lui plaisent. Chaque fidèle Lui répond aussi selon la détermination de son coeur et les expressions personnelles de sa prière. Cependant la tradition chrétienne a retenu trois expressions majeures de la vie de prière: la prière vocale, la méditation, l'oraison. Un trait fondamental leur est commun: le recueillement du coeur. Cette vigilance à garder la Parole et à demeurer en présence de Dieu fait de ces trois expressions des temps forts de la vie de prière.



Article 1 Les expressions de la prière

I La prière vocale

2700 Par sa Parole, Dieu parle à l'homme. C'est par des paroles, mentales ou vocales, que notre prière prend corps. Mais le plus important est la présence du coeur à Celui à qui nous parlons dans la prière. "Que notre prière soit entendue dépend, non de la quantité des paroles, mais de la ferveur de nos âmes" (S. Chrysostome, ecl. 2).

2701 La prière vocale est une donnée indispensable de la vie chrétienne. Aux disciples, attirés par la prière silencieuse de leur Maître, Celui-ci enseigne une prière vocale: le "Notre Père". Jésus n'a pas seulement prié les prières liturgiques de la synagogue, les Evangiles nous Le monrtent élever la voix pour exprimer sa prière personnelle, de la bénédiction exultante du Père (cf. Mt 11,25-26) jusqu'à la détresse de Gethsémani (cf. Mc 14,36).

2702 Ce besoin d'associer les sens à la prière intérieure répond à une exigence de notre nature humaine. Nous sommes corps et esprit, et nous éprouvons le besoin de traduire extérieurement nos sentiments. Il faut prier avec tout notre être pour donner à notre supplication toute la puissance possible.


2703 Ce besoin répond aussi à une exigence divine. Dieu cherche des adorateurs en Esprit et en Vérité, et par conséquent la prière qui monte vivante des profondeurs de l'âme. Il veut aussi l'expression extérieure qui associe le corps à la prière intérieure, car elle Lui apporte cet hommage parfait de tout ce à quoi Il a droit.

2704 Parce qu'extérieure et si pleinement humaine, la prière vocale est par excellence la prière des foules. Mais aussi la prière la plus intérieure ne saurait négliger la prière vocale. La prière devient intérieure dans la mesure où nous prenons consciencede Celui "à qui nous parlons" (Ste. Thérèse de Jésus, cam. 26). Alors la prière vocale devient une première forme de la prière contemplative.



II La méditation

2705 La méditation est surtout une recherche. L'esprit cherche à comprendre le pourquoi et le comment de la vie chrétienne, afin d'adhérer et de répondre à ce que le Seigneur demande. Il y faut une attention difficile à discipliner. Habituellement, on s'aide d'un livre, et les chrétiens n'en manquent pas: les saintes Ecritures, l'Evangile singulièrement, les saintes icônes, les textes liturgiques du jour ou du temps, les écrits des Pères spirituels, les ouvrages de spiritualité, le grand livre de la création et celui de l'histoire, la page de "l'Aujourd'hui" de Dieu.

2706 Méditer ce qu'on lit conduit à se l'approprier en le confrontant avec soi-même. Ici, un autre livre est ouvert: celui de la vie. On passe des pensées à la réalité. A la mesure de l'humilité et de la foi, on y découvre les mouvements qui agitent le coeur et on peut les discerner. Il s'agit de faire la vérité pour venir à la Lumière: "Seigneur, que veux-tu que je fasse?".

2707 Les méthodes de méditation sont aussi diverses que les maîtres spirituels. Un chrétien se doit de vouloir méditer régulièrement, sinon il ressemble aux trois premiers terrains de la parabole du semeur (cf. Mc 4,4-7 Mc 4,15-19). Mais une méthode n'est qu'un guide; l'important est d'avancer, avec l'Esprit Saint, sur l'unique chemin de la prière: le Christ Jésus.


2708 La méditation met en oeuvre la pensée, l'imagination, l'émotion et le désir. Cette mobilisation est nécessaire pour approfondir les convictions de foi, susciter la conversion du coeur et fortifier la volonté de suivre le Christ. La prière chrétienne s'applique de préférence à méditer "les mystères du Christ", comme dans la "lectio divina" ou le Rosaire. Cette forme de réflexion priante est de grande valeur, mais la prière chrétienne doit tendre plus loin: à la connaissance d'amour du Seigneur Jésus, à l'union avec Lui.



III L'oraison

2709 Qu'est-ce que l'oraison? Ste. Thérèse répond: "L'oraison mentale n'est, à mon avis, qu'un commerce intime d'amitié où l'on s'entretient souvent seul à seul avec ce Dieu dont on se sait aimé" (vida 8).


L'oraison cherche "celui que mon coeur aime" (
Ct 1,7 cf. Ct 3,1-4). C'est Jésus, et en lui, le Père. Il est cherché, parce que le désirer est toujours le commencement de l'amour, et il est cherché dans la foi pure, cette foi qui nous fait naître de lui et vivre en lui. On peut méditer encore dans l'oraison, toutefois le regard porte sur le Seigneur.

2710 Le choix du temps et de la durée de l'oraison relève d'une volonté déterminée, révélatrice des secrets du coeur. On ne fait pas oraison quand on a le temps: on prend le temps d'être pour le Seigneur, avec la ferme détermination de ne pas le lui reprendre en cours de route, quelles que soient les épreuves et la sécheresse de la rencontre. On ne peut pas toujours méditer, on peut toujours entrer en oraison, indépendamment des conditions de santé, de travail ou d'affectivité. Le coeur est le lieu de la recherche et de la rencontre, dans la pauvreté et dans la foi.

2711 L'entrée en oraison est analogue à celle de la Liturgie eucharistique: "rassembler" le coeur, recueillir tout notre être sous la mouvance de l'Esprit Saint, habiter la demeure du Seigneur que nous sommes, éveiller la foi pour entrer en la Présence de Celui qui nous attend, faire tomber nos masques et retourner notre coeur vers le Seigneur qui nous aime afin de nous remettre à Lui comme une offrande à purifier et à transformer.

2712 L'oraison est la prière de l'enfant de Dieu, du pécheur pardonné qui consent à accueillir l'amour dont il est aimé et qui veut y répondre en aimant plus encore (cf. Lc 7,36-50 Lc 19,1-10). Mais il sait que son amour en retour est celui que l'Esprit répand dans son coeur, car tout est grâce de la part de Dieu. L'oraison est la remise humble et pauvre à la volonté aimante du Père en union de plus en plus profonde à son Fils bien-aimé.

2713 Ainsi l'oraison est-elle l'expression la plus simple du mystère de la prière. L'oraison est un don, une grâce; elle ne peut être accueillie que dans l'humilité et la pauvreté. L'oraison est une relation d'alliance établie par Dieu au fond de notre être (cf. Jr 31,33). L'oraison est communion: la Trinité Sainte y conforme l'homme, image de Dieu, "à sa ressemblance".


2714 L'oraison est aussi le temps fort par excellence de la prière. Dans l'oraison, le Père nous "arme de puissance par son Esprit pour que se fortifie en nous l'homme intérieur, que le Christ habite en nos coeurs par la foi et que nous soyons enracinés, fondés dans l'amour" (Ep 3,16-17).

2715 La contemplation est regard de foi, fixé sur Jésus. "Je l'avise et il m'avise", disait à son saint curé le paysan d'Ars en prière devant le Tabernacle. Cette attention à Lui est renoncement au "moi". Son regard purifie le coeur. La lumière du regard de Jésus illumine les yeux de notre coeur; elle nous apprend à tout voir dans la lumière de sa vérité et de sa compassion pour tous les hommes. La contemplation porte aussi son regard sur les mystères de la vie du Christ. Elle apprend ainsi "la connaissance intérieure du Seigneur" pour l'aimer et le suivre davantage (cf. S. Ignace, ex. spir. 104).

2716 L'oraison est écoute de la Parole de Dieu. Loin d'être passive, cette écoute est l'obéissance de la foi, accueil inconditionnel du serviteur et adhésion aimante de l'enfant. Elle participe au "oui" du Fils devenu Serviteur et au "fiat" de son humble servante.

2717 L'oraison est silence, ce "symbole du monde qui vient" (S. Isaac de Ninive, tract. myst. 66) ou "silencieux amour" (S. de la Croix). Les paroles dans l'oraison ne sont pas des discours mais des brindilles qui alimentent le feu de l'amour. C'est dans ce silence, insupportable à l'homme "extérieur", que le Père nous dit son Verbe incarné, souffrant, mort et ressuscité, et que l'Esprit filial nous fait participer à la prière de Jésus.

2718 L'oraison est union à la prière du Christ dans la mesure où elle fait participer à son Mystère. Le Mystère du Christ est célébré par l'Eglise dans l'Eucharistie, et l'Esprit Saint le fait vivre dans l'oraison, afin qu'il soit manifesté par la charité en acte.

2719 L'oraison est une communion d'amour porteuse de Vie pour la multitude, dans la mesure où elle est consentement à demeurer dans la nuit de la foi. La Nuit pascale de la Résurrection passe par celle de l'agonie et du tombeau. Ce sont ces trois temps forts de l'Heure de Jésus que son Esprit (et non la "chair qui est faible") fait vivre dans l'oraison. Il faut consentir à "veiller une heure avec lui" (cf. Mt 26,40).



En bref

2720 L'Eglise invite les fidèles à une prière régulière: prières quotidiennes, Liturgie des Heures, Eucharistie dominicale, fêtes de l'année liturgique.

2721 La tradition chrétienne comprend trois expressions majeures de la vie de prière: la prière vocale, la méditation et l'oraison. Elles ont en commun le recueillement du coeur.

2722 La prière vocale, fondée sur l'union du corps et de l'esprit dans la nature humaine, associe le corps à la prière intérieure du coeur, à l'exemple du Christ priant son Père et enseignant le "Notre Père" à ses disciples.

2723 La méditation est une recherche priante qui met en oeuvre la pensée, l'imagination, l'émotion, le désir. Elle a pour but l'appropriation croyante du sujet considéré, confronté avec la réalité de notre vie.

2724 L'oraison mentale est l'expression simple du mystère de la prière. Elle est un regard de foi fixé sur Jésius, une écoute de la Parole de Dieu, un silencieux amour. Elle réalise l'union à la prière du Christ dans la mesure où elle nous fait participer à son Mystère.



Article 2 Le combat de la prière

2725 La prière est un don de la grâce et une réponse décidée de notre part. Elle suppose toujours un effort. Les grands priants de l'Ancienne Alliance avant le Christ, comme la Mère de Dieu et les saints avec Lui nous l'apprennent: la prière est un combat. Contre qui? contre nous-mêmes et contre les ruses du Tentateur qui fait tout pour détourner l'homme de la prière, de l'union à son Dieu. On prie comme on vit, parce qu'on vit comme on prie. Si l'on ne veut pas habituellement agir selon l'Esprit du Christ, on ne peut pas non plus habituellement prier en son Nom. Le "combat spirituel" de la vie nouvelle du chrétien est inséparable du combat de la prière.



I Les objections à la prière

2726 Dans le combat de la prière, nous avons à faire face, en nous- mêmes et autour de nous, à des conceptions erronées de la prière. Certaines y voient une simple opération psychologique, d'autres un effort de concentration pour arriver au vide mental. Telles la codifient dans des attitudes et des paroles rituelles. Dans l'inconscient de beaucoup de chrétiens, prier est une occupation incompatible avec tout ce qu'ils ont à faire: ils n'ont pas le temps. Ceux qui cherchent Dieu par la prière se découragent vite parce qu'ils ignorent que la prière vient aussi de l'Esprit Saint et non pas d'eux seuls.

2727 Nous avons aussi à faire face à des mentalités de "ce monde-ci"; elles nous pénètrent si nous ne sommes pas vigilants, par exemple: le vrai serait seulement ce qui est vérifié par la raison et la science (or prier est un mystère qui déborde notre conscience et notre inconscient); les valeurs de production et de rendement (la prière, improductive, est donc inutile); le sensualisme et le confort, critères du vrai, du bien et du beau (or la prière, "amour de la Beauté" (philocalie), est éprise de la Gloire du Dieu vivant et vrai); en réaction contre l'activisme, voici la prière présentée comme fuite du monde (or la prière chrétienne n'est pas une sortie de l'histoire ni un divorce avec la vie).

2728 Enfin, notre combat doit faire face à ce que nous ressentons comme nos échecs dans la prière: découragement devant nos sécheresses, tristesse de ne pas tout donner au Seigneur, car nous avons "de grands biens" (cf. Mc 10,22), déception de ne pas être exaucés selon notre volonté propre, blessure de notre orgueil qui se durcit sur notre indignité de pécheur, allergie à la gratuité de la prière, etc. La conclusion est toujours la même: à quoi bon prier? Pour vaincre ces obstacles, il faut combattre pour l'humilié, la confiance et la persévérance.





1998 Catéchisme 2661