Catéchisme France 33


Confesser Dieu en vérité

Une existence transformée

34 Qu'est-ce que cela change de croire au Dieu et Père de Jésus Christ? C'est une question que l'on entend souvent poser. Les croyants peuvent parfois se la poser pour eux-mêmes. Elle est légitime et mérite d'être reçue.

Entrer dans la foi, c'est laisser s'ouvrir, sur la route humaine, des horizons infinis en même temps que trouver des repères qui permettent de s'orienter. C'est se voir gratifier de cette liberté nouvelle que donne la rencontre de la vérité et de ses exigences. C'est découvrir en Dieu la vérité de notre humanité. C'est en apprenant à mieux connaître Dieu, apprendre à se mieux soi-même.

Quand on parle de vérité, il est très important de bien se comprendre. La vérité d'un théorème de mathématiques, ou même d'une loi de la physique, est-elle exactement de même nature que celle dont il s'agit quand on dit de quelqu'un qu'il est "vrai", ou quand Jésus déclare qu'il est "la vraie vigne" (
Jn 15,1)? La "vrai vigne" dont parle Jésus, c'est celle qui porte des fruits. Un homme "vrai", c'est un homme qui dit la vérité, dans ses paroles, mais aussi dans sa vie.

35 Nous savons aussi qu'il y a deux manières de manquer à la vérité: l'erreur et le mensonge. Les deux n'engagent pas la personne de la même façon. C'est qu'il existe des conditions d'accès à la vérité et il y a des vérités auxquelles on ne peut aller "qu'avec toute son âme".

Ainsi en est-il de la vérité à découvrir et à établir dans les rapports humains, si l'on veut qu'ils ne soient pas "faussés". Ainsi en est-il encore davantage lorsqu'il s'agit de vérités religieuses. Car, là plus que nulle part ailleurs, on peut avoir des yeux et ne pas voir, des oreilles et ne pas entendre, ainsi que Jésus le répète à ses contradicteurs (cf.
Mc 4,12 Mc 8,18 Jn 12,40 etc.). Il y a des vérités qu'on ne découvre pas sans "conversion", sans commencer par se "retourner", pour entendre et accueillir ce qui n'est pas seulement le fruit de nos conquêtes.

36 Telle est la réalité du Dieu vivant et vrai. Telle est la réalité de son Royaume. "Si vous ne changez pas (si vous ne vous convertissez pas), déclare Jésus, pour devenir comme les petits enfants, vous n'entrerez pas dans le royaume des cieux" (Mt 18,3). Si vous ne vous convertissez pas, pourrait-on commenter, votre intelligence sera impuissante à vous y faire entrer. Car le royaume de Dieu est de ces choses qui demeurent "cachées aux sages et aux savants" et sont "révélées aux tout-petits" (Mt 11,25): à ceux qui se laissent introduire dans la nouveauté de "ce que personne n'avait vu de ses yeux ni entendu de ses oreilles, ce que le coeur de l'homme n'avait pas imaginé, ce qui avait été préparé pour ceux qui aiment Dieu" (1Co 2,9).

Non pas que la vérité découverte dans cette conversion soit une vérité irrationnelle. Si "le coeur a ses raisons, que la raison ne connaît point" (Pascal), ces raisons n'en sont pas moins de vraies raisons. Il y a une véritable intelligence de la foi, une illumination de la raison et de tout l'homme par la Révélation divine. Mais la raison qui accède à la vérité qui fait vivre n'est pas séparable de la vie de toute la personne. Dans ce sens, la vérité est aussi une tâche et une exigence morale. C'est en faisant la vérité qu'on vient à la lumière (cf. Jn 3,21).

37 La vérité possède, en définitive, un nom propre: celui de Jésus Christ. Dans la foi chrétienne, la question humaine par excellence "Qu'est-ce que la vérité?" se voit radicalement renouvelée. Elle aimantait la réflexion de Socrate. Elle prend une signification toute nouvelle sur les lèvres de Pilate. En face de celui-ci la vérité se manifeste comme Quelqu'un. Seul le Christ peut déclarer: "Je suis la Vérité." Jésus est la Vérité en étant en même temps " le Chemin" et "la Vie" (cf. Jn 14,6). Il l'est dans sa personne, dans sa vie et dans son oeuvre. Il est quelqu'un qui "rend témoignage à la Vérité" (Jn 18,37) par le don total de sa vie, à l'heure même où il est condamné à se taire et à mourir sur la croix.

La vérité du Christ est son être de Fils qui reçoit tout du Père, avant de transmettre son Esprit. A travers la croix, cette vérité apparaît comme une vérité désarmée, qui ne s'impose pas, mais qui, pour cette raison, s'adresse à notre liberté pour nous rendre libres (cf. Jn 8,32).

Si la vérité chrétienne est en dernière instance une personne, elle ne peut être l'objet d'une possession. La question n'est pas de savoir si nous la possédons, mais si nous acceptons qu'elle vienne nous libérer.

Le chrétien connaît donc très réellement la vérité. Mais il la connaît pour la servir. Il ne prétend pas en être le maître. Il se tient "en elle" en marchant à la suite de son Maître, sous la mouvance de l'Esprit, que celui-ci a laissé en héritage à ses disciples, pour les conduire à "la vérité tout entière" (Jn 16,13).


Une nouvelle manière de vivre

38 Établi par sa foi dans la vérité, le croyant entre dans une nouvelle manière de vivre. Le don de la vie divine qui lui est fait avec le baptême n'est pas sans conséquence sur son comportement de tous les jours, si du moins il se montre fidèle au don reçu.

En quoi donc se distingue-t-il des autres?

La foi chrétienne se vit au coeur du monde. Elle n'arrache pas le croyant à sa condition humaine. Comme les autres, les chrétiens sont soumis aux événements qui jalonnent leur histoire. Ils connaissent les mêmes joies et les mêmes peines. Et cependant leur existence doit, d'une manière ou d'une autre, rendre témoignage au Dieu unique et vrai révélé en Jésus Christ le Seigneur, dans la vérité duquel leur foi les enracine.

Dans son exhortation apostolique Evangelii nuntiandi, Paul VI montre comment la vie des chrétiens peut, dans ces perspectives, être par elle-même un premier acte d'évangélisation: "Voici un chrétien ou un groupe de chrétiens qui, au sein de la communauté humaine dans laquelle ils vivent, manifestent leur capacité de compréhension et d'accueil, leur communion de vie et de destin avec les autres, leur solidarité dans les efforts de tous pour tout ce qui est noble et bon. [...] Par ce témoignage sans paroles, ces chrétiens font monter, dans le coeur de ceux qui les voient vivre, des questions irrésistibles. Pourquoi sont-ils ainsi? Pourquoi vivent-ils de la sorte? Qu'est-ce ou qui est-ce-qui les inspire?" (
EN 21).

39 Sans doute, la manière de vivre des chrétiens ne correspond-elle pas toujours aux orientations découlant de la foi chrétienne. Les "nouveaux païens" de l'époque moderne sont souvent d'anciens chrétiens qui ont oublié leurs racines, à moins qu'ils ne s'en soient coupés délibérément. Même ceux qui n'ont pas renié l'Évangile comme idéal de vie ni renoncé à leur appartenance chrétienne peuvent être de médiocres témoins.

En effet, vivre selon l'Évangile ne va pas de soi. Mais les difficultés ne sont pas seulement à déplorer. Sans doute, la foi peut grandir sans beaucoup de confrontation. Cependant, plus elle est mise à l'épreuve, par la rencontre de franches oppositions ou par l'ambiance d'oubli pratique de Dieu, plus il lui arrive de manifester sa nouveauté. Dans nos pays, où l'indifférence religieuse s'est largement répandue, l'éveil à Dieu se réalise d'une façon renouvelée. Des enfants, parfois des jeunes et des adultes, savent que, pour affirmer leur foi et vivre en chrétiens, il faut un réel courage. Pourtant ils ne reculent pas devant les affrontements qui les attendent.

40 Croire ne va pas sans témoigner. Le "oui" chrétien à Dieu implique un certain nombre de "non" par rapport aux orientations du monde. Il ne s'agit pas de refuser le monde ou de le fuir. Il s'agit de refuser ce qui, dans les structures et les moeurs du monde, se ferme à Dieu et éloigne de lui: l'égoïsme le mensonge, l'injustice sous toutes ses formes...

Un tel choix de vie peut, dans certaines circonstances, conduire au martyre (ce mot est la transcription du terme grec qui signifie "témoignage"). Le témoignage n'est pas pour autant réservé à une élite de croyants. C'est la vocation de tous les baptisés, comme l'a encore rappelé le concile Vatican II: "Car tous les chrétiens, partout où ils vivent, sont tenus de manifester de telle manière, par l'exemple de leur vie et le témoignage de leur parole, l'homme nouveau qu'ils ont revêtu par le baptême et la force du Saint-Esprit qui les a fortifiés au moyen de la confirmation, que les autres, considérant leurs bonnes oeuvres, glorifient le Père (cf.
Mt 5,16) et perçoivent plus pleinement le sens authentique et le lien universel de communion des hommes." (AGD 11)

41 Les conditions actuelles de la vie chrétienne demandent de plus en plus aux chrétiens de former une Église de témoins, prêts à dire "oui" à Dieu comme Dieu, trouvant en lui le sens radical de leur vie et le préférant à tout le reste. Ils sont provoqués à faire leur la réponse de Jésus à Satan, lors de la tentation au désert: "Il est écrit: Tu te prosterneras devant le Seigneur ton Dieu, et c'est lui seul que tu adoreras." (Lc 4,8)

Dans ce contexte, les croyants sont appelés à faire valoir sereinement la foi qui les fait vivre, en rayonnant la paix, même au-delà du déchirement, et en laissant entrevoir les horizons insoupçonnés qu'ouvre cette foi. Celle-ci est, à leurs yeux, un bien trop précieux pour qu'ils ne soient pas portés à vouloir la communiquer, non pas en empruntant les chemins trop humains de la propagande, mais plutôt en reprenant la proposition de Jésus à ses premiers disciples: "Venez et voyez." (Jn 1,39)

42 Le chemin de la foi est un chemin de mise à l'épreuve et de liberté. Au fur et à mesure qu'il s'y engage, le croyant découvre que c'est aussi une oeuvre de la grâce. Car sa fidélité est soutenue par une fidélité plus forte que la sienne: la fidélité du Dieu sur lequel il joue sa vie.

Le cheminement de la foi se confond ainsi avec la découverte toujours plus approfondie que l'homme n'est et ne demeure fidèle à Dieu que parce que Dieu est et demeure totalement, inconditionnellement, fidèle à l'homme: à chaque être humain, en son histoire personnelle, et à l'humanité tout entière.

Cette fidélité de Dieu à l'homme se manifeste dans le dialogue ininterrompu qu'il institue avec lui. D'Abraham à Marie et du peuple d'Israël à l'Église d'aujourd'hui, Dieu apparaît comme celui qui ne cesse de se révéler et d'aller au-devant des hommes dans un geste d'amour.


Dépasser les peurs et ouvrir des routes

43 Les difficultés de la foi aujourd'hui sont nombreuses. Mais il ne sert à rien de se lamenter. Il y a des obstacles qui peuvent faire avancer. Nous devons être prêts à "nous expliquer devant tous ceux qui nous demandent de rendre compte de l'espérance qui est en nous (cf. 1P 3,15). La parole de saint Pierre s'adresse à chaque croyant. C'est l'Église tout entière qui a vocation missionnaire et qui est envoyée pour annoncer l'Évangile au "monde de ce temps", selon la formule de la Constitution pastorale Gaudium et spes du concile Vatican II.

Trois défis majeurs, ou problèmes insistants, se trouvent sur la route des hommes soucieux de rencontrer et de vivre la foi: ce que l'on appelle la "sécularisation"; des peurs qui restent à dépasser; et enfin, mais il traverse tous les temps, le scandale du mal.

44 La sécularisation est le mouvement qui conduit les hommes à regarder le monde, et les sociétés à se construire, sans référence à des critères religieux. Ce mouvement est porté par l'essor de la rationalité moderne, analytique et objectivante. Il demande un discernement. Bien analyser conduit à mieux maîtriser, pour une plus grande liberté. La Bible et la foi chrétienne invitent à cette maîtrise, qui sera facteur de progrès si elle est au service de l'homme. Les croyants n'ont pas à dénigrer ce qui permet d'humaniser la nature et les conditions de vie.

La nouveauté des fantastiques développements auxquels nous assistons nous invite à nous interroger sur leur sens, leur destination: Pour quoi? Pour qui? Au service de quoi? Au service de qui? La science et la technique tendent à devenir la "religion" moderne, se substituant aux fonctions des religions archaïques: conjurer l'inconnu. La science, par ses analyses, met à distance ce qui survient d'inconnu pour le transformer en "objet" connu. Quant à la technique, avec les manipulations et mainmises qu'elle permet, elle tend à prendre la figure d'une nouvelle magie.

45 Cependant le mythe du "progrès" sans fin obtenu par la seule connaissance s'est brisé à Hiroshima et à Auschwitz. La question du sens revient alors, et d'abord par l'éthique.

Pour le dire autrement, c'est la question de l'homme qui devient aujourd'hui centrale: l'homme dans son identité, dans ses droits, dans sa conscience, dans sa liberté et dans sa relation constitutive à Dieu.

Il s'agit de comprendre que "l'homme est la route fondamentale de l'Église" (
RH 14), parce que Dieu, en se révélant, révèle pleinement l'homme à lui-même, l'homme avec sa finitude et son caractère faillible, mais aussi avec sa liberté ouverte à Dieu et aux autres.

A cet égard, aucun temps n'a peut-être été autant que le nôtre en attente des lumières de la foi chrétienne. Car entre tous les hommes membres de la même famille humaine existe une fraternité qui demande à être vécue en acte, surtout quand il faut lutter contre ce qui menace la vie et la liberté des hommes. Cette fraternité appelle la reconnaissance de Celui qui est son fondement: le Père créateur qui nous donne son Fils comme "le Chemin, la Vérité et la Vie" (Jn 14,6).

Nous appartenons à cette humanité qui cherche sa route et qui est parfois tentée de se suffire à elle-même. Mais la foi catholique reçue des apôtres est une invitation permanente à vaincre la peur et à découvrir que Dieu est avec nous pour nous rendre libres. L'appel de Jean-Paul II au début de son pontificat: "N'ayez pas peur! Ouvrez toutes grandes vos portes au Christ!" est toujours à réentendre.

46 Au cours de son histoire, l'Église a déjà eu à relever d'autres défis: que l'on pense à l'ouverture aux païens des premières communautés chrétiennes, à l'évangélisation des barbares, à la découverte du Nouveau Monde, à la crise de la Réforme, à la tourmente révolutionnaire, aux grands mouvements politiques et sociaux du siècle dernier.

Les défis d'aujourd'hui sont immenses, dans les domaines de la culture, de l'économie, de la politique, des questions nouvelles posées par le progrès accéléré des techniques, de la biologie à l'informatique. Ayant dépassé toute peur, les disciples du Christ mort et ressuscité peuvent retrouver la fierté de leur foi, dans une attitude d'humble confiance en Dieu et d'ouverture aux questions des hommes. Ils sont forts de la conviction d'être porteurs pour le monde d'un message d'espérance qu'ils ont à rendre crédible par leurs paroles et leurs comportements.

47 Le dernier défi, et non le moindre, que la foi se doit de relever, reste malgré tout le scandale du mal: drames personnels ou catastrophes collectives, énigme de l'homme divisé en son coeur, capable de haine et de volonté de mort. Le croyant sait que lui-même, comme tout homme, n'évitera pas d'être un jour affronté ainsi à l'épreuve, ne serait-ce que celle de sa propre mort. Le scandale du mal est la pierre de touche de toute vision du monde. C'est en parlant du salut par la croix qu'on pourra exprimer avec précision la position chrétienne. Qu'il suffise simplement d'attirer pour l'instant l'attention sur la manière dont la foi chrétienne aborde de front et sans tricher l'énigme du mal. L'épreuve n'est pas niée. Mais le croyant sait comment elle peut changer de signe et laisser passage à la vie, parce que Dieu le premier, en la personne de son Fils, fait corps avec l'homme souffrant. Entre la résurrection du Christ et la nôtre, la force nous est donnée pour traverser les épreuves.

Finalement, qu'est-ce que cela change de devenir chrétien aujourd'hui? A celui qui pose cette question, il faut demander la qualité du bonheur qu'il recherche, et ce qui, en vérité, au-delà du nécessaire pain quotidien, le fait réellement vivre? Les chrétiens partagent la vie des hommes au milieu desquels ils sont dispersés. Ils sont affrontés aux mêmes difficultés et se réjouissent des mêmes joies. Cependant, ce qui leur est donné avec la foi change tout: c'est Quelqu'un capable de faire "toutes choses nouvelles" (
Ap 21,5).

48 Seigneur, la sagesse est avec toi,
elle qui connaît tes oeuvres
elle qui était là
quand tu faisais le monde
envoie-la de ton trône de gloire.
Sg 9,9-10

49 Le Christ est l'image du Dieu invisible,
le premier-né par rapport à toute créature,
car c'est en lui que tout a été créé
dans les cieux et sur la terre,
les êtres visibles
et les puissances invisibles
tout est créé par lui et pour lui.
Il est avant tous les êtres,
et tout subsiste en lui.
Il est aussi la tête du corps,
c'est-à-dire de l'Église.
Il est le commencement,
le premier-né d'entre les morts,
Dieu a voulu que dans le Christ
toute chose ait son accomplissement total.
Il a voulu tout réconcilier
par lui et pour lui,
sur la terre et dans les cieux,
en faisant la paix par le sang de sa croix.
Col 1,15-20



Dieu se révèle

50 Le Dieu des chrétiens est le Dieu qui s'est fait connaître à son peuple, en faisant alliance avec lui. Le Dieu de la foi chrétienne est le Dieu de l'Alliance.

Parlant dans le chapitre précédent de la recherche de Dieu la foi, nous ne pouvions pas ne pas faire intervenir l'initiative, de ce Dieu que les hommes cherchent "à tâtons", mais qui est seul à pouvoir leur révéler qui il est. En effet, "Dieu seul parle bien de Dieu". Néanmoins il y a lieu d'approfondir ce qu'est la Révélation comment se réalise-t-elle? Que nous dit-elle de Dieu et de ses desseins?


Dieu se dit en se donnant

51 La foi chrétienne, qui renouvelle la vie du croyant et son intelligence de toutes choses, répond à l'initiative de Dieu qui vient, "se révélant, à la rencontre de l'homme.

Cette révélation est faite à la fois "d'événements et de paroles intimement unis entre eux, de sorte que les oeuvres, réalisées par Dieu dans l'histoire du salut, attestent, corroborent et la doctrine et le sens indiqués par les paroles, tandis que les paroles publient les oeuvres et éclairent le mystère qu'elles contiennent" (
DV 2).

De la Création à cette nouvelle création incessante qu'est le salut, le même dessein de Dieu se déploie: celui de faire partager aux hommes sa vie, sa joie.

52 La Révélation a lieu, au sens propre du mot, au sein de l'histoire concrète des hommes. Car Dieu se révèle d'abord dans l'histoire d'Israël, qui conserve une place inaliénable dans la foi chrétienne.

Cette histoire, justement nommée "sainte", n'est pas seulement celle d'une pédagogie propre à guider la recherche de Dieu. Sans doute la Tradition s'est toujours plu à reconnaître la "pédagogie" du Dieu d'amour, éduquant progressivement son peuple, afin de le conduire à la pleine intelligence de ses desseins, tels qu'ils seront manifestés en Jésus Christ. Mais dans cette pédagogie se dit déjà tout son amour et tout son être.

Au sein de l'histoire, Dieu lui-même agit et parle. C'est lui qui choisit son peuple, pour lui confier une mission au milieu des nations.

Dieu, qui toujours aime le premier (cf.
1Jn 4,10), aime aussi toujours sans réserve. Il n'attend pas, pour aimer les hommes, la réponse qu'ils pourront apporter à cet amour. De même qu'un enfant est désiré et attendu avant même de pouvoir rendre à ses parents l'amour qu'il reçoit d'eux, de même l'humanité tout entière est depuis toujours aimée de Dieu.

53 Le choix d'un peuple particulier, destiné à être, le premier, témoin de l'amour de Dieu, manifeste que si cet amour est universel, il n'est pas pour autant abstrait. Il fraie son chemin au coeur de l'histoire des hommes et des peuples, dans leur infinie diversité, afin de les rejoindre chacun dans la particularité de leur tempérament, de leur culture et de leur histoire, autrement dit, dans tout ce qui fait leur humanité concrète.

L'histoire singulière d'Israël, tissée de joies et d'épreuves au long de plus d'un millénaire, représente en quelque sorte celle de l'humanité dans ses différentes situations ou expériences: en transhumance, en esclavage, en libération, en marche dans le désert, en conquête, dans la vie sédentaire, en exil, en retour d'exil...

54 L'histoire d'Israël ne se réduit pas à être une image de l'histoire de l'humanité. Elle est annonce et préparation de ce qui, au terme, va réellement s'accomplir. La venue du Christ Jésus, sa vie, sa mort et sa résurrection marquent effectivement l'accomplissement de l'histoire d'Israël comme histoire du salut.

Cette histoire s'ouvre en quelque sorte sur un au-delà d'elle-même. En effet, entre la Pâque de Jésus et sa venue dernière dans la gloire, se déploie le temps de l'Église. C'est le temps de la vie nouvelle fondée sur l'oeuvre du Christ, le temps de la mission, destinée à porter la lumière et les fruits de cette oeuvre à l'ensemble de l'humanité.

Dès lors, on découvre la vérité de la Révélation dans la vie du nouveau peuple de Dieu, l'Église, en ses dimensions indissociables de prière liturgique, de tradition doctrinale, d'essor missionnaire et de pratique éthique inspirée de l'Évangile.


Le livre de la révélation divine: la Bible

55 Au coeur de la vie du peuple de Dieu il y a la Bible, un livre où il reconnaît la signature de son Dieu.

La Bible est "le Livre" dans lequel nous est transmise la Révélation de Dieu et de son projet d'amour, depuis la Création, à travers l'histoire d'un peuple choisi par lui, Israël, jusqu'au point de plénitude de cette histoire: la vie, la mort et la résurrection de Jésus, l'effusion du Saint-Esprit. De ce don de l'Esprit naît l'Église, le nouveau peuple de Dieu, greffé sur l'ancien et appelé à trouver sa consommation dans la gloire céleste (cf.
LG 48).

L'Ancien Testament témoigne de l'expérience que fit Israël des chemins de Dieu vers les hommes, tels que les prophètes lui en avaient donné l'intelligence (cf. DV 14).

Cette partie de la Bible (la Loi, les Prophètes et les autres Écrits, selon l'appellation juive traditionnelle) est le patrimoine commun des juifs et des chrétiens. La place qui est maintenue à l'Ancien Testament dans la Bible chrétienne témoigne de l'importance que conserve pour la foi chrétienne l'histoire d'Israël. La vérité contenue dans l'Ancien Testament n'est en rien diminuée par l'accomplissement de cette histoire en Jésus Christ et dans sa Pâque, qui en dévoile tout le sens (cf. Lc 24,13-35).

C'est à cet accomplissement que rend témoignage le Nouveau Testament, constitué par les quatre évangiles (de Matthieu, de Marc, de Luc et de Jean), les Actes des apôtres, les Lettres de Paul, de Pierre, de Jacques, de Jean et de Jude, la Lettre aux Hébreux ainsi que l'Apocalypse.

56 Ancien et Nouveau Testament, dans leur distinction, en même temps que dans leur unité, constituent l'Écriture Sainte. Celle-ci, "consignée sous l'inspiration de l'Esprit Saint", est véritablement Parole de Dieu. Si les écrits qui composent la Bible portent la marque de mains humaines, ils n'en ont pas moins Dieu pour auteur, et enseignent "fermement, fidèlement et sans erreur la vérité que Dieu, pour notre salut, a voulu y voir consignée" (DV 11).

Pour entendre justement cette vérité, il faut cependant savoir tenir compte des "genres littéraires" des différents écrits, mais aussi savoir situer chaque écrit à l'intérieur de l'ensemble de la Bible, se laisser guider par la perception qu'en a eue l'Église dans sa Tradition, perception qu'elle continue à faire connaître dans sa prédication.

On ne lit pas un roman comme une chronique d'histoire, ni un poème comme un texte de loi. Or, dans la Bible, la Parole de Dieu utilise la diversité des ressources du langage humain. La Bible rapporte l'histoire du salut. Mais elle s'exprime "en des textes diversement historiques, en des textes, ou prophétiques, ou poétiques, ou même en d'autres genres littéraires" (DV 12). Chaque texte est à lire dans les perspectives où il été écrit.

Ainsi la conception chrétienne de la Révélation n'a rien de mythique. La Parole de Dieu n'est pas " dictée " à des hommes qui seraient de purs instruments inertes d'écriture. Les écrivains bibliques sont de vrais auteurs, avec leur humanité propre et leur style particulier. Mais, à travers leur génie même, c'est l'Esprit Saint qui est à l'oeuvre et qui nous fait connaître le mystère de la volonté divine.


Au coeur de la Bible: l'Evangile

57 A l'intérieur de l'ensemble de l'Écriture Sainte, et même du Nouveau Testament, les évangiles occupent une place tout à fait privilégiée. Ces quatre livres, en effet, maintiennent vivantes la figure et la parole de Jésus, "en qui s'achève toute la révélation du Dieu très haut" (DV 7).

C'est pourquoi toute célébration de l'eucharistie comporte une lecture de l'Évangile. Au milieu des autres lectures prévues par la liturgie, la proclamation de l'Évangile revêt une solennité particulière. L'assemblée se lève pour l'écouter, avant de l'acclamer.

Ces évangiles sont inséparables des autres livres de la Bible. Ils se réfèrent, comme Jésus lui-même, aux Écritures anciennes, dont ils montrent l'accomplissement. Par ailleurs, leur contenu est éclairé par les autres écrits apostoliques. C'est, en effet, tout le Nouveau Testament qui, selon des circonstances et des points de vue divers, témoigne de l'accomplissement des promesses de Dieu contenues dans l'Ancien Testament et réalisées en Jésus Christ.

On peut même dire que c'est toute l'Écriture Sainte qui, lue en son unité dans l'Église, devient Évangile, Bonne Nouvelle annoncée, Parole vivante de Dieu, transformant les coeurs.

Ainsi l'Évangile ne désigne pas seulement les quatre livres qui portent ce titre. Saint Paul parle également aux Thessaloniciens de "son Évangile", qui "n'a pas été simple parole, mais puissance, action de l'Esprit Saint, certitude absolue" (1Th 1,5). L'Évangile, déclaratif ailleurs, est "puissance de Dieu pour le salut de tout homme qui est devenu croyant" (Rm 1,16).


L'Écriture dans la Tradition

58 La Bible, Ancien et Nouveau Testament, n'est pas uniquement porteuse d'idées et de discours. Elle témoigne d'événements: les grandes oeuvres de Dieu réalisées en faveur de son peuple et l'accomplissement que ces oeuvres trouvent dans le Christ, Verbe fait chair, "le Médiateur et la plénitude de toute la Révélation" (DV 2). L'Écriture Sainte renvoie donc elle-même à une réalité qui la déborde, et qui est l'histoire même de Dieu et de son oeuvre.

Le livre des évangiles rend témoignage à la Nouvelle Alliance, mais il n'en est qu'une des expressions. Car celle-ci n'est pas seulement déclarée. Elle est fondée dans la totalité de la vie et de l'oeuvre du Christ. Elle repose sur le Testament qu'il a laissé à ses apôtres et qui ne fait qu'un avec son corps livré et son sang versé (cf. 1Co 11,25). C'est cette Alliance que les apôtres ont été chargés de transmettre, avec la Bonne Nouvelle qui en dévoile le sens, à toutes les nations, jusqu'à la fin des temps.

L'Écriture ne se comprend réellement qu'en lien avec toute la réalité historique et vivante de l'Église, à l'intérieur de laquelle elle trouve et déploie tout son sens. Autrement dit, elle est inséparable de la Tradition apostolique dont elle est comme la cristallisation.

"Et à supposer même que les apôtres ne nous eussent pas laissé d'Écritures, ne faudrait-il pas alors suivre l'ordre de la Tradition qu'ils ont transmise à ceux à qui ils confiaient ces Églises" (saint Irénée, 2ème siècle, Contre les hérésies, 111, 4, 1).


Un courant de vie et de lumière

59 "L'Église perpétue dans sa doctrine, sa vie et son culte, et elle transmet à chaque génération tout ce qu'elle est elle-même, tout ce qu'elle croit. Cette Tradition qui vient des apôtres se poursuit dans l'Église, sous l'assistance du Saint-Esprit" (DV 8). C'est dans l'Église qu'elle fait "comprendre l'Écriture Sainte et la rend continuellement opérante" (DV 8).

On la rencontre dans la prédication de "ceux qui, avec la succession épiscopale, reçurent un charisme certain de vérité" (DV 8), mais aussi dans les diverses expressions de l'expérience et de la pratique chrétiennes, et en tout premier lieu dans la liturgie de l'Église.

Cette expérience et cette pratique chrétiennes ont laissé dans l'histoire de multiples traces. Dans l'ensemble de ces expressions, un discernement est, bien sûr, à opérer. Aussi convient-il de distinguer la grande Tradition, qui vient des apôtres, des traditions qui se sont multipliées au cours des temps et qui ont pu éventuellement tomber en désuétude. jésus lui-même, qui a inscrit son enseignement et son action dans la tradition de son peuple, recommande ce discernement. A ses contemporains il reproche de laisser de côté le commandement de Dieu en s'attachant à la tradition des hommes (cf Mc 7,8).

Au discernement concourent à la fois le recours constant à l'Écriture Sainte et la parole du Magistère, c'est-à-dire de ceux (pape et évêques) qui ont été établis par leur ordination dans la succession apostolique et qui ont reçu le ministère d'enseigner authentiquement la foi catholique.

60 La Tradition vient moins ajouter à l'Écriture des vérités qui n'y seraient contenues en aucune manière que replacer l'Écriture dans le milieu vivant, la communauté de foi dans laquelle elle a été écrite, et à l'intérieur de laquelle elle continue de porter ses fruits, sous l'assistance et l'impulsion de l'Esprit Saint. En effet, "la sainte Tradition et la Sainte Écriture sont reliées et communiquent étroitement entre elles. Car toutes deux, jaillissant d'une source divine identique, ne forment pour ainsi dire qu'un tout et tendent à une même fin. [...] L'une et l'autre doivent être reçues et vénérées avec un égal sentiment d'amour et de respect" (DV 9).

L'Église qui en est le milieu porteur, a toujours reconnu à l'Écriture une place à part. Seule la Bible est Écriture sainte, c'est-à-dire relevant proprement du domaine de Dieu. Elle est Parole de Dieu à un titre tout à fait particulier, unique. Elle seule est "inspirée" au plein sens du mot. Si donc la Tradition constitue le milieu vivant sans lequel l'Écriture ne trouve pas son véritable sens, l'Écriture comme telle remplit dans et pour la Tradition une fonction tout à fait spécifique.


A l'intérieur de la Tradition, le Canon des Écritures

61 L'existence d'un "Canon", c'est-à-dire d'une liste officielle des écrits de l'Ancien et du Nouveau Testament, est le signe de la place singulière réservée dans l'Église à la Sainte Écriture.

"Canon" vient du mot grec qui signifie "règle".

C'est par leur autorité intrinsèque, comme porteurs de l'authentique témoignage des apôtres, que les écrits canoniques de l'Ancien et du Nouveau Testament se sont en quelque sorte imposés à l'Église, qui y a reconnu l'oeuvre du même Esprit qui vit en elle.

Le Canon des Écritures se présente comme une "clôture", qui interdit qu'on identifie l'Écriture Sainte à n'importe quelle - autre écriture.

62 Peu de temps après l'âge apostolique, des écrits ont été divulgués, se réclamant souvent de l'autorité de l'un ou l'autre apôtre, mais véhiculant en fait des spéculations ou tout un imaginaire très éloignés de l'esprit et de la simplicité des évangiles ou des autres écrits du Nouveau Testament. Ces écrits, qui se donnent parfois le titre d'évangiles, sont dits "apocryphes". Ils piquent la curiosité d'un certain nombre de nos contemporains, épris de sensationnel. Connus généralement depuis longtemps, mais tombés en désuétude en raison de leur médiocre intérêt ils sont souvent lancés dans le public comme de véritables découvertes.

Le Canon des Écritures demeure, à l'intérieur même de l'Église, le témoin de l'origine divine de ces Écritures. C'est en référence à l'Écriture Sainte que l'Église doit sans cesse vérifier la rectitude de sa foi. Cette Écriture demeure ainsi la source de sa permanente jeunesse. L'Église "a toujours eu et elle a pour règle suprême de sa foi les Écritures, conjointement avec la sainte Tradition" (
DV 21). Elle trouve là "comme un miroir" où il lui est déjà donné de connaître Dieu, en attendant qu'elle soit "amenée à le voir face à face tel qu'il est" (DV 7).



Catéchisme France 33