Catéchisme France 348

Marie "toujours vierge"

348 La conception virginale de Jésus signifie son origine à la fois divine et humaine. Jésus a Dieu seul pour Père. Mais la foi de l'Église a scruté le rapport entre maternité et virginité de Marie. Elle a vu dans cette virginité le signe de la consécration absolue de la Mère au Fils, le signe de la disponibilité totale de Marie à l'oeuvre de Dieu.

Aussi la foi chrétienne a-t-elle reconnu en Marie celle qui est toujours vierge, la Vierge par excellence. Elle tient que la naissance de Jésus n'a pas porté atteinte à la virginité de sa mère et que Marie est restée vierge pendant toute sa vie dans une fidélité totale.


Marie, la Vierge sainte conçue sans péché

349 C'est en approfondissant les paroles de l'ange: "Je te salue, comblée de grâce", que la Tradition a pu exprimer le double mystère de l'Immaculée Conception et de l'Assomption, au commencement et à l'accomplissement de la vie de la Vierge.

"Au premier instant de sa conception, par la grâce et le privilège de Dieu tout-puissant, et en considération des mérites de Jésus Christ, Sauveur du genre humain, la Vierge Marie fut préservée intacte de toute souillure du péché originel." Telle est la foi de l'Église catholique, définie en 1854 par le pape Pie IX.

Marie est entièrement sainte, elle n'a commis aucun péché. Plus encore, sa sainteté est "originelle". C'est la sainteté qui a été accordée gratuitement par Dieu à celle qui a donné au monde la source de la grâce. Mais le dogme de l'Immaculée Conception ne dit pas que Marie a échappé au besoin de rédemption et de salut, qui concerne toute la famille humaine. Elle appartient pleinement au peuple des rachetés, elle est la première rachetée. Par rapport à la Rédemption, elle est du même côté que nous. Comme nous tous, elle a été libérée du péché et sauvée par le Christ. Mais la grâce de Dieu la précède de façon unique, le salut lui vient déjà, "dès le premier instant de sa conception", par anticipation, de la mort et de la résurrection de son Fils. Le salut prend chez elle, non la forme de la guérison ou de la purification, mais celle de la préservation.

Nous ne pouvons pas oublier que Marie est vénérée à Lourdes par des millions de croyants, justement comme celle qui a dit: "Je suis l'Immaculée Conception."


Marie dans la gloire

350 L'Assomption est, au terme de la vie terrestre de Marie, le répondant de ce qu'est l'Immaculée Conception à son origine: Marie a été préservée, d'une part de la mort spirituelle du péché, et d'autre part de la corruption du tombeau. En 1950, le pape Pie XII a solennellement défini que "l'Immaculée Mère de Dieu, Marie toujours Vierge, après avoir achevé le cours de sa vie terrestre, a été élevée en corps et en âme à la gloire céleste" (FC 410).

Ainsi Dieu "a préservé de la dégradation du tombeau le corps qui avait porté son propre Fils et mis au monde l'auteur de la vie" (cf préface de la fête de l'Assomption). Le Ressuscité a déjà pleinement manifesté en Marie la fécondité de sa propre résurrection, nous donnant en elle le signe vivant de notre accomplissement à venir. Nous croyons en l'Assomption, sur le fondement de la foi traditionnelle de l'Église interprétant les données du Nouveau Testament. L'Assomption était devenue l'objet d'une foi unanime dans l'Église catholique avant d'être définie par le pape Pie XII en 1950.


La "coopération" de Marie à l'oeuvre du salut

351 En devenant la Mère de Dieu, Marie a coopéré à la réalisation de notre salut. Elle en est devenue la servante. Son service fut celui de l'obéissance aimante, antithèse vivante de la désobéissance d'Ève. Service de l'intercession comme à Cana. "Elle apporta à l'oeuvre du Sauveur une coopération absolument sans pareille par son obéissance, sa foi, son espérance, son ardente charité, pour que soit rendue aux âmes la vie surnaturelle. C'est pourquoi elle est devenue pour nous, dans l'ordre de la grâce, notre Mère" (LG 61).

Quand, en effet, vient "l'heure" de Jésus, l'heure du salut par la croix, Marie, la "femme" (Jn 19,26), la Nouvelle Ève, comme le suggère saint Jean, enfante le monde nouveau qui naît du calvaire: Mère humaine du Christ, Marie devient alors, selon la volonté de son Fils, Mère des croyants (cf. Jn 19,26-27). Depuis, elle apporte à la naissance et à l'éducation des croyants la coopération de son amour maternel (cf. LG 63).

352 Cette "coopération" doit être bien comprise. Marie n'est pas une seconde médiatrice à côté du Christ, comme si elle ajoutait quelque chose à l'oeuvre de celui-ci. Marie se trouve du côté des sauvés. Par cette plénitude de grâce et de vie surnaturelle reçue du Christ, "elle était particulièrement prédisposée à la coopération avec le Christ, médiateur unique du salut de l'humanité" (RMA 39).

C'est sur la compréhension de cette coopération de Marie à l'oeuvre du salut que demeure une difficulté importante entre catholiques et protestants. Ceux-ci portent la constante préoccupation de ne rien faire ou dire qui paraisse accorder à Marie quelque chose de la place qui revient à Jésus seul. Cependant il existe parmi les protestants bien des différences dans la façon de comprendre le rôle de la Vierge.


Marie et l'Église

353 "Dans la communion de toute l'Église", au coeur de la prière eucharistique, nous nommons "en premier lieu la Bienheureuse Marie toujours Vierge". Marie est, en effet, "membre suréminent et absolument unique de l'Église, modèle et exemplaire admirables pour celle-ci dans la foi et dans la charité" (LG 53).

A la fin du dernier concile, le pape Paul VI a proclamé Marie Mère de l'Église, c'est-à-dire Mère de ses pasteurs et de ses fidèles. Comme une mère, Marie a son rôle propre dans la famille dont elle fait partie, rôle que l'on trouve déjà esquissé dans le Nouveau Testament.

Déjà, à la naissance de Jésus, Marie est présentée comme la première croyante, icône de l'Église en prière, qui "retenait tous ces événements et les méditait dans son coeur" (Lc 2,19). A la naissance de l'Église, au matin de la Pentecôte, à Jérusalem, Marie, avec les disciples, appelait elle aussi de ses prières le don de l'Esprit Saint sur le peuple de Dieu (cf. LG 59). "Ainsi celle qui est présente dans le mystère du Christ, comme Mère, est rendue présente - par la volonté du Fils et par l'Esprit Saint - dans le mystère de l'Église. Et dans l'Église encore, elle continue à être une présence maternelle" (RMA 24).

354 C'est pourquoi, quand elle contemple la sainteté de la Vierge, l'Église "devient à son tour une Mère, grâce à la Parole de Dieu qu'elle reçoit dans la foi: par la prédication en effet, et par le baptême elle engendre, à une vie nouvelle et immortelle, des fils conçus du Saint-Esprit et nés de Dieu" (LG 64).

Enfin, dans son Assomption, Marie, "est élevée dans la gloire du ciel: parfaite image de l'Église à venir, aurore de l'Église triomphante, elle guide et soutient l'espérance de son peuple encore en chemin" (cf. préface de la fête de l'Assomption). Dès maintenant, "elle brille déjà comme un signe d'espérance assurée et de consolation devant le peuple de Dieu en pèlerinage" (LG 68).


Les croyants et leur Mère

355 L'Église, dans sa tradition, a spontanément trouvé l'attitude croyante à l'égard de Marie, à l'exemple de celle du disciple bien-aimé. Cette attitude peut se résumer en quelques mots.

Vénérer Marie: c'est entrer dans le "culte du peuple de Dieu" (
LG 66) envers la Vierge; c'est entrer dans le mouvement séculaire des générations qui la proclament bienheureuse; c'est honorer, respecter, louer la Mère de Dieu. Ce n'est évidemment pas l'adorer: l'adoration n'est due qu'à Dieu.

Imiter Marie: c'est s'ouvrir comme elle à la grâce de Dieu; c'est vivre de la foi comme elle en a vécu elle-même; c'est servir comme elle a servi. Marie est l'exemple et le modèle par excellence de l'existence chrétienne. Là-dessus tous les chrétiens s'accordent.

Prier Marie: c'est se confier à son amour maternel, lui demander son aide et son appui; c'est faire appel à elle afin qu'elle intercède pour nous auprès de son Fils. Les catholiques redisent chaque jour cette prière dont les premiers mots sont empruntés au récit de l'Annonciation.

356 Je vous salue, Marie,
pleine de grâce
le Seigneur est avec vous.
Vous êtes bénie
entre toutes les femmes,
et Jésus, le fruit de vos entrailles, est béni
Sainte Marie, mère de Dieu,
priez pour nous, pauvres pécheurs,
maintenant et à l'heure de notre mort.
Amen.

357 Moïse dit au peuple:
"Qu'on se souvienne de ce jour
où vous êtes sortis d'Égypte,
de la maison de servitude,
car c'est à main-forte
que le Seigneur vous a fait sortir de là.
Sept jours, tu mangeras des pains sans levain.
Le septième jour ce sera fête
pour le Seigneur."
Ex 13,3 Ex 13,6

358 Avant la fête de la Pâque,
sachant que l'heure était venue pour lui
de passer de ce monde à son Père,
Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde,
les aima jusqu'au bout.
Au cours du repas,
alors que le démon avait déjà inspiré
à Judas Iscariote, fils de Simon,
l'intention de le livrer,
Jésus, sachant que le Père a tout remis entre ses mains,
qu'il est venu de Dieu et qu'il retourne à Dieu,
se lève de table, quitte son vêtement,
et prend un linge qu'il se noue à la ceinture;
puis, il verse de l'eau dans un bassin,
il se met à laver les pieds des disciples
et à les essuyer avec le linge qu'il avait à la ceinture.
Il arrive ainsi devant Simon Pierre.
Et Pierre lui dit:
"Toi, Seigneur, tu veux me laver les pieds!"
Jésus lui déclara:
"Ce que je veux faire,
tu ne le sais pas maintenant
plus tard tu comprendras."
Jn 13,1-8


Les sacrements dans l'Église

Pas d'Église sans sacrements

359 Dans l'Église, le Christ ressuscité se rend présent et agit de Manière privilégiée par les sacrements.

L'Église, enseigne Vatican II, est "en quelque sorte le sacrement, c'est-à-dire à la fois le signe et le moyen de l'union intime avec Dieu et de l'unité de tout le genre humain" (
LG 1).

Cependant, il ne suffit pas de parler de l'Église en général pour dire ce que sont les sacrements, ni pour manifester la place singulière qu'ils occupent dans cette Église et dans l'existence des chrétiens.

Les sacrements sont des "actions du Christ et de l'Église" (CIC 840): des actes du Christ accomplis dans l'Église et par son ministère. Ce sont tous des actes d'Alliance qui unissent au Christ par l'action du Saint-Esprit, relient les hommes à Dieu et à leurs frères par le plus intime d'eux-mêmes, et incorporent à l'Église. Par eux, les hommes sont introduits et progressent dans le monde nouveau "pour connaître la liberté, la gloire des enfants de Dieu" (Rm 8,21) qui leur sont réservées à l'intérieur de la création renouvelée.

Il n'y a pas de christianisme sans Christ, Dieu venu dans notre humanité visible. Il n'y a pas non plus d'Église sans sacrements, signes visibles de la grâce invisible.


Les sacrements célébrés dans l'Église

360 L'Église, cette portion de l'humanité qui accueille et communique l'amour du Père pour tous les hommes, ne cesse de contempler le don du salut réalisé par la naissance, la vie, les paroles, les miracles, la mort et la résurrection du Seigneur. Corps du Christ, elle prolonge sur terre sa prière d'intercession et de louange. Envoyée au monde, elle célèbre l'action de "l'Esprit qui poursuit son oeuvre dans le monde et achève toute sanctification" (prière eucharistique IV). Elle répond ainsi à l'invitation du Christ: "L'heure vient et c'est maintenant où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité: tels sont les adorateurs que recherche le Père" (Jn 4,23).

"La liturgie est considérée comme l'exercice de la fonction sacerdotale de Jésus Christ, exercice dans lequel la sanctification de l'homme est signifiée par signes sensibles, est réalisée d'une manière propre à chacun d'eux, et dans lequel le culte public intégral est exercé par le Corps mystique de Jésus Christ, c'est-à-dire par le Chef et par ses membres" (SC 7).

361 Dans l'ensemble de la vie liturgique de l'Église, en son coeur, sont les sacrements. Ils témoignent que toute l'action sainte et sanctifiante que l'Église exerce dans sa liturgie a sa source et son fondement dans l'institution du Christ.

Il est de la nature des sacrements d'être célébrés, c'est-à-dire d'avoir une expression publique, voire solennelle. Ils sont toujours des actes liturgiques. Inversement, toute la liturgie de l'Église gravite autour des sacrements et notamment de l'eucharistie. Tel est en particulier le cas de l'Office divin, qui rythme la prière officielle de l'Église, et dont s'acquittent les religieux, les religieuses et les ministres ordonnés, mais que se plaisent aussi aujourd'hui à accomplir, en tout ou en partie, un nombre toujours plus grand de laïcs.

Pas de sacrement, autrement dit, qui ne soit action liturgique Et pas de liturgie qui n'entretienne quelque lien à la structure sacramentelle de l'Église et de son culte.


Les sacrements dans le monde et dans l'histoire des hommes

Des expériences humaines symbolisées

362 Les sacrements du Christ, célébrés dans l'Église, comportent une dimension profondément humaine.

On retrouve dans les rites sacramentels plusieurs des grands symboles, tels que l'eau ou le pain, dans lesquels se reflètent les rapports constitutifs de l'homme avec le cosmos.

C'est même en prenant corps, en quelque sorte, dans les éléments les plus fondamentaux de la nature et de l'existence humaine que la grâce sacramentelle, cette action spécifique de Dieu, se communique en chaque sacrement: dans le baptême "par le bain d'eau qu'une parole accompagne" (
Ep 5,26), dans l'eucharistie par la participation à un repas, dans l'onction des malades par une onction d'huile... Les réalités du monde sensible et les actes qui traduisent les relations entre les hommes sont par là comme transfigurés.


Dans des actions rituelles

363 Les symboles sont vécus à travers des ensembles de gestes, de paroles. Un enchaînement les structure et leur donne sens. Ils prennent forme dans des rites. Les sacrements sont des actions rituelles confiées par le Christ à l'Église.

Les rites sont des actions accomplies et renouvelées conformément à des règles. Ces règles sont toujours propres à un groupe humain déterminé. De telles actions rituelles se retrouvent dans toute vie sociale. Elles sont indispensables à la cohésion du groupe. Les membres du groupe se reconnaissent entre eux à travers ces rites qui leur sont communs. Leur vie en est marquée. Elle en reçoit ses orientations, son "style", qui souvent déconcertent les personnes extérieures au groupe.

Les sacrements conservent les propriétés générales et constitutives du rite. Ils structurent la vie de l'Église et de chacun de ses membres. Certains de leurs aspects secondaires peuvent être plus ou moins adaptés aux possibilités ou aux circonstances. Mais, en eux-mêmes, dans leur caractère proprement rituel, les sacrements ne se laissent pas manipuler. Nul ne les invente pour lui seul. Il n'appartient à aucun groupe particulier de les modifier ou de les aménager à sa façon. Ce serait les vider d'une signification qu'ils trouvent seulement dans leur lien avec l'Église universelle.


Des rites proprement chrétiens

364 Le caractère rituel des sacrements atteste que la foi ne se construit pas elle-même, mais se laisse construire. Personne n'est propriétaire des sacrements. Éléments essentiels de la Tradition de l'Église, qui remonte au Christ, ils règlent, édifient et nourrissent la foi catholique. Dans l'Église, les fidèles croient comme ils prient et ils prient comme ils croient. C'est ce que déclare le vieil adage "lex orandi, lex credendi", qu'on pourrait transcrire ainsi: "la règle de la prière de l'Église est en même temps la règle de la foi" ou encore "ce que l'Église célèbre, c'est aussi ce qu'elle croit".

L'action ritualisée, parce qu'elle vient de la Tradition, précède chaque assemblée qui y participe. Par sa seule existence, elle empêche l'assemblée liturgique chrétienne de ramener ce qui va s'accomplir à la mesure de ses désirs ou de ses projets. Ainsi, avant même qu'il ne se remplisse de tous ses traits concrets, le rite (la plongée ou l'eau répandue, l'onction, le pain partagé... ) manifeste aux croyants qu'ils ne sont pas rassemblés en leur propre nom mais au nom d'un Autre.

365 Le caractère rituel et symbolique des assemblées chrétiennes ouvre un espace caractéristique dans lequel la foi de chacun va pouvoir s'épanouir. Dans cet espace le croyant se reconnaît chez lui. "Heureux les invités au Repas du Seigneur!", pourra-t-il s'entendre dire avant d'aller communier. Il se retrouve alors avec tous ceux qui, comme lui, se laissent instruire et transformer par les actions liturgiques et sacramentelles.

Dans la pratique liturgique aujourd'hui, on oscille parfois entre une application très étroite du rituel et une créativité qui ne prend pas en compte les règles liturgiques. Les perspectives ouvertes par la Constitution sur la Sainte Liturgie de Vatican II permettent de tracer un chemin entre un laxisme qui aboutirait à une profanation des sacrements, en faisant n'importe quoi (ou ce que chacun voudrait), et un rubricisme qui trahirait "l'humanité" de Dieu et de son Église. Le pape et les évêques sont chargés de guider l'Église entre ces deux écueils, afin que les chrétiens découvrent toujours davantage les richesses de la Sainte Écriture, du rythme de l'année liturgique, des gestes, des attitudes et des rites qui expriment la louange, l'intercession, l'action de grâce des croyants rassemblés.


Une logique à l'oeuvre dans toute l'histoire du salut

Déjà dans la première Alliance

366 L'Écriture tout entière le montre, et le concile Vatican II rappelé: "La Révélation comprend des événements et des intimement unis entre eux" (DV 2).

La Bible témoigne des "grandes oeuvres" de Dieu. Par la création, Dieu tire l'univers du chaos originel et donne vie à l'humanité. (cf Gn 1-2). On le voit empêcher que la perversité n'engloutisse l'humanité dans le déluge: une famille au moins, Noé et les siens, sera épargnée, pour devenir une nouvelle semence (cf. Gn 6,14 et suiv.). Plus tard, Dieu entend la clameur de son peuple exilé, réduit en esclavage, et il le sauve de l'oppression des Égyptiens (cf. Ex 2,23 et suiv.). Il fait alliance avec lui et lui donne les dix Paroles de Vie. Il le nourrit pendant sa marche au désert (cf Ex 16). Plus tard encore il le ramènera de l'exil (cf Is 40-45). Il le forme comme son peuple, lui apprend "à marcher avec lui" et à l'ordonnance de son culte.

Lorsqu'Israël est établi sur la terre promise, le Seigneur de le guider, lui donne des "juges" et des rois. Il appelle et envoie des prophètes pour le remettre sur le chemin de l'Alliance et raviver son espérance.

367 Dieu agit à la fois dans les événements, dans l'histoire et dans les coeurs (cf Jr 24,7). Il sait, en effet, qu'il y a des yeux qui ne voient pas et des oreilles qui n'entendent pas (cf Jr 5,21 Mc 8,18). Il travaille sans cesse à éviter la division entre les actes de l'homme et ses intentions, entre ce que disent les lèvres et ce que croit le coeur.

On a parfois employé l'expression: "sacrements de l'Ancienne Alliance". Ces "sacrements" constituaient des rites par lesquels les grandes oeuvres de Dieu accomplies en faveur de son peuple étaient régulièrement célébrées dans une liturgie. Les sacrements de la Nouvelle Alliance se distinguent de ces actions rituelles, mais ils y trouvent un enracinement.

L'eucharistie chrétienne, par exemple, s'est inscrite dans le cadre du repas religieux juif, et notamment du repas pascal. Le baptême chrétien a repris, non sans en modifier profondément le sens (cf Mt 3,11), ce que faisaient des groupes religieux juifs contemporains du Christ. On parle à leur propos de mouvements baptistes parce qu'ils pratiquaient un baptême.


Dans la Nouvelle Alliance

368 L'oeuvre de Dieu, rapportée par l'Ancien Testament et réalisée en faveur d'Israël, se poursuit jusqu'à trouver son parfait accomplissement dans celle de Jésus.

Jésus parle, enseigne, exhorte. Il suffit d'évoquer le grand discours sur la montagne (cf.
Mt 5-7). Mais, autant que ses paroles, les évangiles rapportent les gestes qu'il accomplit tout au long de son passage parmi les hommes. Par ses gestes et ses paroles Jésus manifeste la nature de la mission de salut qu'il réalise au bénéfice de tous les hommes.

Lorsque Jean Baptiste, qui l'avait désigné comme le Messie, éprouve cependant le besoin de lui demander s'il est bien celui qui doit venir ou s'il faut en attendre un autre, il répond simplement: "Allez rapporter à Jean ce que vous entendez et voyez: les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, les sourds entendent, les morts ressuscitent et la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres" (Mt 11,4-5).

De la même manière, Jésus dévoile le sens de son ministère dans la synagogue de Nazareth: "On lui présenta le livre du prophète Isaïe. Il ouvrit le livre et trouva le passage où il est écrit: L'Esprit du Seigneur est sur moi, parce que le Seigneur m'a consacré par l'onction. Il m'a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux prisonniers qu'ils sont libres, et aux aveugles qu'ils verront la lumière, apporter aux opprimés la libération, annoncer une année de bienfaits accordée par le Seigneur. [...] Alors il se mit à leur dire: Cette parole de l'Écriture que vous venez d'entendre, c'est aujourd'hui qu'elle s'accomplit" (Lc 4,17-21).

369 La prédication de Jésus est indissociable des miracles qui jalonnent son itinéraire sur les routes de Palestine. Loin de dispenser de la foi, les miracles de Jésus la requièrent souvent de ceux en faveur desquels il les accomplit (cf. Mc 6,5-6). Car ils introduisent un monde nouveau dans le monde ancien du péché et de la mort. Ils révèlent la venue du royaume de Dieu. Mais chacun ne peut le voir et y entrer que par une adhésion personnelle dans la foi.

Aussi saint Jean désigne-t-il les miracles de Jésus comme des "signes". Ceux-ci visent une réalité qui est au-delà de ce qui frappe les sens. Cette réalité, plus profonde, n'apparaît qu'à ceux dont le coeur s'ouvre à la foi. On peut être capable d'entendre des sons sans rien percevoir de l'harmonie d'une oeuvre musicale; on y reste alors totalement étranger. Ainsi en allait-il pour beaucoup de ses contemporains. Et Jésus évoque cette possible fermeture des oreilles et cet obscurcissement des yeux déjà stigmatisés par le prophète Isaïe (cf. Mt 13,14-15).

Après la résurrection, saint Pierre, pour résumer l'itinéraire de Jésus, rappelle l'onction d'Esprit Saint et de puissance qui lui a été conférée par le Père. Et il ajoute: "Là où il passait, il faisait le bien, et il guérissait tous ceux qui étaient sous le pouvoir du démon. Car Dieu était avec lui" (Ac 10,38).

370
371 En effet, le crucifié est le Fils de Dieu, livré aux hommes mais aussi tout entier livré à la volonté du Père, ne faisant qu'un avec lui. Traversé par le douloureux sentiment de l'abandon, il demeure mystérieusement uni au Père et s'en remet à lui dans l'Esprit Saint.

La croix est inséparable de la Résurrection. Elle a été plantée sur notre terre. Mais, croix du Ressuscité, elle touche le ciel. La mort de Jésus s'inscrit dans le cours de notre histoire et y prend date. Mais la Résurrection atteste, en même temps que la victoire du Christ, le caractère définitif et permanent de son oeuvre de salut.

L'épître aux Hébreux insiste sur ce caractère "éternel" de l'oeuvre, réalisée "une fois pour toutes", et dont la fécondité continue de porter ses fruits dans l'Église (cf.
He 9,12 He 10,10).


Institués par le Christ

372 Les sacrements tirent leur origine de ces gestes du Christ (pardon des péchés, guérisons, nourriture des foules...) qui jalonnent sa mission parmi les hommes, et dont le mystère pascal dévoile l'impérissable portée. Ils reçoivent leur fécondité de l'oeuvre suprême de la croix, à l'heure où Jésus passe de ce monde vers le Père. C'est pourquoi le Christ est proprement l'auteur et l'origine des sacrements. C'est lui qui les a institués (cf. concile de Trente, DS 1601 FC 663).

En instituant l'Église, il lui confie les sacrements comme moyens privilégiés pour permettre aux croyants de le rencontrer et de vivre de sa vie.

Que l'institution des sacrements remonte au Christ, c'est particulièrement net pour ce "sacrement des sacrements" qu'est l'eucharistie. Les trois évangiles synoptiques et la première lettre aux Corinthiens (cf. 1Co 11,23-26) la relatent dans le récit de la dernière Cène, le Jeudi saint. L'eucharistie est l'institution par excellence de la Nouvelle Alliance. Dans la mesure où "tous les autres [sacrements] sont ordonnés à ce sacrement comme à leur fin" (saint Thomas d'Aquin, Somme théologique, III 63,3), l'eucharistie les relie au Christ.

373 Pour ce qui est du baptême, le Nouveau Testament atteste formellement son institution par Jésus ressuscité (cf. Mt 28,19). Au début de sa mission, Jésus s'est lui-même soumis au rite baptismal pratiqué par Jean Baptiste. A Nicodème il révèle le sens du baptême d'eau et d'Esprit comme nouvelle naissance (cf. Jn 3,39). Après sa résurrection il envoie ses disciples: "De toutes les nations faites des disciples, baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit" (Mt 28,19). Les Actes des apôtres et plusieurs autres écrits du Nouveau Testament nous montrent les apôtres baptisant au nom de Jésus, conformément à son ordre.

Jésus a aussi manifestement remis aux apôtres le pouvoir de pardonner les péchés (cf. Jn 20,22-23 Mt 18,18), même s'il n'a pas précisé le rite par lequel ils devraient accomplir ce ministère de réconciliation.

Pour les autres sacrements, outre le rapport étroit qu'ils entretiennent avec le baptême et l'eucharistie, leur lien apparaît avec la pratique de Jésus quand il pardonne les péchés, guérit et relève les malades, envoie les disciples en mission, rappelle le sens de l'union de l'homme et de la femme. Ainsi, lorsque les apôtres, après la résurrection, refont dans la communauté chrétienne les gestes inaugurés par lui, ils font ce que Jésus leur a dit de faire. Ils agissent alors par fidélité à Jésus, dans la puissance de sa résurrection et sous la conduite de son Esprit.


Confiés par le Christ à l'Église

374 Les sacrements constituent l'action propre du Seigneur au coeur des communautés. C'est le Christ qui les a institués pour la sanctification de l'Église, qu'il a purifiée "par le bain d'eau qu'une parole accompagne" (Ep 5,26). Il les confie à l'Église, c'est-à-dire à la communauté tout entière, mais d'abord, en un sens particulier, aux apôtres et à leurs successeurs établis comme "intendants des mystères de Dieu" (1Co 4,1).

De fait, l'Église s'est toujours reconnu un large pouvoir pour déterminer les modalités de la célébration des sacrements. Elle en a modelé le " cérémonial "; elle a défini tous les éléments qui en déploient le sens. Mais elle sait depuis toujours qu'elle est simplement gardienne de ce qui en constitue la substance (cf. concile de Trente, DS 1699 DS 1728 FC 881 et 758): les gestes et les paroles du Christ qui les a institués, autrement dit l'essentiel du rite.

Ainsi, par exemple, l'Église ne se reconnaît pas le pouvoir "d'effacer" un baptême ou une ordination. Elle peut au plus les reconnaître ou les déclarer invalides, s'ils n'ont pas été conférés ou reçus selon les normes ecclésiales. Elle ne se reconnaît pas la maîtrise sur la substance des sacrements qui lui sont confiés.

En notre temps la réforme liturgique de Vatican II a bien montré la latitude que le Christ laisse à l'Église pour modeler et adapter les formes de leur célébration sans modifier ce qui les constitue essentiellement.

375 Gestes du Christ en personne, posés tout ensemble par, dans et devant l'Église, les sacrements exercent leur action en vertu même du rite accompli (cf concile de Trente, DS 1608 FC 670). Ils réalisent ce qu'ils signifient. Leur action dépasse de beaucoup les dispositions du ministre qui les célèbre ou de celui qui les reçoit, même si ces dispositions interviennent dans les effets produits par le sacrement. Le baptême conféré à un enfant encore incapable d'y adhérer personnellement, et même s'il est demandé par une famille peu croyante, demeure un vrai baptême. En effet, il reste un geste du Christ célébré dans la foi de l'Église.

Parce qu'ils réalisent ce qu'ils signifient, les sacrements suscitent et stimulent la foi. Ils sont appels à la foi. Leur pleine signification se déploie dans la réponse explicite et personnelle du croyant.


Signes sensibles, efficaces, comportant des paroles

376 Les sacrements sont des signes sensibles et efficaces de l'action du Christ en faveur des hommes. Le salut, qui s'est réalisé à travers ce que le Christ a vécu et souffert dans son corps, continue à nous être donné à l'intérieur de notre existence corporelle et sociale. Les sacrements témoignent de la prévenance de Dieu, qui s'adresse aux hommes dans leur humanité la plus concrète.

Dans les sacrements plusieurs grands symboles humains sont mis au service de la grâce de Dieu et de la réponse des hommes. Ce sont ceux que nous avons déjà évoqués et à travers lesquels les peuples ont, dans leur histoire, tenté d'exprimer leurs rapports au sacré ou à la divinité: l'eau, la lumière, le repas...

377 Mais l'ambivalence des gestes et des symboles (l'eau, par exemple, peut être porteuse de vie ou de mort) est levée par la parole qui les accompagne toujours: les sacrements sont une action symbolique à laquelle s'ajoute une parole.

La célébration des sacrements commence toujours par une liturgie: de la Parole, qui situe les rites sacramentels dans les perspectives de l'histoire du salut.

Pour saisir tout cela de façon concrète et vivante, il suffit de se rappeler la liturgie de la veillée pascale.

La célébration sacramentelle culmine lorsque sont prononcées les paroles qui réalisent ce qu'elles signifient: "Ceci est mon corps"; "Je te baptise"; "Sois marqué de l'Esprit Saint"; etc.


Signes porteurs des promesses du Royaume

378 S'il n'y a pas de sacrements sans Parole, c'est que les sacrements ne sont pas fondés simplement sur la nature de l'homme. Ils sont des signes visibles de la grâce invisible. Ce dont ils témoignent et à quoi ils renvoient, c'est l'histoire et l'oeuvre singulières du Christ Jésus, centre et sommet de l'histoire du salut. S'ils utilisent généralement les grands symboles humains ou cosmiques, ils n'ont pas seulement la signification universelle que peuvent comporter ces symboles. Ils ne parlent pas seulement de la lumière et des ténèbres, de la vie et de la mort, en général. Ils renvoient aux événements singuliers de la vie, de la mort et de la résurrection du Christ, et à la vie "éternelle", c'est-à-dire à la vie même de Dieu, connue par l'ensemble de la Révélation.

Témoins de l'histoire du Christ, les sacrements comportent toujours, comme élément constitutif, un caractère de "mémorial". Ils rappellent et actualisent les gestes historiques de Jésus et, avant tout, le geste suprême d'amour sauveur accompli par sa mort et sa résurrection.

Les sacrements sont également signes du Royaume à venir. Car la "mémoire du Seigneur" qu'ils célèbrent est porteuse de multiples promesses. Célébrer l'eucharistie, c'est proclamer "la mort du Seigneur, jusqu'à ce qu'il vienne" (
1Co 11,26). Les sacrements nous annoncent la plénitude de vie que nous connaîtrons en perfection dans la gloire de la vie future. Ils nous y associent dès à présent.


Sacrements de la foi célébrés dans la foi

379 L'action personnelle du Christ qui s'exerce dans les sacrements est accueillie dans la foi de l'Église qui les célèbre.

Les sacrements sont célébrés dans le cadre d'une communauté, au cours d'une liturgie présidée par un ministre ordonné. C'est seulement dans des circonstances exceptionnelles que le développement de la liturgie peut être réduit au strict nécessaire.

Culte et prière de la communauté réunie autour de ses pasteurs, la liturgie appelle la participation "consciente, active et fructueuse" (
SC 11) de chaque fidèle.

380 Dans chaque sacrement, un minimum de participation active est toujours nécessaire. Il faut, pour le moins, "se présenter", ou "être présenté", aux sacrements: on présente un enfant au baptême, on se présente à la communion ou au sacrement de pénitence, on se rend à l'église pour le sacrement de mariage...

Si les sacrements "supposent la foi", ils sont là aussi pour l'instruire, l'édifier, la faire croître: "Les sacrements ont pour fin de sanctifier les hommes, d'édifier le Corps du Christ, enfin de rendre le culte à Dieu; mais, à titre de signes, ils ont aussi un rôle d'enseignement. Non seulement ils supposent la foi, mais encore ils la nourrissent, ils la fortifient, ils l'expriment; c'est pourquoi ils sont dits sacrements de la foi" (
SC 59).



Catéchisme France 348