Catéchisme France 558

Le "Notre Père"

558 C'est la plus connue des prières chrétiennes et pourtant ce n'est pas une prière comme les autres, fût-ce la plus belle, car Jésus lui-même l'a apprise à ses disciples: elle est l'expression de ce qu'il nous appelle à vivre en lui. Elle est à la fois prière et école de prière, par les demandes formulées et l'ordre même de ces demandes. En effet, elle nous invite à la demande du pain quotidien, du pardon et de la délivrance du Mal, mais seulement après nous avoir situés dans l'adoration et l'acceptation de la volonté du Père. Elle est comme le modèle de toute prière. Au début de l'histoire de l'Église, on n'enseignait le " Notre Père " aux futurs baptisés qu'après une longue préparation: il faut généralement d! u te mps pour que l'Esprit de Dieu travaille les coeurs humains au point qu'ils réalisent que Dieu est leur Père.


Les prières venues de la Tradition

559 Dans les prières de l'Église, à côté de celles qui ont été forgées tout au long des siècles, les chrétiens donnent une place toute spéciale au "Je vous salue, Marie".

A côté de la liturgie et des prières privées, il faut reconnaître leur juste place à d'autres formes de pratique religieuse pèlerinages, adoration du Saint-Sacrement, jeûnes, litanies, chapelet, dévotions diverses. Éclairées par la foi, sous la vigilance des pasteurs, ces expressions de la dévotion personnelle et communautaire peuvent être et sont, normalement, une expression religieuse pleine de sens, propre à porter une foi authentique.

De telles formes de prière ou de célébration doivent être réglées "en tenant compte des temps liturgiques et de façon à s'harmoniser avec la liturgie, à en découler d'une certaine manière, et à y introduire le peuple parce que, de sa nature, elle leur est de loin supérieure" (
SC 13).


Honore ton père et ta mère

Parents et enfants

560 La famille revêt un certain caractère sacré. Un lien existe entre la "piété" envers Dieu, "le Père, qui est la source de toute paternité au ciel et sur la terre" (Ep 3,15), et la "piété" filiale. La vie est reçue de Dieu, Créateur, et des parents, procréateurs. Tout homme doit manifester à ses parents reconnaissance, respect, amour. Il les entoure de prévenance et de soins dans leurs vieux jours. Ne pas les honorer, c'est se déshonorer soi-même.

Les manifestations de l'honneur rendu aux parents varient avec l'âge et les cultures. L'obéissance plus docile chez les enfants se mue en dialogue chez les jeunes adultes. Sans cette mutation il n'y a pas de véritable éducation à la liberté.

Devenus parents à leur tour, les enfants permettront à leurs parents de jouer leur rôle de grands-parents. Ces relations peuvent être difficiles, mais respect et charité doivent être un souci constant pour éviter en particulier que les grands-parents soient laissés pour compte ou réduits ici ou là au rôle de "gardes d'enfants".

Aujourd'hui la famille tend à se restreindre au couple parental avec ses enfants. Tout y conduit: l'habitat, la voiture et le décalage de mentalité des générations, accentué dans les temps de crise.

561 Les parents, pour leur part, ont également des devoirs envers leurs enfants. Ils leur prodiguent affection et soins. Ils veillent à leur éducation. Les enfants ont besoin des exigences de leurs parents autant que de leur tendresse. Ce serait les desservir que d'obéir à leurs caprices au nom d'un amour mal éclairé.

Premiers éducateurs de leurs enfants, les parents leur proposent le meilleur d'eux-mêmes, donc leur foi. Respectueux de la vocation propre de leurs enfants, ils devront parfois renoncer aux rêves qu'ils formaient pour eux. Ils auront même souvent à accompagner des comportements d'enfants prodigues, sans s'en faire les complices. L'équilibre est difficile à trouver parfois entre les justes exigences de l'éducation et la nécessaire acceptation des distances et des espaces de liberté, quand les enfants grandissent. Cela peut être particulièrement difficile dans le domaine de la foi. Les enfants, de leur côté, apprendront à ne pas idéaliser leurs parents et à les aimer pour eux-mêmes, tels qu'ils sont.


Famille: matrice et berceau

562 La famille est la matrice de la personne et le berceau de la société. Dans une famille stable, basée sur l'amour des conjoints, sur la fidélité et sur une fécondité sans égoïsme, mais aussi sur l'hospitalité et le sens de la responsabilité sociale, l'enfant a le maximum de chances de grandir d'une manière à peu près équilibrée.

S'il est réellement aimé, il peut plus facilement s'aimer lui-même et aimer les autres. Dans la famille, surtout s'il a des frères et soeurs, il se situe à sa place, non point comme le centre de tout, mais comme un parmi les autres, qu'il apprend à reconnaître comme des frères. Alors il trouvera plus facilement sa place dans la communauté humaine en respectant les droits des autres. Porté par une famille, il peut découvrir son histoire, l'histoire des siens, l'histoire des hommes, la tradition familiale et nationale, sans s'y laisser enfermer. Aimé pour lui-même, il trouve près de ses parents une aide pour se structurer comme personne, se fortifier, construire des projets, joignant ainsi harmonieusement tradition et créativité.

Les conflits sont inévitables mais, dans cet environnement familial fait d'amour et d'exigence, l'enfant apprendra à les surmonter sans trop de difficultés. Dans ce climat, il apprendra aussi la gratuité et le pardon nécessaires à toute vie sociale.

563 La famille ne se suffit pas à elle-même. Selon la loi de la vie et de l'Évangile, elle refuse de se replier sur elle-même. A elle seule, elle ne peut assurer le bonheur des enfants. Devenus adultes, les enfants la quittent: "L'homme quittera son père et sa mère, il s'attachera à sa femme" (Gn 2,24). Le départ des enfants est souvent un sacrifice pour les parents. Mais la famille s'accomplit dans l'acceptation de ce départ. Ce qu'elle réalise aussi en acceptant les vocations religieuses et sacerdotales qui naissent en son sein.

C'est pourquoi tout ce qui tend à désintégrer le mariage et la famille dessert le bien commun d'une société. Les atteintes à la famille sont multiples: concubinage, divorce, avortement, mentalité contraceptive, etc. Ces différentes attitudes n'ont pas toutes la même portée morale, mais elle atteignent toutes gravement la communauté familiale et, partant, l'équilibre et le bien commun de la société tout entière.

La société civile et les pouvoirs publics ont le devoir de mener une politique familiale positive. Ils gagneraient à s'inspirer des indications rappelées dans la "Charte des droits de la famille" par le pape Jean-Paul II pour défendre les droits inviolables de celle-ci, les droits des personnes et les conditions de leur épanouissement (cf. FC 46).


Église à la maison

564 La famille chrétienne est le lieu où les valeurs évangéliques naissent, comme naturellement. L'enfant y est accueilli inconditionnellement. Sa faiblesse désarme les "grands" et devient ainsi une force. La famille est le lieu de l'amour, de la fidélité et du pardon.

Ressaisie par la grâce du Christ, dans le sacrement du mariage, sacrement de l'Alliance, la famille est transfigurée, au point de devenir une cellule d'Église, "comme une Église domestique" (
LG 11) ou "un sanctuaire de l'Église à la maison" (AA 11).

Mais si l'Évangile valorise la famille en la faisant reposer sur un sacrement, il la relativise en refusant d'en faire une fin en soi. Le Christ invite en effet ses disciples à quitter maisons, frères, soeurs, père, mère, enfants ou terre, à cause de son nom (cf. Mt 19,29). Il y a quelque chose de plus important que le lien familial: le lien établi directement par le Seigneur avec chacun d'entre nous.


Familles blessées

565 Les familles qui vivent sans trop de difficultés témoignent de la grandeur de l'amour humain. Mais elles doivent le faire humblement en sachant en rendre grâce à Dieu: tant de personnes souhaiteraient une telle harmonie. Quelles que soient les causes et les responsabilités, beaucoup, en effet, appartiennent aujourd'hui à des familles blessées ou divisées. Le plus souvent ces personnes gardent dans leur détresse un ferme attachement à certaines valeurs essentielles, comme l'amour de leurs enfants et la solidarité. Elles ne doivent pas se sentir exclues de l'Église même si, dans certains cas, elles ne peuvent s'approcher des sacrements. Leur situation doit susciter, notamment chez leurs proches, une véritable entraide. On n'oubliera pas non plus l'état violent imposé à beaucoup de familles d'immigrés chez qui les valeurs familiale! s so nt importantes. Aussi appellent-elles à l'action pour résoudre ou du moins alléger les problèmes posés, par exemple, par la séparation professionnelle des conjoints.


Dans la société

La formation humaine

566 Chacun est appelé à faire fructifier les talents que Dieu lui a donnés pour participer à la Création; il est appelé aussi à être au service du bien commun, à épanouir sa personnalité et à transmettre les trésors de culture qu'il a reçus.

Pour être en mesure de réaliser leur mission, les parents doivent être aidés par une presse de qualité, des mouvements d'enfants et de jeunes, des communautés éducatives, au premier rang desquelles se trouve l'école.

Il faut souligner l'importance d'une école ouverte à tous, soucieuse de réduire l'échec scolaire, de grande qualité éducative, non seulement dans le domaine intellectuel, mais aussi dans celui des relations humaines et des valeurs qui s'y vivent. Dans une telle école l'enfant élargira ses connaissances et fera l'apprentissage de relations nouvelles.

567 De leur côté, les autorités, "compte tenu du caractère pluraliste de la société moderne", doivent se montrer "soucieuses de la juste liberté religieuse" et aider "les familles pour qu'elles puissent assurer à leurs enfants, dans toutes les écoles, une éducation conforme à leurs propres principes moraux et religieux" (GE 7).

Les parents se souviendront qu'ils doivent choisir l'école la plus adaptée à leurs enfants, et les catholiques celle qui leur permet de recevoir, à l'intérieur de l'école ou à l'extérieur de celle-ci, la meilleure formation chrétienne. Les divers établissements catholiques, consacrés à l'éducation, assureront la formation des enseignants et des éducateurs, coordonneront les efforts des parents pour qu'ils puissent proposer efficacement aux jeunes les valeurs humaines et spirituelles en harmonie avec la foi chrétienne.


L'éducation religieuse

568 Les parents ont le devoir d'assurer la formation chrétienne de leurs enfants, par eux-mêmes d'abord, et avec l'aide de l'Église, notamment quand l'enfant va à l'école. Ils doivent proposer la foi aux enfants et aux adolescents, et les encourager à participer régulièrement à la catéchèse et à la vie de l'Église, y compris aux sacrements, d'une manière adaptée à leur âge et leur liberté grandissante. Pas plus que le baptême après la naissance, la catéchèse n'est matière à option. Les parents doivent se méfier des slogans du genre: "Il choisira quand il sera grand." Comme si le Christ ne venait pas sauver tous les âges de l'être humain! Dans les domaines qu'ils estiment importants, ils n'hésitent pas à inciter leurs enfants au choix de ce qui leur paraît le meilleur. Il est donc normal qu'ils s'efforcent de conduire leurs enfants jusqu'au Seigneur, tout en sachant s'en remettre au mystère de la rencontre de Dieu et de chacun dans la liberté (cf. DH 10). Les mouvements éducatifs sont évidemment de précieux auxiliaires et des relais souvent nécessaires pour la formation des jeunes.



La patrie et la nation

Patriotisme et civisme

569 On peut rapprocher l'amour et la justice dus à son pays de l'amour et de la justice dus à ses parents: père et patrie ont la même racine.

De même que l'homme reçoit la vie et l'éducation de ses parents, il bénéficie de l'héritage de sa patrie au plan social, économique, politique et culturel. Aussi doit-il "honorer", à sa manière,, son pays et remplir ses obligations à son égard en faisant preuve de patriotisme et de sens civique. Il collabore au bien commun par son travail mais aussi par les divers engagements qu'il assume selon ses capacités. Il intervient selon ses moyens dans les grands débats qui animent son pays. Il coopère aux tâches communes en payant les impôts qui, eux-mêmes, doivent être équitablement répartis. Il le fait aussi, le cas échéant, en effectuant un service national. En refusant toute forme de racisme, il restera ouvert à l'accueil de tous.


La vie politique dans la cité et dans la nation

570 L'histoire a fait naître de grandes unités politiques. D'extensions très diverses, elles s'identifient ici à une seule nation, là elles en englobent plusieurs.

La complexité des réseaux de relations humaines confère aujourd'hui une importance vitale aux communautés politiques. Celles-ci ont pour charge de servir le bien commun, d'arbitrer les droits, de faire passer dans les circuits économiques le souci de l'humain; mais aussi de donner au pays l'idéal de grands projets au service de la solidarité.

Le service du bien commun à des niveaux divers est une forme particulièrement importante de la justice et de la charité. Les dérives de la politique politicienne ne doivent pas faire oublier la grandeur de la fonction politique.

571 Quant aux formes d'exercice du pouvoir, de désignation des responsables, etc., elles seront choisies pour permettre le meilleur service du bien commun, le respect et la promotion des personnes humaines, la participation aux décisions, la responsabilité, la liberté, etc. La force et la grandeur des démocraties d'aujourd'hui viennent justement de cette large place faite aux citoyens et de l'appel à la responsabilité. Mais ce type d'organisation suppose la vertu des citoyens.

Aussi peut-on s'interroger sur l'avenir de communautés politiques où le sens du bien commun disparaît. D'ailleurs l'État, organisation juridique de la communauté politique, ne peut se contenter de gérer à court terme les intérêts particuliers des membres de cette communauté et des groupes qui la composent: il risque alors de consolider les privilèges des groupes dominants et de faillir à sa mission.

Toutes sortes de questions se posent aujourd'hui dans le domaine politique: rôle nécessaire de l'État, mais risques d'abus de sa part; trop grande ou trop faible place faite à l'État; respect des communautés intermédiaires, des régions; ouverture à de grands ensembles comme l'Europe; nécessité et limite des idéologies; rôle des partis, etc.

572 Les chrétiens ne peuvent déserter les réalités politiques, puisque le politique est un des lieux où se joue la vie des hommes et des communautés humaines. En collaboration avec tous les hommes de bonne volonté, ils doivent enrichir la vie de la cité du ferment évangélique qui les habite. Selon leurs talents et leur vocation propre, ils s'engagent dans l'action politique. Mais, de toutes façons, ils se font un devoir de voter. Ils ont le souci de tenir compte de l'enseignement de l'Église, tel qu'on peut le trouver, par exemple, dans le concile Vatican II (cf. GS 73-76).

La politique est le lieu de choix discutables, inévitablement. Les solutions simplistes ont fait long feu et chacun sait que la marge de manoeuvre des différentes équipes qui se succèdent au pouvoir est relativement étroite. Il n'empêche que, la politique étant le lieu d'affrontements, les citoyens doivent, dans le même temps, avoir la conviction nécessaire pour oeuvrer en ce domaine, mais aussi le sens du relatif qui empêche d'absolutiser les querelles. Les chrétiens, y compris les clercs, ne sont pas exempts de faux pas dans ce domaine, voire d'infidélité à l'Evangile. Aucun parti politique ne peut s'approprier l'Évangile.

573 Le caractère contingent de nombreuses prises de position politiques impose aux pasteurs un devoir de réserve: serviteurs de l'Église, ils sont au service de tous et ne doivent pas compromettre leur ministère dans des prises de position discutables, à moins que des atteintes manifestes aux droits de l'homme et l'absence, dans le domaine social ou politique, de représentants qualifiés demande, au contraire, à ces mêmes pasteurs d'intervenir au nom de l'Évangile.

L'Église, pour sa part, contribue au développement intégral de la communauté humaine par son respect de la réalité politique, par sa doctrine sociale, par l'ouverture des communautés humaines aux dimensions spirituelles, et par le rappel constant de ses justes limites au pouvoir politique: Dieu seul est Dieu, César n'est que César et jamais l'État ne pourra être considéré comme la fin ultime de la personne humaine. Celle-ci, par certaines de ses dimensions, le dépasse. C'est pourquoi l'État lui-même doit se soumettre aux légitimes requêtes de l'éthique (cf.
CL 42).


La communauté universelle

574 Le vrai patriotisme se distingue de sa forme dégradée, le nationalisme, par le respect de la dignité de toutes les personnes humaines (ce qui exclut le racisme sous toutes ses formes), par l'ouverture à l'amitié avec les autres peuples et par une solidarité, la plus efficace possible, avec ceux qui souffrent dans le monde.

A l'heure où de nombreux efforts établissent des communications nouvelles, voire des liens étroits entre les peuples, en particulier en Europe, les chrétiens ont une responsabilité particulière dans la construction d'un monde plus juste et plus fraternel.

Ils ne peuvent donc que refuser tout nationalisme étroit, et cela d'autant qu'ils expérimentent dans l'Église une communauté vraiment catholique, répandue à travers le monde, à la fois une et diverse. Pour eux l'Église est ferment et promesse de l'ouverture de l'humanité à l'universel. Cette ouverture se manifestera dans bien des domaines, de la solidarité économique au désarmement, etc.


Tu ne tueras pas, tu serviras la vie

575 Prouesses médicales et scientifiques, chaînes de solidarité, acharnement thérapeutique... occupent bien souvent le champ des médias. Mais notre époque est ambiguë. L'impossible est fait pour sauver un enfant mais l'on accepte des milliers de morts sur les routes. La drogue et le suicide ne comptent plus leurs victimes. Des milliers de morts en Afrique, au Moyen-Orient ou en Extrême-Orient, captent notre attention le temps d'une émission de télévision. On dépense des énergies considérables pour quelques "bébé-éprouvette" mais, au même moment, l'avortement - selon les statistiques officielles - tue, en France, environ cent soixante mille enfants chaque année dans le sein de leur mère. On cache la mort aux proches et aux mourants eux-mêmes mais on l'étale sur nos écrans de télévision. L'opinion publique a des réactions contradictoires quant à la valeur de la vie humaine!


Le respect de la vie, don de Dieu

576 La vie est, pour l'homme, d'une valeur inestimable.

Quoi de plus nôtre que notre vie? Et pourtant elle nous est donnée. On ne peut que la recevoir, y consentir. Puisque l'homme est créé à l'image de Dieu, la vie est un don sans prix. A ce titre, elle revêt un caractère sacré.

C'est pourquoi la vie de tout homme doit être respectée absolument. Y compris par lui-même! L'homme n'est pas le propriétaire de sa vie. Il en est comme le dépositaire, "l'usufruitier" (Pie XII). Tout ce qui met en jeu la vie, celle du prochain ou la sienne propre, est objectivement grave.

577 Pour des chrétiens, paradoxalement, la vie est plus précieuse encore. La vie éternelle ennoblit la vie terrestre. Elle devient l'apprentissage de la vie éternelle. Notre qualité d'enfants de Dieu transfigure et relativise en même temps la vie terrestre.

La vie terrestre n'est pas un absolu, comme en témoignent les martyrs. Si je dois respecter absolument la vie de l'autre, je puis être appelé à renoncer à ma propre vie pour un bien qui lui est supérieur. Donner sa vie pour ceux que l'on aime, pour la justice ou la charité, c'est attester qu'il y a des valeurs encore plus importantes que cette vie humaine. C'est à ce prix que l'être humain acquiert sa vraie liberté. S'il refuse l'éventualité de ce don, il est mûr pour tous les esclavages.

La perspective de la résurrection renforce la vocation à la sainteté de tout l'homme, corps et âme. Et l'Église entoure d'honneur le corps lui-même dans la célébration des obsèques, car il a été " temple de l'Esprit Saint " et il est appelé à la résurrection.


Le meurtre

578 Négation totale de l'autre, le meurtre est un des péchés les plus graves. Selon certains ethnologues, l'appartenance à l'humanité apparaît chez nos lointains ancêtres avec le respect de cette loi fondamentale: "Tu ne tueras pas."

Cependant, ces spécialistes nous montrent aussi que ce précepte a été compris d'une manière très restrictive: on ne considérait comme homme à part entière que celui de sa tribu; tuer dans une autre tribu n'était pas considéré comme un meurtre. Petit à petit l'humanité a progressé, au point de voir en tout homme... un homme. Du moins en principe, car il reste beaucoup du primitif dans les civilisés que nous croyons être.

L'homicide par imprudence ne peut être assimilé purement et simplement au meurtre. Il n'empêche que la manière dont, en certaines occasions, nos sociétés font bon marché de la vie est proprement choquante. Individuellement et collectivement, il est urgent de prendre conscience des responsabilités engagées par la conduite automobile, par exemple l'excès de vitesse, la conduite en état d'ivresse, etc.


L'avortement

579 L'avortement est, de loin, par le nombre, la manifestation la plus grave du mépris de la vie de l'innocent. "Dès le moment de sa conception, la vie de tout être humain doit être absolument respectée (Donum vitae, introduction). La culture, les conditions économiques et sociales jouent un rôle considérable dans le fait que des couples envisagent l'avortement comme une solution à des problèmes qui peuvent être très réels. Cependant, il faut affirmer qu'objectivement l'avortement est un acte très grave. Le concile Vatican II affirme que l'avortement est un crime abominable (cf. GS 51) parce que Dieu, maître de la vie, a confié aux hommes le noble ministère de la vie et que, précisément, ils abusent de cette confiance en devenant les meurtriers de ceux dont ils sont appelés à être les protecteurs.

S'il existe des cas de détresse tragiques, les dispositions actuelles de la législation française contribuent, malgré leurs bonnes intentions, à obscurcir la conscience. "C'est légal donc c'est moralement permis", pense-t-on trop facilement. La législation de l'avortement et la complaisance d'une partie du monde médical tendent à banaliser l'avortement dans l'opinion publique. L'avortement, même thérapeutique, n'entraîne pas moins la mort d'un innocent par le fait de ceux-là mêmes, parents et médecins, à qui il est confié. Et c'est pour attirer l'attention sur la gravité de cet acte que le Droit de l'Église fait encourir une "excommunication" (qui interdit la vie sacramentelle) à celui qui, le sachant et le voulant, provoque un avortement.

Le scandale de l'avortement exige de chacun les plus grands efforts pour changer les causes sociales et culturelles qui le provoquent. C'est un grave devoir d'aider les femmes en difficulté et de soutenir ceux qui donnent aux familles les moyens d'assumer leurs responsabilités devant une vie humaine commencée. C'est aussi un grave devoir d'accueillir avec charité les femmes qui ont connu l'avortement, afin de leur manifester la miséricorde de Dieu et de leur permettre un nouveau départ.


Les refus de vivre

580 Instinctivement, l'homme tient à sa vie. La culture prend le relais de l'instinct vital pour donner aux hommes le goût de vivre. L'amour de la vie est, en même temps, un dynamisme naturel et une tâche à accomplir.

Il peut se faire cependant qu'à certains moments l'angoisse, les souffrances et les épreuves soient telles qu'on se détache de la vie. Un dégoût de vivre peut se répandre comme une gangrène sans que l'on sache toujours très bien déterminer dans ce cas ce qui vient de la liberté et ce qui vient de la maladie.

Alors se proposent des conduites de fuite. La drogue, l'alcool, mais aussi, quelquefois, l'abrutissement dans le travail sont autant de moyens pour ne pas faire face à la réalité, refuser la responsabilité ou gérer une peur irraisonnée. La lutte pour la vie devient alors un devoir: pour soi-même, car personne n'est propriétaire de sa vie, pour son entourage et pour l'équilibre de ses proches.

581 Ce qui est vrai pour ces conduites de fuite l'est encore plus pour le suicide. Le suicide est objectivement une faute grave. On reconnaît toutefois aujourd'hui qu'il traduit le plus souvent un déséquilibre psychologique profond, tant est fort l'instinct de vie en l'homme.

Parce que l'homme est seulement "l'usufruitier" de sa vie, il ne lui revient pas non plus de décider de mettre fin à ses jours ou à ceux d'une autre personne par l'euthanasie qui est aussi une faute grave. La tentation de l'euthanasie est souvent due à une souffrance trop vive, mais il est possible aujourd'hui de soulager la douleur et c'est un devoir de le faire. Cela est différent de l'acharnement thérapeutique qui met en oeuvre des traitements extraordinaires pour un maintien de la vie à tout prix de manière inconsidérée.

La tentation du suicide, comme celle de l'euthanasie, invitent à l'accompagnement humain et spirituel de ceux qui vivent dans la détresse morale ou physique. Le développement des soins palliatifs pour les personnes en fin de vie dans les hôpitaux ou à domicile est une des conquêtes, encore à poursuivre, de cette décennie.


La santé

582 Au plus profond de l'homme, le désir de guérir lorsqu'il est malade signifie que la vie vaut la peine d'être vécue. Nous savons qu'elle prend sa pleine valeur dans la rencontre avec le Christ et le salut qu'il apporte. Par le sacrement des malades, l'Église témoigne à la fois de son affection pour ceux qui souffrent et de sa foi en un Dieu qui aime l'homme en santé physique et spirituelle. La santé est dans la Bible une image du salut.

Pour les chrétiens, la santé n'est pas simplement un problème matériel et le corps n'est jamais simplement une mécanique qu'il suffirait de réparer tant que cela est possible. Le corps est une partie constitutive de l'homme. La conception chrétienne du corps repose sur la doctrine de la création de l'homme comme un tout.

583 Ce respect de la dignité de l'homme, image de Dieu, corps et esprit, conscient de lui-même et capable de communiquer, éclaire les prises de position de l'Église dans le domaine médical.

L'homme est appelé à se respecter jusqu'en sa dimension corporelle. Il ne peut disposer de son corps par l'automutilation ou la stérilisation. Celles-ci sont toujours moralement graves, et péchés graves quand elles sont accomplies volontairement.

Les techniques de procréation artificielle, comme les FIVETE - les "bébés-éprouvette" -, ne doivent pas nous abuser. Leur emploi ne peut être moralement justifié. Les interventions récentes de l'Église en la matière rappellent à tous les risques immenses que l'on court à considérer l'homme comme un produit de sa technique et non comme le fruit de "l'acte conjugal, c'est-à-dire du geste spécifique de l'union des époux" (Donum vitae, 11,4). La bioéthique est un champ nouveau de l'éthique. On ne saurait oublier, en effet, que "la transmission de la vie humaine a une originalité propre, qui dérive de l'originalité même de la personne humaine" (Donum vitae, introduction, 4). A méconnaître cette originalité, on s'expose à ne pas respecter, à leur source même, l'amour et la vie.

584 Notre société, axée sur l'épanouissement et la réussite, marginalise souvent les personnes très âgées et les personnes handicapées. Le respect inconditionnel demandé à leur égard par l'Église au nom de Dieu Créateur et Père de tous est non seulement un signe évangélique, mais aussi une sauvegarde capitale pour l'homme. Tous ceux qui, chrétiens ou non, consacrent leur vie, souvent héroïquement, au service de leurs frères marqués par toutes formes de handicaps, sauvent l'avenir de nos sociétés menacées de déshumanisation. Il faut non seulement les aider, mais leur donner leur place et les responsabilités qu'ils peuvent exercer.

En tous ces problèmes, les chrétiens n'oublieront pas le respect dû à tout l'homme chez tous les hommes. Ce respect pose en particulier la question du dialogue avec les malades à propos de l'évolution de leur état de santé. Les chrétiens verront en chaque malade une image privilégiée du Christ souffrant et se rappelleront que l'attitude du Seigneur devant les malades et les faibles est un des signes du Royaume (cf.
Mt 11,5).


Respecter et promouvoir la vie spirituelle

585 Le désir de vivre trouve un achèvement dans la vie spirituelle. Dans l'Esprit Saint tout prend sens: les activités, la prière, la vie conjugale et familiale, le travail, le sport, les loisirs, les épreuves, le témoignage de sa recherche et de sa foi, la vie amicale, les responsabilités sociales et politiques. De tout cela le chrétien fait, dans l'Esprit Saint, une offrande spirituelle, offerte à Dieu par Jésus Christ. (cf. LG 34 et 1P 2,5).

En outre, chacun est responsable, pour sa part, de ses frères. Pousser d'autres personnes à ruiner leur vie spirituelle ou morale est un manque d'amour, une faute grave que Jésus dénonce (cf. Mt 18,6 et suiv.). Un chrétien a non seulement le souci de ne pas scandaliser, mais aussi celui d'évangéliser ses frères dans le total respect de leur liberté. Si l'homme s'accomplit dans la rencontre avec Dieu, le meilleur service à lui rendre, c'est de l'aider à le découvrir.

En tout cela on n'oubliera pas l'importance de l'environnement et les influences du groupe, de l'école, des médias, etc. qui peuvent servir ou desservir la croissance spirituelle des personnes humaines.


Violence, guerre et paix

Torture et violence

586 Sans aller jusqu'à la destruction de la vie, les violences de toutes sortes, les coups et blessures sont des atteintes graves à la vie et avilissent celui qui en est l'auteur. C'est pourquoi Jésus réprouve non seulement le meurtre, mais aussi l'insulte et la colère qui engendrent toutes les violences (cf. Mt 5,21-24). La torture est une monstruosité qui atteint l'homme dans son être spirituel en le forçant a se renier. Aussi faut-il encourager les associations qui luttent pour l'abolition de la torture et le respect des Droits de l'homme.

La violence qui envahit les loisirs, la télévision et le sport, au lieu de recréer l'homme, l'avilit.


Violence et légitime défense personnelle

587 L'instinct vital d'auto-conservation pousse à défendre sa vie contre toute agression. Mais l'homme est appelé à dépasser l'instinct en le soumettant à la raison. Le droit de légitime défense n'autorise pas n'importe quoi. La défense n'est légitime que si elle est proportionnée à la menace.

La morale traditionnelle a élaboré des principes de discernement pour le légitime recours à la force. Il faut: que la cause soit juste; qu'elle soit un ultime recours, les moyens pacifiques de régler le conflit ayant été déployés en vain; que les moyens soient proportionnés au tort causé et au but poursuivi; qu'on ait de sérieuses chances de rétablir ainsi la justice.


Violence et respect de la vie

588 Lorsque le Christ appelle à aimer ses ennemis (cf. Mt 5,44), à ne pas résister aux méchants et à tendre l'autre joue (cf. Mt 5,39), il trace un chemin que, tôt ou tard, chacun doit parcourir puisque c'est la Loi du Royaume. Pourtant, si chacun est invité à renoncer à son droit et même à sa vie au nom de la charité la justice peut au contraire obliger à lutter et à donner sa vie pour sauvegarder le droit du prochain.

On peut tendre sa joue... mais pas celle du prochain. Un père de famille doit défendre autant qu'il le peut, même par la force, sa femme ou ses enfants agressés. Dans notre pays la "non-assistance à personne en danger" est un délit. La passivité des témoins est une des causes de la criminalité actuelle.

C'est pour la sauvegarde du droit, pour assurer la paix et la sécurité des citoyens, que les pouvoirs publics disposent légitimement de la force publique (cf. Rm 13,1-7). Eux-mêmes, d'ailleurs, n'ont pas tous les droits. Le respect du droit s'impose d'abord à l'État, à la police et à la magistrature.

Pour des raisons diverses, beaucoup de pays ont aboli la peine de mort. Le chrétien ne peut que se réjouir de voir ainsi se développer le sens du respect absolu de la vie. Cependant, la justice doit être assurée et la société protégée. Mais, quels que soient ses crimes, une personne humaine reste un enfant de Dieu que l'on doit respecter comme tel. L'espérance chrétienne croit toujours l'homme capable de s'amender.



Catéchisme France 558