1988 Christifideles laici 27

Engagement apostolique dans la paroisse

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Voyons maintenant de plus près la communion et la participation des fidèles laïcs à la vie de la paroisse. Il faut ici rappeler à l'attention de tous les fidèles laïcs, hommes et femmes, une parole si vraie, si pleine de sens et stimulante, du Concile: "Dans les communautés ecclésiales, leur action est si nécessaire que, sans elle, l'apostolat des pasteurs ne peut, la plupart du temps, obtenir son plein effet"(100). C'est là une affirmation fondamentale, qui doit, de toute évidence, être comprise à la lumière de "l'ecclésiologie de communion": parce qu'ils sont divers et complémentaires, les ministères et les charismes sont tous nécessaires à la croissance de l'Eglise, chacun selon sa propre modalité.

100-
AA 10


Les fidèles laïcs doivent être toujours plus convaincus du sens que prend leur engagement apostolique dans leur paroisse. C'est encore le Concile qui le souligne avec raison: "La paroisse offre un exemple remarquable d'apostolat communautaire, car elle rassemble dans l'unité toutes les diversités humaines qui se trouvent en elle et elle les insère dans l'universalité de l'Eglise. Que les laïcs prennent l'habitude de travailler dans la paroisse en étroite union avec leurs prêtres, d'apporter à la communauté ecclésiale leurs propres problèmes, ceux du monde et les questions qui concernent le salut des hommes, pour les examiner et les résoudre en tenant compte de l'avis de tous. Selon leurs possibilités, ils apporteront leur concours à toute entreprise apostolique et missionnaire de leur famille ecclésiale"(101).

101- AA 10


L'allusion du Concile à l'examen et à la solution des problèmes pastoraux "avec le concours de tous" doit trouver son développement adéquat et bien structuré dans la mise en valeur la plus sincère, la plus large et la plus ferme des conseils pastoraux paroissiaux, sur lesquels les Pères du Synode ont à juste titre nettement insisté(102).

102- Propositio 10


Dans la situation actuelle, les fidèles laïcs peuvent et doivent faire énormément pour la croissance d'une authentique communion ecclésiale à l'intérieur de leurs paroisses et pour éveiller l'élan missionnaire vers les incroyants et aussi vers ceux, parmi les croyants, qui ont abandonné ou laissé s'affaiblir la pratique de la vie chrétienne.

Si la paroisse est l'Eglise implantée au milieu des maisons des hommes, elle vit et agit insérée profondément dans la société humaine et intimement solidaire de ses aspirations et de ses drames. Bien souvent le contexte social, surtout en certains pays et certains milieux, subit les secousses violentes des forces de désagrégation et de déshumanisation: l'homme est égaré et désorienté, mais dans son coeur subsiste toujours plus le désir de pouvoir expérimenter et cultiver des rapports plus fraternels et plus humains. La réponse à ce désir, la paroisse peut la fournir si, grâce à la participation active des fidèles laïcs, elle reste fidèle à sa vocation et mission originelles: être dans le monde le "lieu" de la communion des croyants, et tout à la fois le "signe" et l'"instrument" de la vocation de tous à la communion; en un mot, la paroisse doit être la maison ouverte à tous, et au service de tous, ou, comme se plaisait à dire Jean XXIII, la fontaine du village à laquelle tout le monde vient étancher sa soif.


Formes de participation des fidèles laïcs

dans la vie de l'Eglise


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Les fidèles laïcs, unis aux prêtres, aux religieux et aux religieuses, forment l'unique Peuple de Dieu, l'unique Corps du Christ.

Etre "membre" de l'Eglise, cela n'empêche pas chaque chrétien d'être un "être unique et irremplaçable"; tout au contraire cela donne son sens le plus profond à l'unicité irremplaçable de chacun, en tant que celle-ci est source de diversité et de richesse pour l'Eglise entière. C'est en ce sens que Dieu en Jésus-Christ appelle chacun de nous par son nom propre, qui ne peut prêter à confusion. L'appel du Seigneur: "Allez vous aussi à ma vigne" s'adresse à chacun personnellement et signifie: "Viens, toi aussi, à ma vigne!".

C'est ainsi que chacun de nous, dans son unicité irremplaçable, s'offre pour la croissance de la communion ecclésiale, par son être et par son agir, tout comme, par ailleurs, il reçoit et assimile, d'une façon qui lui est propre, la richesse de l'Eglise entière. C'est cela la "Communion des Saints" que nous affirmons dans le Credo: le bien de tous devient le bien de chacun et le bien de chacun devient le bien de tous. "Dans la Sainte Eglise écrit Saint Grégoire le Grand chacun est le soutien des autres et les autres sont le soutien de chacun"(103).

103- S. Grégoire le Grand, Hom. in
Ez 2, I,5: CCL 142, 211


Formes personnelles de participation


Il est absolument nécessaire que chaque fidèle laïc ait toujours vive conscience d'être un "membre de l'Eglise", à qui est confiée une tâche originale, irremplaçable et qu'il ne peut déléguer, une tâche à remplir pour le bien de tous. Dans cette perspective, prend tout son sens l'affirmation du Concile sur la nécessité absolue de l'apostolat de chaque personne: "L'apostolat que chacun doit exercer personnellement et qui découle toujours d'une vie vraiment chrétienne (cf.Jn 4,14) est le principe et la condition de tout apostolat des laïcs, même collectif, et rien ne peut le remplacer. Cet apostolat individuel est toujours et partout fécond, il est en certaines circonstances le seul adapté et le seul possible. Tous les laïcs y sont appelés et en ont le devoir, quelle que soit leur condition, même s'ils n'ont pas l'occasion ou la possibilité de collaborer dans des mouvements"(104).

104- AA 16


L'apostolat personnel renferme de grandes richesses qui demandent à être découvertes pour une intensification du dynamisme missionnaire de chaque fidèle laïc. Grâce à cette forme d'apostolat, le rayonnement de l'Evangile peut s'exercer d'une façon très capillaire, en atteignant tous les lieux et les milieux avec qui est en contact la vie quotidienne et concrète des laïcs. Il s'agit, au surplus, d'un rayonnement constant, parce que lié à la cohérence continuelle de la vie personnelle avec la foi, et en même temps d'un rayonnement particulièrement incisif, parce que, dans un partage total des conditions de vie, de travail, des difficultés et des espérances de leurs frères, les fidèles laïcs peuvent atteindre le coeur de leurs voisins, de leurs amis, de leurs collègues, et l'ouvrir à l'horizon total, au sens plénier de l'existence: la communion avec Dieu et entre les hommes.


Formes collectives de participation

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La communion ecclésiale, déjà présente et opérante dans l'action de chaque personne, trouve une expression spécifique dans l'action en commun des fidèles laïcs, c'est-à-dire une action solidaire menée dans une participation responsable à la vie et à la mission de l'Eglise.

Ces derniers temps, le phénomène d'association entre laïcs a pris des formes particulièrement variées et une grande vitalité. Si, dans l'histoire de l'Eglise, les associations de fidèles ont constitué une ligne continue, comme en témoignent jusqu'à nos jours les diverses confréries, les tiers-ordres et les fraternités, dans les temps modernes, ce phénomène a pris un essor spécial; on a vu naître et se répandre différentes formes de groupements: associations, groupes, communautés, mouvements. On peut parler d'une nouvelle saison d'association des fidèles laïcs. En effet, "à côté des groupements traditionnels, et parfois à leurs racines mêmes, ont germé des mouvements et groupements nouveaux, dotés d'une physionomie et d'une finalité spécifiques: tant sont grandes la richesse et la variété des ressources de l'Esprit Saint, dans le tissu ecclésial, tant sont grandes également la capacité d'initiative et la générosité de notre laïcat"(105).

105- Jean Paul II, Angelus (23 août 1987); Insegnamenti, X,3 (1987),240


Ces groupements de laïcs apparaissent souvent très différents les uns des autres en divers aspects, comme leur forme extérieure, les cheminements et les méthodes d'éducation, et les champs d'action. On y découvre cependant les lignes d'une convergence large et profonde dans la finalité qui les inspire: celle de participer de façon responsable à la mission de l'Eglise, qui est de porter l'Evangile du Christ comme source d'espérance pour l'homme et de renouveau pour la société.

Que des fidèles laïcs se regroupent pour des motifs spirituels et apostoliques, cela découle de plusieurs sources et correspond à des exigences diverses : c'est l'expression, en effet, de la nature sociale de la personne, et la réponse à un besoin d'efficacité plus vaste et plus mordante. En réalité, l'incidence "culturelle", source et aiguillon mais aussi fruit et signe de toute autre transformation du milieu et de la société, ne peut s'obtenir que par le travail non pas tant d'individus isolés que d'un "sujet social", c'est-à-dire d'un groupe, d'une communauté, d'une association, d'un mouvement. C'est surtout vrai dans le contexte d'une société pluraliste et fractionnée comme elle l'est aujourd'hui en tant de pays du monde et aussi en face de problèmes devenus excessivement complexes et difficiles. Par ailleurs, surtout lorsqu'il s'agit d'un monde sécularisé, les différentes formes de regroupement peuvent représenter pour beaucoup de gens une aide précieuse en vue d'une vie chrétienne fidèle aux exigences de l'Evangile et pour un engagement missionnaire et apostolique.

Au-delà de ces motifs, la raison la plus profonde qui justifie et exige le regroupement des fidèles laïcs est d'ordre théologique: c'est une raison ecclésiologique, comme le reconnaît ouvertement le Concile Vatican II, qui voit dans l'apostolat associé un "signe de la communion et de l'unité de l'Eglise dans le Christ" (106).

106-
AA 18


C'est un "signe" qui doit se manifester dans les rapports de "communion" autant à l'intérieur qu'à l'extérieur des diverses formes d'associations, dans le contexte très large de la communauté chrétienne. C'est précisément la raison ecclésiologique dont nous parlions plus haut qui explique, d'une part, le "droit" d'association propre aux fidèles laïcs et, d'autre part, la nécessité de "critères" de discernement pour vérifier l'authenticité ecclésiale des formes d'association.

Il faut avant tout reconnaître la liberté d'association des fidèles laïcs dans l'Eglise. Cette liberté est à proprement parler un droit véritable, qui ne dérive pas d'une sorte de "concession" de l'autorité, mais qui découle du Baptême, qui, en tant que sacrement, appelle les fidèles laïcs à participer activement à la communion et à la mission de l'Eglise. Sur ce point, le Concile parle clairement: "Le lien nécessaire avec l'autorité ecclésiastique étant assuré, les laïcs ont le droit de fonder des associations, de les diriger, et d'adhérer à celles qui existent"(107). Et le Code de Droit Canon affirme: "Les fidèles ont le droit de fonder et de diriger librement des associations de charité ou de piété, ou qui se proposent de travailler à l'extension de la vocation chrétienne dans le monde; ils ont aussi le droit de tenir des réunions afin de poursuivre ensemble ces mêmes fins"(108).

107- AA 19 AA 15 LG 37
108- CIC 215


Il s'agit ici d'une liberté reconnue et garantie par l'autorité ecclésiastique et qui doit s'exercer toujours et uniquement dans la communion de l'Eglise; en ce sens, le droit des fidèles laïcs à se réunir est essentiellement lié à la vie de communion et à la mission de l'Eglise elle-même.


Critères d'ecclésialité pour les associations de laïcs

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C'est toujours dans cette perspective de la communion et de la mission de l'Eglise, et non pas en opposition avec la liberté d'association, qu'il faut comprendre la nécessité de critères bien clairs et précis de discernement et de reconnaissance des associations de laïcs, qu'on nomme aussi "critères d'ecclésialité".

Comme critères fondamentaux pour le discernement de toute association de fidèles laïcs dans l'Eglise on peut retenir, en les prenant ensemble, les critères suivants: le primat donné à la vocation de tout chrétien à la sainteté, manifesté "par les fruits de grâce que l'Esprit produit dans les fidèles"(109), comme croissance vers la plénitude de la vie chrétienne et la perfection de la charité(110).

109-
LG 39
110- LG 40


En ce sens toute association de fidèles laïcs est appelée à être toujours davantage un moyen de sanctification dans l'Eglise, un moyen qui favorise et encourage "une union plus intime entre la vie concrète de leurs membres et leur foi"(111).

111- AA 19


L'engagement à professer la foi catholique en accueillant et proclamant la vérité sur le Christ, sur l'Eglise et sur l'homme, en conformité avec l'enseignement de l'Eglise, qui l'interprète de façon authentique. Toute association de fidèles laïcs devra donc être un lieu d'annonce et de proposition de la foi et d'éducation à cette même foi dans son contenu intégral.

Le témoignage d'une communion solide et forte dans sa conviction, en relation filiale avec le Pape, centre perpétuel et visible de l'unité de l'Eglise universelle(112), et avec l'Evêque, "principe visible et fondement de l'unité"(113) de l'Eglise particulière, et dans "l'estime mutuelle de toutes les formes apostoliques de l'Eglise"(114).

112- LG 23
113- LG 23
114- AA 23


La communion avec le Pape et avec l'Evêque doit s'exprimer dans une disponibilité loyale à recevoir leurs enseignements doctrinaux et leurs directives pastorales. La communion ecclésiale exige, de plus, la reconnaissance du légitime pluralisme des fidèles laïcs dans l'Eglise et, en même temps, la disponibilité à une mutuelle collaboration.

L'accord et la coopération avec le but apostolique de l'Eglise, qui est "l'évangélisation et la sanctification des hommes, et la formation chrétienne de leur conscience, afin qu'ils soient en mesure de pénétrer de l'esprit de l'Evangile les diverses communautés et les divers milieux"(115).

115- AA 23


Dans cette perspective, à toutes les formes d'association des fidèles laïcs et à chacune d'elles on demande qu'elles soient animées d'un élan missionnaire qui en fasse des instruments toujours plus actifs d'une nouvelle évangélisation.

L'engagement à être présents dans la société humaine pour le service de la dignité intégrale de l'homme, conformément à la doctrine sociale de l'Eglise.

En ce sens, les associations de fidèles laïcs doivent devenir des courants vivants de participation et de solidarité pour créer des conditions plus justes et plus fraternelles à l'intérieur de la société.

Les critères fondamentaux que nous venons d'exposer trouvent une vérification dans les fruits concrets qui accompagnent la vie et les oeuvres des diverses formes associatives, en particulier le goût renouvelé pour la prière, la contemplation, la vie liturgique et sacramentelle; l'aide à la prise de conscience des vocations au mariage chrétien, au sacerdoce ministériel, à la vie consacrée; la disponibilité à prendre part aux programmes et aux activités de l'Eglise tant sur le plan national que sur le plan international; l'engagement dans la catéchèse et la capacité pédagogique pour la formation des chrétiens; l'impulsion à assurer une présence chrétienne dans les différents milieux de la vie sociale; la création et l'animation d'oeuvres caritatives, culturelles et spirituelles; l'esprit de détachement et de pauvreté évangélique en vue d'une plus généreuse charité envers tous; la conversion à la vie chrétienne ou le retour à la communion de baptisés "lointains".


Le service des Pasteurs pour la communion

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Même dans le cas ou certaines formes d'associations éprouvent de bien compréhensibles difficultés et ou de nouvelles formes tendent à s'imposer, les Pasteurs de l'Eglise ne peuvent pas renoncer à l'exercice de leur autorité, non seulement pour le bien de l'Eglise, mais aussi pour le bien des associations de laïcs elles-mêmes. Il faut donc qu'ils doublent leur oeuvre de discernement d'un effort pour guider et surtout pour encourager la croissance des associations de fidèles laïcs dans la communion et la mission de l'Eglise.

Il est extrêmement opportun que certaines associations nouvelles et certains mouvements nouveaux, étant donné leur diffusion souvent nationale et même internationale, reçoivent une reconnaissance officielle, une approbation explicite de l'autorité ecclésiastique compétente. C'est dans ce sens déjà que le Concile affirmait: "Les liens de l'apostolat des laïcs avec la hiérarchie peuvent revêtir des modalités différentes selon la diversité des formes et des buts de cet apostolat... Certaines formes de l'apostolat des laïcs sont reconnues explicitement par la hiérarchie sous une forme ou sous une autre. En outre, eu égard aux exigences du bien commun de l'Eglise, l'autorité ecclésiastique peut choisir et promouvoir d'une façon spéciale certaines associations et institutions apostoliques, visant directement un but spirituel, et assumer à leur égard une responsabilité particulière"(116).

116-
AA 24


Parmi les diverses formes d'apostolat des laïcs qui ont un rapport particulier avec la Hiérarchie, les Pères du Synode ont rappelé explicitement divers mouvements et associations d'Action catholique, dans lesquels "les laïcs s'associent librement d'une manière organique et stable, sous l'impulsion de l'Esprit Saint, en communion avec l'Evêque et avec les prêtres, pour pouvoir travailler, de la manière la plus propre à leur vocation et avec une méthode particulière, à l'expansion de toute la communauté chrétienne, aux projets pastoraux et à l'animation évangélique de tous les milieux de vie, avec fidélité et zèle"(117).

117- Propositio 13


Le Conseil Pontifical des Laïcs est chargé de préparer un tableau des associations qui reçoivent l'approbation officielle du Saint-Siège et de définir, avec le Secrétariat pour l'Unité des Chrétiens, les conditions auxquelles peut être approuvée une association oecuménique ou il y aurait une majorité catholique et une minorité non catholique; il doit aussi déterminer les cas ou il est impossible de porter un jugement positif(118).

118- Propositio 15


Tous, Pasteurs et fidèles, nous sommes tenus de favoriser et d'entretenir sans cesse l'existence de liens et de rapports fraternels d'estime, de cordialité, de collaboration entre les différentes formes d'associations de laïcs. C'est de cette façon seulement que la richesse des dons et des charismes que le Seigneur nous offre peut porter sa contribution féconde et ordonnée à l'édification de la maison commune: "Pour l'édification solidaire de la maison commune, il faut, en outre, que l'on renonce à tout esprit d'antagonisme et de contestation; qu'on rivalise plutôt dans l'estime mutuelle (cf.Rm 12,10), dans le souci de se manifester affection et volonté de collaboration, avec la patience, la clairvoyance, la disponibilité au sacrifice que tout cela peut comporter" (119).
Revenons encore une fois aux paroles de Jésus: "Je suis la vigne et vous êtes les sarments" (Jn 15,5), pour rendre grâce à Dieu du grand don de la communion ecclésiale, reflet dans le temps de l'éternelle et ineffable communion d'amour du Dieu Unique et Trinitaire. La conscience du don doit être accompagnée d'un sens très fort de responsabilité: en effet c'est un don qui, comme le talent évangélique, exige d'être transformé en une vie de communion croissante.

119- Jean Paul II, Discours au Congrès national de l'Eglise italienne à Lorette (10 avril 1985); AAS 77 (1985), 964


Etre responsable du don de la communion signifie, avant tout, être engagé à vaincre toute tentation de division et d'opposition, qui menace la vie et l'engagement apostolique des chrétiens. Le cri de douleur et de déception de l'apôtre Paul "J'entends que chacun de vous dit: "moi je suis à Paul, et moi à Apollos, et moi à Céphas, et moi au Christ"; le Christ est-il divisé?" (1Co 1,12-13) continue à retentir comme un reproche face aux "déchirements du corps du Christ". Par contre, que résonnent comme un appel persuasif les autres paroles de l'Apôtre: "Je vous en prie, frères, par le nom de notre Seigneur Jésus-Christ, ayez tous le même langage; qu'il n'y ait point parmi vous de divisions; soyez étroitement unis dans le même esprit et dans la même pensée" (1Co 1,10).

Ainsi la vie de communion ecclésiale devient un signe pour le monde et une force d'attraction qui conduit à croire au Christ: "Comme toi, Père, Tu es en moi et moi en Toi, qu'eux aussi soient en nous un seul être, afin que le monde croie que Tu m'as envoyé" (Jn 17,21). De cette manière, la communion s'ouvre à la mission, elle se fait elle-même mission.



CHAPITRE III

JE VOUS AI ETABLIS POUR QUE

VOUS ALLIEZ ET QUE VOUS PORTIEZ DU

FRUIT


La co-responsabilité des fidèles laïcs dans

l'Eglise-Mission


Communion missionnaire

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Reprenons l'image biblique de la vigne et des sarments. Elle nous introduit de façon immédiate et naturelle à la considération de la fécondité et de la vie. Enracinés dans la vigne, vivifiés par elle, les sarments sont appelés à porter du fruit: "Moi, je suis la vigne, et vous, les sarments. Celui qui demeure en moi et en qui je demeure, celui-là donne beaucoup de fruit" (
Jn 15,5). Porter du fruit est une exigence essentielle de la vie chrétienne et ecclésiale. Celui qui ne porte pas de fruit ne reste pas dans la communion: "Tout sarment qui est en moi, mais qui ne porte pas de fruit, (mon Père) l'enlève" (Jn 15,2).

La communion avec Jésus, d'ou découle la communion des chrétiens entre eux, est absolument indispensable pour porter du fruit: "En dehors de moi, vous ne pouvez rien faire" (Jn 15,5) Et la communion avec les autres est le fruit le plus beau que les sarments peuvent porter: c'est, en effet, un don du Christ et de son Esprit.

Or, la communion engendre la communion et se présente essentiellement comme communion missionnaire. Jésus, en effet, dit à ses disciples: "Ce n'est pas vous qui m'avez choisi, c'est moi qui vous ai choisis et établis afin que vous alliez, que vous donniez du fruit et que votre fruit demeure" ( Jn 15,16).

La communion et la mission sont profondément unies entre elles, elles se compénétrent et s'impliquent mutuellement, au point que la communion représente la source et tout à la fois le fruit de la mission: la communion est missionnaire et la mission est pour la communion. C'est toujours le même et identique Esprit qui appelle et unit l'Eglise et qui l'envoie prêcher l'Evangile "jusqu'aux extrémités de la terre" (Ac 1,8). De son côté, l'Eglise sait que la communion, reçue en don, a une destination universelle. Ainsi donc, l'Eglise se sent débitrice, envers l'humanité entière et envers chaque homme, du don reçu de l'Esprit Saint, qui répand dans le coeur des croyants la charité de Jésus-Christ, force de cohésion interne et tout à la fois d'expansion au dehors. La mission de l'Eglise dérive de sa nature même, telle que le Christ l'a voulue: celle d'être "le signe et le moyen... de l'unité de tout le genre humain"(120). Cette mission a pour but de faire connaître et de faire vivre par tous la "nouvelle" communion qui, par le Fils de Dieu fait homme, est entrée dans l'histoire du monde. C'est en ce sens que le témoignage de l'évangéliste Jean définit de façon désormais irrévocable le terme "béatifiant" vers lequel tend l'entière mission de l'Eglise: "Ce que nous avons contemplé, ce que nous avons entendu, nous vous l'annonçons à vous aussi, pour que, vous aussi, vous soyez en communion avec nous. Et nous, nous sommes en communion avec le Père et avec son Fils, Jésus-Christ" ( 1Jn 1,3).

120- LG 1


Or, dans le contexte de la mission de l'Eglise, le Seigneur confie aux fidèles laïcs, en communion avec tous les autres membres du Peuple de Dieu, une grande part de responsabilité. Les Pères du Concile Vatican II en avaient bien conscience: "Les pasteurs savent bien l'importance de la contribution des laïcs au bien de l'Eglise entière. Ils savent qu'ils n'ont pas été eux-mêmes institués par le Christ pour assumer à eux seuls tout l'ensemble de la mission salutaire de l'Eglise à l'égard du monde, leur tâche magnifique consistant à remplir leur mission de pasteurs à l'égard des fidèles et à reconnaître les ministères et les grâces propres à ceux-ci d'une manière telle que tout le monde à sa façon et dans l'unité apporte son concours à l'oeuvre commune"(121). Leur conviction a été reprise ensuite, avec une clarté et une vigueur nouvelles, dans tous les travaux du Synode.

121- LG 30


Annoncer l'Evangile

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Les fidèles laïcs, précisément parce qu'ils sont membres de l'Eglise, ont la vocation et la mission d'annoncer l'Evangile: à cette activité ils sont habilités et engagés par les sacrements de l'initiation chrétienne et par les dons du Saint Esprit.
Nous lisons déjà dans un texte clair et dense du Concile Vatican II: "Participant à la fonction du Christ, prêtre, prophète et roi, les laïcs ont leur part active dans la vie et l'action de l'Eglise... Nourris par leur participation active à la vie liturgique de leur communauté, ils s'emploient avec zèle à ses oeuvres apostoliques; ils acheminent vers l'Eglise des hommes qui en étaient peut-être fort éloignés; ils collaborent avec ardeur à la diffusion de la parole de Dieu, particulièrement par les catéchismes; en apportant leur compétence, ils rendent plus efficace le ministère auprès des âmes, de même que l'administration des biens de l'Eglise"(122).

122-
AA 10


Or c'est dans l'évangélisation que se concentre et se déploie toute la mission de l'Eglise, dont le chemin historique se déroule sous la grâce et le commandement de Jésus-Christ: "Allez dans le monde entier. Proclamez la Bonne Nouvelle à toute la création" (Mc 16,15). "Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin du monde" (Mt 28,20). "Evangéliser écrit Paul VI c'est la grâce et la vocation propre de l'Eglise, son identité la plus profonde"(123).

123- EN 14


Par le moyen de l'évangélisation, l'Eglise se construit et se forme comme communauté de foi; plus précisément, comme communauté d'une foi confessée dans l'adhésion à la Parole de Dieu, célébrée
dans les sacrements, vécue dans la charité, qui est comme l'âme de l'existence morale chrétienne. En effet, la "bonne nouvelle" tend à éveiller dans le coeur et dans la vie de l'homme la conversion et l'attachement personnel à Jésus-Christ, Sauveur et Seigneur; elle dispose au Baptême et à l'Eucharistie et elle se renforce dans la résolution et la réalisation de la vie nouvelle selon l'Esprit.

Il est bien certain que le commandement de Jésus "Allez et prêchez l'Evangile" garde toujours vivante sa valeur et s'impose avec une urgence qui ne faiblit pas. Toutefois la situation actuelle, non seulement du monde mais aussi de tant de secteurs de l'Eglise, exige absolument que la parole du Christ reçoive une obéissance plus prompte et généreuse. Chaque disciple est appelé personnellement; aucun ne peut refuser de donner sa réponse personnelle: "Malheur à moi si je n'annonçais pas l'Evangile" ( 1Co 9,16).


L'heure est venue d'entreprendre une nouvelle évangélisation

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Des pays et des nations entières ou la religion et la vie chrétienne étaient autrefois on ne peut plus florissantes et capables de faire naître des communautés de foi vivante et active sont maintenant mises à dure épreuve et parfois sont même radicalement transformées, par la diffusion incessante de l'indifférence religieuse, de la sécularisation et de l'athéisme. Il s'agit en particulier des pays et des nations de ce qu'on appelle le Premier Monde, ou le bien-être économique et la course à la consommation, même s'ils côtoient des situations effrayantes de pauvreté et de misère, inspirent et alimentent une vie vécue "comme si Dieu n'existait pas". Actuellement l'indifférence religieuse et l'absence totale de signification qu'on attribue à Dieu, en face des problèmes graves de la vie, ne sont pas moins préoccupantes ni délétères que l'athéisme déclaré. La foi chrétienne, même lorsqu'elle survit en certaines de ses manifestations traditionnelles et rituelles, tend à être arrachée des moments les plus importants de l'existence, comme les moments de la naissance, de la souffrance et de la mort. De là vient que se posent forcément des questions et des énigmes terribles; elles restent sans réponse, et l'homme d'aujourd'hui se trouve exposé à la déception désespérée ou à la tentation de détruire la vie humaine elle-même, qui pose de tels problèmes.

En d'autres pays ou nations, au contraire, on conserve encore beaucoup de traditions très vivantes de piété et de sentiment chrétien; mais ce patrimoine moral et spirituel risque aussi de disparaître sous la poussée de nombreuses influences, surtout celles de la sécularisation et de la diffusion des sectes. Seule une nouvelle évangélisation peut garantir la croissance d'une foi claire et profonde, capable de faire de ces traditions une force de réelle liberté.

Assurément il est urgent partout de refaire le tissu chrétien de la société humaine. Mais la condition est que se refasse le tissu chrétien des communautés ecclésiales elles-mêmes qui vivent dans ces pays et ces nations.

Les fidèles laïcs sont donc aujourd'hui, en vertu de leur participation à la fonction prophétique du Christ, pleinement engagés dans cette tâche de l'Eglise. A eux, en particulier, il revient de témoigner que la foi constitue la seule réponse pleinement valable, que tous, plus ou moins consciemment, entrevoient et appellent, aux problèmes et aux espoirs que la vie suscite en chaque homme et en toute société. Cela sera possible si les fidèles laïcs savent surmonter en eux-mêmes la rupture entre l'Evangile et la vie, en sachant créer dans leur activité de chaque jour, en famille, au travail, en société, l'unité d'une vie qui trouve dans l'Evangile inspiration et force de pleine réalisation.

A tous les hommes d'aujourd'hui, je répète, une fois encore, le cri passionné par lequel j'ai ouvert mon service pastoral: "N'ayez pas peur, ouvrez, ouvrez toutes grandes les portes au Christ! A sa puissance salvatrice, ouvrez les frontières des Etats, les systèmes économiques comme les systèmes politiques, les vastes domaines de la culture, de la civilisation, du développement. N'ayez pas peur! Le Christ sait "ce qu'il y a dans l'homme". Seul Lui le sait. Aujourd'hui, bien souvent, l'homme ne sait pas ce qu'il porte au-dedans de lui-même, dans l'intime de son âme, dans les profondeurs de son coeur. De là vient que bien souvent il est incertain du sens de sa vie sur cette terre. Il est envahi par le doute, qui se change en désespoir. Permettez je vous en prie, je vous implore en toute humilité et confiance permettez au Christ de parler à l'homme. Seul Lui a des paroles de vie, oui, de vie éternelle"(124).

124- Jean Paul II, Homélie au début de son ministère de Pasteur Suprême de l'Eglise (22 octobre 1978); AAS 70 (1978), 947.


Ouvrir toutes grandes les portes au Christ, l'accueillir dans l'espace de sa propre existence humaine ne comporte aucune menace pour l'homme; bien au contraire, c'est le seul chemin à parcourir si l'on veut reconnaître l'homme dans sa vérité totale et l'exalter dans ses valeurs.

La synthèse vitale que les fidèles laïcs sauront opérer entre l'Evangile et les devoirs quotidiens de la vie sera le témoignage le plus beau et le plus convaincant pour montrer que ce n'est pas la peur, mais la recherche du Christ et l'attachement à sa personne qui sont le facteur déterminant pour que l'homme vive et grandisse, et pour que naissent de nouveaux modèles de vie plus conformes à la dignité humaine.

L'homme est aimé de Dieu! Telle est l'annonce si simple et si bouleversante que l'Eglise doit donner à l'homme. La parole et la vie de chaque chrétien peuvent et doivent faire retentir ce message: Dieu t'aime. Le Christ est venu pour toi, pour toi le Christ est "le Chemin, la Vérité et la Vie!" (
Jn 14,6). Cette nouvelle évangélisation, qui s'adresse non seulement à chacune des personnes, mais aussi à des groupes entiers de populations dans la diversité de leurs situations, de leurs milieux, de leurs cultures, est destinée à la formation de communions ecclésiales mûres, c'est-à-dire ou la foi répand et réalise tout son sens originel d'adhésion à la personne du Christ et à son Evangile, de rencontre et de communion sacramentelle avec Lui, d'existence vécue dans la charité et le service.

Les fidèles laïcs ont leur rôle à jouer dans la formation de ces communautés ecclésiales, non seulement par une participation active et responsable à la vie communautaire, et donc par leur témoignage irremplaçable, mais aussi par l'élan et l'action missionnaires en direction de tous ceux qui n'ont pas encore la foi ou qui ne vivent pas selon la foi reçue au Baptême.

En faveur des nouvelles générations, les fidèles laïcs ont à apporter une contribution précieuse, plus nécessaire que jamais, par un effort systématique de catéchèse. Les Pères du Synode ont manifesté leur gratitude pour le travail des catéchistes, reconnaissant qu'ils ont "une tâche de grande valeur dans l'animation des communautés ecclésiales"(125). Il va de soi que les parents chrétiens sont les premiers catéchistes, irremplaçables, de leurs enfants, habilités qu'ils sont à cette tâche par le sacrement du Mariage. Mais nous devons tous, en même temps, être convaincus du "droit" qui est celui de tout baptisé d'être instruit, éduqué, accompagné dans la foi et dans la vie chrétienne.

125- Propositio 10



1988 Christifideles laici 27