1988 Christifideles laici 43

Situer l'homme au centre de la vie économico-sociale

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Le service pour la société de la part des fidèles laïcs trouve un point d'action essentiel dans la question économico-sociale, dont la clé nous est fournie par l'organisation du travail.

La gravité actuelle de ces problèmes, saisie dans le panorama du développement et selon la proposition de solution offerte par la doctrine sociale de l'Eglise, a été rappelée récemment par l'Encyclique Sollicitudo rei socialis; je désire vivement vous y renvoyer tous, en particulier les fidèles laïcs.

Parmi les point forts de la doctrine sociale de l'Eglise se trouve le principe de la destination universelle des biens: les biens de la terre sont, dans le dessein de Dieu, offerts à tous les hommes et à chaque homme comme un moyen pour le développement d'une vie authentiquement humaine. Au service de cette destination, se place la propriété privée qui, précisément à cette fin, possède une fonction sociale intrinsèque.

Concrètement, le travail de l'homme et de la femme représente l'instrument le plus commun et le plus immédiat du développement de la vie économique, instrument qui constitue à la fois un droit et un devoir pour chaque personne humaine.

Tout cela rentre de façon particulière dans la mission des fidèles laïcs. La fin et le critère de leur présence et de leur action sont formulés en termes généraux par le Concile Vatican II: "Dans la vie économico-sociale aussi, il faut honorer et promouvoir la dignité de la personne humaine, sa vocation intégrale et le bien de toute la société. C'est l'homme en effet qui est l'auteur, le centre et le but de toute la vie économico-sociale"(158).

158-
GS 63


Dans le contexte des transformations qui se produisent dans le monde du travail et de l'économie et le bouleversent, que les fidèles laïcs soient parmi les premiers à s'employer à la solution des problèmes très graves du chômage croissant, qu'ils luttent pour venir à bout des nombreuses injustices qui découlent d'organisations incorrectes du travail, qu'ils s'efforcent de faire du lieu de travail un lieu ou vit une communauté de personnes respectées dans leur particularité et dans leur droit à la participation, qu'ils tâchent de développer de nouvelles solidarités entre ceux qui participent au travail commun, de susciter de nouvelles formes d'entreprises et de provoquer une révision des systèmes de commerce, de finance et d'échanges technologiques.

Dans ce but, les fidèles laïcs doivent remplir leur tâche avec compétence professionnelle, avec honnêteté humaine, avec esprit chrétien, comme moyen de leur propre sanctification(159), selon l'invitation qui nous est adressée par le Concile: "Par son travail, l'homme assure habituellement sa subsistance et celle de sa famille, s'associe à ses frères et leur rend service, peut pratiquer une vraie charité et coopérer à l'achèvement de la création divine. Bien plus, par l'hommage de son travail à Dieu, nous tenons que l'homme est associé à l'oeuvre rédemptrice de Jésus-Christ qui a donné au travail une dignité éminente en oeuvrant de ses propres mains à Nazareth"(160).

159- Propositio 24
160- GS 67 LE 24-27


En rapport avec la vie économico-sociale et le travail, aujourd'hui se pose, et de façon toujours plus aiguë, la question dite de "l'écologie". Assurément, l'homme a reçu de Dieu la tâche de "dominer" les choses créées et de "cultiver le jardin" du monde; mais cette tâche, l'homme doit s'en acquitter dans le respect de l'image divine qu'il a reçue, et donc avec intelligence et amour: il doit se sentir responsable des dons que Dieu lui a prodigués et lui prodigue sans cesse. L'homme dispose d'un don qui doit passer si possible, amélioré aux générations futures, qui sont, elles aussi, les destinataires des dons du Seigneur: "La domination accordée par le Créateur à l'homme... n'est pas un pouvoir absolu, et l'on ne peut parler de liberté "d'user et d'abuser", ou de disposer des choses comme on l'entend. La limitation imposée symboliquement par l'interdiction de "manger le fruit de l'arbre" (cf. Gn 2,16-17), montre avec suffisamment de clarté que, dans le cadre de la nature visible,... nous sommes soumis à des lois non seulement biologiques mais aussi morales, que l'on ne peut transgresser impunément. Une juste conception du développement ne peut faire abstraction de ces considérations relatives à l'usage des éléments de la nature, au renouvellement des ressources et aux conséquences d'une industrialisation désordonnée ; elles proposent encore une fois à notre conscience la dimension morale qui doit marquer le développement"(161).

161- SRS 34



Evangéliser la culture et les cultures de l'homme

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Le service de la personne et de la société humaine se traduit et se réalise à travers la création et la transmission de la culture, qui, surtout de nos jours, constitue l'une des tâches les plus graves de la cohabitation des hommes et de l'évolution sociale. A la lumière du Concile, nous entendons par "culture" "tout ce par quoi l'homme affine et développe les multiples capacités de son esprit et de son corps; s'efforce de soumettre l'univers par la connaissance et le travail; humanise la vie sociale, aussi bien la vie familiale que l'ensemble de la vie civile, grâce au progrès des moeurs et des institutions; traduit, communique et conserve enfin dans ses oeuvres, au cours des temps, les grandes expériences spirituelles et les aspirations majeures de l'homme, afin qu'elles servent au progrès d'un grand nombre et même de tout le genre humain"(162). En ce sens, la culture doit être considérée comme le bien commun de chaque peuple, l'expression de sa dignité, de sa liberté et de sa créativité, le témoignage de son cheminement historique. En particulier, c'est seulement à l'intérieur et par le moyen de la culture que la foi chrétienne devient historique et créatrice d'histoire.

162-
GS 53


En face d'une culture qui se présente comme détachée non seulement de la foi chrétienne mais même des valeurs humaines(163), comme aussi devant une certaine culture scientifique et technologique impuissante à fournir une réponse à la demande de vérité et de bien qui brûle dans le coeur des hommes, l'Eglise a pleinement conscience qu'il est urgent, du point de vue pastoral, de réserver à la culture une attention toute particulière.

163- Propositio 35


C'est pourquoi l'Eglise demande aux fidèles laïcs d'être présents, guidés par le courage et la créativité intellectuelle, dans les postes privilégiés de la culture, comme le sont le monde de l'école et de l'université, les centres de la recherche scientifique et technique, les lieux de la création artistique et de la réflexion humaniste. Cette présence a pour but non seulement de reconnaître et éventuellement de purifier les éléments de la culture existante, en les soumettant à une sage critique, mais aussi à accroître leur valeur, grâce aux richesses originales de l'Evangile et de la foi chrétienne. Ce que le Concile Vatican II écrit au sujet du rapport entre l'Evangile et la culture correspond à un fait historique constant et constitue en même temps un idéal d'action d'une actualité et d'une urgence particulières; c'est un programme important proposé à la responsabilité pastorale de toute l'Eglise, et par là à la responsabilité spécifique des fidèles laïcs: "La Bonne Nouvelle du Christ rénove constamment la vie et la culture de l'homme déchu; elle combat et écarte les erreurs et les maux qui proviennent de la séduction permanente du péché. Elle ne cesse de purifier et d'élever la moralité des peuples. Par les richesses d'en-haut, elle féconde comme de l'intérieur les qualités spirituelles et les dons propres à chaque peuple et à chaque âge, elle les fortifie, les parfait et les restaure dans le Christ. Ainsi l'Eglise, en remplissant sa propre mission, concourt déjà, par là même, à l'oeuvre civilisatrice et elle y pousse; son action, même liturgique, contribue à former la liberté intérieure de l'homme"(164).

164- GS 58


Il est utile de réentendre ici certaines expressions particulièrement significatives de l'Exhortation Evangelii nuntiandi de Paul VI: "L'Eglise évangélise lorsque, par la seule puissance divine du Message qu'elle proclame (cf. Rm 1,16 1Co 1,18 1Co 2,4), elle cherche à convertir en même temps la conscience personnelle et collective des hommes, l'activité dans laquelle ils s'engagent, la vie et le milieu concret qui sont les leurs. Des zones d'humanité se transforment: pour l'Eglise il ne s'agit pas seulement de prêcher l'Evangile dans des tranches géographiques toujours plus vastes ou à des populations toujours plus massives, mais aussi d'atteindre et comme de bouleverser par la force de l'Evangile les critères de jugement, les valeurs déterminantes, les centres d'intérêt, les lignes de pensée, les sources inspiratrices et les modèles de vie de l'humanité, lorsqu'elles sont en contraste avec la Parole de Dieu et le dessein du salut. Nous pourrions exprimer tout cela en disant: il importe d'évangéliser non pas de façon décorative, comme par un vernis superficiel, mais de façon vitale, en profondeur et jusque dans leurs racines la culture et les cultures de l'homme... La rupture entre Evangile et culture est sans doute le drame de notre époque, comme ce fut aussi celui d'autres époques. Aussi faut-il faire tous les efforts en vue d'une généreuse évangélisation de la culture, plus exactement des cultures"(165).

165- EN 18-19


La voie actuellement la plus favorable pour la création et la transmission de la culture, ce sont les instruments de communication sociale (166). Le monde des mass-media, à la suite du développement accéléré des inventions, et de leur influence tout à la fois planétaire et capillaire sur la formation de la mentalité et des moeurs, représente une nouvelle frontière de la mission de l'Eglise. En particulier, la responsabilité professionnelle des fidèles laïcs en ce domaine, qu'elle s'exerce à titre personnel ou à travers des initiatives et des institutions communautaires, doit être reconnue dans toute sa valeur et soutenue par des ressources matérielles, intellectuelles et pastorales mieux adaptées.

166- Propositio 37


Concernant l'utilisation des instruments de communication, qu'il s'agisse de la production des programmes ou de leur réception, il est urgent d'exercer, d'une part, une activité éducative du sens critique, animé par la passion de la vérité, et, d'autre part, une action visant à défendre la liberté et le respect de la dignité de la personne, et à favoriser la culture authentique des peuples, par un refus ferme et courageux de toute forme de monopolisation et de manipulation.

La responsabilité apostolique des fidèles laïcs ne s'arrête pas à ce seul travail de défense: sur toutes les routes du monde, même sur les grandes routes de la presse, du cinéma, de la radio, de la télévision, du théâtre, doit être annoncé l'Evangile qui nous sauve.



CHAPITRE IV

LES OUVRIERS DE LA VIGNE DU SEIGNEUR


Excellents administrateurs

de la grâce multiforme de Dieu


La variété des vocations

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Selon la parabole évangélique, le "maître du domaine" appelle les ouvriers à sa vigne aux différentes heures de la journée: certains au lever du jour, d'autres vers neuf heures du matin, d'autres encore vers midi et vers trois heures, les derniers vers cinq heures (cf.
Mt 20,1 cf. et suiv.). En commentant cette page de l'Evangile, Saint Grégoire le Grand interprète les différentes heures de l'appel, en les rapprochant des âges de la vie: "On peut appliquer la diversité des heures dit-il aux divers âges de l'homme. Le matin peut certainement représenter, selon notre interprétation, l'enfance. La troisième heure ensuite peut représenter l'adolescence: le soleil se déplace vers le haut du ciel, ce qui signifie que l'ardeur de l'âge augmente. La sixième heure, c'est la jeunesse: le soleil se trouve comme au milieu du ciel, en cet âge, disons, ou se renforce la plénitude de la vigueur. La vieillesse représente la neuvième heure, parce que, de même que le soleil décline de son point le plus haut, cet âge aussi commence à perdre l'ardeur de la jeunesse. La onzième heure indique ceux qui sont avancés en âge... Les ouvriers donc sont appelés à la vigne à des heures différentes, comme pour signifier que l'un est appelé à la sainteté au moment de son enfance, un autre dans sa jeunesse, un autre dans son âge mûr, et un autre à un âge plus avancé"(167).

167- S. Grégoire le Grand, Hom. in Evang. I,XIX,2 ; PL 76,1155.


Nous pouvons reprendre le commentaire de Saint Grégoire le Grand et l'étendre encore plus à la variété extraordinaire des personnes présentes dans l'Eglise, qui sont, toutes et chacune, appelées à travailler pour l'avènement du Royaume de Dieu, selon la diversité des vocations et des situations, des charismes et des ministères. C'est une variété liée, non pas seulement à l'âge, mais aussi à la différence du sexe et à la diversité des qualités, comme aussi aux vocations et aux conditions de vie: c'est une variété qui rend plus vive et plus concrète la richesse de l'Eglise.


Jeunes, enfants, personnes âgées


Les jeunes, espoir de l'Eglise

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Le Synode a voulu réserver une attention particulière aux jeunes. Et très justement. En beaucoup de pays du monde, ils représentent la moitié de la population totale, et, souvent, la moitié en chiffre du peuple de Dieu lui-même qui vit dans ces pays. Sous cet aspect, les jeunes forment déjà une force exceptionnelle et sont un grand défi pour l'avenir de l'Eglise. Dans les jeunes, en effet, l'Eglise lit la voie à suivre vers l'avenir qui l'attend, et elle trouve là l'image et le rappel de cette jeunesse joyeuse dont l'esprit du Christ l'enrichit sans cesse. C'est dans ce sens que le Concile a défini les jeunes "l'espérance de l'Eglise"(168).

168-
GE 2


Dans la Lettre aux jeunes gens et jeunes filles du monde, le 31 mars 1985, nous lisons: "L'Eglise regarde les jeunes; mieux, l'Eglise, d'une manière spéciale, se regarde elle-même dans les jeunes, en vous tous et en même temps en chacun et chacune de vous. Il en fut ainsi dès les débuts, dès les temps apostoliques. Les paroles de Saint Jean dans sa Première Lettre peuvent en être une preuve spéciale: "Je vous l'écris, jeunes gens: Vous avez vaincu le Mauvais. Je vous l'ai écrit, petits enfants: Vous connaissez le Père... Je vous l'ai écrit à vous, jeunes gens: Vous êtes forts, la parole de Dieu demeure en vous" ( 1Jn 2,13 cf. suiv.). Dans notre génération, au terme du second millénaire après Jésus-Christ, l'Eglise elle aussi se regarde dans les jeunes"(169).

169- Jean Paul II, Lettre Ap. à tous les Jeunes du monde, à l'occasion de l'"Année internationale de la Jeunesse", 15 ; AAS 77 (1985), 620-621.


Les jeunes gens ne doivent pas être regardés simplement comme l'objet de la sollicitude pastorale de l'Eglise: ils sont en fait, et ils doivent être encouragés à "devenir des sujets actifs, qui prennent part à l'évangélisation et à la rénovation sociale" (170). La jeunesse est le temps d'une découverte particulièrement intense du propre "moi" et du propre "projet de vie"; c'est le temps d'une croissance qui doit se réaliser "en sagesse, âge et grâce devant Dieu et devant les hommes" ( Lc 2,52).

170- Propositio 52


Comme l'ont dit les Pères du Synode: "La sensibilité des jeunes perçoit profondément les valeurs de la justice, de la non violence et de la paix. Leur coeur est ouvert à la fraternité, à l'amitié et à la solidarité. Ils se mobilisent au maximum en faveur des causes qui regardent la qualité de la vie et la conservation de la nature. Mais ils sont aussi chargés d'inquiétudes, de déceptions, d'angoisses et de peurs du monde, en plus des tentations propres à leur état"(171).

171- Propositio 51


L'Eglise doit revivre l'amour de prédilection dont Jésus a donné témoignage au jeune homme: "Posant alors son regard sur lui, Jésus se mit à l'aimer" (Mc 10,21). Voilà pourquoi l'Eglise inlassablement annonce Jésus-Christ; elle proclame son Evangile comme l'unique et surabondante réponse aux aspirations les plus radicales des jeunes, comme une proposition exaltante d'adhésion personnelle: "viens et suis-moi" (Mc 10,21), qui comporte le partage de l'amour filial de Jésus pour le Père et la participation à sa mission de salut pour l'humanité.

L'Eglise a tant de choses à dire aux jeunes et les jeunes ont tant de choses à dire à l'Eglise. Ce dialogue réciproque, qu'il faut mener avec une grande cordialité, dans la clarté, avec courage, favorisera la rencontre des générations et des échanges entre elles, il sera une source de richesse et de jeunesse pour l'Eglise et pour la société civile. Dans son message aux jeunes, le Concile déclare: "L'Eglise vous regarde avec confiance et avec amour... Elle est la vraie jeunesse du monde... Regardez-la et vous retrouverez en elle le visage du Christ"(172).

172- Conc. oecum. Vat. II, Nuntii "Aux jeunes" (8 décembre 1965) ; AAS 58 (1966), 18


Les enfants et le Royaume des cieux

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Les enfants sont, assurément, le terme de l'amour délicat et généreux du Seigneur Jésus: c'est à eux qu'il réserve sa bénédiction et, qui plus est, qu'il assure le Royaume des Cieux (cf.
Mt 19,13-15 Mc 10,14). En particulier, Jésus exalte le rôle actif que les petits jouent dans le Royaume de Dieu: ils sont le symbole éloquent et l'image splendide des conditions morales et spirituelles qui sont essentielles pour entrer dans le Royaume de Dieu et pour vivre une vie de confiance totale au Seigneur: "En vérité, je vous le dis, si vous ne changez pas pour devenir comme les petits enfants, vous n'entrerez point dans le Royaume des cieux. Mais celui qui se fera petit comme cet enfant, c'est celui-là qui est le plus grand dans le Royaume des cieux. Et celui qui accueillera un enfant comme celui-ci en mon Nom, c'est moi qu'il accueille" (Mt 18,3-5 cf. Lc 9,48).

Les enfants nous rappellent que la fécondité missionnaire de l'Eglise a sa racine vivifiante non pas dans les moyens ou les mérites humains, mais dans le don absolument gratuit de Dieu. La vie d'innocence et de grâce des enfants, mais aussi les souffrances qu'on leur inflige injustement, deviennent, en vertu de la Croix du Christ, une source d'enrichissement spirituel pour eux et pour l'Eglise entière: de cela, tous, nous devons avoir une conscience très vive et pleine de gratitude.

Il faut reconnaître, au surplus, qu'à l'âge de l'enfance s'ouvrent de précieuses possibilités d'action, autant pour l'édification de l'Eglise que pour l'humanisation de la société. Tout ce qu'affirme le Concile quand il parle de la présence bénéfique des enfants à l'intérieur de la famille, "Eglise domestique" "Membres vivants de la famille, les enfants concourent, à leur manière, à la sanctification des parents"(173) peut se dire aussi des petits enfants par rapport à l'Eglise particulière et universelle. Déjà Jean Gerson, théologien et éducateur du xvème siècle, le notait en ces termes: "Les enfants et les jeunes sont loin d'être une part négligeable de l'Eglise"(174).

173- GS 48
174- Jean GERSON, De parvulis ad Christum trabendis ; oeuvres complètes, Desclée, Paris 1973, IX, 669


Les personnes âgées et le don de la sagesse

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Aux personnes âgées, que souvent, bien à tort, on considère comme des êtres inutiles, quand ce n'est pas comme un poids insupportable, je rappelle que l'Eglise demande et attend d'elles qu'elles poursuivent leur mission apostolique et missionnaire, mission qui non seulement est une tâche possible et un devoir, même à cet âge, mais qui, à cet âge précisément, prend une forme spécifique et originale.

La Bible nous présente l'homme âgé comme le symbole de la personne riche de sagesse et de crainte de Dieu (cf.
Si 25,4-6). En ce sens, le "don" de l'homme âgé pourrait se définir comme celui d'être, dans l'Eglise et la société, le témoin de la tradition de foi (cf. Ps 44,2 Ex 12,26-27), le maître de vie (cf.Si 6,34 Si 8,11-12), l'artisan de charité.

De nos jours l'accroissement du nombre des personnes âgées en différents pays du monde et le départ anticipé à la retraite ouvrent de nouveaux espaces au travail apostolique des personnes âgées: c'est là une tâche à assumer avec courage, en surmontant résolument la tentation de se replier nostalgiquement sur un passé qui ne reviendra plus et de se refuser à un engagement présent, à cause des difficultés rencontrées dans un monde sans cesse nouveau; il s'agit, au contraire, de prendre sans cesse une conscience plus claire de son rôle personnel dans l'Eglise et dans la société, car ce rôle ne connaît pas d'arrêt provoqué par l'âge, mais ne fait que prendre des aspects nouveaux. Comme le chante le psalmiste: "Dans la vieillesse, ils portent encore du fruit, ils restent pleins de sève et de verdeur, proclamant la droiture du Seigneur" (Ps 92,15-16). Je répète ce que j'ai dit au cours de la célébration pour le Jubilé des Personnes âgées: "L'entrée dans le troisième âge doit être regardée comme un privilège: non seulement parce que tout le monde n'a pas la chance d'atteindre cette étape, mais aussi et surtout parce que c'est le temps ou il est concrètement possible de mieux examiner le passé, de mieux connaître et de vivre plus intensément le mystère pascal, de devenir un exemple dans l'Eglise pour le peuple de Dieu tout entier... Malgré la complexité des problèmes à résoudre, la diminution progressive des forces, malgré les insuffisances des organismes sociaux, les lenteurs de la législation officielle, les incompréhensions d'une société égoïste, vous n'êtes pas et vous ne devez pas vous croire en marge de la vie de l'Eglise, ni éléments passifs d'un monde en excès de vitesse, mais sujets actifs d'une période humainement et spirituellement féconde de l'existence humaine. Vous avez encore une mission à remplir, une contribution à apporter. Selon le dessein de Dieu, chaque être humain est une vie en croissance, depuis la première étincelle de son existence jusqu'à son dernier soupir"(175).

175- Jean Paul II, Discours à des groupes du Troisième Age des Diocèses italiens (23 mars 1984) ; Insegnamenti, VII,1 (1984), 744


Femmes et hommes

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Les Pères du Synode ont porté une attention spéciale à la condition et au rôle de la femme, dans une double intention: reconnaître eux-mêmes et inviter chacun, une fois de plus, à reconnaître l'indispensable contribution de la femme à l'édification de l'Eglise et au développement de la société; procéder, en outre, à une analyse plus spécifique de la participation de la femme à la vie et à la mission de l'Eglise.

En faisant référence à Jean XXIII, qui voyait un signe des temps dans la conscience que la femme avait de sa propre dignité et dans l'entrée des femmes dans la vie publique(176), les Pères du Synode ont affirmé à plusieurs reprises et avec vigueur, en face des formes les plus variées de discrimination et de marginalisation auxquelles est soumise la femme du seul fait qu'elle est femme, l'urgence de défendre et de promouvoir la dignité personnelle de la femme, et donc son égalité avec l'homme.

176- Cf. Jean XXIII, Encycl. Pacem in terris ; AAS 55 (1963), 267-268


Si telle est, dans l'Eglise et dans la société, la tâche de tous, c'est, en particulier, celle des femmes elles-mêmes; elles doivent se sentir engagées comme protagonistes au premier rang. Il y a encore tant d'efforts à faire, en de nombreuses parties du monde et en divers milieux, pour que soit détruite la mentalité injuste et délétère qui considère l'être humain comme une chose, une marchandise, un instrument mis au service de l'intérêt égoïste et de la recherche du plaisir, d'autant plus que, de pareille mentalité, c'est la femme qui est la première victime. La reconnaissance franche et nette de la dignité personnelle de la femme constitue le premier pas à faire pour promouvoir sa pleine participation tant à la vie de l'Eglise qu'à la vie sociale et publique. Il faut que soit apportée une réponse plus résolue à la demande qui a été faite par l'Exhortation Apostolique Familiaris consortio au sujet des nombreuses discriminations dont les femmes sont victimes: "Je demande donc à tous de s'engager dans une action pastorale spécifique plus vigoureuse et plus incisive afin que ces discriminations soient définitivement éliminées et que l'on arrive à une pleine estime de l'image de Dieu qui resplendit en tout être humain sans aucune exception"(177). Dans le même ordre d'idées, les Pères synodaux ont affirmé: "L'Eglise, dans l'expression de sa mission, doit s'opposer avec fermeté à toutes les formes de discrimination et d'abus dont les femmes sont victimes"(178). Et encore: "La dignité de la femme, gravement blessée dans l'opinion publique, doit être retrouvée, grâce au respect réel des droits de la personne humaine et à la mise en pratique de la doctrine de l'Eglise"(179).

177-
FC 24
178- Propositio 46
179- Propositio 47


Pour ce qui regarde, en particulier, la participation active et responsable à la vie et à la mission de l'Eglise, il faut noter que déjà le Concile Vatican II a été explicite dans son invitation: "Comme, de nos jours, les femmes ont une part de plus en plus active dans toute la vie de la société, il est très important que grandisse aussi leur participation dans les divers secteurs de l'apostolat de l'Eglise"(180).

180- AA 9


La prise de conscience des dons et des responsabilités particulières de la femme, ainsi que de sa vocation spéciale, a grandi et s'est approfondie dans cette période de l'après Concile; cette prise de conscience trouve son inspiration la plus originale dans l'Evangile et dans l'histoire de l'Eglise. Pour qui a la foi, en effet, l'Evangile, c'est-à-dire la parole et l'exemple de Jésus-Christ, reste le point de référence nécessaire et déterminant, un point de référence on ne peut plus fécond et rénovateur dans le moment historique que nous vivons.

Sans être appelées à l'apostolat propre aux Douze, et donc au sacerdoce ministériel, beaucoup de femmes accompagnent Jésus dans son ministère et assistent le groupe des Apôtres (cf. Lc 8,2-3) ; elles sont présentes près de la Croix (cf. Lc 23,49) ; elles assistent à la sépulture de Jésus (cf. Lc 23,55) et le matin de Pâques elles reçoivent et transmettent l'annonce de la Résurrection (cf.Lc 24,1-10) ; elles prient avec les Apôtres au Cénacle dans l'attente de la Pentecôte (cf.Ac 1,14).

Dans le sillage de l'Evangile, l'Eglise des origines se détache de la culture du temps et invite la femme à des tâches liées à l'évangélisation. Dans ses Lettres, l'apôtre Paul cite par leur nom un certain nombre de femmes en raison de leurs fonctions diverses à l'intérieur et au service des premières communautés ecclésiales (cf. Rm 16,1-15 Ph 4,2-3 Col 4,15 1Co 11,5 1Tm 5,16). "Si le témoignage des Apôtres fonde l'Eglise a dit Paul VI celui des femmes contribue grandement à nourrir la foi des communautés chrétiennes"(181).

181- Paul VI, Discours au Comité pour l'Année Internationale de la Femme (18 avril 1975) ; AAS 67 (1975), 266


De même qu'aux origines, ainsi également dans le développement qui a suivi, l'Eglise a toujours connu avec, évidemment, des différences d'aspect et d'accents des femmes qui ont rempli un rôle parfois décisif et assumé des tâches de valeur considérable pour l'Eglise elle-même. C'est là une histoire d'activité immense, le plus souvent humble et discrète, mais qui n'en a pas moins été décisive pour la croissance et pour la sainteté de l'Eglise. Il faut que cette histoire se poursuive, bien mieux, qu'elle s'élargisse et s'intensifie, allant de pair avec la prise de conscience élargie et universalisée de la dignité personnelle de la femme et de sa vocation, et, d'autre part, avec l'urgence d'une "nouvelle évangélisation" et d'une plus vaste "humanisation" des relations sociales.

Reprenant la consigne du Concile Vatican II qui reflète le message de l'Evangile et aussi l'histoire de l'Eglise, les Pères du Synode ont, entre autres choses, formulé cette "recommandation" précise: "Il faut que l'Eglise, par sa vie et par sa mission, reconnaisse tous les dons des femmes et des hommes et les traduise dans la pratique"(182). Et encore: "Ce Synode proclame que l'Eglise exige la reconnaissance et l'emploi de tous ces dons, de ces expériences et aptitudes des hommes et des femmes pour que sa mission soit plus efficace (cf. Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Instruction sur la liberté chrétienne et la libération, 72)"(183).

182- Propositio 46
183- Propositio 47


Fondements anthropologiques et théologiques

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Si l'on veut assurer aux femmes la place à laquelle elles ont droit dans l'Eglise et dans la société, une condition s'impose: l'étude sérieuse et approfondie des fondements anthropologiques de la condition masculine et féminine, visant à préciser l'identité personnelle propre de la femme dans sa relation de diversité et de complémentarité réciproque avec l'homme, et cela, non seulement pour ce qui regarde les rôles à jouer et les fonctions à assurer, mais aussi et plus profondément pour ce qui regarde la structure de la personne et sa signification. Les Pères du Synode ont ressenti vivement cette exigence en affirmant que "les fondements anthropologiques et théologiques ont besoin d'études approfondies en vue de la solution des problèmes relatifs au vrai sens et à la dignité des deux sexes"(184).

184- Propositio 47


En s'engageant dans une réflexion sur les fondements anthropologiques et théologiques de la condition féminine, l'Eglise assure sa présence dans le processus historique des divers mouvements de promotion de la femme et, pénétrant jusqu'aux racines de l'être personnel de la femme, elle y apporte sa contribution la plus précieuse. Mais avant tout et plus fortement encore, l'Eglise entend, de cette façon, obéir à Dieu qui, en créant l'homme "à son image", "les créa homme et femme" (
Gn 1,27) ; elle entend accueillir l'appel de Dieu à connaître, à admirer et à vivre son dessein de Créateur. C'est un dessein qui "au commencement" a été imprimé de façon indélébile dans l'être même de la personne humaine homme et femme et, par conséquent, dans ses structures signifiantes et dans ses profonds dynamismes. Et justement, ce dessein, plein de sagesse et d'amour, demande à être exploré dans toute sa richesse qui, à partir du "commencement", s'est progressivement manifestée et réalisée tout au long de l'histoire du salut, et a atteint son sommet dans la "plénitude du temps", lorsque "Dieu a envoyé son Fils, né d'une femme" (Ga 4,4). Cette "plénitude" continue dans l'histoire: la lecture du dessein de Dieu se poursuit et doit se poursuivre sans cesse dans la foi de l'Eglise, grâce aussi à la vie de tant de femmes chrétiennes. L'apport offert par les différentes sciences humaines et les diverses cultures n'est pas à négliger; grâce à un discernement éclairé, cet apport pourra aider à recevoir et à préciser les valeurs et les exigences qui appartiennent à l'essence durable de la femme, ainsi que celles qui sont liées à l'évolution historique des cultures. Comme nous le rappelle le Concile Vatican II: "L'Eglise affirme que, sous tous les changements, bien des choses demeurent qui ont leur fondement ultime dans le Christ, le même hier, aujourd'hui et à jamais (cf.He 13,8) "(185).

185- GS 10


Les fondements anthropologiques et théologiques de la dignité personnelle de la femme sont considérés dans la Lettre Apostolique sur la dignité et la vocation de la femme. Ce document, qui reprend, développe et spécifie les réflexions de la catéchèse du mercredi consacrée pendant une longue période à la "théologie du corps", veut être à la fois l'accomplissement d'une promesse formulée dans l'Encyclique Redemptoris Mater (186) et la réponse à la demande des Pères du Synode.

186- L'Encyclique Redemptoris Mater, après avoir rappelé que la dimension mariale de la vie chrétienne prend une accentuation particulière dans le rapport à la femme et à sa condition, écrit: "En effet, la féminité se trouve particulièrement liée à la Mère du Rédempteur. C'est là un thème que nous pourrons approfondir en une autre occasion. Je veux seulement souligner ici que la figure de Marie de Nazareth projette une lumière sur la femme en tant que telle, du fait même que Dieu, dans le sublime événement de l'incarnation du Fils, a eu recours au service, libre et actif, d'une femme. On peut donc affirmer que la femme, si elle regarde Marie, trouve en elle le secret pour vivre dignement sa féminité et réaliser sa véritable promotion. A la lumière de Marie, l'Eglise découvre sur le visage de la femme les reflets d'une beauté qui est comme le miroir des sentiments les plus élevés dont le coeur humain soit capable : la plénitude du don de soi suscité par l'amour ; la force qui sait résister aux plus grandes souffrances ; la fidélité sans limite et l'activité inlassable ; la capacité d'harmoniser l'intuition pénétrante avec la parole de soutien et d'encouragement". Jean Paul II RMA 46.


La lecture de la Lettre Mulieris dignitatem, du fait même de son caractère de méditation biblico-théologique, pourra être inspirante pour tous, hommes et femmes, et stimuler en particulier les représentants des sciences humaines et des disciplines théologiques à poursuivre leur étude critique, afin d'approfondir toujours mieux, sur la base de la dignité personnelle de l'homme et de la femme et de leur relation réciproque, les valeurs et les dons spécifiques de la féminité et de la masculinité, non seulement dans le domaine de la vie sociale, mais encore et surtout dans celui de l'existence chrétienne et ecclésiale.

La méditation sur les fondements anthropologiques et théologiques de la féminité doit éclairer et guider la réponse chrétienne à la demande que l'on pose si souvent, et parfois de façon si incisive, au sujet de "l'espace" que la femme peut et doit occuper dans l'Eglise et dans la société.

De la parole et de l'attitude du Christ, qui sont des normes pour l'Eglise, il ressort très clairement qu'aucune discrimination n'existe sur le plan du rapport avec le Christ, en qui "il n'y a plus l'homme et la femme, car tous vous ne faites plus qu'un dans le Christ Jésus" (Ga 3,28), et sur le plan de la participation à la vie et à la sainteté de l'Eglise, comme l'atteste merveilleusement la prophétie de Joël, réalisée par la Pentecôte: "Je répandrai mon Esprit sur toute chair et vos fils et filles prophétiseront" (Jl 3,1 cf. Ac 2,17 cf. suiv.). Comme on le lit dans la Lettre Apostolique sur la dignité et la vocation de la femme: "Tous deux la femme comme l'homme... sont au même titre susceptibles de bénéficier de la vérité divine et de l'amour dans l'Esprit Saint. L'un et l'autre accueillent sa "venue" salvifique et sanctifiante"(187).

187- MD 16



1988 Christifideles laici 43