1988 Christifideles laici 58

Découvrir et vivre sa vocation et sa mission personnelles

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La formation des fidèles laïcs a comme objectif fondamental la découverte toujours plus claire de leur vocation personnelle et la disponibilité toujours plus grande à la vivre dans l'accomplissement de leur propre mission.

Dieu m'appelle et Il m'envoie comme ouvrier à sa vigne; Il m'appelle et Il m'envoie travailler à l'avènement de son Règne dans l'histoire: cette vocation et cette mission personnelles définissent la dignité et la responsabilité de chaque fidèle laïc, et elles constituent la ligne de force de toute l'oeuvre de formation. Celle-ci a pour but d'aider à reconnaître avec joie et gratitude cette dignité et à faire face fidèlement et généreusement à cette responsabilité.

Dieu, en effet, a pensé à nous de toute éternité et Il nous a aimés comme des personnes uniques et irremplaçables, appelant chacun de nous par son nom propre, comme le Bon Pasteur, qui "appelle ses brebis par leur nom" (
Jn 10,3). Mais le plan éternel de Dieu ne se révèle à chacun de nous que dans le développement historique de sa vie et de ses vicissitudes, et de ce fait, graduellement: en un certain sens, jour après jour.

Or, pour pouvoir découvrir la volonté concrète du Seigneur sur notre vie, les conditions indispensables sont: l'écoute prompte et docile de la parole de Dieu, la prière fidèle et constante, la relation avec un guide spirituel sage et aimant, la lecture, dans la foi, des dons et des talents reçus et, en même temps, des diverses situations sociales et historiques ou l'on est place.

Dans la vie de chaque fidèle laïc, il y a, en outre, des moments particulièrement significatifs et décisifs pour discerner l'appel de Dieu et pour recevoir la mission qu'Il confie: parmi ces moments, il y a le temps de l'adolescence et de la jeunesse. Que personne cependant n'oublie que le Seigneur, comme le maître du domaine dans la parabole, appelle dans le sens qu'Il fait connaître sa sainte volonté de façon concrète et précise à toutes les heures de la vie; voilà pourquoi la vigilance, dans le sens d'attention empressée à la voix de Dieu, est une attitude fondamentale et constante du disciple.

Quoiqu'il en soit, il ne s'agit pas simplement de savoir ce que Dieu veut de nous, de chacun de nous, dans les différentes situations de la vie. Il faut faire ce que Dieu veut; c'est ce que nous rappelle la parole de Marie, la Mère de Dieu, s'adressant aux serviteurs à Cana: "Faites tout ce qu'il vous dira" (Jn 2,5).

Et pour agir en toute fidélité à la volonté de Dieu, il faut en être capables, et s'en rendre toujours plus capables. Avec la grâce du Seigneur, assurément: Elle ne manque jamais, comme le dit Saint Léon le Grand: "Celui qui vous a donné la dignité, vous donnera la force!"(210). Mais aussi avec la coopération libre et responsable de chacun de nous.

210- "Dabit virtutem, qui contulit dignitatem" (S. Léon le Grand, Serm. II,1 : S. Ch. 200,248).


Telle est la tâche merveilleuse et absorbante qui attend tous les fidèles laïcs, tous les chrétiens, sans aucun répit: connaître toujours plus les richesses de la foi et du Baptême et les vivre en une plénitude sans cesse croissante, comme nous y exhorte l'apôtre Pierre, qui parle de naissance et de croissance comme de deux étapes de la vie chrétienne: "Soyez semblables à des enfants nouveau-nés, soyez avides de la Parole, comme d'un lait pur qui vous fera grandir pour arriver au salut" (1P 2,2).


Une formation intégrale à vivre dans l'unité

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La découverte et la réalisation de leur vocation et leur mission personnelles comportent, pour les fidèles laïcs, l'exigence d'une formation à la vie dans l'unité, dont ils portent la marque dans leur être même de membres de l'Eglise et de citoyens de la société humaine.

Dans leur existence, il ne peut y avoir deux vies parallèles: d'un côté, la vie qu'on nomme "spirituelle" avec ses valeurs et ses exigences; et de l'autre, la vie dite "séculière", c'est-à-dire la vie de famille, de travail, de rapports sociaux, d'engagement politique, d'activités culturelles. Le sarment greffé sur la vigne qui est le Christ donne ses fruits en tout secteur de l'activité et de l'existence. Tous les secteurs de la vie laïque, en effet, rentrent dans le dessein de Dieu, qui les veut comme le "lieu historique" de la révélation et de la réalisation de la charité de Jésus Christ à la gloire du Père et au service des frères. Toute activité, toute situation, tout engagement concret comme, par exemple, la compétence et la solidarité dans le travail, l'amour et le dévouement dans la famille et dans l'éducation des enfants, le service social et politique, la présentation de la vérité dans le monde de la culture tout cela est occasion providentielle pour "un exercice continuel de la foi, de l'espérance et de la charité"(211).

211-
AA 4


C'est à cette unité de vie que le Concile Vatican II a invité tous les fidèles laïcs en dénonçant avec force la gravité de la fracture entre la foi et la vie, entre l'Evangile et la Culture: "Le Concile exhorte les chrétiens, citoyens de l'une et l'autre cité, à remplir avec zèle et fidélité leurs tâches terrestres, en se laissant conduire par l'esprit de l'Evangile. Ils s'éloignent de la vérité ceux qui, sachant que nous n'avons point ici-bas de cité permanente, mais que nous marchons vers la cité future, croient pouvoir, pour cela, négliger leurs tâches humaines, sans s'apercevoir que la foi même, compte tenu de la vocation de chacun, leur en fait un devoir plus pressant. Mais ils ne se trompent pas moins ceux qui, à l'inverse, croient pouvoir se livrer entièrement à des activités terrestres, en agissant comme si elles étaient tout à fait étrangères à leur vie religieuse celle-ci se limitant alors pour eux à l'exercice du culte et à quelques obligations morales déterminées. Ce divorce entre la foi dont ils se réclament et le comportement quotidien d'un grand nombre est à compter parmi les plus graves erreurs de notre temps"(212).

212- GS 43


C'est pourquoi j'ai affirmé qu'une foi qui ne devient pas culture est une foi "qui n'est pas pleinement reçue, pas entièrement pensée, pas fidèlement vécue"(213).

213- Jean Paul II, Discours aux participants au Congrès du Mouvement ecclésial d'engagement culturel (M.E.I.C), (16 janvier 1982), 2: Insegnamenti, V,1 (1982), 131. Cf. également Lettre au Cardinal Agostino Casaroli, Secrétaire d'Etat, par laquelle est institué le Conseil Pontifical pour la Culture (20 mai 1982): AAS 74 (1982), 685. Discours à la communauté universitaire de Louvain (20 mai 1985): Insegnanmenti, VIII, 1 (1985), 1591.


Aspects de la formation

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En cette synthèse de vie se situent les nombreux aspects coordonnés de la formation intégrale des fidèles laïcs. Il n'est pas douteux que la formation spirituelle ne doive occuper une place privilégiée dans la vie de chacun, car chacun est appelé à grandir sans cesse dans l'intimité avec Jésus-Christ, dans la conformité à la volonté du Père, dans le dévouement à ses frères dans la charité et dans la justice. Le Concile écrit: "Cette vie d'intime union avec le Christ dans l'Eglise est alimentée par des nourritures spirituelles communes à tous les fidèles, en particulier par la participation active à la sainte Liturgie. Les laïcs doivent les employer de telle sorte que, remplissant parfaitement les obligations du monde dans les conditions ordinaires de l'existence, ils ne séparent pas l'union au Christ et leur vie, mais grandissent dans cette union en accomplissant leurs travaux selon la volonté de Dieu"(214).

214-
AA 4


La formation doctrinale des fidèles se révèle de nos jours de plus en plus urgente, du fait non seulement du dynamisme naturel d'approfondissement de la foi, mais aussi de la nécessité de "rendre raison de l'espérance" qui est en eux en face du monde et de ses problèmes graves et complexes. De là découle l'absolue nécessité d'une action systématique de catéchèse, adaptée à l'âge et aux diverses situations de vie, et d'une promotion chrétienne plus résolue de la culture, afin de répondre aux questions éternelles et aux problèmes nouveaux qui agitent l'homme et la société d'aujourd'hui.

Il est tout à fait indispensable, en particulier, que les fidèles laïcs, surtout ceux qui sont engagés de diverses façons sur le terrain social ou politique, aient une connaissance plus précise de la doctrine sociale de l'Eglise, comme les Pères synodaux l'ont demandé à plusieurs reprises dans leurs interventions. Parlant de la participation politique des fidèles laïcs, le Synode s'est exprimé en ces termes: "Pour que les laïcs puissent réaliser activement ce noble projet dans la politique ( à savoir le projet de faire reconnaître et apprécier les valeurs humaines et chrétiennes), il ne suffit pas de les exhorter, il faut leur offrir les moyens voulus pour former leur conscience sociale, spécialement dans la doctrine sociale de l'Eglise, qui renferme des principes de réflexion, des critères de jugement et des directives pour l'action (cf. Congrégation pour la Doctrine de la Foi, "Instruction sur Liberté chrétienne et libération", 72). Cette doctrine doit se trouver déjà dans le programme de base de la catéchèse et être expliquée dans des sessions spécialisées ainsi que dans les écoles et universités. Il convient de noter que la doctrine sociale de l'Eglise est dynamique, c'est-à-dire qu'elle s'adapte aux circonstances de temps et de lieux. Les pasteurs ont le droit et le devoir de proposer des principes de moralité en matière d'ordre social comme en d'autres domaines; tous les chrétiens doivent s'employer à la défense des droits de l'homme; mais l'engagement actif dans les partis politiques est réservé aux laïcs"(215).

215- Propositio 22. SRS 41


Dans le contexte de la formation intégrale et unitaire des fidèles laïcs, le souci de cultiver les valeurs humaines doit avoir sa place; il est important pour l'action missionnaire et apostolique. C'est précisément en ce sens que le Concile a écrit: "(Les laïcs) estimeront beaucoup la compétence professionnelle, le sens familial et civique, et les vertus qui regardent la vie sociale telles que la probité, l'esprit de justice, la sincérité, la délicatesse, la force d'âme; sans elles il n'y a pas de vraie vie chrétienne"(216).

216- AA 4


Collaborateurs de Dieu éducateur

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Quels sont les lieux et les moyens de formation des fidèles? Quelles sont les personnes et les communautés appelées à remplir ce devoir de la formation intégrale et unitaire des laïcs?

De même que l'oeuvre de l'éducation de l'homme est intimement liée à la paternité et à la maternité, ainsi la formation chrétienne trouve sa racine et sa force en Dieu; Il est le Père qui aime et éduque ses enfants. Oui, Dieu est le premier et le grand éducateur de son Peuple, comme le dit l'étonnant passage du Chant de Moïse: "Au pays de la steppe, Il l'adopte, dans la solitude éclatante du désert. Il l'entoure, Il l'élève, Il le garde comme la prunelle de son oeil. Tel un vautour qui veille sur son nid, plane au-dessus de ses petits, Il déploie ses ailes et le prend, Il le soutient sur son pennage. Le Seigneur est seul pour le conduire, point de Dieu étranger avec lui" (
Dt 32,10-12 cf. Dt 8,5).

L'oeuvre éducative de Dieu se révèle et s'achève en Jésus, le Maître, et elle touche, par le dedans, le coeur de tout homme, grâce à la présence dynamique de l'Esprit. L'Eglise-mère est appelée à s'associer à cette oeuvre d'éducation divine, l'Eglise tant en elle-même que dans ses diverses articulations et expressions. C'est ainsi que les fidèles laïcs sont formés par l'Eglise et dans l'Eglise, dans une communion et collaboration réciproque de tous ses membres: prêtres, religieux et fidèles laïcs. C'est ainsi que la communauté ecclésiale tout entière, dans la variété de ses membres, reçoit la fécondité de l'Esprit et y apporte sa collaboration. C'est en ce sens que Méthode d'Olympe écrivait: "Les imparfaits... sont portés et formés, comme dans le sein d'une mère, par ceux qui sont plus parfaits, afin qu'ils soient conçus et engendrés par la grandeur et la beauté de la vertu"(217); c'est ce qui se produisit pour Saint Paul, porté et introduit dans l'Eglise par les chrétiens formés (en la personne d'Ananie) et devenu ensuite à son tour parfait et père spirituel de tant de fils!

217- S. Méthode d'Olympe, Symposium III,8: S. Ch. 95,110


L'oeuvre éducative est avant tout le fait de l'Eglise universelle; le Pape y exerce son rôle de premier formateur des fidèles laïcs. A lui, parce que successeur de Pierre, revient le ministère de "confirmer dans la foi ses frères" en enseignant à tous les croyants les éléments essentiels de la vocation et de la mission chrétiennes et ecclésiales. Non seulement les paroles qu'il prononce lui-même, mais aussi celles que transmettent les documents des divers Dicastères du Saint-Siège demandent à être écoutées avec une docilité aimante par les fidèles laïcs.

L'Eglise Une et universelle est présente en chacune des diverses parties du monde, dans les Eglises particulières. En chacune d'elles, l'Evêque a une responsabilité personnelle par rapport aux fidèles laïcs; il doit les former par l'annonce de la parole, la célébration de l'Eucharistie et des sacrements, l'animation et la direction de leur vie chrétienne.

A l'intérieur de l'Eglise particulière ou diocèse, se situe et agit la paroisse, qui a un rôle essentiel dans la formation plus immédiate et personnelle des fidèles laïcs. En effet, ayant plus de facilité à atteindre chaque personne en particulier et chaque groupe, la paroisse est appelée à former ses membres à l'écoute de la Parole de Dieu, au dialogue liturgique et personnel avec Dieu, à la vie de charité fraternelle, et à faire percevoir d'une façon plus directe et concrète le sens de la communion ecclésiale et de la responsabilité missionnaire.

A l'intérieur encore de certaines paroisses, surtout de celles qui sont vastes et dispersées, les petites communautés ecclésiales présentes peuvent être de grande utilité dans la formation des chrétiens, en rendant plus capillaires et pénétrantes la conscience et l'expérience de la communion et de la mission ecclésiale. Une autre forme d'aide peut être offerte, comme l'ont déclaré les Pères synodaux, par une catéchèse post baptismale sous forme de catéchuménat, consistant à proposer de nouveau certains éléments du Rituel de l'Initiation Chrétienne des Adultes, de façon à faire accueillir et vivre les richesses immenses et extraordinaires du baptême reçu, ainsi que les responsabilités qui en découlent(218).

218- Propositio 11


Dans la formation que les fidèles laïcs reçoivent dans leur diocèse ou dans leur paroisse, spécialement pour ce qui regarde le sens de la communion et de la mission, le soutien que s'apportent réciproquement les différents membres de l'Eglise est d'une importance particulière: c'est un soutien qui, tout à la fois, révèle et réalise le mystère de l'Eglise Mère et Educatrice. Les prêtres et les religieux doivent aider les fidèles laïcs dans leur formation. En ce sens, les Pères du Synode ont invité les prêtres et les candidats aux Ordres à "se préparer avec soin à être capables de favoriser la vocation et la mission des laïcs"(219). A leur tour, les fidèles laïcs eux-mêmes peuvent et doivent aider les prêtres et les religieux dans leur cheminement spirituel et pastoral.

219- Propositio 40


Autres milieux d'éducation

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La famille chrétienne, elle aussi, en tant qu'"Eglise domestique", constitue une école naturelle et fondamentale pour la formation de la foi: le père et la mère reçoivent du sacrement de Mariage la grâce et le ministère de l'éducation chrétienne de leurs enfants, devant lesquels ils portent témoignage et à qui ils transmettent à la fois les valeurs humaines et les valeurs religieuses. En apprenant les premiers mots, les enfants apprennent aussi à louer Dieu, qu'ils sentent près d'eux comme un Père plein d'amour et de prévenance; en apprenant les premiers gestes d'affection, les enfants apprennent aussi à s'ouvrir aux autres et à percevoir dans le don d'eux-mêmes le sens de la vie humaine. La vie quotidienne elle-même d'une famille authentiquement chrétienne constitue la première "expérience d'Eglise", destinée à trouver confirmation et développement dans l'insertion active et responsable des enfants dans une plus vaste communauté ecclésiale et dans la société civile. Plus les époux et les parents chrétiens grandiront dans la conscience que leur "Eglise domestique" participe à la vie et à la mission de l'Eglise universelle, plus aussi leurs enfants pourront être formés au "sens de l'Eglise" et comprendront la beauté qu'il y a à consacrer leur énergie au service du Royaume de Dieu.

Les écoles et les universités catholiques sont aussi des lieux importants de formation, et de même les centres de renouveau spirituel qui, aujourd'hui, vont se multipliant. Comme l'ont relevé les Pères du Synode, dans notre contexte actuel, social et historique, marqué par une profonde évolution culturelle, la participation des parents chrétiens à la vie de l'école est loin de suffire; il faut préparer des fidèles laïcs qui se consacrent à l'oeuvre d'éducation comme à une mission ecclésiale proprement dite; il faut constituer et développer des "communautés éducatives" formées à la fois de parents, d'enseignants, de prêtres, de religieux et religieuses, de représentants des jeunes. Et pour que l'école puisse exercer dignement sa fonction d'éducation, les fidèles laïcs doivent se sentir engagés à exiger de tous et à promouvoir en faveur de tous une véritable liberté d'éducation, y compris au moyen d'une législation civile adaptée(220).

220- Propositio 44


Les Pères du Synode ont eu des paroles d'estime et d'encouragement à l'adresse de tous les fidèles laïcs, hommes et femmes, qui, avec un profond esprit civique et chrétien, assument une tâche éducative dans l'école et dans des instituts de formation. Ils ont, en outre, marqué l'urgente nécessité que les fidèles laïcs maîtres ou professeurs dans les diverses écoles, catholiques ou non, soient de vrais témoins de l'Evangile, par l'exemple de leur vie, leur compétence et leur conscience professionnelle, l'inspiration chrétienne de leur enseignement, respectant toujours évidemment l'autonomie des différentes sciences et disciplines. Il est particulièrement important que la recherche scientifique et technique menée par des fidèles laïcs prenne comme critère le service de l'homme dans la totalité de ses valeurs et de ses exigences: à ces fidèles laïcs, l'Eglise confie le soin de rendre plus compréhensible à tous le lien intime qui existe entre la foi et la science, entre l'Evangile et la culture humaine(221).

221- Propositio 45


"Ce Synode lisons-nous dans l'une des propositions fait appel au rôle prophétique des écoles et des universités catholiques et loue le dévouement des maîtres et des enseignants, actuellement en très grande partie laïcs, pour que, dans les maisons d'éducation catholique, ils puissent former des hommes et des femmes en qui s'incarne "le commandement nouveau". La présence simultanée de prêtres et de laïcs, et aussi de religieux et de religieuses, offre aux étudiants une vivante image de l'Eglise et facilite la connaissance de ses richesses (cf. Congrégation pour l'Education Catholique, "Le laïc éducateur, témoin de la foi dans les écoles")"(222).

222- Propositio 44


Pareillement, les groupes, les associations et les mouvements ont leur place dans la formation des fidèles laïcs: ils ont, en effet, chacun avec leurs méthodes propres, la possibilité d'offrir une formation profondément ancrée dans l'expérience même de la vie apostolique; ils ont également l'occasion de compléter, de concrétiser et de spécifier la formation que leurs membres reçoivent d'autres maîtres ou d'autres communautés.



La formation réciproquement reçue et donnée par tous

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La formation n'est pas le privilège de certains, mais bien un droit et un devoir pour tous. A ce sujet, les Pères synodaux ont demandé "que la possibilité de la formation soit offerte à tous, surtout aux pauvres, qui à leur tour peuvent être eux-mêmes des sources de formation pour tous"; et ils ont ajouté: "Pour la formation, qu'on emploie des moyens adaptés qui aideront les chrétiens à mieux réaliser leur pleine vocation humaine et chrétienne"(223).

223- Propositio 41


Pour mettre en oeuvre une pastorale vraiment efficace, il est nécessaire de promouvoir, y compris en instituant des cours et des écoles spécialisées, la formation des formateurs. Former ceux qui, à leur tour, devront s'employer à la formation des fidèles laïcs, constitue une exigence première pour assurer la formation générale et capillaire de tout le Peuple de Dieu, de tous les fidèles laïcs.

Dans l'oeuvre de formation, il est nécessaire de consacrer une attention spéciale à la culture locale, selon l'invitation explicite du Synode: "La formation des chrétiens tiendra le plus grand compte de la culture humaine du lieu, qui contribue à la formation elle-même, et elle guidera dans le jugement des valeurs déjà contenues dans la culture traditionnelle et de celles qui se trouvent dans la culture moderne. Il faut donner l'attention requise aux différentes cultures qui peuvent coexister en un même peuple, en une même nation. L'Eglise, Mère et Maîtresse des peuples, s'efforcera de sauvegarder, le cas échéant, la culture des minorités qui vivent au milieu de grandes nations"(224).

224- Propositio 42


Dans l'oeuvre de la formation, certaines convictions se révèlent particulièrement nécessaires et fécondes. La conviction, tout d'abord, qu'il n'y a pas de formation véritable et efficace si chacun n'assume pas et ne développe pas par lui-même la responsabilité de sa formation: toute formation, en effet, est essentiellement "auto-formation".

La conviction, ensuite, que chacun de nous est à la fois le terme et le principe de la formation: mieux nous nous formons, plus nous nous rendons capables de former les autres.

D'une importance singulière est la conscience que l'oeuvre de formation, qui, assurément, ne peut jamais se passer de recourir avec intelligence aux moyens et aux méthodes des sciences humaines, n'est cependant efficace que dans la mesure de la disponibilité à l'action de Dieu: seul le sarment qui ne craint pas de se laisser émonder par le vigneron porte davantage de fruit pour lui-même et pour les autres.




Appel et prière


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En conclusion de ce document post-synodal, je me fais l'écho, une fois de plus, de l'invitation du "maître du domaine" dont parle l'Evangile: Allez, vous aussi, à ma vigne. On peut dire que le sens du Synode sur la vocation et la mission des laïcs réside justement en cet appel du Seigneur adressé à tous, et en particulier aux fidèles laïcs, hommes et femmes.

Les travaux du Synode ont constitué pour tous les participants une grande expérience spirituelle: celle d'une Eglise attentive, dans la lumière et la force de l'Esprit Saint, à discerner et à accueillir l'appel répété du Seigneur, en vue de proposer à nouveau au monde d'aujourd'hui le mystère de sa communion et le dynamisme de sa mission de salut, et cela en saisissant bien la place et le rôle spécifiques des fidèles laïcs. Le fruit du Synode, que cette Exhortation entend faire abonder le plus possible dans toutes les Eglises répandues dans le monde, naîtra de l'accueil effectif que l'appel recevra de la part de tout le Peuple de Dieu et, en lui, de la part des fidèles laïcs.

C'est pourquoi j'adresse, à tous et à chacun, une vive exhortation à ne jamais se lasser de maintenir éveillée, dans le coeur et dans la vie, la conscience ecclésiale, c'est-à-dire la conscience d'être membre de l'Eglise de Jésus-Christ et de participer à son mystère de communion et à son énergie apostolique et missionnaire.

Il est souverainement important que tous les chrétiens aient conscience de l 'extraordinaire dignité qui leur a été donnée par le Baptême: par grâce, nous sommes appelés à être des enfants aimés du Père, membres incorporés à Jésus-Christ et à son Eglise, temples vivants et saints de l'Esprit. Ecoutons encore une fois, avec émotion et reconnaissance, les paroles de Jean l'Evangéliste: "Voyez comme il est grand, l'amour dont le Père nous a comblés: Il a voulu que nous soyons appelés enfants de Dieu, et nous le sommes!" (
1Jn 3,1).

Cette "nouveauté chrétienne" donnée aux membres de l'Eglise, qui constitue pour tous la base de la participation à la fonction sacerdotale, prophétique et royale du Christ, et aussi de la vocation à la sainteté dans l'amour, s'exprime et se réalise dans les fidèles laïcs selon le "caractère séculier" qui leur est "propre et particulier".

La conscience ecclésiale comporte, avec le sens de la dignité chrétienne de tous, celui d'appartenir au mystère de l'Eglise-Communion: c'est là un aspect fondamental et décisif pour la vie et pour la mission de l'Eglise. Pour tous et pour chacun, la prière ardente de Jésus à la dernière Cène: "Qu'ils soient un!", doit devenir chaque jour un programme exigeant et inéluctable de vie et d'action.

Le sens vivant de la communion ecclésiale, don de l'Esprit qui sollicite notre réponse libre, aura comme fruit précieux la mise en valeur harmonieuse, dans l'Eglise "une et catholique", de la riche variété des vocations et des conditions de vie, des charismes, des ministères, des tâches et des responsabilités, comme aussi une collaboration plus convaincue et plus résolue des groupes, des associations et des mouvements de fidèles laïcs dans l'accomplissement solidaire de la commune mission de salut de l'Eglise ellemême. Cette communion est déjà en elle-même le premier grand signe de la présence du Christ Sauveur dans le monde; en même temps, elle favorise et elle stimule l'action apostolique directe et missionnaire de l'Eglise.

Au seuil du troisième millénaire, l'Eglise tout entière, pasteurs et fidèles, doit sentir plus fortement la responsabilité qu'elle a d'obéir au commandement du Christ: "Allez dans le monde entier et prêchez l'Evangile à toutes les créatures" ( Mc 16,15), et de prendre un nouvel élan missionnaire. A l'Eglise est confiée une entreprise de grande envergure, exigeante et magnifique: celle d'une nouvelle évangélisation, dont le monde d'aujourd'hui a un immense besoin. Les fidèles laïcs doivent se sentir partie prenante dans cette entreprise, appelés qu'ils sont à annoncer et à vivre l'Evangile, en servant la personne humaine et la société dans tout ce que l'une et l'autre présentent de valeurs et d'exigences.

Le Synode des Evêques, qui s'est déroulé au mois d'octobre de l'Année Mariale, a confié ses travaux, d'une façon toute particulière, à l'intercession de la Vierge Marie, Mère du Rédempteur. C'est à la même intercession que je confie maintenant le succès spirituel des fruits du Synode. Au terme de ce document post-synodal, je m'adresse à la Vierge, en union avec les Pères et les fidèles laïcs présents au Synode, et avec tous les autres membres du Peuple de Dieu. Mon appel se fait prière.

O Vierge très sainte, Mère du Christ
et Mère de l'Eglise,
avec joie et admiration, nous nous unissons
à ton Magnificat, à ton chant d'amour reconnaissant.
Avec Toi, nous rendons grâce à Dieu,
dont "l'amour s'étend d'âge en âge",
pour la splendide vocation et pour
la mission multiforme des fidèles laïcs,
appelés par Dieu, chacun personnellement,
à vivre en communion d'amour et de
sainteté avec Lui et à être unis
fraternellement dans la grande
famille des enfants de Dieu,
envoyés aussi pour rayonner
la lumière du Christ et
communiquer le feu de l'Esprit
par leur vie évangélique dans
tous les secteurs de la vie du monde.
Vierge du Magnificat,
remplis leurs cours de
reconnaissance et d'enthousiasme
pour cette vocation et cette mission.
Toi qui as été, avec humilité et
magnanimité,"la servante du Seigneur",
donne-nous la totale disponibilité
qui fut la tienne pour le service de Dieu
et le salut du monde.
Ouvre nos coeurs aux immenses perspectives
du Règne de Dieu et de l'annonce
de l'Evangile à toutes les créatures.
Ton coeur de Mère se préoccupe sans cesse
des nombreux dangers, des maux
innombrables qui écrasent les hommes
et les femmes de notre temps.
Mais il est attentif aussi aux
nombreuses initiatives prises
en vue du bien, aux grandes
aspirations vers les valeurs,
aux progrès accomplis qui
produisent des fruits
abondants de salut.
Vierge courageuse, inspire-nous
la force d'âme et la confiance en Dieu,
qui nous permettront de surmonter
tous les obstacles que nous
rencontrons dans l'accomplissement
de notre mission.
Enseigne-nous à traiter les réalités
du monde avec un sens très vif de
responsabilité chrétienne et dans
la joyeuse espérance de la venue
du Règne de Dieu, de nouveaux cieux
et d'une terre nouvelle.
Toi qui, avec les Apôtres en prière,
te trouvais au Cénacle dans l'attente
de la venue de l'Esprit de Pentecôte,
demande qu'Il se répande de nouveau sur
tous les fidèles laïcs, hommes et femmes,
pour qu'ils répondent pleinement à leur
vocation et à leur mission, comme sarments
de la vraie vigne, appelés à porter beaucoup
de fruit pour la vie du monde.
Vierge Mère,
guide-nous et soutiens-nous pour que
nous vivions toujours comme de
véritables fils et filles de l'Eglise
de ton Fils, et que nous puissions
contribuer à établir sur la terre la
civilisation de la vérité et de l'amour,
selon le désir de Dieu et pour sa gloire.
Amen.

Donné à Rome, près de Saint-Pierre, le 30 Décembre, fête de la

Sainte Famille de Jésus, Marie et Joseph, de l'an 1988, onzième

de mon Pontificat.


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