1979 Catechesi Tradendae 37

Enfants

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Bientôt viendra, à l'école et à l'église, à la paroisse ou à l'aumônerie du collège catholique ou de l'école d'Etat, en même temps qu'une ouverture à un cercle social plus large, le moment d'une catéchèse destinée à introduire l'enfant de façon organique dans la vie de l'Eglise et comprenant aussi une préparation immédiate à la célébration des sacrements: catéchèse didactique, mais tournée vers un témoignage à donner dans la foi; catéchèse initiale mais non fragmentaire, puisqu'elle devra révéler, quoique d'une manière élémentaire, tous les principaux mystères de la foi et leur incidence sur la vie morale et religieuse de l'enfant; catéchèse qui donne un sens aux sacrements mais en même temps reçoit des sacrements vécus une dimension vitale qui l'empêche de rester simplement doctrinale, et communique à l'enfant la joie d'être témoin du Christ dans son milieu de vie.



Adolescents

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Puis viennent la puberté, l'adolescence, avec ce que cet âge apporte de grandeurs et de risques. C'est le temps de la découverte de soi-même et de son propre univers intérieur, le temps des projets généreux, le temps ou jaillit le sentiment de l'amour, avec les impulsions biologiques de la sexualité, le temps du désir d'être ensemble, le temps d'une joie particulièrement intense, liée à la découverte enivrante de la vie. Mais c'est souvent aussi l'âge des interrogations plus profondes, des recherches angoissées, voire frustrantes, d'une certaine méfiance à l'égard des autres avec de dangereux repliements sur soi, l'âge parfois des premiers échecs et des premières amertumes. La catéchèse ne saurait ignorer ces aspects facilement changeants de cette délicate période de la vie. Une catéchèse capable de conduire l'adolescent à une révision de sa propre vie et au dialogue, une catéchèse qui n'ignore pas ses grandes questions - le don de soi, la croyance, l'amour et sa médiation qu'est la sexualité - pourra être décisive. La révélation de Jésus-Christ comme ami, comme guide et comme modèle, admirable et pourtant imitable; la révélation de son message qui apporte réponse aux questions fondamentales; la révélation du dessein d'amour du Christ Sauveur comme incarnation du seul véritable amour et comme possibilité d'unir les hommes, tout cela pourra offrir la base d'une authentique éducation dans la foi. Ce sont surtout les mystères de la passion et de la mort de Jésus, auxquels saint Paul attribue le mérite de sa glorieuse résurrection, qui pourront parler beaucoup à la conscience et au coeur de l'adolescent, et projeter une lumière sur ses premières souffrances et celles du monde qu'il découvre.



Jeunes

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Avec l'âge de la jeunesse arrive l'heure des premières grandes décisions. Soutenu peut-être par les membres de sa famille et par des amis, et pourtant livré à lui-même et à sa conscience morale, le jeune devra assumer la responsabilité de son destin de manière toujours plus fréquente et plus déterminante. Bien et mal, grâce et péché, vie et mort, s'affronteront toujours davantage au dedans de lui, comme catégories morales certes, mais aussi et surtout comme options fondamentales qu'il devra assumer ou rejeter avec lucidité, conscient de sa propre responsabilité. Il est évident qu'une catéchèse qui dénonce l'égoïsme au nom de la générosité, qui donne sans simplisme et sans schématisme illusoire le sens chrétien du travail, du bien commun, de la justice et de la charité, une catéchèse de la paix entre les nations et de la promotion de la dignité humaine, du développement, de la libération, tels que les présentent des documents récents de l'Eglise (88), complète heureusement dans l'esprit des jeunes une bonne catéchèse des réalités proprement religieuses, laquelle ne doit jamais être négligée. La catéchèse prend alors une importance considérable car c'est le moment ou l'Evangile pourra être présenté, compris et accueilli comme capable de donner un sens à la vie et donc d'inspirer des attitudes inexplicables autrement: renoncement, détachement, mansuétude, justice, engagement, réconciliation, sens de l'Absolu et de l'invisible, etc., autant de traits qui permettront d'identifier ce jeune parmi ses compagnons comme un disciple de Jésus-Christ.

88- Cf. par exemple, Concile oecuménique Vatican II, Constitution pastorale sur l'Eglise dans le monde de ce temps Gaudium et spes : AAS 58 (1966), pp. 1025-1120 ; Paul VI, Encyclique Populorum progressio : AAS 59 (1967), pp. 257-299 ; Lettre Octogesima adveniens : AAS 63 (1971), pp. 401-441 ; Exhortation apostolique Evangelii nuntiandi : AAS 68 (1976), pp. 5-76.


La catéchèse prépare ainsi les grands engagements chrétiens de la vie adulte. En ce qui concerne par exemple les vocations à la vie sacerdotale et religieuse, il est certain que beaucoup sont nées au cours d'une catéchèse bien faite durant l'enfance et durant l'adolescence.

De la petite enfance au seuil de la maturité, la catéchèse devient de la sorte une école permanente de la foi et suit les grandes étapes de la vie, comme un phare qui éclaire la route de l'enfant, de l'adolescent et du jeune.



Adaptation de la catéchèse aux jeunes

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Il est réconfortant de constater que pendant la IVe Assemblée générale du Synode et durant les années qui l'on suivie, l'Eglise a largement partagé ce souci: comment faire la catéchèse aux enfants et aux jeunes? Dieu veuille que l'attention ainsi éveillée dure longtemps dans la conscience de l'Eglise! En ce sens, le Synode a été précieux pour l'Eglise entière lorsqu'il s'est efforcé de dessiner avec la plus grande précision possible le visage complexe de la jeunesse d'aujourd'hui; lorsqu'il a montré que cette jeunesse utilise un langage dans lequel il faut, avec patience et sagesse, savoir traduire, sans le trahir, le message de Jésus; lorsqu'il a montré qu'en dépit des apparences cette jeunesse porte, fût-ce souvent en creux, plus encore qu'une disponibilité et une ouverture, un vrai désir de connaître "ce Jésus qu'on appelle le Christ"; (89) lorsqu'il a révélé enfin que l'oeuvre de la catéchèse, si on veut l'accomplir avec rigueur et sérieux, est aujourd'hui plus ardue et plus fatigante que jamais à cause des obstacles et des difficultés de toute sorte qu'elle rencontre, mais aussi plus réconfortante à cause de la profondeur des réponses qu'elle reçoit de la part des enfants et des jeunes. C'est là un trésor, sur lequel l'Eglise peut et doit compter dans les années à venir.

89-
Mt 1,16


Quelques catégories de jeunes destinataires de la catéchèse, par leur situation particulière, demandent une attention spéciale.


Handicapés

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Il s'agit tout d'abord des enfants et des jeunes handicapés physiques ou mentaux. Ils ont droit, comme les autres de leur âge, à connaître le "mystère de la foi". Les difficultés plus grandes qu'ils rencontrent rendent encore plus méritoires leurs efforts et ceux de leurs éducateurs. Il est réjouissant de constater que des organismes catholiques, spécialement voués aux jeunes handicapés, ont voulu apporter au Synode leur expérience en la matière et on retiré du Synode un désir renouvelé de mieux faire face à cet important problème. Ils méritent d'être vivement encouragés dans cette recherche.



Jeunes sans soutien religieux

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Ma pensée va ensuite aux enfants et aux jeunes, toujours plus nombreux, qui, nés et élevés dans un foyer non chrétien ou du moins non pratiquant, sont désireux de connaître la foi chrétienne. Une catéchèse adaptée devra leur être assurée afin qu'ils puissent grandir dans la foi et en vivre progressivement, malgré le manque d'appui, peut-être même malgré l'opposition rencontrée dans leur milieu.



Adultes

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En poursuivant la série des destinataires de la catéchèse, je ne peux manquer maintenant de mettre en relief l'un des soucis les plus constants des Pères du Synode, imposé avec vigueur et urgence par les expériences en cours dans le monde entier: il s'agit du problème central de la catéchèse des adultes. Celle-ci est la principale forme de la catéchèse, parce qu'elle s'adresse à des personnes qui ont les plus grandes responsabilités et la capacité de vivre le message chrétien sous sa forme pleinement développée (90). La communauté chrétienne ne saurait faire une catéchèse permanente sans la participation directe et expérimentée des adultes, qu'ils soient destinataires ou promoteurs de l'activité catéchétique. Le monde ou les jeunes sont appelés à vivre et à témoigner de la foi que la catéchèse veut approfondir et consolider est gouverné par les adultes la foi de ceux-ci devrait donc aussi être continuellement éclairée, stimulée ou renouvelée, afin de pénétrer les réalités temporelles dont ils sont responsables. Ainsi, pour être efficace, la catéchèse doit être permanente et elle serait bien vaine si elle s'arrêtait juste au seuil de l'âge mûr puisque, sous une autre forme assurément, elle se révèle non moins nécessaire aux adultes.

90-
CD 14 AGD 14 ; S. Congrégation pour le Clergé, Directoire général de la Catéchèse, n. 20 ; AAS 64 (1972), p. 112 ; cf. aussi Ordo initiationis christianae adultorum.


Presque catéchumènes

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Parmi ces adultes qui ont besoin de catéchèse notre préoccupation pastorale missionnaire va à ceux qui, nés et élevés en des régions non encore christianisées, n'ont jamais pu approfondir la doctrine chrétienne que les circonstances de la vie leur ont fait rencontrer un jour; à ceux qui ont reçu dans leur enfance une catéchèse correspondant à cet âge, mais qui se sont ensuite éloignés de toute pratique religieuse et se retrouvent à l'âge mûr avec des connaissances religieuses plutôt infantiles; à ceux qui se ressentent d'une catéchèse précoce mal conduite ou mal assimilée; à ceux qui, même s'ils sont nés en pays chrétien, voire dans un cadre sociologiquement chrétien, n'ont jamais été éduqués dans leur foi et sont, comme adultes, de vrais catéchumènes.



Catéchèses diversifiées et complémentaires

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Les adultes de n'importe quel âge, et même les personnes âgées - lesquelles méritent une particulière attention vu leur expérience et leurs problèmes - sont donc destinataires de la catéchèse autant que les enfants, les adolescents et les jeunes.

Il faudrait encore parler des migrants, des personnes marginalisées par l'évolution moderne, de celles qui habitent des quartiers de grandes métropoles souvent dépourvus d'églises, de locaux et de structures appropriées... Pour eux tous, comment ne pas exprimer le voeu que se multiplient les initiatives destinées à leur formation chrétienne, avec les instruments appropriés (systèmes audio-visuels, livrets, carrefours, conférences), de telle sorte que beaucoup d'adultes puissent soit suppléer à une catéchèse restée insuffisante ou déficiente, soit compléter harmonieusement, à un niveau plus élevé, celle qu'ils ont reçue dans l'enfance, soit même s'enrichir en ce domaine au point de pouvoir aider plus sérieusement les autres.

Il importe aussi que catéchèse d'enfants et de jeunes, catéchèse permanente, catéchèse d'adultes ne soient pas des domaines étanches et sans communication. Il importe plus encore qu'il n'y ait pas de rupture entre elles. Il faut, bien au contraire, favoriser leur parfaite complémentarité: les adultes ont beaucoup à donner aux jeunes et aux enfants en matière de catéchèse, mais ils peuvent aussi en recevoir beaucoup pour la croissance de leur vie chrétienne.

Il faut le redire: personne dans l'Eglise de Jésus-Christ ne devrait se sentir dispensé de recevoir la catéchèse. C'est même le cas des jeunes séminaristes, des jeunes religieux, comme de tous ceux qui sont appelés à la tâche de pasteurs et de catéchistes: il la rempliront d'autant mieux qu'ils sauront se mettre humblement à l'école de l'Eglise, la grande catéchète en même temps que la grande catéchisée.






VI. DE QUELQUES VOIES ET MOYENS DE LA CATECHESE

Moyens de communication sociale

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De l'enseignement oral des Apôtres et des lettres circulant parmi les Eglises jusqu'aux moyens les plus modernes, la catéchèse n'a cessé de chercher les voies et les moyens les plus adaptés à sa mission, avec la participation active des communautés, sous l'impulsion des Pasteurs. Cet effort doit continuer.

Je pense spontanément aux grandes possibilités qu'offrent les moyens de communication sociale et les moyens de communication de groupes: télévision, radio, presse, disques, bandes enregistrées, tout l'audio-visuel. Les efforts accomplis en ces domaines sont de nature à donner les plus grands espoirs. L'expérience montre, par exemple, le retentissement d'un enseignement radiophonique ou télévisé qui sait joindre une expression esthétique de valeur à une rigoureuse fidélité au Magistère. L'Eglise a maintenant beaucoup d'occasions de traiter ces problèmes - y compris lors des journées des moyens de communication sociale - sans qu'il soit nécessaire de s'y étendre ici, malgré leur importance capitale.



Multiples lieux, moments ou réunions à valoriser

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Je pense de même à divers moments de grande valeur ou une catéchèse a sa place toute trouvée: les pèlerinages, par exemple, diocésains, régionaux ou nationaux, qui gagnent à être axés sur un thème judicieusement choisi à partir du Christ, de la vie de la Vierge et des Saints: les missions traditionnelles, souvent trop hâtivement abandonnées, et qui sont irremplaçables pour un renouvellement périodique et vigoureux de la vie chrétienne - il faut les reprendre et les rajeunir - ; les cercles bibliques qui doivent dépasser l'exégèse pour faire vivre de la Parole de Dieu; les réunions des communautés ecclésiales de base, dans la mesure ou elles correspondent aux critères exposés dans l'Exhortation apostolique Evangelii nuntiandi (91). Citons encore les groupes de jeunes qui en certaines régions, sous des dénominations et physionomies diverses - mais avec le même but de faire connaître Jésus-Christ et de vivre de l'Evangile - , se multiplient et fleurissent comme dans un printemps très réconfortant pour l'Eglise: groupes d'action catholique, groupes caritatifs, groupes de prière, groupes de réflexion chrétienne, etc. Ces groupes suscitent beaucoup d'espoir pour l'Eglise de demain. Mais, au nom de Jésus, j'adjure les jeunes qui les constituent, leurs responsables, les prêtres qui y consacrent le meilleur de leur ministère: ne permettez à aucun prix que ces groupes, occasions privilégiées de rencontre, riches de tant de valeurs d'amitié et de solidarité entre les jeunes, de joie et d'enthousiasme, de réflexion sur les faits et les choses, manquent d'une étude sérieuse de la doctrine chrétienne. Ils risqueraient alors - le danger ne s'est, hélas, que trop vérifié - de décevoir leurs adhérents et l'Eglise elle-même.

91-
EN 58


L'effort catéchétique qui est possible dans ces divers lieux, et dans bien d'autres encore, a d'autant plus de chances d'être accueilli et de porter ses fruits qu'il en respectera la nature propre. En s'y insérant de manière appropriée il réalisera cette diversité et cette complémentarité d'approches qui lui permettent de développer toute la richesse de son concept, avec la triple dimension de parole, de mémoire et de témoignage - de doctrine, de célébration et d'engagement dans la vie - que le Message du Synode au peuple de Dieu a mise en évidence (92).

92- Cf. Synodus Episcoporum, De catechesi hoc nostro tempore tradenda praesertim pueris atque iuvenibus, Ad Populum Dei Nuntius, nn. 7-10 : loc. cit., pp. 9-12 ; cf. L'Osservatore Romano, 30 octobre 1977, p. 3.


L'homélie

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Cette remarque vaut plus encore de la catéchèse qui se fait dans le cadre liturgique et notamment dans l'assemblée eucharistique: en respectant la spécificité et le rythme propre de ce cadre, l'homélie reprend l'itinéraire de foi proposé par la catéchèse et le porte à son achèvement naturel; en même temps elle pousse les disciples du Seigneur à reprendre chaque jour leur itinéraire spirituel dans la vérité, l'adoration et l'action de grâce. Dans ce sens on peut dire que la pédagogie catéchétique trouve, elle aussi, sa source et son achèvement dans l'eucharistie, sur l'horizon complet de l'année liturgique. La prédication, centrée sur les textes bibliques, doit permettre alors, à sa façon, de familiariser les fidèles avec l'ensemble des mystères de la foi et des normes de la vie chrétienne. Il faut apporter une grande attention à l'homélie: ni trop longue, ni trop brève, toujours soigneusement préparée, substantielle et adaptée, et réservée aux ministres ordonnés. Cette homélie doit avoir sa place dans toute eucharistie dominicale, mais aussi dans la célébration des baptêmes, des liturgies pénitentielles, des mariages, des funérailles. C'est l'un des bienfaits du renouveau liturgique.



Ouvrages catéchétiques

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Parmi cet ensemble de voies et de moyens - toute activité de l'Eglise a une dimension catéchétique - les ouvrages catéchétiques, loin de perdre leur importance essentielle, prennent un relief nouveau. L'un des aspects majeurs du renouveau de la catéchèse aujourd'hui réside dans la rénovation et la multiplication des livres catéchétiques un peu partout dans l'Eglise. Des oeuvres nombreuses et très réussies ont vu le jour et constituent une vraie richesse au service de l'enseignement catéchétique. Mais il faut également reconnaître avec honnêteté et humilité que cette floraison et cette richesse ont véhiculé des essais et des publications équivoques et dommageables aux jeunes et à la vie de l'Eglise. Assez souvent, ici et là, dans le souci de trouver le meilleur langage ou d'être à la mode en ce qui concerne les méthodes pédagogiques, certains ouvrages catéchétiques désorientent les jeunes et même les adultes, soit par l'omission, consciente ou inconsciente, d'éléments essentiels à la foi de l'Eglise, soit par l'importance excessive donnée à certains thèmes au détriment des autres, soit surtout par une vision globale assez horizontaliste, non conforme à l'enseignement du Magistère de l'Eglise.
Il ne suffit donc pas que se multiplient les ouvrages catéchétiques. Pour qu'ils correspondent à leur finalité, plusieurs conditions sont indispensables:
* qu'ils s'attachent à la vie concrète de la génération à laquelle ils s'adressent, connaissant de près ses inquiétudes et ses interrogations, ses combats et ses espoirs;
* qu'ils s'efforcent de trouver le langage compréhensible à cette génération;
* qu'ils tiennent à dire tout le message du Christ et de son Eglise, sans rien négliger ni déformer, tout en l'exposant selon un axe et une structure qui mettent en relief l'essentiel;
* qu'ils visent vraiment à provoquer chez ceux qui s'en servent une plus grande connaissance des mystères du Christ en vue d'une vraie conversion et d'une vie désormais plus conforme au vouloir de Dieu.



Catéchismes

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Tous ceux qui assument la lourde tâche de préparer ces instruments catéchétiques et à plus forte raison le texte des catéchismes ne peuvent le faire sans l'approbation des Pasteurs qui ont autorité pour la donner, ni sans s'inspirer d'aussi près que possible du Directoire général de la Catéchèse qui demeure la norme de référence (93).

93- Cf. S. Congrégation pour le Clergé, Directoire général de la Catéchèse, nn. 119-121 ; 134 : AAS 64 (1972), pp. 166-167 ; 172.


A ce propos, je ne peux manquer d'adresser un fervent encouragement aux Conférences épiscopales du monde entier: qu'elles entreprennent, avec patience mais avec une ferme résolution, l'imposant travail à réaliser en accord avec le Siège Apostolique, pour mettre au point de véritables catéchismes fidèles aux contenus essentiels de la Révélation et mis à jour pour ce qui est de la méthode, capables d'éduquer à une foi robuste les générations chrétiennes des temps nouveaux.

Cette brève mention des moyens et des voies de la catéchèse contemporaine n'épuise pas la richesse des propositions élaborées par les Pères du Synode. Il est réconfortant de penser que dans chaque pays se réalise actuellement une précieuse collaboration pour un renouveau plus organique et plus sûr de ces aspects de la catéchèse. Comment douter que l'Eglise ne trouve les personnes avisées et les moyens adaptés pour répondre, avec la grâce de Dieu, aux exigences de la communication avec les hommes de notre époque?







VII. COMMENT FAIRE LA CATECHESE

Diversité des méthodes

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L'âge et le développement intellectuel des chrétiens, leur degré de maturité ecclésiale et spirituelle et beaucoup d'autres circonstances personnelles exigent que la catéchèse adopte des méthodes bien diverses, pour atteindre son but spécifique: l'éducation de la foi. Cette variété est requise aussi, à un plan plus général, par le milieu socio-culturel dans lequel l'Eglise accomplit son oeuvre catéchétique.

La variété dans les méthodes est un signe de vie et une richesse. C'est ainsi que l'ont considérée les Pères de la IVe Assemblée générale du Synode, tout en attirant l'attention sur les conditions indispensables pour qu'elle soit utile et non nuisible à l'unité de l'enseignement de l'unique foi.



Au service de la Révélation et de la conversion

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La première question d'ordre général qui se présente concerne le risque et la tentation de mêler indûment à l'enseignement catéchétique des perspectives idéologiques, ouvertes ou larvées, surtout de nature politico-sociale, ou des options politiques personnelles. Lorsque ces perspectives l'emportent sur le message central à transmettre jusqu'à l'obscurcir et à le rendre secondaire, voire à l'utiliser à leurs fins, la catéchèse est dénaturée jusque dans ses racines. Le Synode a insisté à juste titre sur la nécessité, pour la catéchèse, de se tenir au-dessus des tendances unilatérales divergentes - d'éviter des "dichotomies" - même sur le terrain des interprétations théologiques données à de semblables questions. C'est sur la Révélation que la catéchèse cherchera à se régler, la Révélation telle que la transmet le Magistère universel de l'Eglise, sous sa forme solennelle ou ordinaire. Cette Révélation est celle d'un Dieu créateur et rédempteur, dont le Fils, venu parmi les hommes dans leur chair, entre non seulement dans l'histoire personnelle de chaque homme mais dans l'histoire humaine elle-même dont il devient le centre. Cette Révélation est donc celle du changement radical de l'homme et de l'univers, de tout ce qui fait le tissu de l'existence humaine sous l'influence de la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ. Une catéchèse ainsi conçue dépasse tout moralisme formaliste, bien qu'elle inclue une vraie morale chrétienne. Elle dépasse principalement tout "messianisme" temporel, social ou politique. Elle cherche à atteindre le fond de l'homme.



Incarnation du message dans les cultures

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J'aborde maintenant une seconde question. Comme je le disais récemment aux membres de la Commission biblique: "Le terme "acculturation", ou "inculturation", a beau être un néologisme, il exprime fort bien l'une des composantes du grand mystère de l'Incarnation" (94). De la catéchèse comme de l'évangélisation en général, nous pouvons dire qu'elle est appelée à porter la force de l'Evangile au coeur de la culture et des cultures. Pour cela, la catéchèse cherchera à connaître ces cultures et leurs composantes essentielles; elle en apprendra les expressions les plus significatives; elle en respectera les valeurs et richesses propres. C'est de cette manière qu'elle pourra proposer à ces cultures la connaissance du mystère caché (95) et les aider à faire surgir de leur propre tradition vivante des expressions originales de vie, de célébration et de pensée chrétiennes. On se souviendra cependant de deux choses:
d'une part, le Message évangélique n'est pas isolable purement et simplement de la culture dans laquelle il s'est d'abord inséré (l'univers biblique et plus concrètement le milieu culturel ou a vécu Jésus de Nazareth), ni même, sans déperditions graves, des cultures ou il s'est déjà exprimé au long des siècles; il ne surgit de manière spontanée d'aucun terreau culturel; il se transmet depuis toujours à travers un dialogue apostolique qui est inévitablement inséré dans un certain dialogue de cultures;
d'autre part, la force de l'Evangile est partout transformatrice et régénératrice. Lorsqu'elle pénètre une culture, qui s'étonnerait qu'elle en redresse bien des éléments? Il n'y aurait pas de catéchèse si c'était l'Evangile qui devait s'altérer au contact des cultures.

94- Cf. AAS 71 (1979), p. 607.
95-
Rm 16,25 Ep 3,5


A l'oublier, on aboutirait simplement à ce que saint Paul appelle, d'une expression très forte, "réduire à rien la croix du Christ" (96).

96- 1Co 1,17


Toute autre est la démarche qui part, avec sagesse et discernement, d'éléments - religieux ou autres - qui font partie du patrimoine culturel d'un groupe humain pour aider les personnes à mieux comprendre l'intégrité du mystère chrétien. Les catéchètes authentiques savent qu'une catéchèse "s'incarne" dans les différentes cultures ou dans différents milieux: il suffit de penser aux peuples si divers, aux jeunes de notre temps, aux circonstances très variées dans lesquelles se trouvent les gens aujourd'hui; ils n'acceptent pas pour autant que la catéchèse s'appauvrisse par l'abdication ou la mise en veilleuse de son message, par des adaptations, même de langage, qui compromettraient le "bon dépôt" de la foi (97), ou par des concessions en matière de foi ou de morale; ils sont persuadés que la vraie catéchèse finit par enrichir ces cultures en les aidant à dépasser les côtés déficients ou même inhumains qui existent en elles et en communiquant à leurs valeurs légitimes la plénitude du Christ (98).

97- 2Tm 1,14
98- Jn 1,16 Ep 1,10


Contribution des dévotions populaires

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Une autre question de méthode concerne la valorisation, par l'enseignement catéchétique, des éléments valables de la piété populaire. Je pense à ces dévotions qui sont pratiquées en certaines régions par le peuple fidèle avec une ferveur et une pureté d'intention émouvantes, même si la foi qui les sous-tend doit être purifiée, voire rectifiée, sous bien des aspects. Je pense à certaines prières faciles à comprendre que tant de gens simples aiment à répéter. Je pense à certains actes de piété pratiqués avec un désir sincère de faire pénitence ou de plaire au Seigneur. Sous la plupart de ces prières ou de ces démarches, à côté d'éléments à écarter, il y en a d'autres qui, bien utilisés, pourraient fort bien servir à faire progresser vers la connaissance du mystère du Christ ou de son message: l'amour et la miséricorde de Dieu, l'Incarnation du Christ, sa croix rédemptrice et sa résurrection, l'action de l'Esprit en chaque chrétien et dans l'Eglise, le mystère de l'au-delà, les vertus évangéliques à pratiquer, la présence du chrétien dans le monde, etc. Et pourquoi ferions-nous appel à des éléments non chrétiens - voire anti-chrétiens - en refusant de nous appuyer sur des éléments qui, même s'ils ont besoin d'être revus et amendés, ont quelque chose de chrétien dans leur racine?



Mémorisation

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La dernière question méthodologique qu'il convient au moins de souligner - elle a été plus d'une fois débattue au Synode - est celle de la mémorisation. Les débuts de la catéchèse chrétienne, qui coïncidèrent avec une civilisation surtout orale, ont recouru très largement à la mémorisation. La catéchèse a ensuite connu une longue tradition d'apprentissage des principales vérités par la mémoire. Nous savons tous que cette méthode peut présenter certains inconvénients: le moindre n'est pas celui de se prêter à une assimilation insuffisante, parfois presque nulle, tout le savoir se réduisant à des formules que l'on répète sans les avoir approfondies. Ces inconvénients, unis à diverses caractéristiques de notre civilisation, ont conduit ici ou là à la suppression presque complète - certains disent, hélas, définitive - de la mémorisation en catéchèse. Pourtant des voix très autorisées se sont fait entendre à l'occasion de la IVe Assemblée générale du Synode pour rééquilibrer judicieusement la part de la réflexion et de la spontanéité, du dialogue et du silence, des travaux écrits et de la mémoire. D'ailleurs certaines cultures font toujours grand cas de la mémorisation.

Alors que dans l'enseignement profane de certains pays, des plaintes s'élèvent de plus en plus nombreuses sur les fâcheuses conséquences du mépris de cette faculté humaine qu'est la mémoire, pourquoi ne chercherions-nous pas à la remettre en valeur de manière intelligente et même originale dans la catéchèse, d'autant plus que la célébration ou "mémoire" des grands faits de l'histoire du salut exige qu'on en possède une connaissance précise? Une certaine mémorisation des paroles de Jésus, de passages bibliques importants, des dix commandements, des formules de profession de foi, des textes liturgiques, des prières essentielles, des notions clefs de la doctrine..., loin d'être contraire à la dignité des jeunes chrétiens, ou de constituer un obstacle au dialogue personnel avec le Seigneur, est une véritable nécessité, comme l'ont rappelé avec vigueur les Pères synodaux. Il faut être réaliste. Ces fleurs, si l'on peut dire, de la foi et de la piété ne poussent pas dans les espaces désertiques d'une catéchèse sans mémoire. L'essentiel est que ces textes mémorisés soient en même temps intériorisés, compris peu à peu dans leur profondeur, pour devenir source de vie chrétienne personnelle et communautaire.

La pluralité des méthodes dans la catéchèse contemporaine peut être signe de vitalité et d'ingéniosité. Dans tous les cas, il importe que la méthode choisie se réfère en fin de compte à une loi fondamentale pour toute la vie de l'Eglise: celle de la fidélité à Dieu et de la fidélité à l'homme, dans une même attitude d'amour.




VIII. LA JOIE DE LA FOI DANS UN MONDE DIFFICILE

Affirmer l'identité chrétienne

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Nous vivons dans un monde difficile ou l'angoisse de voir les meilleures créations de l'homme lui échapper et se tourner contre lui (99) engendre un climat incertain. C'est dans ce monde que la catéchèse doit aider les chrétiens à être, pour leur joie et pour le service de tous, "lumière" et "sel" (100). Ce qui exige assurément qu'elle les affermisse dans leur identité propre et qu'elle s'arrache sans cesse elle-même aux hésitations, incertitudes et affadissements ambiants. Parmi bien d'autres difficultés, qui sont pour la foi autant de défis, j'en relève quelques-unes pour aider la catéchèse à les surmonter.

99-
RH 15-16
100- Mt 5,13-16


Dans un monde indifférent

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On parlait beaucoup, il y a quelques années, de monde sécularisé, d'ère post-chrétienne. La mode en passe... Mais une réalité profonde demeure. Les chrétiens d'aujourd'hui doivent être formés à vivre dans un monde qui largement ignore Dieu ou qui, en matière religieuse, au lieu d'un dialogue exigeant et fraternel, stimulant pour tous, s'enlise trop souvent dans un indifférentisme niveleur, quand il n'en reste pas à une attitude méprisante de "soupçon" au nom de ses progrès en matière d'"explications" scientifiques. Pour "tenir" dans ce monde, pour offrir à tous un "dialogue du salut" (101) ou chacun se sente respecté dans sa dignité vraiment fondamentale, celle de chercheur de Dieu, nous avons besoin d'une catéchèse qui apprenne aux jeunes et aux adultes de nos communautés à demeurer lucides et cohérents dans leur foi, à affirmer sereinement leur identité chrétienne et catholique, à "voir l'invisible" (102) et à adhérer tellement à l'absolu de Dieu qu'ils puissent en témoigner dans une civilisation matérialiste qui le nie.

101- Cf. Paul VI, Encyclique Ecclesiam suam, IIIe partie : AAS 56 (1964), pp. 637-659.
102-
He 11,27


Avec la pédagogie originale de la foi

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L'originalité irréductible de l'identité chrétienne a pour corollaire et condition une pédagogie non moins originale de la foi. Parmi les nombreuses et prestigieuses sciences de l'homme qui connaissent de nos jours un immense progrès, la pédagogie est certainement l'une des plus importantes. Les conquêtes des autres sciences - biologie, psychologie, sociologie - lui apportent des éléments précieux. La science de l'éducation et l'art d'enseigner sont l'objet de continuelles remises en question, en vue d'une meilleure adaptation ou d'une plus grande efficacité, avec des succès d'ailleurs divers.

Or, il y a aussi une pédagogie de la foi et l'on ne dira jamais assez ce qu'une telle pédagogie de la foi peut apporter à la catéchèse. Il est normal en effet d'adapter au profit de l'éducation de la foi les techniques perfectionnées et éprouvées de l'éducation tout court. Il importe cependant de tenir compte à chaque instant de l'originalité foncière de la foi. Quand on parle de pédagogie de la foi, il ne s agit pas de transmettre un savoir humain, même le plus élevé; il s'agit de communiquer dans son intégrité la Révélation de Dieu. Or, Dieu lui-même, tout au long de l'histoire sainte et surtout dans l'Evangile, s'est servi d'une pédagogie qui doit rester un modèle pour la pédagogie de la foi. Une technique n'a de valeur en catéchèse que dans la mesure ou elle se met au service de la foi à transmettre et à éduquer; elle n'en a pas dans le cas contraire.




1979 Catechesi Tradendae 37