1996 Denzinger 2804

Décret de la Sacrée Congrégation de l'Index, 11 (15) juin 1855.

Thèses contre le traditionalisme de Bonnetty.

2811
1. " Même si la foi est au-dessus de la raison, il ne peut jamais exister entre elles aucun dissentiment réel, aucune discorde, puisque toutes deux découlent d'une seule et même source de vérité immuable et éternelle, Dieu très bon et très grand, et qu'elles s'aident mutuellement "
2776 ; voir 3019 ).

2812
2. Le raisonnement peut prouver avec certitude l'existence de Dieu, la spiritualité de l'âme, la liberté humaine. La foi est postérieure à la Révélation, et elle ne peut donc pas être alléguée pour prouver l'existence de Dieu vis-à-vis d'un athée, ni pour prouver la spiritualité de l'âme raisonnable et sa liberté face aux partisans du naturalisme et du fatalisme (voir
2751 , 2754 .

2813
3. L'usage de la raison précède la foi et y conduit l'homme à l'aide de la Révélation et de la grâce
2755 .

2814
4. La méthode dont se sont servis saint Thomas, saint Bonaventure et d'autres scolastiques après eux, ne conduit pas au rationalisme, et elle n'a pas été la cause de ce que dans les écoles d'aujourd'hui la philosophie incline au naturalisme et au panthéisme. C'est pourquoi il n'est pas permis de reprocher à ces docteurs et à ces maîtres de faire usage de cette méthode, surtout avec l'approbation, au moins tacite, de l'Eglise.

Instruction du Saint-Office au vicaire apostolique du Siam, 4 Juillet 1855.

Privilège paulin

2817
Il est absolument défendu qu'une chrétienne épouse un païen ; mais si, après l'obtention de la dispense de disparité de culte par le Saint- Siège, il devait arriver qu'un tel mariage se réalise, on sait qu'il sera indissoluble quant au lien, et qu'il peut seulement être dissous parfois quant à la couche...C'est pourquoi une femme chrétienne ne pourra jamais contracter de secondes noces du vivant de cet homme non croyant, même s'il est concubinaire.

2818
Mais s'il s'agit de la femme païenne d'un païen concubinaire, et qu'elle se convertit, dans ce cas, une fois faite l'interpellation (comme plus haut), s'il refuse de se convertir ou de cohabiter sans injure à l'égard du Créateur, et donc de renoncer au concubinage (dans lequel il n'est certainement pas possible de vivre sans injure à l'égard du Créateur), elle pourra faire usage du privilège concédé en faveur de la foi.

2819
D'une façon générale, si la conversion du conjoint a précédé le mariage avec un non-croyant, conclu après dispense apostolique, il n'est absolument pas possible de bénéficier du privilège concédé en faveur de la foi ; mais si le mariage a précédé la conversion, alors la partie qui s'est convertie peut faire usage de ce privilège, toutes choses étant sauves, ainsi qu'il a été dit.

2820
Pour ce qui est des empêchements dirimants, il faut considérer également que l'ignorance invincible ou la bonne foi ne suffisent pas pour qu'un mariage soit contracté de façon valide. Même si parfois (mais cela doit rarement être considéré comme étant le cas dans la pratique) cette ignorance et cette bonne foi peuvent excuser du péché, jamais cependant elles ne peuvent rendre valide un mariage qui a été conclu malgré un empêchement dirimant.



Encyclique du Saint-Office aux évêques, 4 août 1856.

Abus du magnétisme

2823
Quelques réponses ont déjà été données par le Saint-Siège à ce sujet à propos de cas particuliers, et dans lesquelles ont été réprouvées comme illicites des expériences qui visent un but qui n'est pas naturel, ni honnête, et auquel on ne parvient pas par des moyens qui conviennent ; c'est pourquoi il a été décrété dans des cas semblables, le mercredi 21 avril 1841: "L'usage du magnétisme, tel qu'il est présenté, n'est pas licite." De même la Sacrée Congrégation a décidé de prohiber certains livres qui répandent obstinément des erreurs de cette sorte.

2824
Mais étant donné qu'au-delà des cas particuliers il devait être traité de l'usage du magnétisme en général, le mercredi 28 juillet 1847, il a été établi ce qui suit, pour servir de règle "Toute erreur, tout sortilège, toute invocation du démon, explicite ou implicite, étant écartés, l'usage du magnétisme, à savoir le simple acte d'utiliser des moyens physiques licites par ailleurs, n'est pas moralement interdit, dès lors qu'il ne tend pas à une fin illicite ou dévoyée d'une façon quelconque. Mais l'application de principes et de moyens purement physiques à des choses et à des effets réellement surnaturels, pour qu'ils soient expliqués physiquement, n'est rien d'autre qu'une tromperie absolument illicite et hérétique."

2825
Bien que par ce décret général le caractère licite ou illicite de l'usage ou de l'abus du magnétisme ait été suffisamment expliqué, la malice des hommes s'est tellement accrue que, négligeant la recherche licite du savoir, ils préfèrent s'attacher à des choses étranges au grand dommage de leurs âmes et au détriment de la société civile, et qu'ils se vantent d'avoir acquis un principe de magie ou de divination. C'est ainsi que des femmes de peu, emportées par des gesticulations qui ne sont pas toujours décentes, se répandent en affirmant que, grâce aux prestiges du somnambulisme et de ce qu'elles appellent la voyance, elles voient ce qui est invisible, et dans leur entreprise téméraire elles ont l'audace de s'engager dans des propos concernant la religion elle- même, d'évoquer les âmes des défunts, de recevoir des réponses, de révéler des choses ignorées ou lointaines, et de se livrer à d'autres pratiques superstitieuses de cette sorte, de manière à s'assurer pour elles-mêmes et pour leurs maîtres un grand bénéfice par des divinations sûres. Mais quels que soient l'art ou l'illusion mis en oeuvre en tout cela : dès lors que les moyens physiques sont ordonnés à des effets qui ne sont pas naturels, on est en présence d'une tromperie absolument illicite et hérétique, et d'un scandale qui porte atteinte aux bonnes moeurs.



Bref "Eximiam tuam" à l'archevêque de Cologne, 15 juin 1857.

Erreurs de Anton Günther

2828
Surtout en effet Nous constatons non sans douleur que prédomine dans ces oeuvres le système erroné et très pernicieux du rationalisme, souvent condamné par le Siège apostolique ; et de même nous constatons que dans ces mêmes livres et parmi d'autres choses on peut en lire d'assez nombreuses qui ne s'écartent pas peu de la foi catholique et d'une explication juste de la substance divine en trois personnes distinctes et éternelles.
De même nous avons appris que n'est pas meilleur ni plus exact ce qui est dit du mystère du Verbe incarné, et de l'unité de la personne divine du Verbe en deux natures, divine et humaine.
Nous constatons que dans ces mêmes livres il est porté atteinte à la conception et à la doctrine catholique concernant l'homme, lequel est constitué d'un corps et d'une âme de telle sorte que l'âme, c'est-à-dire l'âme rationnelle, est par elle-même la forme vraie et immédiate du corps.
Et nous n'ignorons pas qu'il y a dans ces livres des enseignements et des affirmations qui contredisent totalement la doctrine catholique concernant la liberté souveraine de Dieu, hors de toute nécessité, dans la création des choses.

2829
Il faut également réprouver et condamner fortement le fait que dans les livres de Günther la raison humaine et la philosophie qui, dans les choses de la religion, ne doivent pas dominer mais rester totalement servantes, se voient attribuer de façon téméraire le droit d'un magistère, et que pour cette raison se trouve perturbé ce qui doit demeurer très ferme, aussi bien pour ce qui est de la distinction entre science et foi, que pour ce qui est du caractère constamment immuable de la foi, laquelle est toujours une et demeure la même, tandis que la philosophie et les disciplines humaines ne demeurent pas toujours identiques à elles-mêmes et ne sont pas non plus exemptes d'une grande variété d'erreurs.

2830
A cela s'ajoute que les saints Pères ne sont pas considérés avec la révérence que prescrivent les canons des conciles et que méritent ces lumières très brillantes de l'Eglise, et qu'il n'est pas fait abstention non plus de ces sarcasmes contre les écoles catholiques que notre prédécesseur Pie VI, de vénérable mémoire, a solennellement condamnés
2679 .

2831
Nous ne passerons pas non plus sous silence le fait que dans les livres de Günther la saine façon de parler est blessée au plus haut point, comme s'il était permis d'oublier les paroles de l'apôtre Paul
2Tm 1,13 ou celles par lesquelles Augustin nous avertit avec beaucoup de fermeté : "Mais à nous il convient de parler selon une règle précise, de peur qu'une trop grande liberté dans les mots n'engendre une opinion impie sur les choses qu'ils désignent."


Lettre apostolique "Dolore haud mediocri" à l'évêque de

Breslau, 30 avril 1860.

L'âme rationnelle comme principe de vie de l'homme

2833
On a incriminé... le fait que Baltzer..., après avoir ramené toute la controverse à la question de savoir si le corps possède un principe de vie qui lui est propre, distinct en lui-même de l'âme rationnelle, s'est élevé à une telle témérité qu'il a qualifié d'hérétique la position opposée, et qu'il a expliqué par de nombreux propos qu'elle devait être considérée comme telle.
Cela nous ne pouvons que le désapprouver avec force, lorsque nous considérons que la conception selon laquelle il y a en l'homme un unique principe de vie, à savoir l'âme rationnelle, par laquelle le corps aussi reçoit et son mouvement et toute sa vie et ses sensations, est très commune dans l'Eglise de Dieu, et que la plupart des docteurs - et surtout les plus approuvés - la considèrent comme à ce point liée au dogme de l'Eglise, qu'elle en est l'interprétation légitime et la seule vraie, et que par conséquent elle ne peut être niée sans erreur dans la foi.



Instruction du Saint-Office au vicaire apostolique de Tche-

Kiang, 1er (3) août

Réception régulière du baptême

2835
Exposé : (Un missionnaire, qui veut tenir compte aussi bien du respect dû au sacrement que du salut éternel du malade déjà proche de la mort, confère) le baptême avec cette condition : "Si tu es vraiment disposé", par quoi il a l'intention de ne pas baptiser si les bonnes dispositions n'existent pas.

Question : Une telle manière de conférer le baptême est-elle

licite ou non?

2836
Réponse : C'est une chose entendue que trois dispositions sont requises chez l'adulte pour la réception régulière du baptême, à savoir la foi, le repentir et l'intention de le recevoir. Est certainement nécessaire la foi, dans laquelle l'adulte doit être instruit de façon suffisante, à la mesure de l'intelligence qui est la sienne, au sujet des mystères de la religion chrétienne, et par laquelle il doit les croire fermement ; est nécessaire également le repentir, par lequel il doit éprouver de la douleur pour ses péchés et susciter en outre la contrition et l'attrition ; et troisièmement est requise de façon nécessaire l'intention ou la volonté de recevoir ce sacrement, et si elle fait défaut, le caractère baptismal n'est pas imprimé à l'adulte.

2837
Or la foi et le repentir sont requis chez l'adulte pour qu'il reçoive le sacrement de façon licite, et qu'il obtienne le fruit du sacrement ; l'intention cependant est nécessaire pour qu'il l'obtienne de façon valide, de sorte que celui qui est baptisé adulte sans la foi et le repentir, l'est de façon illicite certes, mais valide, et qu'en revanche celui qui est baptisé sans la volonté de recevoir le sacrement n'est baptisé ni licitement ni validement.

2838
Cela étant présupposé, il sera facile de reconnaître que dans le présent cas, le missionnaire n'a pas agi de façon juste lorsque, administrant le baptême à un adulte moribond, il a donné même valeur aux dispositions requises pour administrer le baptême de façon licite, et à celles qui sont requises de façon nécessaire pour le recevoir de façon valide. En effet, s'il y a doute sur le point de savoir si l'adulte proche de la mort est suffisamment instruit au sujet des mystères de la foi et s'il y croit de façon suffisante, et sur le point de savoir si lui-même veut réellement recevoir le baptême, et dès lors qu'après un examen diligent il demeure encore un doute au sujet de cette intention, le baptême doit être conféré avec cette condition : dans la mesure où il est capable d'être baptisé.

2839
Par ailleurs, le missionnaire n'a pas agi de façon juste lorsqu'en baptisant sous condition il a eu l'intention de ne pas baptiser si les bonnes dispositions n'étaient pas données chez celui qui reçoit le baptême, car en l'espèce le missionnaire doit seulement avoir l'intention de baptiser pour autant que celui qui reçoit le baptême est capable d'être baptisé, c'est-à-dire veut le recevoir de façon sincère.



Décret du Saint-Office, 18 septembre 1861

Erreurs des ontologistes.

Question : Les propositions suivantes peuvent-elles être enseignées de façon sûre.

2841
1. Une connaissance immédiate de Dieu, au moins habituelle, est essentielle à l'intelligence humaine, de sorte qu'elle ne peut rien connaître sans elle : elle est en effet la lumière de l'intellect elle-même.

2842
2. Cet être que nous connaissons en toutes choses et sans lequel nous ne connaissons rien, est l'être divin.

2843
3. Les universaux, considérés dans leur réalité objective, ne se distinguent pas réellement de Dieu.

2844
4. La connaissance innée de Dieu comme être pur et simple inclut toute autre connaissance de manière éminente ; de sorte que, par elle, nous connaissons implicitement tout être sous quelque aspect qu'il soit connaissable.

2845
5. Toutes les autres idées ne sont rien d'autre que les modifications de l'idée par laquelle Dieu est connu comme être pur et simple.

2846
6. Les réalités créées sont en Dieu comme la partie dans le tout, non pas certes dans le tout formel, mais dans le tout infini, parfaitement simple, qui pose hors de lui-même ses parties sans division ni diminution de lui-même.

2847
7. La création peut être expliquée ainsi : Dieu produit la créature par cet acte spécial par lequel il se comprend et se veut distinct d'une créature déterminée, par exemple l'homme.
Censure du Saint-Office : Non.



Lettre "Gravissimas inter" à l'archevêque de Munich-Freising,

11 décembre 1862.

Erreurs de Jakob Frohschammer concernant la liberté de la science

2850
(La Sacrée Congrégation de l'Index a jugé que l'auteur) s'écarte de la vérité catholique. Et cela d'une double manière surtout, d'abord parce que l'auteur attribue à la raison humaine des forces qui n'appartiennent aucunement à la raison ; ensuite parce qu'il accorde à cette même raison une liberté de juger de tout, et de toujours tout oser qui est telle que les droits, les devoirs et l'autorité de l'Eglise elle-même disparaissent totalement.

2851
L'auteur en effet enseigne d'abord que la philosophie, si on en a une notion exacte, peut non seulement connaître et comprendre les dogmes chrétiens que la raison naturelle a en commun avec la foi (à savoir comme objet commun de connaissance), mais aussi ceux qui sont principalement et proprement constitutifs de la religion et de la foi chrétiennes, à savoir la fin surnaturelle de l'homme elle-même et tout ce qui la concerne, et aussi que le très saint mystère de l'Incarnation du Seigneur, sont du domaine de la raison et de la philosophie, et que la raison, une fois donné l'objet, peut les atteindre en connaissance de cause par ses propres principes.
Même si l'auteur introduit une distinction entre ces dogmes et les premiers, et si c'est avec un moindre droit que ces derniers se voient attribués à la raison, il enseigne néanmoins très clairement et de façon ouverte qu'ils font partie eux aussi des données qui constituent l'objet propre de la science et de la philosophie.

2852
On peut et l'on doit, dès lors, conclure de l'opinion de l'auteur que, dans les mystères même les plus cachés de la sagesse et de la bonté de Dieu, même dans ceux de sa libre volonté - du moment que l'objet de la Révélation est donné - la raison peut par elle-même arriver à la science et à la certitude, et cela non pas à partir du principe de l'autorité divine, mais à partir de ses principes et de ses capacités naturelles. A quel point cette doctrine de l'auteur est fausse et erronée, tout un chacun... le voit aussitôt...

2853
Si ces partisans de la philosophie défendaient les vrais principes et les vrais droits de la raison et de la philosophie et eux seuls, ils devraient recevoir des louanges méritées. Car la vraie et saine philosophie occupe une place très remarquable, puisque sa tâche est de chercher soigneusement la vérité, de former justement et sérieusement la raison humaine, obscurcie sans doute mais nullement éteinte par la faute du premier homme, et de l'éclairer ; de saisir son objet de connaissance et un grand nombre de vérités, de bien les comprendre, de les approfondir, et de démontrer nombre d'entre elles, comme l'existence, la nature, les attributs de Dieu, que la foi aussi propose à croire, par des arguments tirés des principes, de les justifier, de les défendre, et, de cette manière, d'ouvrir la voie pour qu'on tienne plus exactement ces dogmes par la foi, et même pour que les dogmes les plus cachés, que la foi est seule d'abord à connaître, soient, d'une certaine manière, compris par la raison. Voilà ce que doit faire et ce à quoi doit s'occuper la science austère mais très belle de la vraie philosophie...

2854
Mais dans cette affaire des plus importantes nous ne pouvons jamais tolérer que tout soit mêlé inconsidérément, ni que la raison envahisse et trouble les réalités qui sont du domaine de la foi, alors qu'il y a des frontières très certaines et parfaitement connues de tous, au-delà desquelles la raison jamais n'a pu ni ne peut s'avancer de son propre droit. Relève notamment et clairement de ces dogmes ce qui concerne l'élévation surnaturelle de l'homme et ses rapports surnaturels avec Dieu, ainsi que ce qui est révélé à cette fin. Et comme ces dogmes dépassent la nature, il en résulte qu'ils ne peuvent être atteints ni par la raison naturelle, ni par les principes naturels. Jamais la raison ne peut être rendue capable de traiter de ces dogmes en connaissance de cause.
Mais si certains osent l'affirmer témérairement, qu'ils sachent qu'ils se séparent non pas de l'opinion de quelques docteurs, mais de la doctrine commune de l'Eglise qui n'a jamais changé.

2855
Il est établi en effet à partir des divines Ecritures et de la tradition des saints Pères que l'existence de Dieu et bien d'autres vérités peuvent certes être connues par la lumière de la raison naturelle
Rm 1, y compris par ceux qui n'ont pas encore reçu la foi, mais que les dogmes plus cachés, Dieu seul les a révélés, puisqu'il voulait faire connaître le mystère qui était caché depuis des siècles et des générations Col 1,26...

2856
... En transmettant la doctrine de l'Eglise, les saints Pères avaient le souci constant de distinguer la connaissance des réalités divines qui est commune à tous en vertu de l'intelligence naturelle, de la connaissance de ces choses qui est reçue par la foi moyennant le Saint-Esprit, et constamment ils ont enseigné que par elle nous sont révélés dans le Christ ces mystères qui dépassent non seulement la philosophie humaine mais également la connaissance naturelle des anges, et qui, même s'ils sont connus par la Révélation divine et reçus par la foi en elle, n'en demeurent pas moins recouverts du voile sacré de la foi et d'une ténèbre obscure aussi longtemps que dans cette vie mortelle nous cheminons loin du Seigneur.

2857
Tout cela fait apparaître le caractère totalement étranger à la doctrine de l'Eglise catholique de cette opinion par laquelle le même Frohschammer n'hésite pas à affirmer que tous les dogmes de la religion chrétienne sont immédiatement objet d'un savoir naturel ou de la philosophie, et que, dès lors que ces dogmes sont proposés à la raison comme son objet, la raison humaine simplement experte en histoire est à même, de par ses capacités naturelles et son principe, de parvenir à la connaissance véritable de tous les dogmes, y compris de ceux qui sont plus cachés
2909

2858
Mais dans les écrits de cet auteur qui ont été mentionnés prédomine une autre conception encore, qui est entièrement contraire à la doctrine et au sens de l'Eglise Catholique. Il attribue en effet à la philosophie une liberté qui ne doit pas être considérée comme une liberté de la science, mais comme une licence qui est à réprouver entièrement et qui ne peut pas être tolérée. Faisant en effet une distinction entre philosophe et philosophie, il donne au philosophe le droit et lui fait le devoir de se soumettre à une autorité que lui-même a reconnue pour vraie, mais il dénie l'un et l'autre à la philosophie en ce sens qu'il affirme, sans tenir compte de la doctrine révélée, que celle-ci ne peut ni ne doit jamais se soumettre à une autorité.

2859
Cela serait tolérable et peut-être admissible si cela était dit seulement du droit qu'a la philosophie de faire usage de ses principes et de ses méthodes ainsi que de ses conclusions, comme le font également les autres sciences, et si sa liberté consistait à user de son droit en ce sens qu'elle n'admettrait rien en elle qui n'aurait pas été acquis par elle-même selon ses propres conditions ou qui lui serait étranger.
Mais cette juste liberté de la philosophie doit reconnaître et éprouver ses limites. Car ce n'est pas au philosophe seulement, mais également à la philosophie, qu'il ne sera jamais permis soit de dire quelque chose qui est contraire à ce qu'enseignent la Révélation divine et l'Église, soit d'en mettre quelque chose en doute parce qu'elle ne le comprend pas, soit de ne pas accepter un jugement que l'autorité de l'Eglise a décidé de porter sur une conclusion de la philosophie.

2860
A cela s'ajoute encore que le même auteur défend la liberté de la philosophie, ou plutôt sa liberté sans limite, de façon si vive et si téméraire qu'il ne craint pas d'affirmer que l'Eglise ne doit pas seulement ne jamais blâmer la philosophie, mais qu'elle doit même tolérer les erreurs de la Philosophie et lui laisser le soin de se corriger elle-même
2911 , d'où il résulte que les philosophes ont nécessairement part à cette liberté, et que par là ils sont eux-mêmes dégagés de toute loi. ...

2861
C'est pourquoi, en raison du pouvoir qui lui a été donné par son divin fondateur, l'Eglise n'a pas seulement le droit, mais surtout le devoir de ne pas tolérer et au contraire de proscrire les erreurs dès lors que l'intégrité de la foi et le salut des âmes le demandent, et à tout philosophe qui veut être un fils de l'Eglise, et aussi à la philosophie, incombe le devoir de ne jamais rien dire contre ce qu'enseigne l'Eglise, et de rétracter ce au sujet de quoi ils auront fait l'objet d'une monition.
La conception en revanche qui enseigne le contraire, nous affirmons et déclarons qu'elle est totalement erronée, et qu'elle fait injure au plus haut point à la foi elle-même, à l'Eglise et à son autorité.



Encyclique "Quanto conficiamur moerore" aux évêques d'Italie,

10 août 1863

L 'indifférentisme

2865
A nouveau nous devons mentionner et blâmer la très grave erreur dans laquelle malheureusement se trouvent certains catholiques qui pensent que des hommes vivant dans l'erreur et loin de la vraie foi et de l'unité catholique peuvent parvenir à la vie éternelle
2917 . Or cela est contraire au plus haut point à la doctrine catholique.

2866
Nous savons, ainsi que vous, que ceux qui souffrent d'une ignorance invincible concernant notre très sainte religion, en observant avec soin la loi naturelle et ses préceptes, gravés par Dieu dans le coeur de tous, et qui sont disposés à obéir à Dieu et mènent ainsi une vie honnête et droite, peuvent, avec l'aide de la lumière et de la grâce divines, acquérir la vie éternelle ; car Dieu, qui voit parfaitement, scrute et connaît les esprits, les âmes, les pensées et les qualités de tous, dans sa très grande bonté et sa patience, ne permet pas que quelqu'un soit puni des supplices éternels sans être coupable de quelque faute volontaire.

2867
Mais nous connaissons parfaitement aussi le dogme catholique, à savoir qu'en dehors de l'Eglise catholique personne ne peut être sauvé, et que ceux qui sont rebelles à l'autorité de cette même Eglise et à ses définitions, et qui sont opiniâtrement séparés de l'unité de cette Eglise et du pontife romain, le successeur de Pierre, à qui a été confié le gouvernement et la garde de la vigne, ne peuvent pas obtenir le salut éternel.


Lettre "Tuas libenter" à l'archevêque de Munich-Freising, 21

décembre 1863

Soumission au magistère de l'Eglise

2875
Nous avons appris... que certains des catholiques qui s'adonnent à l'étude des plus hautes sciences, trop confiants dans les forces de l'esprit humain, n'ont pas craint qu'en affirmant une liberté fallacieuse et aucunement authentique de la science, les dangers d'erreurs les entraînent au-delà des limites que ne permet pas de franchir l'obéissance due au magistère de l'Eglise, établi pour garder l'intégralité de la totalité de la vérité révélée. Il en est résulté que des catholiques ainsi malheureusement trompés, se trouvent souvent d'accord aussi avec ceux qui déclament et déblatèrent contre les décrets de ce Siège apostolique et de nos congrégations, en affirmant qu'ils font obstacle au libre progrès de la science
2912 , et s'exposent au danger de rompre ces liens de l'obéissance par lesquels, de par la volonté de Dieu, il sont liés à ce même Siège apostolique qui a été institué par Dieu lui-même maître et protecteur de la vérité.

2876
Nous n'ignorons pas non plus qu'en Allemagne une opinion fausse s'est développée contre l'école ancienne et contre la doctrine de ces éminents docteurs
2912 que l'Eglise universelle vénère en raison de leur sagesse admirable et de la sainteté de leur vie. Par cette fausse opinion l'autorité de l'Eglise elle-même est mise en doute, puisque l'Eglise elle-même, non seulement a permis, pendant des siècles, que la science théologique soit cultivée selon la méthode de ces docteurs et selon les principes consacrés par le consensus reconnu de toutes les écoles catholiques, mais a en outre très souvent accordé les plus grands éloges à leur doctrine théologique et l'a fortement recommandée comme le rempart le plus fort de la foi et comme une arme redoutable face à ses ennemis. ...

2877
Puisque cependant tous les hommes de ce congrès... ont affirmé que le progrès des sciences et le bon succès dans l'effort pour éviter et réfuter les erreurs de notre triste temps dépendent totalement de l'adhésion intérieure aux vérités révélées qu'enseigne l'Eglise catholique, ils ont eux-mêmes reconnu et professé cette vérité que les vrais catholiques, qui se sont adonnés à l'élaboration et au développement des sciences, ont toujours tenue et transmise. Et c'est en s'appuyant sur cette vérité que ces hommes savants et vraiment catholiques ont pu élaborer ces sciences de façon sûre, les expliquer et les rendre utiles et certaines.
Cela ne peut être obtenu cependant si la lumière de la raison humaine, circonscrite par des limites, même lorsqu'elle explore les vérités qu'elle peut atteindre par ses propres forces et ses facultés, ne vénère pas au plus haut point, comme il convient, la lumière infaillible et incréée de l'intelligence divine qui brille partout de façon admirable dans la révélation divine. En effet, bien que ces disciplines naturelles s'appuient sur leurs principes propres reconnus par la raison, les catholiques qui les cultivent n'en doivent pas moins avoir devant les yeux la Révélation divine comme une étoile qui les conduit, pour que éclairés par elle ils se gardent des écueils et des erreurs lorsque, dans leurs recherches et leurs réflexions, ils perçoivent qu'ils peuvent être conduits, comme cela arrive très souvent, à affirmer ce qui contredit plus ou moins la vérité infaillible des choses qui ont été révélées par Dieu.

2878
C'est pourquoi nous ne voulons pas douter que les hommes de ce congrès, puisqu'ils reconnaissent et professent cette vérité, aient voulu, à ce même moment, rejeter et réprouver cette façon récente et faussée de faire de la philosophie qui, même si elle admet la Révélation divine comme un fait historique, subordonne néanmoins les vérités ineffables proposées par la Révélation divine elle-même aux investigations de la raison humaine, comme si ces vérités étaient soumises à la raison, ou si la raison, avec ses propres forces et principes, pouvait parvenir à la connaissance et à la compréhension de toutes les vérités de notre foi très sainte, lesquelles sont à ce point au- dessus de la raison que celle-ci ne peu jamais être rendue capable de les comprendre ou de le démontrer par ses propres principes naturels
2909 .

2879
Nous voulons Nous persuader qu'ils n'ont pas voulu que l'obligation à laquelle sont totalement soumis les maîtres et écrivains catholiques soit uniquement restreinte aux sujets que le jugement infaillible de l'Eglise propose à tous de croire comme des dogmes de foi
2922 . Notre conviction est aussi qu'ils n'ont pas voulu déclarer que cette adhésion parfaite aux vérités révélées, dont ils ont reconnu l'absolue nécessité pour arriver au véritable progrès des sciences et pour réfuter les erreurs, puisse être obtenue en se contentant d'accorder foi et respect à tous les dogmes expressément définis par l'Eglise. Car, même s'il s'agissait de cette mission qui doit se manifester par l'acte de foi divine. Elle ne saurait être limitée à ce qui a été défini par les décrets exprès des conciles oecuméniques ou des pontifes romains de ce Siège apostolique, mais elle doit aussi s'étendre à ce que le magistère ordinaire de toute l'Eglise répandue dans l'univers transmet comme divinement révélé et, par conséquent, qui est retenu d'un consensus unanime et universel par les théologiens catholiques, comme appartenant à la foi.

2880
Mais quand il s'agit de cette soumission qui oblige en conscience tous les catholiques qui s'adonnent aux sciences de l'esprit, pour rendre de nouveaux services à l'Eglise par leurs écrits, les membres de ce congrès doivent reconnaître qu'il est absolument insuffisant pour des savants catholiques de recevoir et de révérer les dogmes de l'Eglise dont nous avons parlé, mais qu'il est aussi nécessaire de se soumettre aux décisions touchant la doctrine qui sont édictées par les congrégations pontificales, ainsi qu'aux points de doctrine que le consensus commun et constant des catholiques tient pour des vérités théologiques et des conclusions si certaines que les opinions qui leur sont contraires, même si elles ne peuvent être dites hérétiques, méritent cependant quelque censure théologique.



Lettre du Saint-Office aux évêques d'Angleterre, 16 septembre 1864.

L'unicité de I 'Eglise

2885
(L'Association pour la promotion de la réunification du christianisme érigée à Londres en 1857) professe expressément que trois communautés chrétiennes, la catholique romaine, la gréco-schismatique et l'anglicane, bien que séparées et divisées entre elles, revendiquent avec le même droit pour elles- mêmes le nom de catholique. Son accès est donc ouvert à tous, en quelque lieu qu'ils habitent, aussi bien catholiques, que gréco-schismatiques ou anglicans, à cette condition cependant qu'il ne sera permis à personne de soutenir une question au sujet des divers chapitres de doctrine qui les divisent, et qu'il soit libre à chacun de se conformer en toute tranquillité d'esprit aux principes de sa propre confession religieuse.
Elle demande cependant à tous ses membres de réciter des prières et aux prêtres de célébrer des sacrifices selon son intention : à savoir pour que les trois communions chrétiennes qui, comme il est suggéré, constituent toutes ensemble l'Eglise catholique, se réunissent enfin pour former un unique corps. ...

2886
Le fondement sur lequel s'appuie cette association est tel qu'il renverse de fond en comble la constitution divine de l'Eglise. Elle suppose en effet essentiellement que la véritable Eglise de Jésus Christ est composée pour une part de l'Eglise romaine, répandue et étendue dans le monde entier, pour une part du schisme de Photius et de l'hérésie anglicane, pour lesquels, tout comme pour l'Eglise romaine, il y a "un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême"
Ep 4,5....

2887
Rien, certes, ne doit tenir plus à coeur au catholique que de voir la suppression radicale des schismes et des discordes entre chrétiens, et chez tous les chrétiens le "souci de garder l'unité de l'Esprit dans le lien de la paix"
Ep 4,3... Mais que des fidèles et des ecclésiastiques prient pour l'unité chrétienne sous la conduite des hérétiques et, qui pis est, dans une intention profondément souillée et infectée par l'hérésie, ne peut être nullement toléré.

2888
La véritable Eglise du Christ est constituée par l'autorité divine et reconnue par quatre notes, auxquelles, dans le Symbole, nous affirmons qu'il faut croire. Chacune de ces notes est si intimement unie aux autres qu'elle ne peut en être séparée. D'où il résulte que l'Eglise qui est vraiment catholique et dite telle doit en même temps manifester les prérogatives de l'unité, de la sainteté et de la succession apostolique.
L'Eglise catholique est donc une, d'une unité remarquable et parfaite sur toute la terre et parmi toutes les nations, de cette unité dont le principe, la racine et l'origine indéfectible sont Pierre, chez des apôtres, l'autorité souveraine de ses successeurs dans la Chaire de Rome et son "origine supérieure". Il n'est pas d'autre Eglise catholique que celle qui. bâtie sur Pierre seul, en un corps joint et assemblé
Ep 4,16, se dresse dans l'unité de la foi et de la charité.




1996 Denzinger 2804