Justin, Apologie 68


HADRIEN A MINUCIUS FUNDANUS


69 J'ai reçu la lettre du clarissime Serenius Granianus, à qui vous avez succédé. Le fait me semble de nature à demander une enquête, pour éviter les troubles et ne pas laisser prise à la calomnie. Si les hommes des provinces veulent donner suite à leurs pétitions contre les chrétiens et les appeler devant votre tribunal, qu'ils s'y rendent; mais qu'ils s'abstiennent de pétitions et de vagues récriminations. Il est bien plus convenable, s'il y a une accusation intentée, que vous en connaissiez. Ainsi donc, si on accuse les chrétiens, et qu'on démontre qu'ils ont agi contre les lois, jugez-en selon la gravité du délit. Mais si, par malheur, ce n'est la qu'un prétexte de calomnies, faites une enquête sévère de cette cruelle conduite, et ayez soin de tirer vengeance des calomniateurs.


LETTRE D'ANTONIN AUX PEUPLES D'ASIE


70 L'empereur César Titus AeIius Hadrien Antonin Auguste Pieux, grand Pontife, tribun pour la quinzième fois, consul pour la troisième, père de la patrie, aux peuples d'Asie, salut. Je croyais que les dieux se chargeraient d'empêcher que de pareilles gens restassent cachées; car, s'ils le pouvaient, ce serait à eux, bien plutôt qu'à vous, de châtier des hommes qui refusent de les adorer. Vous les tourmentez, vous accusez leur doctrine, vous les taxez d'athéisme, vous leur imputez une foule de griefs que vous ne pouvez prouver. C'est pour eux le plus grand bonheur de mourir pour leur doctrine. Ils triomphent de nous, puisqu'ils nous jettent leur vie, plutôt que d'obéir à ce que vous leur demandez. Quant aux tremblements de terre présents et passés, vous n'avez pas droit de donner des avis, vous qui tremblez lors de ces événements. Comparez votre conduite à la leur: ils ont infiniment plus de confiance que vous en Dieu. Quand la terre tremble, vous semblez avoir oublié qu'il y a des dieux; vous négligez leurs temples, vous ne pensez pas au culte; et vous les persécutez, ceux qui honorent la Divinité, vous les poursuivez jusqu'à la mort. D'autres gouverneurs de province ont écrit à mon divin père au sujet de ces hommes-là. Il leur a répondu qu'il ne fallait pas les inquiéter, tant qu'on ne les surprendrait pas à tramer quelque chose contre l'empire romain. A toutes les demandes que l'on m'a adressées à ce sujet, j'ai répondu dans le même sens que mon père. Si donc quelqu'un accuse un de ces hommes et lui intente une action pour sa qualité, qu'on renvoie l'accusé absous, quand même sa qualité serait prouvée, et que l'accusateur soit puni.


LETTRE DE L'EMPEREUR MARC-AURELE AU SENAT, ATTESTANT QU'IL A ETE REDEVABLE AUX CHRETIENS DE LA VICTOIRE

71 L'empereur César Marc-Aurèle Antonin, Germanique, Parthique, Sarmatique, au peuple romain et au sacré Sénat, salut.

Je vous ai fait part de la grandeur de mes desseins, et des avantages considérables que j'ai remportés sur les frontières de la Germanie, depuis que, fatigué et souffrant, je fus enfermé à Cotinum par soixante-quatorze enseignes, qui me resserraient dans un cercle de neuf milles. Mes coureurs m'avaient donné avis de l'approche de l'ennemi, et Pompéianus, maître de la milice, ne tarda pas à me confirmer cette nouvelle. Je n'avais à opposer à quatre-vingt-dix-sept mille hommes de troupes réglés et de Barbares que quelques détachements des légions Première, Dixième, Gémina, et quelques Férentariens des troupes légères. En comparant la multitude des ennemis et le petit nombre des miens, je vis qu'il ne fallait espérer que dans les divinités de la patrie. Je les implorais; mais elles ne m'exauçaient pas: mes troupes étaient réduites à l'extrémité. Je me décidai à mander tous ceux que nous appelons chrétiens; ils répondirent à mon appel, et je fus étonné et irrité de leur grand nombre. Cette colère était injuste; car je ne tardai pas à éprouver leur puissance. Ce n'est pas le cliquetis des armes, le bruit des flèches, le son des trompettes qui excite leur vaillance (tout cela leur déplaît, à cause du Dieu qu'ils portent dans leur coeur; car, il faut en convenir, ces prétendus athées ont dans leur coeur un Dieu qui y réside, les exhorte et les fortifie); ils se précipitèrent à genoux et firent une ardente prière, non seulement pour moi, mais pour toute l'armée, dans l'espoir d'obtenir que notre soif et notre faim fussent apaisées. L'eau surtout nous manquait; il y avait cinq jours que nous n'en avions reçu, car nous étions sur les confins de la Germanie, au milieu d'un pays ennemi. A peine s'étaient-ils prosternés à terre et avaient-ils invoqué leur Dieu, qui m'était inconnu, que tout à coup il tomba du ciel une pluie abondante, qui nous rafraîchissait extrêmement, tandis qu'une grêle de feu accablait les ennemis de Rome. Ainsi se témoigna, aux premiers accents de la prière, la présence du Dieu invincible et irrésistible. Prenant donc en considération tout ceci, nous leur permettons d'être chrétiens, dans la crainte qu'ils n'obtiennent contre nous le secours d'aussi terribles armes. Ainsi je veux que l'on ne puisse pas accuser un de ces hommes à cause de sa qualité de chrétien. Que si quelqu'un accuse un chrétien à cause de sa religion, je veux que le chrétien soit renvoyé absous, s'il n'y a pas contre lui d'autre charge, et que le délateur soit brûlé vif. Quant aux chrétiens qui font profession de leur croyance, et qui prouvent qu'ils ne sont accusés qu'à cause de cette qualité, celui à qui l'administration de la province est confiée ne doit pas les forcer à quitter cette religion, ni les priver de la liberté. Je veux que cette constitution soit confirmée par un sénatus-consulte, et affichée dans le forum de Trajan, pour que le public puisse la lire. Notre préfet, Verasius Pollion, aura soin d'en envoyer des exemplaires dans toutes les provinces, et il sera libre à quiconque en désirera une copie, de la prendre sur l'affiche que nous avons ordonnée.








Justin, Apologie 68