1990 Directives sur la formation dans les instituts religieu 21

L'Église et le «sens de l'Église»

21 Il existe entre Marie et l'Eglise des liens multiples et étroits. Elle en est le membre le plus éminent et elle est sa Mère. Elle en est le modèle dans la foi, la charité et la parfaite union au Christ. Elle est pour elle un signe d'espérance sure et de consolation jusqu'à ce que vienne le jour du Seigneur (cf. LG 53,63) . La vie religieuse aussi entretient avec le mystère de l'Eglise un lien particulier. Elle appartient à sa vie et à sa sainteté(73). Elle «est une manière particulière de participer à la nature "sacramentelle" du Peuple de Dieu»(74). Son don total à Dieu «unit (le religieux) à l'Eglise et à son mystère de manière spéciale, le poussant à agir avec un dévouement total pour le bien de tout le corps»(75). Et l'Eglise, par le ministère de ses Pasteurs, «n'apporte pas seulement à la profession religieuse la sanction que lui donne la dignité d'un état canonique de vie; par sa liturgie, elle la présente encore comme un état de consécration à Dieu»(76).


22 Dans l'Eglise, religieuses et religieux reçoivent de quoi nourrir leur vie baptismale et leur consécration religieuse. En elle, ils prennent le pain de vie à la table de la Parole de Dieu et du Corps du Christ. C'est en effet au cours d'une célébration liturgique que saint Antoine, considéré à bon droit comme le père de la vie religieuse, entendit la parole vivante et efficace qui le décida à tout quitter pour se mettre à suivre le Christ(77). C'est dans l'Eglise que la lecture de la Parole de Dieu, accompagnée de la prière, établit le dialogue entre Dieu et le religieux(78) et provoque aux élans généreux et aux renoncements indispensables. C'est l'Eglise qui associe l'offrande que les religieuses et les religieux font de leur propre vie au sacrifice eucharistique du Christ(79). C'est par le sacrement de réconciliation célébré fréquemment enfin qu'ils reçoivent de la miséricorde de Dieu le pardon de leurs péchés et qu'ils sont réconciliés avec l'Eglise et avec leur propre communauté que leur péché a blessée(80). La liturgie de l'Eglise devient ainsi pour eux par excellence le sommet auquel tend toute une communauté et la source d'où découle sa vigueur évangélique (cf. SC 2,10) .


23 C'est pourquoi la tâche de formation se déroulera nécessairement en communion avec l'Eglise dont les religieux sont les fils et dans l'obéissance filiale à ses Pasteurs. L'Eglise, «laquelle est pleine de la Trinité»,(81) comme le dit Origène, est à l'image et dépendance de sa source, une communion universelle dans la charité. C'est d'elle que nous recevons l'Evangile qu'elle nous aide à déchiffrer, grâce à sa Tradition et à l'interprétation authentique du Magistère(82). Car la communion qu'est l'Eglise est organique(83). Elle se maintient grâce aux Apôtres et à leurs successeurs, sous l'autorité de Pierre, «principe et fondement visible et perpétuel de l'unité de foi et de communion»(84).


24 Il faudra donc développer chez les religieuses et les religieux une lanière de «sentir» non seulement «avec» mais, comme le dit aussi St.Ignace de Loyola, «dans» l'Eglise(85). Ce sens de l'Eglise consiste à avoir conscience tue l'on appartient à un peuple en marche. Un peuple qui prend sa source dans communion trinitaire; qui s'enracine dans une histoire; qui s'appuie sur le fondement des Apôtres et sur le ministère pastoral de leurs successeurs; qui reconnaît dans le successeur de Pierre le Vicaire du Christ et le chef visible de toute l'Eglise. Un peuple qui trouve dans l'Ecriture, la Tradition et le Magistère, le triple et unique canal par quoi la Parole de Dieu lui parvient; qui aspire l'unité visible avec les autres communautés chrétiennes non catholiques. Un peuple qui n'ignore ni les changements intervenus depuis des siècles, ni les diversités légitimes actuelles dans l'Eglise, mais qui s'applique plutôt à découvrir la continuité et l'unité, plus réelles encore. Un peuple qui s'identifie comme Corps du Christ et qui ne divise pas l'amour pour le Christ de celui qu'il doit avoir pour son Eglise, conscient qu'il représente un mystère, le mystère même de Dieu en Jésus Christ par son Esprit, répandu et communiqué à l'humanité d'aujourd'hui et de toujours. Un peuple, par conséquent, qui n'accepte pas d'être perçu ni analysé du seul point du vue sociologique ou politique, parce que la part la plus authentique de sa vie échappe à l'attention des sages de ce monde. Un peuple missionnaire enfin, qui ne se satisfait pas de voir l'Eglise demeurer un «petit troupeau», mais qui n'a de cesse que l'Evangile soit annoncé à toute personne humaine et que le monde sache qu'il n'y a pas sous le ciel d'autre nom donné aux hommes par lequel nous devions être sauvés (cf. Ac 4,12) , sinon celui de Jésus Christ (cf. LG 9) .


25 Le sens de l'Eglise comporte aussi le sens de la communion ecclésiale. En vertu de l'affinité qui existe entre la vie religieuse et le mystère d'une Eglise, dont l'Esprit Saint «assure l'unité (. . .) dans la communion et le service»,(86) les religieux, communauté ecclésiale, sont (...) appelés à être dans l'Eglise et dans le monde des experts de communion, témoins et artisans de ce projet de communion qui se trouve au sommet de l'histoire de l'homme selon Dieu(87). Et ceci, par la profession des conseils évangéliques, qui libère de toute entrave la ferveur le la charité et les fait devenir signe prophétique de la communion intime avec Dieu aimé souverainement, et par l'expérience quotidienne d'une communauté de vie, de prière et d'apostolat, composantes essentielles et distinctives de leur forme de vie consacrée, qui les rend signes de communion fraternelle(88). C'est pourquoi, surtout en cours de formation initiale, «la vie commune vue particulièrement en tant qu'expérience et témoignage de communion»(89) sera considérée comme un milieu indispensable et un moyen privilégié de formation.


La communauté

26 Au sein de l'Eglise et en communion avec la Vierge Marie, la communauté de vie joue un rôle privilégié dans la formation, quelles qu'en soient les étapes. Et la formation dépend en grande part de la qualité de cette communauté. Cette qualité ressort de son climat général et du style de vie de ses membres, en conformité avec le caractère propre et l'esprit de l'institut. C'est dire qu'une communauté sera ce que ses membres la feront, qu'elle a ses exigences propres et qu'avant que l'on s'en serve comme moyen de formation, elle mérite d'être aimée et servie pour ce qu'elle est dans la vie religieuse, telle que l'Eglise la conçoit. L'inspiration fondamentale demeure évidemment la première communauté chrétienne, fruit de la Pâque du Seigneur(90). Mais en tendant vers cet idéal, il faut être conscient de ses exigences. Un humble réalisme et la foi doivent animer les efforts de formation à la vie fraternelle. La communauté est constituée et le demeure non pas parce que ses membres se trouvent heureux ensemble par affinité de pensée, de caractère ou d'options, mais parce que le Seigneur les a rassemblés et les tient unis par une commune consécration et pour une mission commune dans l'Eglise. A la médiation particulière exercée par le supérieur, tous adhèrent dans une obéissance de foi(91). Par ailleurs, on ne saurait oublier que la paix et la joie pascales d'une communauté sont toujours le fruit de la mort à soi-même et de l'accueil du don de l'Esprit(92).


27 Une communauté est formatrice dans la mesure où elle permet à chacun de ses membres de croître dans la fidélité au Seigneur selon le charisme de l'institut. Pour cela, les membres doivent avoir clarifié ensemble les raisons d'être et les objectifs fondamentaux de cette communauté, leurs rapports interpersonnels seront empreints de simplicité et de confiance, étant basés principalement sur la foi et sur la charité. A cet effet, la communauté se construit chaque jour sous l'action de l'Esprit Saint en se laissant juger et convertir par la Parole de Dieu, purifier par la pénitence, construire par l'Eucharistie, vivifier par la célébration de l'année liturgique. Elle accroît sa communion par l'entraide généreuse et par l'échange continu des biens matériels et spirituels, en esprit de pauvreté et grâce à l'amitié et au dialogue. Elle vit profondément l'esprit du fondateur et la règle de l'institut. Les supérieurs considéreront comme leur mission propre de chercher à édifier cette communauté fraternelle dans le Christ (cf. c. 619). Alors, conscient de sa responsabilité au sein de la communauté, chacun est stimulé à croître, non seulement pour lui-même mais pour le bien de tous(93). Religieuses et religieux en formation doivent pouvoir trouver au sein de leur communauté une atmosphère spirituelle, une austérité de vie et un élan apostolique susceptibles de les entraîner à suivre le Christ selon le radicalisme de leur consécration. Il convient de rappeler ici les termes du message du Pape Jean Paul II aux religieux du Brésil: «Il sera donc bon que les jeunes, pendant la période de formation, résident dans des communautés où ne doit manquer aucune des conditions exigées pour une formation complète: spirituelle, intellectuelle, culturelle, liturgique, communautaire et pastorale; conditions qui sont rarement toutes réunies dans les petites communautés. Il est donc toujours indispensable, en conséquence, d'aller puiser dans l'expérience pédagogique de l'Eglise tout ce qui peut faire réussir et enrichir la formation, dans une communauté adaptée aux personnes et à leur vocation religieuse, le cas échéant à leur vocation sacerdotale» (IDGP IX, 2, pp. 243-44).


28 Il faut ici évoquer le problème posé par l'insertion d'une communauté religieuse de formation dans un milieu pauvre. De petites communautés religieuses insérées en milieu populaire, dans la périphérie des grandes villes ou dans les zones plus intérieures et plus pauvres de la campagne, peuvent être une expression significative de «l'option préférentielle pour les pauvres», car il ne suffit pas de travailler pour eux, mais il s'agit de vivre avec eux et, autant que possible, comme eux. Cette exigence doit toutefois être modulée selon la situation où se trouvent religieuses et religieux eux-mêmes. Il faut d'abord affirmer qu'en règle générale les exigences de la formation doivent prévaloir sur certains avantages apostoliques de l'insertion en milieu pauvre. La solitude et le silence, par exemple, indispensables pendant tout le temps de formation initiale, doivent pouvoir être réalisés et maintenus. D'autre part, le temps de formation comprend des périodes d'activités apostoliques où cette dimension de la vie religieuse pourra s'exprimer, à condition que ces petites communautés insérées répondent à certains critères qui assurent leur authenticité religieuse. A savoir: qu'elles offrent la possibilité de vivre une véritable vie religieuse en accord avec les finalités de l'institut; que, dans ces communautés, la vie de prière communautaire et personnelle et, par conséquent, des temps et des lieux de silence, puissent être maintenus; que les motivations de la présence de ces religieuses et religieux soient d'abord évangéliques; que ces communautés soient toujours disponibles pour répondre aux exigences des supérieurs de l'institut; que leur activité apostolique ne réponde pas d'abord à un choix personnel, mais à un choix de l'institut, en harmonie avec la pastorale diocésaine dont l'Evêque est le premier responsable. Il faut retenir enfin que, dans les cultures et pays où l'hospitalité constitue une valeur particulièrement appréciée, la communauté religieuse en tant que telle doit pouvoir disposer de toute son autonomie et indépendance par rapport aux hôtes, du point de vue du temps et des lieux. Cela est sans doute plus difficile à réaliser dans des habitations religieuses de dimension modeste, mais doit être pris en considération quand la communauté établit son projet de vie communautaire.


Le religieux lui-même: responsable de sa formation

29 Mais c'est le religieux lui-même qui détient la responsabilité première de dire «oui» à l'appel qu'il a reçu et d'accepter toutes les conséquences de cette réponse, qui n'est pas d'abord d'ordre intellectuel, mais bien plutôt d'ordre vital. L'appel et l'action de Dieu, comme son amour, sont toujours nouveaux, les situations historiques ne se répètent jamais. L'appelé est donc sans cesse invité à donner une réponse attentive, nouvelle et responsable. Son cheminement rappellera celui du Peuple de Dieu en Exode, en même temps que la lente évolution des disciples «lents à croire»(94), mais qui finissent par brûler de ferveur quand le Seigneur ressuscité se révèle à eux(95). C'est dire à quel point la formation du religieux devra être personnalisée. Il s'agira donc d'en appeler vigoureusement à sa conscience et à sa responsabilité personnelle pour qu'il intériorise les valeurs de la vie religieuse et en même temps la règle de vie qui lui est proposée par ses maîtres et maîtresses de formation. II trouvera ainsi en lui-même la justification de ses options pratiques et dans l'Esprit créateur son dynamisme fondamental. Un juste équilibre est donc à trouver entre la formation du groupe et celle de chaque personne, entre le respect des temps prévus pour chaque phase de la formation et leur adaptation au rythme de chacun.


Les éducateurs ou formateurs:

supérieurs, responsables divers de formation

30 L'Esprit de Jésus ressuscité se fait présent et agissant à travers un ensemble de médiations ecclésiales. Toute la tradition religieuse de l'Eglise atteste le caractère décisif du rôle des éducateurs pour la réussite de l'oeuvre de nation. Leur rôle est de discerner l'authenticité de l'appel à la vie religieuse dans la phase initiale de formation et d'aider les religieux à bien conduire leur dialogue personnel avec Dieu, en même temps que de découvrir les voies dans lesquelles Dieu semble vouloir les faire avancer. Il leur revient aussi d'accompagner le religieux sur les routes du Seigneur(96) à travers un dialogue direct et régulier, dans le respect de la compétence du confesseur et du directeur spirituel strictement dit. L'une des tâches principales des responsables de formation est d'ailleurs de veiller à ce que les novices et les jeunes professes et profès soient activement suivis par un directeur spirituel. Ils doivent aussi offrir aux religieux une solide nourriture doctrinale et pratique, en fonction des étapes de formation où ils se trouvent. Il leur faut enfin vérifier et évaluer progressivement le cheminement accompli par ceux dont ils ont la charge, à la lumière des fruits de l'Esprit, et juger aussi si l'appelé a les capacités exigées à tel moment par l'Eglise et par l'institut.
En plus d'une bonne connaissance de la doctrine catholique concernant la foi et les moeurs, l'exigence de qualités appropriées apparaît donc évidente pour ceux qui assument des responsabilités de formation:
capacité humaine d'intuition et d'accueil;
expérience développée de Dieu et de la prière;
sagesse qui dérive de l'écoute attentive et prolongée de la Parole de Dieu;
amour de la liturgie et compréhension de son rôle dans l'éducation spirituelle et ecclésiale;
compétence culturelle nécessaire;
disponibilité de temps et de bonne volonté pour se consacrer au soin personnel de tous les candidats et non seulement du groupe(97).
Cette tâche requiert donc sérénité intérieure, disponibilité, patience, compréhension et une affection véritable pour ceux qui ont été confiés à la responsabilité pastorale de l'éducateur.


32 S'il existe, sous la responsabilité personnelle du responsable de formation, une équipe formatrice, les membres doivent agir en accord, vivement conscients de leur commune responsabilité. «Sous la conduite du supérieur, qu'ils soient en étroite communion d'esprit et d'action et forment entre eux et avec ceux qu'ils ont à former une famille unie»(98). Non moins nécessaires sont la cohésion et la collaboration continue entre les responsables des diverses étapes de la formation. L'oeuvre de formation tout entière est le fruit de la collaboration entre les responsables de formation et leurs disciples. S'il reste vrai que le disciple assume une grande part de responsabilité, cette dernière ne peut s'exercer qu'à l'intérieur d'une tradition spécifique, celle de l'institut, dont les responsables de formation sont les témoins et les acteurs immédiats.


B) LA DIMENSION HUMAINE ET CHRÉTIENNE DE LA FORMATION

33 Le Concile Vatican II, en sa déclaration sur l'éducation chrétienne, a énoncé les buts et les moyens de toute véritable éducation au service de la famille humaine. Il importe de les garder présents à l'esprit dans l'accueil et la formation des candidats à la vie religieuse, la première exigence de cette formation étant de pouvoir rencontrer chez la personne un présupposé humain et chrétien. Plusieurs échecs dans la vie religieuse peuvent en effet être attribués à des failles non perçues ou non comblées en ce domaine. Non seulement l'existence de cette base humaine et chrétienne doit être vérifiée à l'entrée dans la vie religieuse, mais il faut assurer les mises au point utiles tout au long du cycle de formation, en fonction de l'évolution des personnes et des événements.

34 La formation intégrale de la personne comporte une dimension physique, morale, intellectuelle et spirituelle. Ses finalités et ses exigences sont connues. Le Concile Vatican II les rapporte dans la constitution pastorale Gaudium et spes (99) et la déclaration sur l'éducation chrétienne Gravissimum educationis(100). Le décret sur la formation des prêtres Optatam totius propose des critères permettant de juger du niveau de maturité humaine requise des candidats au ministère presbytéral(101). Ces critères peuvent s'appliquer aisément aux candidats à la vie religieuse, vu la nature de cette dernière et la mission que le religieux est appelé à remplir dans l'Eglise. Le décret Perfectae caritatis sur le renouveau adapté de la vie religieuse rappelle enfin l'enracinement baptismal de la consécration religieuse(102) et de ce fait, implicitement, conduit à n'admettre au noviciat que des candidats qui vivent déjà, d'une façon adaptée à leur âge, tous les engagements de leur baptême. Et de même, une bonne formation à la vie religieuse devrait confirmer, à toutes les étapes de la vie et notamment dans les périodes les plus difficiles où l'on est appelé à choisir à nouveau librement ce qui l'a été une fois pour toutes, la profession de foi et les engagements du baptême.


35 Quelque insistance que mette le présent document sur la dimension culturelle et intellectuelle de la formation, la dimension spirituelle demeure prioritaire. «La formation religieuse, dans ses différentes phases initiale et permanente, a comme but principal d'immerger les religieux dans l'expérience de Dieu et de les aider à perfectionner progressivement celle-ci dans leur propre vie»(103).



C) L'ASCÈSE

36 «La marche à la suite du Christ conduit à partager toujours plus consciemment et concrètement le mystère de sa passion, de sa mort et de sa résurrection. Le mystère pascal doit être comme le coeur des programmes de formation, en tant que source de vie et de maturité. C'est sur ce fondement que se forme l'homme nouveau, le religieux et l'apôtre»(104). Ceci nous amène à rappeler l'indispensable nécessité de l'ascèse dans la formation et la vie des religieux. Dans un monde d'érotisme, de consommation et d'abus de pouvoir de toutes sortes, il faut des témoins du mystère pascal du Christ, dont la première étape passe obligatoirement par la croix. Ce passage conduit à inscrire au programme d'une formation intégrale une ascèse personnelle quotidienne qui porte candidats, novices et profès à l'exercice des vertus de foi, d'espérance, de charité, de prudence, de justice, de force et de tempérance. Ce programme n'a pas d'âge et ne peut passer de mode. Il est toujours actuel et toujours nécessaire. On ne peut vivre son baptême sans l'adopter et encore moins être fidèle à sa vocation religieuse. Il sera d'autant plus suivi si, comme tout l'ensemble de la vie chrétienne, il est motivé par l'amour de Notre Seigneur Jésus Christ et par la joie le servir. De plus, le peuple chrétien a besoin d'entraîneurs qui l'aident à parcourir la «voie royale de la Sainte Croix». Il a besoin de témoins qui renoncent ce que St. Jean appelle «le monde» et «ses convoitises» et aussi à ce "monde" créé et conservé par l'amour du Créateur et à certaines de ses valeurs. Le Royaume de Dieu, dont la vie religieuse «manifeste qu'il dépasse toutes les choses d'ici-bas»,(105) n'est pas de ce monde. Il faut des témoins qui le disent. Naturellement, cela suppose en cours de formation une réflexion sur le sens chrétien de l'ascèse et des convictions correctement fondées sur Dieu et ses rapports avec le monde sorti de ses mains, car il s'agit de se garder à la foi d'un optimisme béat et naturaliste d'une part, et d'un pessimisme oublieux du mystère du Christ créateur et rédempteur du monde, d'autre part.


37 L'ascèse, d'ailleurs, qui comporte un refus de suivre nos pulsions et instincts spontanés et primaires, est une exigence anthropologique avant d'être spécifiquement chrétienne. Les psychologues font remarquer que les jeunes, surtout, ont besoin pour structurer leur personnalité de rencontrer des résistances (éducateurs, règlement, etc.). Mais ceci ne vaut pas seulement pour les jeunes car la structuration d'une personne n'est jamais achevée. La pédagogie mise en oeuvre dans la formation des religieuses et des religieux devra les aider à entreprendre avec enthousiasme un cheminement qui réclame quelque effort. C'est ainsi que Dieu lui-même conduit la personne humaine qu'il a créée.

38 L'ascèse inhérente à la vie religieuse appelle, entre autres éléments, une initiation au silence et à la solitude, y compris dans les instituts voués à l'apostolat. «Qu'on garde fidèlement cette loi de toute vie spirituelle en ces instituts, qui consiste à établir, dans le cours de sa vie, une alternance convenable entre des temps réservés à la solitude avec Dieu et des temps consacrés aux diverses activités et aux relations humaines qu'elles entraînent»,(106). La solitude, si elle est librement assumée, conduit au silence intérieur et celui-ci appelle le silence matériel. Le règlement de toute communauté religieuse, et pas seulement des maisons de formation, doit absolument prévoir des temps et des lieux de solitude et de silence, pour favoriser l'écoute et l'assimilation de la Parole de Dieu en même temps que la maturation spirituelle de la personne et une vraie communion fraternelle dans le Christ.



D) SEXUALITÉ ET FORMATION

39 Les générations d'aujourd'hui ont souvent grandi dans une complète mixité, sans que garçons et filles soient toujours aidés à connaître leurs richesses et leurs limites respectives. Les contacts apostoliques de tous genres, la plus grande collaboration qui s'est instaurée entre les religieuses et les religieux, aussi bien que les courants culturels actuels, rendent particulièrement utile une formation en ce domaine. La mixité précoce et la collaboration étroite et fréquente ne sont pas en effet nécessairement un garant de maturité dans les relations entre les uns et les autres. Il conviendra donc de prendre les moyens de promouvoir cette maturité et de l'affermir en vue d'éduquer à la pratique de la chasteté parfaite. De plus, hommes et femmes ont à prendre conscience de leur situation spécifique dans le plan de Dieu, de la contribution originale qu'ils apportent respectivement à l'oeuvre du salut. Aussi offrira-t-on aux futurs religieux la possibilité d'une réflexion sur la place de la sexualité dans le dessein divin de création et de salut. Dans ce contexte, on exposera et comprendra les raisons justifiant que soient écartés de la vie religieuse celles et ceux qui ne parviendraient pas à maîtriser des tendances homosexuelles ou qui prétendraient pouvoir adopter une troisième voie «vécue comme un état ambigu entre le célibat et le mariage»(107).


40 Dieu n'a pas fait un monde indifférencié. Créant l'homme à son image et ressemblance ( Gn 1,26-27) , en tant que créature raisonnable et libre, capable de le connaître et de l'aimer, il ne l'a pas voulu solitaire, mais en relation avec une autre personne humaine, la femme (Gn 2,18) . Entre les deux s'établit une relation réciproque, de l'homme à l'égard de la femme et de la femme à l'égard de l'homme»(108). «La femme est un autre moi dans leur commune humanité»(109) et c'est pourquoi «l'homme et la femme sont appelés depuis le commencement, non seulement à exister l'un à coté de l'autre, ou bien ensemble, mais aussi à exister réciproquement l'un pour l'autre»(110). On comprendra sans peine l'intérêt de ces principes anthropologiques lorsqu'il s'agit de former celles et ceux qui, par une grâce spéciale, ont fait librement profession de chasteté parfaite à cause du Royaume des cieux.


41 «Une étude approfondie des fondements anthropologiques de la condition masculine et féminine» amènera à «préciser l'identité personnelle propre de la femme dans sa relation de diversité et de complémentarité réciproque avec l'homme; et cela non seulement pour ce qui regarde les rôles à jouer et les fonctions à assumer, mais aussi et plus profondément pour ce qui regarde la structure de la personne et sa signification»(111). L'histoire de la vie religieuse témoigne que beaucoup de femmes, dans le cloître et dans le monde, y ont trouvé un lieu idéal de service de Dieu et des hommes, les conditions favorables à l'épanouissement de leur propre féminité et en conséquence une plus profonde compréhension de leur identité. Cet approfondissement est encore à poursuivre grâce à la réflexion théologique et à «l'apport offert par les différentes sciences humaines et les diverses cultures»(112).
On ne saurait oublier enfin, pour une meilleure perception de la spécificité de la vie religieuse féminine, que «la figure de Marie de Nazareth projette une lumière sur la femme en tant que telle, du fait même que Dieu, dans le sublime événement de l'Incarnation du Fils, a eu recours au service libre et actif d'une femme. On peut donc affirmer que la femme, si elle regarde Marie, trouve en elle le secret pour vivre dignement sa féminité et réaliser sa véritable promotion. A la lumière de Marie, l'Eglise découvre sur le visage de la femme les reflets d'une beauté qui est comme le miroir des sentiments les plus élevés dont le coeur humain soit capable: la plénitude du don de soi suscité par l'amour, la force qui sait résister aux plus grandes souffrances, la fidélité sans limite et l'activité inlassable, la capacité d'harmoniser l'intuition pénétrante avec la parole de soutien et d'encouragement»(113).




CHAPITRE III


LES ETAPES DE LA FORMATION DES RELIGIEUX


A) L'ETAPE PRÉALABLE A L'ENTRÉE AU NOVICIAT SA RAISON D'ETRE

42 Dans les circonstances actuelles et de façon assez générale, on peut dire que le diagnostic de Renovationis causam(114) conserve toute son actualité: «La plupart des difficultés rencontrées de nos jours dans la formation des novices proviennent du fait que ceux-ci ne possèdent pas, au moment de leur admission au noviciat, ce minimum de maturité nécessaire». Certes, on ne demande pas à un candidat à la vie religieuse d'être en état d'assumer immédiatement toutes les obligations des religieux, mais il doit être jugé capable d'y entrer progressivement. Pouvoir juger de cette capacité justifie que l'on se donne le temps et les moyens d'y parvenir. Telle est la finalité de l'étape préparatoire au noviciat, quel que soit le nom qu'on lui donne: postulat, pré-noviciat, etc. Il revient uniquement au droit propre des instituts d'en préciser les modalités d'exécution mais, quoiqu'il en soit, «nul ne peut être admis sans une préparation convenable»(115).



Son contenu

43 Compte tenu de ce qui sera dit (nn. 86ss.) sur la situation des jeunes dans le monde moderne, cette étape préparatoire, qu'il ne faut pas craindre de prolonger, devra s'attacher à vérifier et à clarifier quelques points qui permettront aux supérieurs de se prononcer sur l'opportunité et le moment de l'admission au noviciat. On veillera à ne pas précipiter l'échéance de cette admission ni à la différer indûment, pourvu que l'on parvienne à porter un jugement certain sur les garanties offertes par la personne des candidats.
L'admission comporte des conditions que fixe le droit général et le droit propre peut y en ajouter d'autres(116). Les points évoqués par le droit sont les suivants:
le degré de maturité humaine et chrétienne(117) requis pour que le noviciat puisse être entrepris sans devoir rétrograder au niveau d'un cours de formation générale de base ou d'un simple catéchuménat. Il arrive en effet que les candidats qui se présentent n'aient pas tous achevé leur initiation chrétienne (sacramentelle, doctrinale et morale) et manquent de quelques éléments d'une vie chrétienne ordinaire; la culture générale de base, qui doit correspondre à celle que l'on attend généralement d'un jeune qui a achevé une scolarité normale dans le pays. Il faut notamment que les futurs novices pratiquent avec facilité la langue en usage au cours du noviciat. S'agissant de la culture de base, il conviendra toutefois de tenir compte de la situation de certains pays ou milieux sociaux, où le taux de scolarisation est encore relativement bas et où, cependant, le Seigneur appelle des candidats à la vie religieuse. Il faudra alors, en même temps, être attentif à promouvoir la culture sans l'assimiler à une culture étrangère. C'est à l'intérieur de leur propre culture que candidates et candidats ont à reconnaître l'appel du Seigneur et à y répondre de façon originale; l'équilibre de l'affectivité, notamment l'équilibre sexuel, qui suppose l'acceptation de l'autre, homme ou femme, dans le respect de sa différence. On pourra éventuellement recourir aux services d'un examen psychologique, compte tenu du droit de quiconque à préserver son intimité;(118) la capacité de vivre en communauté sous l'autorité des supérieurs, dans tel institut. Cette capacité sera certes mieux vérifiée en cours de noviciat; mais la question doit être posée avant. Les candidats doivent notamment savoir qu'il existe d'autres voies que celle d'entrer dans un institut religieux pour qui veut donner toute sa vie au Seigneur.



Les formes de réalisation

44 Elles peuvent être diverses: accueil dans une communauté de l'institut, sans pour autant en partager toute la vie, sauf la communauté du noviciat qui est déconseillée pour cela, le cas des moniales étant mis à part sur ce point; périodes de contacts avec l'institut ou l'un de ses représentants; vie commune dans une maison d'accueil pour candidats, etc. Mais aucune de ces formes ne doit laisser croire que les intéressés sont déjà devenus membres de l'institut. Et, de toute façon, l'accompagnement personnel des candidates et candidats a plus d'importance que les structures d'accueil.
Un ou plusieurs religieux pourvus de la qualification nécessaire seront désignés par les supérieurs pour l'accompagnement des candidats et le discernement de leur vocation. Ils collaboreront activement avec les maîtres et maîtresses des novices.


B) LE NOVICIAT ET LA PREMIÈRE PROFESSION


But

45 «Le noviciat, par lequel commence la vie dans l'institut, est ordonné à ce que les novices aient une meilleure connaissance de la vocation divine telle qu'elle est propre à l'institut, qu'ils fassent l'expérience du genre de vie de l'institut, qu'ils imprègnent de son esprit leur pensée et leur coeur, et que soient éprouvés leur propos et leur idonéité»(119). Compte tenu de la diversité des charismes et des instituts, on pourrait, en d'autres termes, définir le but du noviciat comme un temps d'initiation intégrale à la forme de vie que le Fils de Dieu a embrassée et qu'il nous propose dans l'Evangile,(120) dans l'un ou l'autre aspect de son service ou l'un ou l'autre de ses mystères(121).




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